mercredi 29 décembre 2010

[ Exercice de style ] Céline

Je sors de l'immeuble comme si j'allais vomir... Je respire un grand coup dans la rue bourdonnante et je m'élance vers ma deuxième prison: chez moi. Pouah! Quelle puanteur partout! Et les gens qui vous regardent de leurs yeux sales!... Chassieux... Je pourrais mettre fin à tout ça... Descendre du manège et dire stop. Mais mon père avait raison, je manque de couilles!... Voilà tout!...

J'arrive cahin-cahan à l'arrêt de bus. Une vieille rombière me fait de l'oeil. Nausée, envie de meurtre, tout me prend d'un coup! Respire un grand coup me dis-je. J'ai beau tenter, j'y arrive pas... C'est pas ma faute! C'est tous ces cons là autour de moi!... À ressasser leur misère et à la jeter sur vous! Des corniauds pareils, ça devrait être interdit!...

Heureusement le bus arrive dans un tonnerre de crissements stridents. Et tac! Un tympan en moins! C'est pour ma gueule, comme à chaque fois!... Y faut que j'me tire d'ici je me dis. Mais pour aller où?... J'me l'demande moi-même... Tellement de questions et si peu de réponses dans nos caboches... C'en serait même triste tiens! À trop y penser!...

Je monte dans le tas de ferraille... Je me fraye un passage en jouant des coudes entre les autres badauds qui bougent pas! J'arrive au fond du bus et je me tasse petit sur mon siège. Encore une demi-heure... Une demi-heure et je suis peinard pour la soirée!... Plus de morues stéatopyges qui prennent toute la place! Plus de petits roquets qui vous provoquent du regard! Plus rien!

10 minutes plus tard, j'vois 2 drôles qui montent dans le bus en dévisageant tout le monde. 2 jeunes écervelés qui pètent plus haut que leur cul... Ils se plantent en face d'un type un peu frêle, genre cannes de criquet. Je sens que ça va barder, ça sent trop le roussi pour que ça prenne pas!... Regards de biais... Messes basses... Ca va péter que j'me dis. Ben ça a pas manqué!

Un des 2 types interpelle le passager: "Et le bouffon, t'as un beau téléphone, tu m'le prêtes?". Le quidam timidement: "Merci... Mais je ne peux pas vous le prêter."
"Ah bon? et pourquoi? Tu nous traites de voleurs?"
"N...Non, c'est pas ce que je dis M..."
Paff, voilà pas que le jeune escogriffe en colle une à l'autre criquet.
Et son acolyte y va de son petit grain de sel avec des grands coups de tatane dans les côtes.
Le téléphone tombe... Un des deux gars le ramasse. Murmures d'indignation dans toute la carriole. Tout le monde reluque ses pieds comme si le sol recelait quelque mystère inconnu...

Ah elle est belle la France! Regardez moi toute cette racaille endimanchée même pas foutue de lever son cul face à 2 maroufles!... J'en peux plus des ces abrutis! J'suis pas comme eux moi!

Alors j'me lève de mon siège pour filer droit sur eux. J'avais pas vu les couteaux dans leurs mains. J'm'en fous! Faut bien mourir un jour...

Son monde

Le monde à travers les yeux de ma femme est d'une douceur féerique. Les couleurs sont laiteuses comme à l'intérieur d'un nuage. Les gens ont cette légère odeur du linge propre et quelques plumes blanches, immaculées, s'accrochent à leurs vêtements et à leur peau.

Les nuances sont faibles, on passe du dégoût à l'adoration. Les êtres sont mignons, des petits fragments d'amour à combler et qu'elle remplit de sa tendresse parfois presque imposée. Dans ses bras toute chose vivante se sent retomber en enfance, comme bercée par un lit de parfum et de satin.

Elle fait des choses simples des oeuvres d'art à l'éclat impérissable. Chez les gens de tout poil, elle sait déterrer la part d'extraordinaire, celle que nous ne voyons pas.

Elle est un pot de miel qui jetterait sa douceur sur tout ce qui l'entoure, et tout se trouve métamorphosé par sa présence, définitivement.

Elle apprend des choses perpétuellement, elle s'étonne et se passionne, tel un enfant. Elle grandit, prend de l'ampleur, de l'assurance et il semble alors que le monde pousse avec elle.

Par elle le bonheur éclate sans interruption, il naît de son corps, de son coeur et de son âme. En elle je suis heureux et la simplicité absolue du bonheur s'empare de moi et place sur ma figure, comme sur mon être entier, un sourire béat qui fait de moi un étant accompli, une unité primordiale et indéfectible.

Son monde, c'est celui où les choses deviennent ce qu'elles sont.

Aphorismes

Toute pensée honnête est une interrogation.

Les gens qui ont peur aiment entraver les autres de leurs propres chaînes.

Il est parfois difficile de rester libre parmi les autres. En se débattant, les gens vous accrochent parfois de leurs ongles et laissent des marques brûlantes que seul le temps et la solitude apaisent.

La famille et le travail sont des aires de combat d'où l'éthique est absente.

Mon écriture ne tend pas assez vers l'absolu pour t'effleurer un tant soit peu.

La canne peut aussi bien soutenir que frapper.

Rêves d'absolu: bonheur déchu.

Ecrire c'est apprêter la pensée.

Il n'y a que dans le silence que la pensée s'exprime vraiment.

On veut, trop souvent, que l'autre nous aime à notre place.

À placer le bonheur hors de portée, on s'excuse le malheur.

Les gens que la vie fait souffrir ne discutent jamais d'elle.

L'homme n'est pas une somme d’évènements, il en est le produit.

Il faut être ses pensées pour exister.