Affichage des articles dont le libellé est écriture. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est écriture. Afficher tous les articles

vendredi 24 octobre 2025

J'adore un dieu Néant

Il reste tant à élucider en la cendre noire des souffrances... Je me suis pris d'amour de mourir alors à quoi bon reculer... maintenant. Maintenant que la brûlure est partout, dansante sur les murs, accrochée à mes cieux, lovée au creux du cœur, radiant de mes regards -- et met le monde en flamme.

Il faut vivre un peu pour comprendre. Qu'il n'y a rien à comprendre; que les gens sont minables parce que la douleur se projette alentours, parce qu'il FAUT, parce qu'on DOIT exprimer le tourment, et que toute âme ahane sur un rythme effréné l'impondérable solitude des consciences, l'idée -- qu'on n'ose regarder bien en face -- que l'homme est un enfer.

Mais il est de ces êtres en qui l'embrasement génère une violence qui se tourne en-dedans, implose l'âme en peine, et creuse et fore un lourd trou noir. Et c'est alors un double-enfermement redoublant la conscience, l'horizon du tourment ravale la lumière, et le train des lueurs circonvolute, vain, en des signes du Beau observé par soi-même. Et qu'on se hait alors, dans ce palais hyalin où tout se réverbère, où toute la lumière ramène au centre impossible de soi.

Heureusement que la souffrance est là, éternelle, un néant sur fond duquel émerge tout l'être qui déborde en des larmes de mondes -- ces mêmes mondes où de petites lueurs d'âme grouillent, s'entrechoquent et se dévorent de solitude et de tristesse. Ô combien je comprends les dieux, les cris de l'agonie produisent, quand on les capte au bon moment, sous le bon prisme sensoriel, d'incomparables harmonies. Nous sommes tous dans cet enfer cosmique pour jouer notre partition, et tous nos cris forment une symphonie qui justifie toutes les peines, toutes les déchirures du temps, la pourritude qui ronge, l'amour qui s'évanouit dans un éclair de vérité -- le vertige indicible de regarder le temps délier tous les nœuds des choses et des êtres... 

Il fallait que tout ça arrive, autrement... Autrement point d'entropologie, point de chantiers dévastés où demeurent plantés dans le sol du néant la teratographie de ceux qui s'essaient à créer. Des rangées de monstruosités difformes, polymèles, acéphales, et parfois qui vous crèvent le regard, même paupières fermées, tant est si beau l'élan des humains qui s'entraiment. Parmi les hommes combien s'immolent à ce désir de s'unir à autrui, de percer la cloison, s'aboucher à une âme, s'absoudre des pêchés qui nous rivent aux braises, décollent notre peau, nous font  errer à vif?

J'ai beau me plaindre je ne changerais pour rien l'ordalie qui lie mes lettres l'une à l'autre en cousant un linceul de mots: qu'il devienne ma peau, il a au moins pour lui de ne pas emporter la saleté de la vie, l'odeur de la chair, la maladie qui dévore. Les mots ne sont rien et pour cela ils sont mon idéal, ce que j'ai toujours rêvé pour moi-même sans pouvoir l'accomplir. 

Ce soir je me perds encore un peu dans le dédale de ce pays sans borne, je frotte ma peau aux épines qui percent l'épiderme se gorgeant de mon sang comme une plume d'encre. C'est de ma vie, de ma joie, de toute cette vaine formation d'unité que j'écris ma nature -- ma vraie nature, pas cette parodie d'existence qu'est la vie animale où tout se fond dans l'oubli minéral. Non je parle de la vraie nature qui est de se dissoudre à devenir idée, signe. Je parle d'une mutation plus radicale que celle du génome, capable de résoudre l'équation, d'offrir le résultat si beau du rien, du zéro qui contient l'infini.

Je cherche à me défaire de moi et pour cela je nage en la souffrance, yeux grands ouverts, j'observe les abysses où meure la lumière. Je veux m'éteindre, comme elle, dans l'horizon lointain, là où tout n'est qu'idée de tout ce qui n'est pas -- pas même pensable, pas même infinitésalement possible.

J'adore un dieu Néant, car il est la seule chose à mériter le pieux nom d'Être.

Et laissez-moi me vanter, laissez-moi vous dire à quel point je suis différent de vous; vous qui trouvez en vos vie du sens, vous qui aimez le monde et gardez bon espoir. Votre regard ne passe pas le voile, ne sait voir en l'abîme. Et oui je prétends moi mieux voir, laissez-moi donc tourner en avantage ce qui est anathème.  Il faut bien justifier un tant soit peu ce que l'on est, et puis faire croire aux gens que c'est un don unique, inestimable, que de voir à toute heure l'ombre manger le jour. Car je regarde la lumière, et l'ombre la domine: au cœur et tout autour... Voilà ce que saisit mon âme, voilà ce que veulent empoigner mes mains qui crachent, comme incisions sur le réel, la forme sombre des mots.

J'adore un dieu Néant -- pouvez-vous seulement imaginer à quoi il ressemble? Pouvez-vous concevoir un néant? Je n'ai pas d'autre but et point d'autres élans. J'adore un dieu Néant.

J'adore un dieu Néant. 

vendredi 25 juillet 2025

Aux âmes languissantes

 Poursuivre l'ourdissage de l'œuvre à travers la calligraphie de l'âme peut désormais se faire sans la notion du moi, de cette identité qu'on cherche en ce reflet d'un style. On peut attacher la même valeur à ces formes qui séduisent sans pour autant soumettre la démarche à la saisie du moi. Il doit être possible de témoigner d'un degré d'obsession toujours aussi élevé quand bien même il ne s'agirait pas de soi, mais simplement de tracer les formes de ce Beau qui fait la clef de nos rêves -- l'espoir d'une valeur pour éclairer le vain mécanisme des choses.

On peut véritablement vivre sans l'idée d'un égo, sans que cela ne change grand-chose dans le déroulement de ce rendez-vous manqué du destin. Il n'y a pas de rendez-vous. Il n'y a que l'exécution d'un écheveau de lois qui fait d'un être le miroir de l'Être qui se mire et se divise afin d'être moins seul.

Le néant est la seule compagnie de l'Être. Je chemine au creux du néant, sans cesse renouvelé. Je suis le sans-identité, sans-substance, celui qui toujours observe ce qui ne saurait être lui: la condition de possibilité du Même et de l'Autre.

Lorsque j'ai cru vouloir me transsubstantier en un lacet de mots, je n'avais pas compris alors que tout ce que je désirais, ce n'était déjà plus être, mais pouvoir contempler encore, toujours plus, cette beauté des astres où j'ensorcelle mon regard  -- ô sommet de Babel, horizon-miroir du verbe.

Je ne cherche plus à exister mais à graver d'interminables calliglyphes les cent milliards de cahiers de mon âme -- et que tout ce qui vaque autour de moi, encore dépourvu de mon signe, se trouve sidéré tel un profond minuit de voie lactée.

Désirer s'abolir... et vider la lueur des cieux pour l'y celer en prose aphoristique; que toute la lumière du monde se love en mon poème -- qu'il me fasse univers, ainsi qu'à tous les déroutés du monde, gyrovagues acosmiques que les dogmes d'une science naturalisée ennuient.

Je produirai la houle d'océans innombrables pour que jamais, jamais plus, cette soif qui nous ronge, et néanmoins nous porte par-delà le même, ne trouve un refuge où s'abreuver sans s'éteindre.

Que toute ma durée soit ivresse du présent aux âmes languissantes. 

lundi 7 juillet 2025

Cours préparatoire

À mes yeux, je sais qu'un jour viendra... tu seras chose unique, embrumée de lumière, en halo singulier dans le ciel obscurci. Un jour... Toutes les étoiles déchues des nuits spatiales te seront un décor pour allumer un feu -- en moi. Il n'y aura plus que toi, et chaque geste de la vie, les actions commandées, l'énergie consentie, seront tous les prétextes à emprunter les ponts menant vers ta clarté.

De mes premiers regards sur tes formes d'éthiops les choses n'ont pas changé; j'avais trouvé la forme pour me pétrifier d'éternité, c'était si clair et si soudain: j'avais élu l'entrelacs de tes bras pour y saisir une âme à laquelle aspirer. Car aimer c'est vouloir se dissoudre en l'objet contemplé.

Les femmes que j'ai aimé furent les femmes que j'étais; mais il y avait encore trop de nature en elles, et je pouvais, par là, me passer de l'histoire. À travers toi, par contre, c'est bien l'œuvre des hommes qui m'élève à l'extase. Et je sais désormais que je suis bien humain à mesure que mon âme imprime en l'usine des jours ce poème où j'inhume un feu de ma durée.

mercredi 25 juin 2025

Exhaustion

Ai-je dit ce que j'avais à dire? Ai-je exhalé à travers le filtre des mots l'âcre fumée de mon âme et ses volutes intranquilles? Je ne saurais le dire. Il m'arive parfois, de me sentir poussiéreuse bibliothèque aux couleurs sombres, surrannées. Le bois verni cotoyant le vert pur du cuir de fauteuils et d'abats-jours en verre fumé. À travers les rayons obliques d'un soleil diaprant le sol, je m'ébats dans le flottement lénifiant de particules suspendues -- celles-là même qui furent l'analogie propitiatoire à l'ontologie atomiste. Il n'y a personne en moi, je suis cet édifice, enceinte du silence où seule se meut la part inorganique du monde.

Je n'ai rien à dire. Je l'écris tout de même: on n'écrit jamais mieux que ce qui ne se peut dire. Je suis vide de toute connaissance et mes rayons portent en eux les couches superposées du savoir dépourvu de conscience: toute la science n'est qu'arabesques et ondes acoustiques.

Mais tout discours n'est-il pas seulement ça? De quel droit nommé-je ces pages un journal?

La forme, le fond: des propriétés émergentes.

mardi 24 juin 2025

Spondanomancie

J'écris pour projeter dans le monde autre chose que ma pathétique et vieillisante carcasse. Il m'a été donné de jeter mondainement des parties de cette vie biologique qui ne veut rien dire: j'ai donné du plaisir, expulsé violemment le code source d'un programme dont je ne suis que l'insipide et innombrable itération. Tout cela n'est pas moi. Ce moi que je crois être l'âme doit lui aussi trouver un chemin en l'ordre des phénomènes. Je n'ai trouvé mieux que les mots et leur musique pour être le sémaphore d'une âme spectrale et putative.

L'écriture est envoûtement: on injecte la temporalité dans ce qui n'en a pas, le rythme et l'harmonie dont le poème est hyménée. Tous ces poèmes n'ont aucune existence intrinsèque, ils ne sont que la relation qu'une âme entretient à elle-même à travers le texte. La littérature est un miroir par où se dérobe aussi l'existence de qui n'a pas d'en-soi.

Il serait toutefois injuste de dire que tout cela n'a nulle valeur; en fait, contempler cette grammaire est un travail de spondanomancien: dans les débris que le vide a laissé sur le monde, une esthétique du sens érige laborieusement le récit d'une tragédie -- nul ne peut demeurer insensible à celle-ci car elle ne sait être autre chose que celle de toutes les consciences.

mercredi 9 octobre 2024

Comme il ne faut pas écrire

L'écriture contemporaine est uniment médiocre: elle est le juste milieu entre tous les styles (familier, soutenu, etc.), c'est-à-dire qu'elle est précisément absence de style. On y donne les informations de manière immédiate, sans la médiation d'un monde, d'une temporalité qui s'impose à vous comme une loi physique. Il faut tout dire, et vite. On distingue les rouages de l'intrigue car on voit à travers cette écriture qui n'a plus d'épaisseur et de substance. Lire une ligne de cette littérature c'est connaître l'ensemble des œuvres à la mode. La narration s'étale, monotone, sur la surface plane du récit qui ne constuit aucun sommet difficile, aucun abîme insondable. Le roman d'aujourd'hui est une surface pure, une apparence qui ne fait signe vers rien, vers aucune transcendance véritable car la signification se donne tout entière, à chaque instant, sans besoin de dévoilement.

Probablement, un jour, quand les choses ici-bas iront mieux, une autre époque se penchera sur la nôtre et se dira: c'est comme cela qu'il ne faut pas écrire.

On n'écrit pas un roman comme on ferait visiter son âme à un psychiatre, par de maladroites et infantiles allégories.

mercredi 11 septembre 2024

Entre les îles

S'il me faut dire, encore une fois, dans ce métalangage qu'est la conscience, et d'où jaillit ce méta-texte de ma prose, que tout ceci n'est qu'un brouillon, les traces d'un chemin que d'autres, peut-être, poursuivront aussi, alors ainsi soit-il. Il est tentant, parfois, d'effacer derrière soi, les traces qui nous font pitié, celles-là qui dissonnent, d'après nous, dans la mélodie de nos vœux. Pourtant mentir n'est pas envisageable, devenir comme tant d'autres, fardé d'illusions cosmétiques, vouloir paraître plus que l'on n'est, singer la perfection interdite, et faire de son image un songe irréfragable... Oh non à cela je renonce, préférant me montrer dans l'étendue de mon désastre, capable par moments de brefs éclats de nuit, profonde comme le vide, fenêtre ouverte sur la transcendance. Il est utile de montrer à autrui la médiocrité qui nous fait -- comme lui, comme chacun, et le monde...

Pourchasser l'absolu prend plus, bien plus, que tout le temps d'une vie; et ce sont tous ces petits pas, parfois aussi, tous ces faux-pas, qu'il faut inscrire sur son curriculum vitae, sans fard, sans honte, parce que l'on n'est jamais que ce projet d'être un jour ce qu'on ne saurait devenir...

Promettre, et échouer, voilà la vie d'artiste, mais que son rêve soit si haut que même certains échecs ressemblent à d'autres des succès, des objets qui se donnent, presque tout immédiatement, dans leur entière finalité. Devenir, soi-même comme une nature, savoir ourdir des monstres, pour quelques perles isolées -- qui toutes, un jour, formeront l'archipel où d'aspirants démiurges rêveront leur voyage.

mercredi 4 septembre 2024

Parce que c'est notre projet

N'avoir rien à dire n'est pas une bonne raison de se taire. Au contraire, il faut obéir à la routine qui structure l'égrenement des jours, il en va de l'obligation morale d'épouser son conatus et de maintenir suffisamment vif le goût de l'existence. Alors ce ne sont pas quelques destructions écologiques dues, par exemple, aux mines nécessaires à fabriquer les serveurs accueillant cet ornement du vide que constitue ce journal qui vont nous arrêter! Il faut écrire et emmerder le reste du monde parce qu'ici-bas rien ne peut persister sans combattre contre l'univers entier qui agit comme une immense force cherchant à grignoter tout objet moribond à travers d'indéfinies incarnations et leurs formes propres de métabolisme. Et même si notre vie entière et toutes nos productions ne sont, au final, que de vulgaires déclinaisons du vide égotique, il faut les imposer à sa passivité et surtout aux autres égoïsmes qui tendent autrement à saturer l'espace vital ainsi laissé vacant. Vivre, écrire de la merde, pour que d'autres ne le fassent pas à notre place: voilà notre projet et le sens de notre vie.

lundi 26 août 2024

L'illusion de la pierre

Parfois le besoin d'écrire éclaire d'un froid scyalitique la vacuité de l'esprit. C'est à ce moment là que l'on voit pendre les radicelles de ses désirs, fondés sur le rien et qui tirent leur vélléité de cet indéfini possible du néant. On aimerait pourtant tout dire, que les mots que l'on agence projettent autour d'eux, lithographie de l'âme, l'ensemble de la vie de l'esprit, qu'ils soient enfin cette pellicule du cinéma intime. Et pourtant, le film projeté reste parfois, si souvent, désespérément opaque et vain, la toile sombre ne laisse entrevoir aucune poussière, pas un photon ne s'en dégage; mais il y a tout le monde autour qui luit de sa présence sourde: les murs du théâtre, les sièges et gradins, les rideaux carmins qui pendent mollement enserrés à la taille par une corde dorée qu'on a noué autour. Et tout ce petit tableau, qui contient en son centre un trou noir, pourrait être une scène projeté sur l'écran de la conscience, et rien de tout cela ne saurait finalement contenir l'œil: tout le monde supposément extérieur ne se donne jamais qu'en tant qu'objet, phénomène qui tient dans le regard des sensations, configuré par l'entendement, saisi comme un tout fini.

Et si la seule réalité était ce soi indéchiffrable et dont les mots ne sont que les créatures anamorphiques?

Même ce journal alors ne serait que la prose d'un Autre et toute la conscience l'illusion de la pierre qui sait son chemin sans connaître sa cause...

mercredi 21 août 2024

Polymélie

À mesure que la vie dévoile sa nullité à l'homme vieillissant, l'écriture devient un passe-temps à l'intérêt croissant. Auparavant simple exutoire jaculatoire de l'accumulation primitive de puissance ou bien monotone exercice d'entraînement que l'on exécutait machinalement et sans plaisir, l'écriture devient peu à peu cette déchirure dans l'espace-temps à travers laquelle il devient loisible d'oublier, durant quelques minutes, la vanité de toute chose.

Il me semble que plus je vieillirai, plus j'écrirai avec plaisir. D'une part parce que mon corps se mue en une vile structure algique et que dès lors l'inconfort de la position arachnéenne de l'écrivain se dissipe dans la banale souffrance de tout instant, s'égalise pour ainsi dire dans la médiocrité ambiante. D'autre part parce qu'il n'y a plus guère qu'ainsi qu'il devient possible de contempler un tant soit peu de beauté en ce monde. Les lois naturelles, les structures sociales et politiques, enfin les gens, même les plus proches, se révèlent d'une hideur toujours plus grande et l'écriture, aussi pathétique soit-elle, de quelques phrases rythmées sur le papier virtuel d'une énième plateforme à absorber les vies paraît alors briller d'un éclat d'autant plus singulier que rare...

On ne vit pas lorsqu'on écrit, on suspend son existence ainsi que l'infernal processus d'ontogenèse de l'ecceité. On se retire du monde et de sa propre nature pour devenir cet être polymèle fait de tissus de pures relations qu'est la langue. Une pure valeur en somme, c'est-à-dire la sorte de fantôme la plus mystérieuse en notre monde sublunaire.

lundi 12 août 2024

Frankenstein créature

Réussir, pour un artiste, est gage d'obtenir les conditions optimales d'une création prolifique d'ouvrages, de pouvoir se concentrer pour ainsi dire. Mais, l'obligation de rendement qui accompagne un tel privilège, le besoin de retour sur investissement de ceux qui assurent au parasitisme artistique un alme biotope, ne sont-ils pas le germe certain d'une asphyxie future? L'œuvre ne se nourrit-elle que de contemplation? N'a-t-elle pas besoin aussi de la brûlure de l'exploitation salariale, du mépris de classe, de la privation, du désespoir? On peut imaginer que tout cela se trouve aussi dans une vie oisive de parasite, la vie du synanthrope qui observe ses semblables payer de leur quintessence l'indécent portefeuille de milliardaires sataniques. Lui aussi est un esclave, un prostitué au service de ses créditeurs. Lui aussi contemple, avec plus de liberté encore, l'absurdité de tout l'étreindre, lorsqu'il sirote à la terrasse d'un café le spiritueux qui l'aide à traverser les jours, tandis que des hordes d'humains s'acheminent en masse de leur tanière au lieu de sacrifice journalier.

Mais, tout de même, il peut se dédier tout entier au projet d'une vie qui s'épanouit en œuvre...

L'autre, celui qui demeure dans l'ombre, sans relation aucune pour être coopté dans le petit cénacle, celui qui ne produit pas à la mode du jour mais dans l'espoir d'un autre temps, celui-là ne peut que glaner ça et là de rares instants de liberté créatrice dans le chaos d'un quotidien ordonné par les obligations de survie. Celui-là se déchire dans l'odieux supplice quotidien du tâcheron qui exécute en chapelet des gestes qui ne lui appartiennent pas, et rêve parfois, à l'ombre des matrices, à devenir un parasite, un puceron entretenu par la fourmilière pour ce qu'il sécrète quelque miellat capable de rendre la torture de la horde un peu moins vive et omniprésente. Il vit dans le déséquilibre d'un rêve racoleur et mensonger lui faisant croire qu'être entretenu pour vendre son âme serait plus propitiatoire que d'être une force d'un travail inepte au sein duquel quelques ilôts de répit forment l'archipel d'une œuvre disloquée, lacérée. Mais qu'en sait-il au fond? Et ces maisons closes  au sein duquel officie l'artiste vendu au succès ne sont-elles pas, au final, des abattoirs pires que les usines et bureaux du vulgum pecus?

Se poser la question tous les jours et poursuivre l'atroce accouchement d'enfants difformes et idiots qu'un souffle de rêve maintient ensemble dans la démarche capricante d'une œuvre fantasmée -- Frankenstein halluciné issu de l'effort toujours empêché d'être ce que l'on est en ce monde -- il n'y a rien d'autre à faire... à part se tuer.

samedi 27 juillet 2024

Shiva

Vivre? d'accord mais à quoi bon? Gonfler un ego sous la concupiscence de hordes d'anonymes qui rêvent de vous annihilier sous leur éclat possible? Dissoudre cet ego dans le contemplation du Tout, se voir comme concrétion singulière d'une substance uniforme, comme expression de Shiva? Et dans les deux cas, à quoi bon? Pathétique poursuite du bonheur, de l'abolition du cycle -- qui s'apparente au final à une forme de bonheur dès lors qu'on considère le monde comme une illusion propitiatoire aux boursouflures  laniaires de l'ego --: il s'agit toujours de s'excepter d'une condition commune misérable. Et quel genre de pathétique robot sans émotion peut avancer dans l'existence sans la boussole de l'ego, acceptant tout uniment, traversant le magma des relations sociales avec équanimité... Sage? Jamais de la vie! Comment appeler sagesse ce qui n'est qu'un refus de la vie humaine dans les modalités qui la caractérisent universellement?

Non, en réalité je vous le dis: le sage n'est qu'un transhumain comme les autres; qui appelle de ces vœux le surhomme, c'est-à-dire précisément le non-homme.

Et malgré tout, celui qui écrit ces paroles, croyant par là éclairer le monde d'une lumière inédite (ou du moins peu entrevue), doit, pour ce faire, se faire croire à lui-même que l'écriture vaguement poétique qui lui est familière est une sorte d'expression naturelle, dont il n'est que l'instrument -- et non l'auteur --, et qu'il en va ainsi de la participation d'une harmonie cosmique qu'il s'agit d'entretenir bon an mal an...

Et si je cessais de croire à cela -- comme ici -- alors je serais effectué, comme toutes choses, sans plus avoir à prétendre agir en quoi que ce soit dans la responsabilité prếté à tout auteur. D'auteur, je n'en connais pas, si ce n'est trois pies tisseuses de mésaventure, qu'on se figure ainsi afin de mieux pouvoir les détester.

Quelle subtilité que ce texte, mettre en scène le fait d'être dupe de soi-même sans vraiment l'être au fond... Et tout cela pour quoi?

À quoi bon?

Produire un tant soit peu de beauté dans les yeux d'un lecteur...?

Aller aller pauvre âme empruntée: être dupe... sans vraiment l'être au fond...

mercredi 5 janvier 2022

Sur mes croyances mortes

 J'ai du en ravaler, des borborygmes de ce petit sous-genre que je m'escrime à cultiver jusqu'à l'ennui du monde. Combien de cris résonnent dans ma gorge et pressent sur ma pomme -- d'Adam -- le poids de pleurs enfouis?

Petit sous-genre ô poésie... Écriture des gens qui n'ont le temps d'écrire. Écrit d'amusement, de passe-temps qu'on tue, étrangle dans le nœud coulant des lettres. Insensé passe-temps...

Me suis-je trop acharné? À voir dans tes si basses cimes, un horizon glorieux: une chose par moi créée et digne d'intérêt...

Chaque jour, pourtant, le monde est là pour détromper, cette si noble aspiration, qui gonfle un égo pneumatique rêvant de s'envoler. Serait-ce pour s'accrocher au ciel? Comme les "stars" de cinéma qu'on scrute avidement?

Que la société puisse faire de l'enfant mal aimé, un ornement décent et assez engagé pour qu'on se résigne à le garder au cou. À défaut de l'aimer beaucoup...

Petit passe-temps, ô rêve infatué...

Que je comprends maintenant pourquoi la musique des soirs ne sait plus me lever. Je reste dans mon lit hanté par les fantômes d'informes poésies.

Égo tissé d'illusion, ne partons plus suivre le vent. Restons ici, sur la cendre soyeuse de mes croyances mortes.

dimanche 14 février 2021

Éternité: fiction nécessaire de l'âme?

 L'écriture est une forme de la sexualité. Elle est la nécessité de produire des fruits et des couleurs aptes à attirer à soi les êtres qui pourront s'approprier notre substance afin de la transmuer en une essence autre. Pourquoi désirons-nous l'abolition de notre devenir? Afin de franchir le pas de l'absolu et toucher enfin à l'Être dans la négation du temps. Or la seule manière d'opérer une telle transmutation est d'opérer sur soi-même une métamorphose si totale qu'elle dissout la fonction de notre essence même, brise la continuité du devenir qui, malgré nous, relie chaque état de notre moi, aussi différents soient-ils, à cette hypostase qu'est le soi ou sujet transcendantal. Ipséité honnie...

L'écriture est donc un moyen de recyclage de l'âme qui se rêve éternelle et par là menace l'équilibre des mutations au principe même de la vie qui, en tant que fonction physique (au sens étymologique: fonction de naissance), repose sur la nécessité de mort. La mort n'étant jamais qu'un point de vue traduisant la déception d'une attente: celle de trouver quelque chose, un état des choses, là où advient et se montre un état des choses alternatif. Autrement dit la mort n'est qu'une interprétation spatiale qui fige la dynamique de métamorphose universelle et cherche à hypostasier de purs flux. Elle nous fait croire par exemple en la notion de substance -- consubstantielle au concept d'identité. Ce concept peut trouver une analogie en celui d'instant: aucune durée ne peut être reconstituée à partir d'instants. Cela ne nous empêche pas d'analyser sans cesse la durée en terme d'unités instantanées qui, pareilles au point géométrique, n'ont aucune existence réelle. 

L'écriture est donc un moyen par lequel la nature réintègre malgré elle l'âme, que l'excès de conscience rend malade, dans le cycle temporel de la métamorphose, en lui laissant croire que, ce faisant, elle se rend effectivement éternelle à travers l'immuabilité des textes. L'âme a l'illusion de perdurer, l'illusion de l'ipséité à  travers la perfusion de ce qui constitue selon elle sa substance ou son essence, dans des signes qui ne sont rien en soi. Ces signes ne sont que des valeurs. Comme tels, ils doivent être interprétés, c'est à dire intégrés, digérés, transmués en une autre nature, en une autre conscience qui devient le prolongement déviant -- et d'une certaine manière nécessairement traître -- de ce fantôme pétrifié sous des formes littéraires. Seule un autre fantôme, tombant sur les traces de cet alter ego pourra infuser de sa temporalité les lettres mortes, l'espace figé en propos pétrifiés.

Ainsi quelque chose demeure, mais ce n'est jamais l'identité défigurée par le temps, démantelée par les essences d'autres vies qui s'en nourrissent pour se déployer dans la durée.

L'écriture, comme tout artefact de la conscience, est un mensonge nécessaire qui voit l'élan vital trouver un passage à travers la porosité de la maladie égotique. La conscience veut exister plutôt que vivre, et se tenir sur le temps comme une chose éternelle. Il lui faut toute l'énergie de l'imagination pour maintenir à travers l'érosion des choses, l'illusion de permanence.

samedi 13 février 2021

Aphorismes méta-lyriques

 Je cherche à être aimé pour l'ordre que je donne au chaos de mon âme.


Nous écrivons pour coudre de mot l'abîme en soi; déguiser nos faiblesses; se rendre aimable -- à nous-même et à l'Autre.

Sémiotope

 Composer un recueil. Quel drôle d'idée lorsqu'on y pense. C'est un peu demander à un champ, une prairie, d'offrir à la vue du monde ses fleurs sous formes de bouquets bien ficelés, en ordre. Je suis une prairie. Un petit carré de verdure sur lequel poussent d'étranges fleurs et fruits dont je ne sais si la saveur synesthésique est sublime ou ignoble. Ce n'est pas à moi d'en juger. L'arbre ne goûte pas ses propres fruits.

Je ne suis pas fleuriste. Alors je m'entête à produire, saison après saison, les récoltes inégales de ma terre. Je suis la traduction de cette terre, en un écosystème végétal. Il faudra bien que quelque jardinier vienne ordonner tout ce divers uni par la nécessité, y appose son ordre, sa croyance, impose sa vision et tisse son propre récit à partir de l'alphabet offert. Il ne me revient pas d'opérer ce travail. J'obéis aux lois d'un chaos éloigné. Il existe une indéfinité de bouquets possibles, adaptés au goût et à l'envie de chacun, à la raison d'un moment. Chaque fleur est unique. Elle n'est pas liée à d'autres fleurs par une disposition particulière, il n'y a que le désir d'une âme, que le souhait formulé qui puisse produire la réponse à la question posée un jour, par quelqu'un, pour lui-même. Mais nous sommes nombreux à nous poser les mêmes questions. Même lorsque nous croyons le contraire...

vendredi 12 février 2021

Marathon

 J'espère vivre longtemps. Non parce que la vie me serait une balade agréable en un environnement bucolique, oh non, mais bien plutôt parce que je dois écrire longtemps. Je dois écrire longtemps parce que mon style évolue, il grandit et s’affûte, il s'approche inexorablement de l'idée qui lui sert d'horizon -- bien qu'il en restera irrémédiablement éloigné, par un infini absolu.

Je ne sais si ce que j'écris vaut quelque chose pour quelqu'un qui aurait des critères de jugement à cet égard, peu ou prou similaires aux miens -- car après tout c'est cela qui compte, ne nous voilons pas la face: les autres ne comptent pas, leur opinion est inepte. Je ne saurai probablement jamais ce que tout cela vaut pour un double imaginaire. Après tout, n'est-ce pas là que réside la valeur et l'authenticité de l’œuvre: dans l'acharnement pathologique qui pousse un individu à poursuivre l'achèvement d'un songe infini, sans jamais savoir si la forme concrète est apte à rendre une fraction de l'éclat du rêve, et -- ce qui est pire -- sans jamais savoir si ce rêve possède aux yeux d'autres que lui ce même attribut de beauté sublime qui l'attire à s'en dissoudre.

Ce sont ces destins absurdes et humiliés, ces marathons ignorés dans le sprint des vies, qui me sont chers: parce qu'au bout de cet élan inéluctablement brisé par la finitude s'élève la figure des héros tragiques.

Ainsi, lorsque mes phrases seront devenues des plaies sur l'épiderme du temps qu'elles ont coupé, alors mon œuvre sera accomplie. C'est pourquoi je dois affûter longtemps mon style: pour qu'il tranche l'Être lui-même, de sa transcendantale vérité.

mercredi 6 janvier 2021

A-T-C-G

 Il n'y a plus assez de souffrance dans ma vie.

Plus assez de ce matériau malléable pour composer ces complaintes mineures qui me peignent un profil ici.

Peut-être reviendra-t-elle un jour. Probablement...

En attendant, si écrire est un besoin, il devra trouver une autre fondation, une autre source.

Peut-être que la poésie ne sera plus le genre d'édifice qui s'y érigera alors.

Ces états de conscience qui n'ont ni l'éclat coruscant de la béatitude, ni la profondeur sombre du tourment, se prêteraient bien à l'équanimité du roman. Il ne faut pas trop d'intensité pour un roman, il faut distiller le sentiment au compte-goutte, sur la durée, mesurer son effort.

La poésie n'est pas un effort. Elle est jaculatoire et gicle sur la feuille par une pression trop forte à contenir. La poésie naît d'un besoin vital impérieux, sans calcul, sans mesure.

Or je vis bienheureux, suffisamment comblé pour ne pas entendre le cri de mon corps, des cellules de mon âme. J'avance suffisamment repu, dans une paix relative et mon énergie a d'autres couleurs que l'éternelle entropie. Elle s'emploie autrement, produit d'autres mondes dont elle maintient les murs.

Me manque-t-il quelque chose? Suis-je moins qu'avant? Ne puis-je être plus?

Je ne sais aujourd'hui si ce n'était pas la souffrance qui produisait l'ombre de mon identité, constituait la cause sublime dont j'étais l'effet contingent...

Que suis-je désormais, si je suis autre qu'elle, sans plus aucune coïncidence avec une quelconque détermination..?

Un corps, une forme, ne sont qu'une manière d'être, une manifestation. Un simple motif du seul tissu ontique. Pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre? Peut-être car tout doit exister, et que le monde est l'indéfinie création où s'instancie l'infinité protéique de l'être.

samedi 18 avril 2020

D'un autre vers lui-même

Le travail?

Mais il n'y a pas de travail. Ecrire est un acte d'inspiration, c'est arpenter un chemin qui existe, déjà, quelque part, en quelque temps. Je n'ai jamais eu à travailler pour me brancher sur ces sphères. Je n'ai jamais rien créé, rien inventé, rien bâti qui  ne soit déjà là. La beauté est sous nos yeux, sa structure en chaque chose et son chant est partout à traduire par les mots trop humains du commun. Cette chanson qui m'emporte à rebrousse-chemin, vers le passé qui trace ses figures et synthétise en ses courbes la grammaire d'un destin: voilà ma clef de sol.

Donnez-moi la note juste, donnez-moi le bon air, et je m'embarque en sillon littéraire vers la lucidité des sombres sages, solitaires, qui écrivent poèmes pour la lune et l'espace indifférent. Mais peut-être qu'il ne l'est pas, au fond... Peut-être que les étoiles écoutent comme une Juliette le chant du Roméo esseulé qui hurle en sa mansarde de misère. Peut-être que chaque élément de nature est un appel sans péremption vers le fond de toute âme. C'est en ce point silencieux que je vis, heureux, accompli de n'être rien, passager du vent, instrument de tout.

Ne cherche pas à créer: rien de nouveau sous le soleil, pas d'arc-en-ciel qui ne soit déjà peint, en quelque langue insensée qu'il faut pourtant bien traduire du vécu qui l'enserre. Sous la prison des mots la liberté se dessine et prend ses silhouettes bleutées des tréfonds de la nuit. Lumière vient limiter mon âme et lui donner la forme des flammes, changeante, métamorphe un peu dingue avec ses chutes et courbes folles. Fais du Dieu la chose, du sujet cet objet esthétique qu'aucun dévoilement n'épuise et qu'un autre regard, bref ou durable, indétermine. Car l'art n'est rien d'autre que ça. Une écoute obstinée, fanatique que le coeur-instrument brisé s'accapare en écho, le temps d'une danse privilégiée. Oh tu sais comme je suis chanceux d'entendre partout tes gammes chromatiques, tes fondamentales enchaînées que j'accorde à ma lyre...

C'est n'avoir aucun maître qu'écrire, c'est n'être jamais auteur mais toujours interprète. Nous ne sommes que les transformeurs d'indicible en voies lactées de phonèmes. On bricole avec ce qu'on a, voilà tout. Et ce tout est le plus grand des plaisirs mais le plus condamné aussi. Car on est seul en son sein. On y réside à jamais dans l'isolement d'une connexion au Réel que forme le cordon d'un vécu singulier. Et pourtant tous s'y reconnaissent, un jour, d'une manière ou d'une autre. Et c'est ainsi que lève la malédiction...

Parce qu'un instant comme celui-ci peut être un pont d'un autre vers lui-même.

dimanche 15 septembre 2019

Le fond hideux de la beauté

J'ai depuis longtemps un peu pitié et peur des gens qui se sentent investis d'une mission (comme le fut d'ailleurs Pessoa). Je peux être très dur envers eux parce que, précisément, j'y vois là une tendance personnelle qui, dès lors que je l'identifie, me rebute particulièrement. Ce genre d'instincts et d'intuitions relève invariablement du besoin de reconnaissance, c'est à dire du domaine égotique. Plus j'identifie ces élans en moi, plus un contre-moi s'érige comme barrière salvatrice, affichant un abyssal mépris pour ces balivernes. Je me glorifie tout autant que je me méprise et ces deux forces s'annulent si parfaitement qu'elles me laissent, moi, nu et ravagé, aussi vide et désertique qu'un paysage d'après-guerre atomique. Cette petite dialectique intime ne laisse que la ruine de mon corps et de cette conscience critique déambuler, hagards, dans l'étrangeté de l'existence. Je suis le doute incarné, tourbillons de sensations et jugements contradictoires, siphon néantique qui annule toute direction pour n'imprimer à l'être qu'une étourdissante révolution. Cette rotation, dès que j'y plonge mon attention, semble s'accélérer dangereusement vers l'effondrement total de l'édifice sur son point central, sa singularité inexistante.

Ainsi j'erre dans le petit parc aux arbres anciens, j'observe la mousse sur les murs et je pense au temps qui passe, dévorant chaque chose. Je m'invente des histoires où même ce passage inepte de ma vie sera enregistré par la culture humaine qui pourra gloser à son propos jusqu'à écœurement. Je rêve qu'on se souvienne de ma vie, de ce regard sur les choses que je porte, de cette singularité peut-être maladive et délétère, mais qui mérite tout de même d'être connu pour son originalité radicale. Je rêve qu'on se souvienne de moi car après tout, tout n'est que souvenir. Même la perception d'un objet est déjà souvenir. J'aimerais qu'on se souvienne et tout à la fois j'aimerais exécuter par suprême humiliation cette vanité qui exsude de ma conscience, malgré moi.

Il n'est qu'une chose à mes yeux qui procure à cette hideuse vanité le droit à être tolérée, à ce qu'on ne l'annihile pas immédiatement avec brutalité: c'est elle qui produit mes bijoux, telle une sève qui s'écoule et se fige en formes d'ambre, piégeant et colorant une partie du monde, produisant ainsi une image, une vision à l'esthétique singulière.

C'est par vanité que l'on écrit, et si je suis par trop humble dans ma vie mondaine, la somme des textes amassés ici-bas est la preuve, l'impardonnable (?) marque, d'un ego monstrueux.