jeudi 21 juillet 2011

La fin de la philosophie

La religion des philosophes

Toute philosophie devra-t-elle mener inexorablement à la conclusion suivante: l'ultime sagesse est d'accepter tout ce qui vient? Dans cette apothéose stoïcienne où le bonheur finalement s'offre à qui sait apprendre de chaque situation, à qui sait être heureux de rester lui-même, dans une ipséité que n'ébranlent aucune expérience, aucun évènement. Mais savoir accepter n'est pas se résigner car il ne s'agit pas ici d'être passif mais de continuer sa route, indifférent aux objectifs et aux destinations. Etre indifférent n'est pas le mot adéquat, on parlera plutôt de bonheur conservé, d'équilibre et d'harmonie avec ce qui est. Le bonheur en fin de compte semble reposer sur la force d'une identité qui ni ne se craint, ni ne craint les autres, une entité se formant inlassablement, se nourrissant du monde et le sublimant par l'éthique, seul horizon valable à la conscience humaine.

Peut-être que le bonheur n'a rien d'éclatant après tout. Peut-être que la vie persiste seulement sur l'axe précaire de l'équilibre et que l'absolu dissout, engloutit toute vie et toute conscience la privant à jamais d'elle-même?
La philosophie est probablement la fin de tout espoir, le début de tout amour, l'amour de ce qui est et devient. Peut-être touchons-nous du doigt les caractéristiques du surhomme dont Nietzsche nous dessinait les contours. Un homme dénué d'illusions dont la sage lucidité constitue le ferment du bonheur humain. Peu importent ses bornes à ce bonheur depuis que l'homme a découvert entre celles-ci une infinité d'infinis. Le seul absolu auquel l'homme peut prétendre serait cette abolition même des absolus dans la perfection d'un équilibre jamais atteint. "La perfection de l'homme c'est sa perfectibilité", et peut-être aussi son absolu.

La métaphysique n'est tout au plus qu'une religion de philosophes, au pire une fiction divertissante. Elle semble être en tout cas encore une sortie de l'humanité que l'homme s'invente pour se fuir et enfin prendre la place de Dieu, cet être qu'il a façonné de ses mains et qui n'est autre que ce que l'homme n'est pas.

On a beau poser ces axiomes et croire avoir tout dit sur le sujet, on n'en ressent pas moins une faim insatiable pour ces zones d'ombres inaccessibles à l'homme et dont il cherche la clef dans une réponse définitive et absolue à laquelle se soumettre. Peut-être avons-nous trop peur d'être maîtres de notre monde, architectes à la fois du bien et du mal. Peur qu'aucune réponse ne provienne de l'extérieur, d'être seuls juges de notre tragédie. Peur enfin de cette liberté qui fait de nous des êtres capables de façonner la réalité comme bon nous semble, de l'éclairer à la lueur de nos propres interprétations et jugements, toutes et tous aussi justes les uns que les autres puisqu'aucune vérité ne réside hors de l'homme.

Tout est donc égal, toute chose ne prenant sa valeur que de la perspective par laquelle l'homme l'éclaire. Dieu est donc bien mort et nous l'avons enterré et notre absolu réside en cette faculté, acquise ou innée, à ordonner le chaos par nos choix. La vérité en somme est peut-être une affaire de croyance et l'absurde la fin de son règne.

La vérité comme négation du mouvement

Au bout d'un moment, à trop poursuivre la vérité, on finit par s'apercevoir qu'il vaut mieux avoir des questions que des réponses. La vérité finalement qu'est-ce que cela représente pour l'homme si ce n'est le but ultime, une sorte de destination finale pour la conscience où se reposer, où atteindre le bonheur? Or il n'est de destination finale, pas plus que de bonheur dans la poursuite d'un but. Seulement des illusions et des désirs assouvis, aussitôt renaissants de leurs cendres sous d'autres formes encore. Si l'on en vient à préférer les questions aux réponses c'est que celui qui a appris à se satisfaire des premières, à voir en elles une fin en soi, celui-là peut cheminer heureux pour toujours, son bonheur ne dépendant pas d'un point précis mais d'un mouvement, comme l'est la vie.

Pourquoi le bonheur ne serait-il pas le chemin de celui qui poursuit ses questions, comprenant toutes les voies vers toutes les réponses possibles, y percevant partout une forme de 'vérité'? Qui est plus sage? Celui qui reste campé sur ses positions toute sa vie, faisant preuve d'acharnement héroïque? Ou celui qui humblement, apprenant de la vie, admet toutes les opinions comme temporaires, toutes les réponses à une question comme le reflet de la vérité? On peut préférer les questions car avec elles on chemine sans fin, heureux de poser des questions justes, auxquelles on pourra passer sa vie à réfléchir sans empressement. À quoi rime de s'arrêter à une réponse? On a trouvé et après? Que se passe-t-il, est-on heureux pour l'éternité? Certainement pas, il faut recommencer, car alors on a plus nul part où aller, le chemin s'est arrêté et on se rend compte qu'il n'y a plus rien, que du vide à combler, par d'autres désirs, par d'autres réponses et d'autres questions.

Le summum de la vérité étant peut-être de trouver l'équilibre entre cette naïve ignorance teintée de curiosité qui a fait germer la question et l'arrogante assurance de qui croit savoir et a chassé tous les doutes. Probablement qu'à mesure que l'homme sillonne la vie, il devra parcourir ce chemin maintes et maintes fois entre l'ignorance curieuse et l'assurance bornée. De toute manière le principe de la vie est de conserver un mouvement et ceux qui ont choisi de fixer des objectifs sont voués à connaître une faim perpétuelle car pour eux le but ultime réside seulement dans l'absence de but. Seule cette compréhension permettra à tout voyageur d'aller, fermement agrippé au bonheur, chérissant le premier pas comme le centième, la nature seule sachant déterminer lequel sera le dernier.

Le mariage des opposés

Je me plais à parler d'équilibre mais sans jamais réellement expliciter cette notion que nous possédons tous au moins de manière implicite. L'équilibre est donc le point de tension entre deux entités ou deux forces opposées sur lequel elles s'annulent totalement. L'équilibre, lorsqu'il est absolu (et nous savons que rien de ce qui est humain ou accessible à celui-ci ne l'est) est donc repos total. C'est sur ce point que toute Vérité (envisagée comme mouvement et non comme but) repose enfin, ce point évanescent, jamais réellement atteint mais auquel on ne peut qu'aspirer indéfiniment, source de désirs jamais satisfaits et peut-être par là, moteur de la vie. Ces deux opposés se faisant face, possèdent un point commun, une frontière qu'ils partagent, où l'un se fond dans l'autre, où l'extrême de l'un devient le commencement de l'autre, mais ce point, tout comme l'infini mathématique, ne peut jamais être atteint puisqu'il est un absolu. Le combat de l'homme serait cette lutte infini pour accéder au repos, celui où toutes les forces de la vie s'annulent, où connaissance et ignorance se marient dans un absolu faisant de chaque mot une coquille vide, désintégrant toute notion dans un étirement infini de ses bornes. C'est le repos de "Dieu", interdit à l'homme puisque la vie le force l'enserre de toutes ses forces, ne lui laissant comme voie que le rétablissement ininterrompu d'un équilibre utopique lorsqu'on le pense en terme d'absolu mais tout à fait tangible dans une conception pleinement humaine et privée d'inertie. Le bonheur, c'est la recherche de la Vérité et donc de cette équilibre mais en aucun cas le bonheur ne doit être confondu avec l'équilibre lui-même car il devient alors une notion absolue et figée, déconnectée à jamais de la réalité humaine. Le bonheur est précisément la recherche de cet équilibre, et cette quête seule est le sens de l'humanité, son 'mouvement'.

dimanche 10 juillet 2011

Poème de rien du tout

Un petit poème de rien du tout,
Juste des mots sur une feuille de choux...
Un peu de poésie sur le ciel de nos vies
Le mystère du hibou s'extrayant de la nuit...
Peut-être un simple abri pour tout le temps qu'on perd
À chercher paradis en compagnie des vers...
On s'ennuie tellement qu'on en creuse l'univers
Retournant tous les arts pour les mettre à l'envers.
Dans quel but, au fond, faisons-nous tout cela?
Serait-ce simplement pour oublier le pas
Du temps mangeur d'enfants,
Donneur de rides, avilissant?
Nous aurions tort alors
De ne pas voir d'abord
Un allié dans la mort.
Car au fond le temps c'est nous,
Grande illusion de l'esprit fou...
Alors cessez de faire le grand écart,
Il n'est jamais trop tard.
Oubliez donc ce poème,
Préférez dire "je t'aime".
À votre femme,
À un quidam,
Mais surtout respirez,
Et de rêver cessez!
Voyez?
C'est fait,
Souriez,
Vous vivez!