Affichage des articles dont le libellé est réflexion. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est réflexion. Afficher tous les articles

mercredi 10 novembre 2021

Mon enfance

 J'eus, contrairement à de précoces artistes, une véritable enfance. Je ne suis pas un Pessoa qui affirme que son style a toujours été formé, dès le début de sa pratique littéraire. Dieu que l'élaboration du mien fut longue: il suffit de relire mes textes d'il y a dix ans, voire moins... Tous ces textes d'une médiocrité éclatante ne seront néanmoins jamais retirés de ce palais mémoriel. Ils resteront comme les témoins muets de ce que je suis: un homme comme les autres, dont l'obstination absurde a su produire, avec la lente maturation de saisons successives, une terre quelque peu fertile, où poussent, après l'inquiétante mousson du tourment, une flore rédemptoire et colorée.

Car je suis devenu, à force de persévérance, une canopée littéraire sur sol vivant. Le réseau mycélien de mes forêts semble parfois si vif et si peuplé, qu'il relie chaque lettre à d'autres galaxies. Tout cela bouillonne d'une vie effrénée, invisible, qui parle à tout instant vécu à ce fol Inconscient, durant la moindre et infime expérience -- depuis les voyages en voiture, jusqu'à ce triste et froid ennui des soirs de solitude. Un dialogue souterrain prend place en permanence.

Voilà bien ce dont témoigne, j'espère, ce sillon singulier. Qu'il ait tracé d'insignifiants dessins sur l'étoffe du temps n'est pas un fait honteux. La vie n'est qu'un brouillon éternellement recommencé. Le non-espoir d'un idéal néanmoins poursuivi.

Je vous laisse tout, tout l'écheveau de ces tentatives, ces complaintes entropiques adressées à l'éther. Advienne que pourra de tout ce flot de vie qui bourgeonne et éclot en fleurs envenimées, nourries par le fumier fertile d'une souffrance chaude.

J'ai bel et bien une enfance. Ces bouquets de poèmes sont le produit d'un long faisceau causal qui plonge ses racines dans le néant des origines. Mais plus modestement, dans les déterminismes sociaux qui m'ont mené à ne plus pouvoir me passer d'écrire l'existence en un chant silencieux vomi sur les cahiers et les mémoires numériques. Je n'ai pas honte de n'être en aucune manière responsable de ce que je suis devenu. Je ne crois pas en la liberté. Je remercie les cieux, mes parents et tout ce réseau de brûlure que forme ce vain monde d'avoir produit, inexplicablement, ces quelques notes bleues qui font des rares moments de création poétique, les parenthèses d'une vie qui puise en elles l'énergie et le souffle gonflant encore mes voiles.

J'irai au bout de ce voyage; déversant ma musique dans le néant atone.

lundi 26 mars 2018

La vie d'artiste

Pourquoi continuerais-je à écrire? Pourquoi continuer de me contraindre à cet exercice lorsque je sens que la littérature n'est pour moi qu'un instrument de substitution, à défaut d'avoir eu autre chose, d'avoir compris le moyen d'exprimer la musique que j'ai en tête. Dix ans de traversée du désert, à écrire poèmes après poèmes, textes philosophiques, nouvelles et même un roman (publié prochainement malgré ma désaffection à son égard: ce ne sera pas la première création que je renie sur ce blog, elle a sa place comme les poèmes de jeunesse, comme tous les autres brouillons qui constituent ce lieu). Dix ans donc de création quasi ininterrompue, d'exploration, de tentatives. Tout ici n'est que tentative, celle de réaliser une forme de liberté à travers l'expression, d'opérer un mariage entre la puissance et l'acte, et surtout d'en tirer les leçons en tous genres: cuisantes désillusion quant à ses capacités phantasmées, frustrations, désaisissements, béatitudes soudaines de la compréhension profonde, etc.

Je n'ai jamais voulu communiquer sur cette activité, j'ai rêvé que ce blog soit une oasis dans le grand royaume de l'immatériel contenu que maille le réseau internet. Un ami m'a dit récemment: "tu vois internet comme un royaume à explorer, mais la plupart des gens, y compris moi, le voient comme une fontaine qui les alimente en contenus, ils attendent que ces derniers viennent à eux par un même tuyau". D'où le succès foudroyant d'un facebook, son hégémonie, sa dictature même, puisqu'il devient difficile pour toute structure, particulièrement artistique, de se passer de ce service. Je suis arrivé après la bataille, ce qui m'attire laisse 99% des gens que je côtoie de marbre. Personne ne me lit, et d'ailleurs je ne connais quasiment personne qui lise, encore moins de la poésie. Tant pis, trop tard, mon aventure aura été vécue, qu'elle n'intéresse personne à part moi-même est un fait qu'il faut accepter et avec lequel j'essaie de demeurer en paix.

Pour répondre à la question liminaire de ce texte: j'ai écrit absolument et exclusivement pour moi-même. Pour m'explorer, pour me connaître. Parce que les modes d'expression, les médiums surtout, comme les gens que l'on rencontre, sont des formidables miroirs. Ils ont cet avantage de refléter bien autre chose que les photons qui portent par l'intermédiaire des tains de salles de bains, la signature chromatique de votre peau, de vos cheveux, de votre silhouette. Chaque personne, comme chaque médium, vous renvoie, si vous prenez le temps de vous y plonger, d'échanger sincèrement, lucidement et avec attention, une image de vous-même sous diverses longueurs d'onde, à travers un prisme ontique singulier qui vous permet, à sa manière et selon sa forme, de voir en vous, d'éprouver ce que vous n'étiez pas en mesure de sentir. Cela nous rappelle qu'aussi frustrante et parfois douloureuse puisse être l'expérience de l'Autre, de l'altérité, elle n'en est pas moins ce qui nous définit, trace nos contours, nous rend saisissables pour nous-même, nous permet d'exister. Nous peignons notre image, notre portrait-robot, par le témoignage de nos sens, c'est à dire par l'interaction que nous avons avec l'altérité, avec l'autre, ce qui est hors de nous, mais en contact et pour cela une part de nous (comme nous sommes une part de cet autre). S'exprimer artistiquement, pour moi (bien que la tentation réductrice d'imposer ma définition soit présente), aura été cela. C'est du moins, dans l'écheveau complexe de cette expérience (et de toute expérience), le fil qui aura focalisé mon attention plus que les autres (ce qui ne veut pas dire qu'il aura été le plus fort...).

Je glisse aujourd'hui, comme naturellement, d'un dessinateur n'usant que du noir et blanc (la monochromie mélodique des mots) au peintre des couleurs, à l'expression musicale au sens strict du terme. Je l'ai déjà affirmé et je signe aujourd'hui: l'écriture est une forme de musique. D'ailleurs ma comparaison de l'écriture (monochromatique) avec la musique (polychromatique) est injuste. Elle n'est que le reflet de ma relation actuelle (contextualisée et donc par essence polymorphique) avec ces deux domaines. Cette métaphore ne répond à aucune question sinon la mienne.

Si je partage avec vous ces quelques réflexions - en me demandant bien à qui ou quoi ce vous peut bien faire référence -, c'est parce que je me trouve aujourd'hui à un carrefour de mon activité artistique, voire de mon activité tout court. Un sentiment d'urgence court en moi, alimente chacune de mes prises de décision, infuse mes sentiments, colore mes projets. Je dois parvenir à vivre de l'art, du moins à alléger les nécessités abjectes des emplois auxquels je suis contraint et qui m'ont amené aujourd'hui à me vendre de la manière la plus hypocrite et aliénante qui soit, comme un objet sommé de répondre à une structure économique qui en nie la singularité. Je suis aujourd'hui fatigué de ce manège, de cette précarité (qui est le fruit de choix personnelles que j'assument totalement) permanente en rien proportionnelle avec l'énergie donnée pour l'enrichissement d'un petit nombre de parasites. J'ai longtemps hésité, et hésite un peu plus aujourd'hui, à faire appel au mécénat, mode de financement par le don re-popularisé par internet, et qui correspond totalement à mes convictions (ou plutôt devrais-je dire mes choix) quant à la gratuité du savoir, de l'art, de la culture simplement.

Cela dit plusieurs choses me retiennent: je me lance depuis peu dans un projet musical et sens s'étioler peu à peu le désir d'écrire, à mesure que je sens mon énergie s'accorder à un instrument autre que la littérature. J'ai effectivement pléthore de textes à offrir, mais je ne sais si je suis capable de m'engager sincèrement, et surtout par pur plaisir, à poursuivre la création régulière de textes en tous genre. Des projets littéraires, dont certains très ambitieux, fleurissent dans ma tête, mais j'ai de moins en moins le goût d'en entamer la réalisation, alors même qu'il me semble si évident de prendre mon nouvel instrument et de composer de la musique. Par ailleurs, si j'en viens à m'engager malgré tout dans une demande de mécénat pour poursuivre ce blog, il me faut alors assumer la nécessité de communiquer autour de celui-ci, moi dont la personnalité s'accorde si mal avec ce genre d'actions... Il me faudra créer un avatar sur les réseaux sociaux, perdre un temps précieux à alimenter cette existence virtuelle. Ce n'est pas avec les dix visiteurs hebdomadaires qui se perdent en ce lieu que je risque de voir se réaliser l'engouement d'un nombre suffisant de personnes pour pouvoir prétendre à soulager les nécessités de la survie dans un monde capitaliste où je me range dans la catégorie des perdants (de mon propre chef j'en conviens, c'est bien moi qui ait renié tous les statuts flamboyants auxquels je pourrais prétendre).

Nous verrons bien ce qui se passera dans les prochains mois. En attendant que l'architectonique de ma psyché fasse émerger les éruptions d'évidence et de clarté libératrice, je vous partage un lien qui discute du mécénat et qui a alimenté ma réflexion sur le sujet des financements possibles des activités issues de la passion et qui souhaitent se passer d'intermédiaires parasitaires. Certes la vidéo s'applique plus aux créateurs de vidéos publiées sur Youtube mais la position sur le mécénat est je trouve pertinente et, qui plus est, je m'apprête à ouvrir une chaîne Youtube pour publier mes créations musicales dans un avenir relativement proche (j'adore ces expressions qui veulent tout dire tant qu'on n'a pas fourni de référent...). N'hésitez pas à partager vos réflexions en commentaires, sur le sujet en général, ou bien votre opinion quant à l'ouverture d'un compte permettant de faire des dons liés au contenu de ce blog. J'écris cela avec un masque d'ironie car à chaque fois que j'ai fait appel à la participation d'un lectorat en cet espace, je n'ai, sans surprise, obtenu aucune réaction. À tel point qu'on aurait pu penser, si google analytics ne fournissait pas des statistiques, que personne ne vient jamais ici... Temple vide où l'écho du silence se réverbère sur la courbe des symboles...