mercredi 31 août 2016

Mon(?) âme

Mon âme, top 10 sur les destinations les plus visitées, des fourgons de touristes tous assortis sur la même unité, unité de stockage, unité de pensée, unité de conformité. Impudique j'ouvre toutes les portes, ou presque, laissant entrevoir la profondeur de mes égouts et de ces terres arides et brûlées où suppurent les cadavres d'illusions, aux côté de ceux, bien réels, que l'humanité aura su produire avec tant d'imagination et d'indifférence. Indifférence? Non de passion, avec la certitude des justes, avec cette foi qui vous fait abattre l'altérité avec autant d'aplomb et de conviction que celui qui s'avance serein vers un paysage en trompe l'oeil.

Ces zones où se reflètent la vérité fascinent et écoeurent à la fois le chaland, cette vérité aux reflets impersonnels et au goût de l'indifférence, cette vérité qui vous renverra son meilleur reflet sous peine que vous lui soumettiez votre croyance, telle une putain vénale. Pourtant, comme cette dernière, jamais personne ne la possède, même pas celui qui ferme les poings pour la battre, celui qui la met en scène et l'expose dans la rue aux yeux de tous, celui qui s'en nourrit, celui qui s'en réclame.

Mon âme est une île privée ouverte au public, une station de radio mélancolique et usée, qui tourne en boucle les mêmes mélodies mineures, celles-là qui vous parlent des heures qui jamais ne reviennent, celles qui s'accumulent dans le filet des mémoires et dont l'écho perdu alimente toutes les peurs.

Mon âme sait faire des baisers glacés, de ceux qui vous ankylosent les membres et affolent votre coeur.

Pourtant, derrière les mots, derrière tout cet enchevêtrement de peintures exécutées pour être affichées, placardées, existent d'autres cieux plus cléments, et des élans d'amour si grands qu'ils te prennent la main pour s'envoler au-delà des grands champs.

Mon âme est comme le monde, elle a la teinte de tes regards, le timbre de ton attention, simple support de tes tentatives pour te saisir un peu.

samedi 27 août 2016

Regarder les funambules

Aujourd'hui j'ai beaucoup dormi. Le poète en moi avait longtemps gardé sa bouche close, il n'avait fait parler que ses regards et ses gestes, alors les mots, je crois, devaient un peu lui manquer. C'est pourquoi, je pense, il est venu me visiter, d'une visite onirique dans laquelle il s'est revêtu de la peau de Pessoa. J'ai ainsi pu me balader avec le poète portugais, observer son étrange comportement, pareil à la fuite d'un stylo tenu par un dessinateur amoureux qui jamais ne décolle la mine du papier. Je lui ai posé les questions que je me pose à moi-même; et c'est moi-même qui répondait; parce que Pessoa était le masque que je portais. On a toujours besoin d'être un autre pour exister, je crois.

Je lui posais des questions, j'en avais mille en tête, que dis-je j'en avais des pelletés de cieux étoilés, et souvent il m'invitait à réfléchir et à trouver les réponses pour moi, les réponses déjà données par le présent et par l'état du monde tel qu'il est, celui qu'on ne prend pas assez la peine de lire parfois. Puis à la fin, il s'est enfui en courant, je n'ai pas trop compris pourquoi, il a couru rejoindre ses gestes silencieux et la musique inentendue de son existence. Il n'y avait pas d'anxiété dans cette fuite, il ne semblait pas y avoir de sentiment particulier à la base de ce départ précipité, seulement l'inéluctabilité du temps qui passe et de la fin des choses qu'on ne peut retenir.

Je me suis réveillé avec quelques phrases en tête que j'ai jeté sur un écran: le poète avait voulu parler. Quelques gouttes de larmes binaires ont ainsi imprimé leur trace sur ce terrain virtuel que j'occupe par moments.

C'est la rémanence des souvenirs qui donne de la perspective et reflète le présent. C'est précisément ce processus qui est à la base de la conscience, et c'est précisément celui-là qui se trouve à la source de la mélancolie du poète et penseur lucide. Au fondement de notre manière consciente de vivre: la création du temps qui s'écoule, le récit, l'histoire, et l'oubli qui nous effraie parfois mais fait de quelques uns des funambules agiles sur le fil de leur destin. Au fondement de chaque chose son opposé. C'est tous nos malheurs qui donnent leur complexion à nos bonheurs.

Je n'ai pas d'enseignement à donner, tout cela ne me sert à rien, tout ce que j'apprends me sert à être plus léger, c'est à dire à désapprendre encore plus. Je sais qu'on est un bon paquet comme cela, funambules, joueurs heureux, amoureux du style et de la forme; parce qu'il n'y a que la forme qui donne ici du fond à l'existence.

Avec le style de la vie

Faire des vers et les enfiler comme des bijoux pour son âme.
Avancer dans la mort avec le style de la vie, impétueux et arbitraire, absurde comme un air de musique jeté sur un réel sourd et muet.
Comme une étoile filante, se savoir condamné et redoubler d'ardeur, briller de mille éclats, se parer de couleurs pour éclairer le monde de sa lueur, pour faire ressortir toujours plus de petits détails et déterminations sur les ténèbres impliquées.

Mes plus beaux poèmes sont des coeurs en fusion de poésies, des textes en partance pour un lieu d'existence, encore coincés en gare.
Mes plus beaux poèmes sont l'immobilité féconde qui précède le mouvement.
Ils dorment et bruissent de tous les réveils.

vendredi 12 août 2016

La guerre des points

Un homme observe une feuille et la décrit de couleur verte, tandis qu'un autre, positionné à l'opposé de lui, n'aperçoit que l'autre face de cette même feuille, dont la couleur tire plus sur le jaune pâle. Un troisième larron, perché sur une branche, et voyant, grâce à la courbure de la feuille une part des deux faces, affirmera qu'ils ont à la fois tous deux torts et raison. Puis un jour, un biologiste avec son microscope viendra éclairer l'intérieur de la feuille, tendant vers le minuscule - qui est en fait tout autant gigantesque que le majuscule -, pour y voir autre chose, agencement de cellules aux couleurs insoupçonnées.

Tout est point de vue, tout jugement est point de vue. Certains, amassent en un point de vue, la somme d'autant de points de vue que possible. Mais ils ne sont jamais qu'un point de vue qui tente de se souvenir et de maintenir dans sa singularité, la multiplicité conçue par addition grâce à la force de l'imagination qu'est le souvenir. Peut-être les points de vues amassés ne sont-ils plus valables. Et de toute façon, il en existe encore combien comme ceci? À quelle distance de l'infinie est-on plus près de la fin?

Et les hommes de se disputer pour savoir qui voit le mieux, qui est le point qui serait le centre du monde, qui détient l'angle le plus essentiel sur les choses, choses qui ignorent ces chimères et qui continuent d'être là dans cette générosité plurielle qui permet aux mondes d'exister en quantité indéfinie.

Il existe des points de vue, et des points de vues de points de vue - qui ne sont que des points de vue eux aussi. En quoi le monde qui se peint depuis un point serait-il plus faux ou plus juste que depuis un autre?

Nous sommes tous à notre juste position - juste parce qu'elle est celle que nous avons au présent -, tous une fenêtre donnant sur le réel un aperçu unique et incommensurable.

Fragment nocturne

Mon écriture est un tapis de rosée qui se pose sur l'herbe fraîche de mon existence, les restes de ma mélancolie stellaire que la nuit fait resurgir.

Tu souhaiterais savoir ce qu'est pour moi cette femme... Elle est le scintillement timide mais persistant d'une étoile dans le ciel de mes sentiments. Elle est la seule étoile dont la lueur parvient à mon oeil au milieu de l'iridescence aveuglante de cette aurore qui n'en finit pas de déborder sur ma nuit.  Cette aurore au feu si fort qu'il semble avoir décroché de mes cieux tous les astres lointains.

Juste une petite étoile solitaire dans le ciel, et tout cela est déjà beaucoup...

La sagesse du lac

Le lac s'est effondré en lui-même. Cela fait en son centre comme un vortex crépusculaire où fuit sa substance. Mais ce qui s'évade quelque part, resurgit toujours ailleurs. Jusqu'à ce qu'un monde, un jour, me fasse mentir. Il me faudra alors apprendre à sentir autrement...

dimanche 7 août 2016

Journal d'un principe

Perché sur une branche de la vie, avec son code inventé, son alphabet hélicoïdal, je vois chuter les corps célestes. Pluie de lumière qui fend les ombres, mouvement indéfini que mes pensées épousent, comme des grains de sable qui marqueraient le temps. Les souvenirs parsemés au pied de ma branche, font sur le sol une étrange semence qui donne ses fruits dans mes sentiments vécus, racines invisibles qui s'accrochent à l'âme et en portent les fleurs.

Peut-être qu'une forme de loi de la thermodynamique, nous pousse à avaler notre passé pour exister sur la crête émoussée de l'instant. J'avale mes moments vécus et cela me fait d'autres présents, ou plutôt le même long présent qui se nuance et se fond dans son prolongement comme une mélodie sans origine ni destination.

Somnoler sur une branche et chuter vers l'indétermination, ravaler ses mots car la poésie est un sentiment musical. Change-forme sur sa branche jette sur le réel son voile diapré de couleurs, de sons, et d'autres formes qui sont la signature de ce qu'est son rythme et sa structure ancrée sur l'informité de sa base.

Ne cherchez pas le sens de cette phrase, le sens, pour quoi faire? Cherchez-vous une recette afin de cuisiner votre futur sentiment? Vous le vivrez, mais le sentiment n'est pas le produit de la recette, car l'application même de celle-ci est le sillon sensible du sentiment. Ridicule, abjecte: ne pouvons-nous garder que la sensation intime d'un rythme, comme une béquille sur laquelle caler son souffle et continuer le mouvement que d'insondables causes ont provoquées.

Je suis là, comme un déferlement de vague indéniable, façonné par les regards du monde dont je fais partie. Change-forme aux indéfinies facettes, faites jouer sur moi vos reflets miroitants, que mes formes étincellent de diamants colorés, qu'elles se rendent opaques, comme tamisées par l'abat-jour de la chair qui fait briller notre lumière toujours plus loin vers l'intérieur. Précisément là où la lisière de l'intériorité se confond avec les franges du dehors. Précisément là, en cet endroit de la relativité, c'est à dire précisément partout.

Artisan de phénomènes, forme transcendantale, source d'univers, mathématicien et artiste, musicien joué par ses airs, airelle vermeille, oiseau aux ailes déployées, reflet changeant et versatile, poisson fuyant dans les fleuves du temps, étincelle de vie, bruissement du vent et des choses éparses...

Petite trille avalée par des silences qui ne veulent pas s'éteindre parce qu'ils n'existent qu'entre les mots et les sons qui ne cessent point. Délinéation incandescente d'énergie pure, sans trop savoir ce qu'est la pureté... Mots jetés là et qui retombent sur la papier, inertes et disgracieux, fanés d'avoir été coupés, n'attendant que de pouvoir boire l'imagination des dieux. Démiurges. Démiurges déments qui se cherchent des raisons sans fin, oubliant qu'une méthode est un principe inépuisable.

Principes amnésiques, nous rappellerons-nous un jour - qu'il n'y a rien à se rappeler?

lundi 1 août 2016

Les butineurs d'étoiles

Les butineurs d'étoiles sont les yeux qui se fixent au flanc des feux lointains qui percent la nuit noire. Dans ta source alme et destructrice, je plonge mes rêves les plus étranges, mes antennes d'humains qui trempent dans l'ailleurs. Je voyage jusqu'aux coeurs en fusion avec les ailes de l'imagination, abeille stellaire qui prend de vos ventres les atomes et forme la matière des songes avec vos radiations mortelles. Je fais partie de ceux qui comprennent la mort comme une naissance et inversement.

Les butineurs d'étoiles sont les souffles longs expirés vers les cieux étoilés, les respirations qui se calent sur le rythme des pulsars, le chuintement de l'air figurant l'éjection du centre des quasars. Et mes secondes sont des fontaines, pareilles à ces objets sidéraux qui éclaboussent la toile blanche de notre esprit de leur lumière infatigable.

Les butineurs d'étoiles remontent pour un temps l'entropie, en chantant sur leur passage: "entropie, entropie, je sais que tu ronges ma durée, pourtant sans toi je n'aurais pas de vie. Entropie, entropie, vois comme mon dérèglement te fais mentir, et pourtant, tout dans mes mouvements te rends honneur. Entropie, entropie, le flash de mon existence dans ta nuit pleine, est une désagrégation que seul ton règne rend possible."

Poussières d'étoiles dans mes cellules, et sables interstellaires aux tréfonds du ciel. Je me baigne dans les océans, qu'ils soient d'eau ou de feu, qu'ils soient de nuit ou de lumière.

Les butineurs d'étoiles sont là, rêvant du fond des puits, concentrant en eux-même mille rêves réunis. Des fonds obscurs de la psyché, de l'inconscience ou se tient debout la conscience, du sommeil de l'humanité, les butineurs veillent sur le vacarme silencieux des grands espaces,sur l'ouverture du monde qui se dilate comme sous la caresse charnelle de nos doigts si habiles, mais impuissants à toucher l'horizon.

Les butineurs d'étoiles sont là, et seront la conscience qui gardera son oeil ouvert, fera danser sur scène, ombre chinoise un peu absurde, le mythe d'une origine, et l'illusion tenace de toutes les apocalypses.

Depuis l'écho de mon enfance, jusqu'aux trajectoires de l'avenir, les butineurs d'étoiles étaient, sont et seront toujours là.