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lundi 11 mars 2024

Aphorisme du zéro et de l'infini

"Moi, qui n'ai jamais rien fait dans ce monde,

Moi, qui n'ai jamais su vouloir ni savoir,

Moi, qui ai toujours été l'absence de ma volonté"

Alvaro de Campos

jeudi 18 janvier 2024

Échec et feu mat

 Je ne comprends pas vraiment ce phénomène, pourquoi ce feu dans cet âtre fait danser en son cœur de si sombres flammes. Sur les parois se réverbère une obscurité opaque sur laquelle bute mon regard aporétique. Je voulais qu'il m'éclaire et voilà qu'il me montre un trou noir qui piège la lumière: feu, abîme -- au fond âme bien mienne.

Pour allumer ce feu, il me faut dépenser une énergie absente, à crédit. Feu inversé inondeur de ténèbres. Je paie des pulsations intimes de mon être les vacillations hypnotiques de ta combustion. Exsangue, je ne peux plus écrire de musique, produire ces formes de la seule chose qui vaille en ce monde: la beauté. Égaré dans le noir désir de ces flammes obscures, je constate: je n'ai plus rien à éclairer. Plus rien à dire, à chanter.

Échec, le feu est mat.

vendredi 15 mai 2020

Aphorismes consciencieux

Nous sommes les instruments spatio-temporels de l'Être.

La conscience est le pire instrument qui soit car il est absolument infus. Ça ne résonne qu'à l'intérieur, en vase absolument clos.

La conscience est comme un cœur d'étoile. Elle s'effondre sur elle-même, sur ce néant sans bord au cœur vacant; et dans la chute indéfinie s'effile tout espoir.


Source musicale:


lundi 23 septembre 2019

Océan Océan

Océan, Océan: si fort que s'y noient les pensées; si présent que s'y broient les reflets.

À perte de vue la poussière des choses, le temps a tout poncé. Point de variété bariolée et tapageuse, juste les nuances bleues de la mer et beiges du sable.

Océan, simple et sans choix, tellement intense que s'y tait la conscience.

Océan, Océan: tu es trop fort pour elle, qu'elle se taise à jamais...

Dans l'océan s'éteignent mes pensées. Ce monde est si présent que chaque voix se tait. Goutte parmi les gouttes, chose bien à sa place, pleine et dépourvue de vacuité.

Océan, Océan: tout est bien ainsi.

jeudi 12 septembre 2019

Je suis le vide entre les pas

Ecrit pour un concours dont la consigne est de faire figurer l'expression "je suis" dans le poème... C'est un peu évident d'utiliser la répétition comme cela, un peu facile et attendu, mais au moins ça ne déroutera pas dans le mauvais sens...

Je suis l'autre côté des choses
L'envers sur qui l'on pose
Un regard étonné

Je suis l'ectoplasme des limbes
Métamorphe un peu dingue
Dissous dans les vapeurs d'alcool

Je suis celui qui n'était rien
Abscons et sans destin
Je suis la mort déguisée en humain

Je ne suis pas un chant de fleurs
Plutôt bouquet de tous les pleurs
Le crépuscule de tout bonheur

Je suis ou ne suis-je pas
Qui sait ce genre de choses
Je suis le vide entre les pas

J'essuie mes larmes au coin des pages
Et vous buvez mon lent naufrage
Je suis la forme d'un nuage

Je suis... Enfin je croyais être
Ici, cela ou autre chose
Façade clairsemée d'innombrables fenêtres

Suis-je un fragment du monde
Ou un regard sur lui
Une simple distance entre les infinis?

Je suis tout et puis rien
Je ne suis personne et c'est très bien
Je pourrais être chaque humain

Un beau jour enfin
Je deviendrai quelqu'un
Je pourrai dire "je suis"

Sans remettre à demain

mercredi 9 janvier 2019

Hors du vieil alphabet

Pessoa écrit un jour qu'écrire était sa manière d'être seule. Je crois que je peux m'identifier à cela. C'est aussi ma manière de tuer le temps, d'accompagner l'écoulement de son flux dans la chambre vide du futur. J'écris comme on ponctuerait l'existence, pour se montrer que quelque chose s'est bien passé, que quelque chose a bien eu lieu, malgré l'inaction ou le manque d'engagement, malgré le refus de choisir et l'infinie délibération. Faut-il exister, oui ou non? Être ou ne pas être? Et qui a déjà sérieusement répondu à la question? Une chose est sûre ce n'est pas moi, moi qui peint sans relâche chaque lettre de cette interrogation sans âge, moi qui trace si passionnément la courbe des points d'interrogation, le sillon de ces lettres...

Il ne faut pas que la musique cesse. Et pourtant, je sais que je cesserai d'écrire, bientôt, d'écrire pour ne rien dire, pour simplement chanter le temps qui passe, et le sentiment d'exister. Le silence qui déjà s'allonge entre les battements de mes frappes sur le clavier, annonce celui, trop long, qui viendra. Celui qui ponctuera sans marque et sans nul alphabet, le sommeil qui ne viendra pas, le manque de volonté, l'hésitation, le doute et les ruminations sans fin d'une raison qui cherche à se résoudre dans l'acte de défaire chacune des prémisses du raisonnement.

Musique puisses-tu ne jamais cesser. Et si la vie refuse de tenir dans le vieil alphabet, alors que mon coeur, que mes pensées, que mes idées, battent pour toujours le tempo du destin, qui va tambour battant. Dans le bruit ou les silences, il y a toujours quelque chose qui passe et s'en va son chemin, comme d'ineptes actes illustrent les destins sans signe, qui gisent bien en-deçà, au fond des mélodies qui ne se chantent que pour soi.

Ces mots ne sont rien, rien d'autre que le tapotement de mes doigts sur le bureau d'un soir qui s'étire. Et que sait-on de la musique entendue, lorsqu'on observe quelqu'un battre d'ennui le rythme qu'il a en tête? Tirer de ses abysses sans fond, à l'aide des formes qu'adoubent les grammaires, voilà ce que c'est qu'être un pécheur de vide. Nous cherchons tous à notre manière à tirer des vacuités intimes l'objet fini et flatteur qui justifierait à lui seul le fait que nous restions sur le bas-côté de nos vies, à observer le monde nous passer au travers sans trop savoir comment, sans trop savoir pourquoi.

mardi 13 février 2018

Lampion

Je me mets au lit pour penser, la lumière allumée et les yeux au plafond, juste histoire de faire un point sur la journée et sa ribambelle d'ancêtres; et quelque part dans mon champ de vision, sur le côté droit, voilà que quelque chose tangue et s'anime en ma petite boîte d'existence - quelque chose autre que le tressaillement intermittent de la lumière de la lampe de chevet, qui saute comme un néon malade dans une scène angoissante de film. Je parcours l'ensemble de la forme agitée et parvient à en isoler l'unité d'un objet dans ma tête. C'est ce putain d'abat-jour en papier pendu au plafond. Tiens, d'ailleurs ce genre d'abat-jour en sphère doit bien avoir un nom spécifique...

                                                         Un lampion!

Ça me revient d'un coup, aisément, alors même que je n'avais ni lu, ni entendu, ni prononcé ce mot depuis plus d'une dizaine d'années... Quelle puissance! Il me reste encore une mémoire malgré toutes ces péripéties. Je me sens puissant grâce à un lampion...

                                                     "Lampion t'es con."

L'invectivè-je alors en mon for intérieur fort intérieur. Tu tangues au plafond après que j'aie jeté les couvertures sur moi, empressé d'être au chaud, et la brusquerie du mouvement t'as soufflé un vent ascendant qui t'as poussé hors de ton axe. Je reconstitue tout cela a posteriori alors que tout a commencé par la sensation visuelle d'une forme mouvante au coin de ma vue, c'était ton ombre qui se signifiait. La petite lampe de chevet épileptique à mes côtés a giclé sa lumière sur les rondeurs de tes formes, d'en bas en biais, étire ainsi une ombre ovale vers le coin sud de mon plafond blanc, qui se termine par une toile abandonnée et molle d'araignée fantôme.

Lampion t'es con, tu dévies mes pensées, et je me demande bien de quel droit tu te réclames d'une telle attraction sur le cours de mon impétueuse noèse..? Probablement me faudra-t-il admettre que je n'ai rien de mieux à penser, pas d'autre objet à réfléchir: allongé au plumard, attendant je ne sais quelle révélation  qui m'octroierait enfin le précieux sésame pour l'onirisme diapré ou l'achromie d'un sommeil de plomb; au lieu de me sentir coupable comme un con de l'inefficacité de ma vie; du fait qu'une si longue chaîne de jours puisse faire s'agiter de manière si pathétiquement molle la boule hérissée - supposément, mais lisse en vérité - de mon présent. À moins que le passé soit au-dessus de moi, rectiligne, quand moi je chute en bas, immobile...

Attendre sans trop savoir quoi, en fixant le plafond éclairé, c'est mieux que de savoir bordé d'obscurité, que malgré l'épuisement accumulé, le sommeil ne viendra pas, ou bien trop tard, l'enculé...

C'est tout de même plus sympa de fixer cet abat-jour de Lampion, qui, d'ailleurs, n'abat aucun jour puisqu'il ne cache nulle ampoule. Lampion n'est qu'une sphère de papier accrochée au plafond d'un ennui sans limite, et qui chute et se déchire dès lors que j'enfile en-dessous mes vêtements à la hâte.

Est-ce un lampion d'ailleurs? Il faudrait vérifier dans le dictionnaire. Je fixe le plafond l'espace d'une poignée de secondes. Ouais, pour sûr, c'est bien ce qu'il faudrait faire, pensé-je les mains croisées sous mon crâne. Je fixe le lampion, sans savoir si c'en est un. Tiens c'est dans des moments comme ça que l'ennui a bien plus d'élégance pour les fumeurs... Il faudrait vérifier dans le dictionnaire. C'est vraiment une bonne idée. Et si j'éteins maintenant, m'endormirais-je enfin?