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mardi 28 novembre 2023

Inspiration

Enfermez-vous dans votre esprit, dans le puits de votre âme, sans porte ni fenêtres, laissez mijoter cette volonté directement branchée aux étoiles, jusqu'à ce que ce frémissement de l'être se fasse ébullition et que toute votre personne perce des trous dans le tissu de l'être. Laissez l'énergie accumulée se concentrer jusqu'au noyau de vous-même, jusqu'à devenir aussi dense que mille galaxies, jusqu'à ce que s'effondre le gaz de vos pensées sur l'atome de néant, et devenez cette étoile noire qui contient au-dedans d'immenses portions d'horizon sidéral. La frustration, l'absence d'expression façonne les étoiles et relie l'âme aux sphères de la beauté cosmique. Il faut alors attendre et trouver un moyen de faire sourdre la perle patiemment polie. Et c'est cela la poésie, rien d'autre.

Il n'y a pas de travail dans la création poétique, mais le simple mouvement de l'être qui devient.

lundi 21 mars 2022

Ailleurs

 J'avais, dans la voiture, un train d'images qui contenait en ses wagons, tout ce petit trajet et, plus généralement, tout ce mouvant présent automobile. Images phantasmées, arrimées l'une à l'autre en rêveries kaléidoscopiques: et tout ceci était la vie, la vraie, la seule.

Depuis l'enfance qui hurlait, depuis les salles d'attente, les classes d'école, les chambres à ranger, tout ce noyau d'agir s'est concentré en soi, pour percer le tissu temporel, forger au cœur des choses un monde clandestin.

Être ne m'a pas demandé plus d'effort que de savoir piloter ces fééries diurnes par lesquelles je m'échappais des cieux pour vivre la réalité d'un monde impossible à souiller.

C'est ainsi que je veux la vie: pareille à cette enfance qu'il s'agissait de fuir par l'union de ces mots qui m'emmenaient ailleurs.

Ailleurs est toujours quelque part ô combien plus enviable qu'ici.

Ailleurs est toujours quelque part.

lundi 10 mai 2021

Aphorisme du poète en chantier

La poésie est le plus court chemin entre les mots et l'ineffable.

 

La poésie est le plus court chemin entre les mots et l'abîme.


Composer un poème est presque équivalent à composer de la musique: l'acte de production s'y confond quasiment avec celui de réception. L'intervalle entre la création et l'interprétation est très court. Dans le roman, ce n'est pas le cas et il faut toute la complexité de la structure narrative (et sa temporalité) pour que l'efflorescence sémantique s'y déploie. En cela, la poésie est une technique de l'être (et particulièrement de l'être langagier): elle ne produit pas l'acquisition d'un savoir-faire par lequel des artefacts reconduisent laborieusement à l'expérience; elle est une praxis, un savoir-être, par lequel l'étant s'affûte et se transforme en une modalité esthétique de l'existence.


Le poème est accessoire, il n'est que le barreau d'une échelle qu'il faut jeter après usage. L'effet de la poésie est de mener à habiter, presque immédiatement, l'espace-temps de manière esthétique: elle ourdit le regard.


Le poème n'est pas le but de la poésie.

samedi 20 mars 2021

L'auto-défense pour les nuls

Donner un sens à la vie c'est précisément en faire un moyen d'atteindre un but, la placer entre une origine presque néant et un distant horizon vers lequel il s'agit d'avancer. Avancer. Le terme est primordial ici puisqu'il s'agit de faire du mouvement d'un destin un cheminement, c'est à dire une suite de gestes ordonnés et continus en direction d'une destination finale. Autrement que serait la vie enfin? Une somme de gesticulations effrénées, sans ordre, impossible à organiser et hiérarchiser, impossible à quantifier. Le trajet qui relie deux points entre eux a l'incommensurable qualité d'être précisément mesurable, quantifiable. Il devient possible alors de comparer les vies qui auraient des horizons peu ou prou similaires. Il devient possible d'instaurer une hiérarchie des existences en fonction de la plénitude de sens qu'elles auront réussi à achever. Il devient possible de trier les individus, de les classer dans un ensemble ordonné.

Cela dit, quel mérite à pouvoir qualifier son destin d'"avancée" si le but fixé n'est pas de notre ressort, s'il ne relève pas de la volonté propre? Et si les destins étaient mécaniquement exécutés, qu'ils obéissaient à une nécessité naturelle qui les replace en des chaînes causales explicables (au moins en droit)? Il y a fort à parier que pour beaucoup, la qualité de telles vies s'en verrait altérée. Il deviendrait interdit d'attribuer à la force de volonté la capacité à naviguer vers un horizon pour former un chemin plus ou moins rectiligne (le grand signe des puissants, des forts, des surhommes!). Il faut toute l'illusion de libre-arbitre pour faire tenir le monde harmonieux et sidérant de justice que nous avons édifié, nous les hommes deux fois sages (homo sapiens sapiens).

Pourtant, tout cela n'est que fiction. Il n'y a jamais que le regard extérieur qui sache tisser ce récit d'inepties que l'on se conte entre nous -- mais d'abord à soi-même -- afin de calmer la terrible angoisse qui nous étreint face aux abîmes de l'existence. Ce monde d'hommes forts, qui décident pour les autres, fixent des valeurs, réforment la nature, bâtissent des États, peignent des morales, grognent des lois qu'ils accrochent comme des guirlandes à chaque atome de matière indifférente, est la plus parfaite illustration de faiblesse indomptée, de désespoir insurmonté de ceux qui, se sentant minuscules, cherchent à réduire le Tout qui les écrase à la mesure de leur pathétique horizon.

Donner un sens à la vie... Vous ne donnez rien à la vie, ignobles prétentieux apeurés! C'est la vie qui vous donne quelque chose, à commencer par l'inexplicable pulsation de votre être.

vendredi 15 janvier 2021

Be-come


 

 

 J'écume.

J'écume au froid d'être soudain hier et j'aime à en vomir des êtres de poussière:

effroi.

Être: hier...

Demain pourtant déboule à l'autre bout du temps

Et dans la gueule où roucoulent les vents s'ébroue le bel oiseau, sa robe chamarrée, d'ambre et de pourpre au cou si rassuré.

Dans les yeux qui dégouttent d'orbes irisés, je contemple un manteau tissé de mes idées.

Pourtant... Rien n'est plus hiver que l'été de mes songes.

Et lorsque, convaincu, je m'allonge, en croulement charnel dans l'herbe qui déborde:

Tout coïncide avec le néant plein de l'être, immobile et parfait dans son immonde complétude.

Dieu que me dégoûtent ces chiens qui s'enroulent au sol et cuisent aux feux célestes, immobiles gondoles.

Le vide s'échappe en sourdine, et c'est toute la farandole du possible et le grouillement des destins, l'informe gémissement des choses qui part au loin mourir.

Rien ne peut exister dans l'être plein de soi.

Ce rêve de tout un chacun ne semble vivre là que pour nous rendre aimable une idée de la fin.

Vivre: pour mourir. Désêtre là, pour naître ailleurs, et n'être, d'ailleurs, jamais ici, c'est tout cela que devenir.

mercredi 6 janvier 2021

Aphorismes ontologiques

Toute chose est une fonction d'agencement de l'être.

 

L'indéterminé ne se donne à voir qu'en tant que processus de détermination; il en est la condition de possibilité.

 

La condition de possibilité de toute chose est son contraire.

 

Les contraires se rejoignent toujours par un milieu. Ils sont, au fond, d'une même étoffe.

A-T-C-G

 Il n'y a plus assez de souffrance dans ma vie.

Plus assez de ce matériau malléable pour composer ces complaintes mineures qui me peignent un profil ici.

Peut-être reviendra-t-elle un jour. Probablement...

En attendant, si écrire est un besoin, il devra trouver une autre fondation, une autre source.

Peut-être que la poésie ne sera plus le genre d'édifice qui s'y érigera alors.

Ces états de conscience qui n'ont ni l'éclat coruscant de la béatitude, ni la profondeur sombre du tourment, se prêteraient bien à l'équanimité du roman. Il ne faut pas trop d'intensité pour un roman, il faut distiller le sentiment au compte-goutte, sur la durée, mesurer son effort.

La poésie n'est pas un effort. Elle est jaculatoire et gicle sur la feuille par une pression trop forte à contenir. La poésie naît d'un besoin vital impérieux, sans calcul, sans mesure.

Or je vis bienheureux, suffisamment comblé pour ne pas entendre le cri de mon corps, des cellules de mon âme. J'avance suffisamment repu, dans une paix relative et mon énergie a d'autres couleurs que l'éternelle entropie. Elle s'emploie autrement, produit d'autres mondes dont elle maintient les murs.

Me manque-t-il quelque chose? Suis-je moins qu'avant? Ne puis-je être plus?

Je ne sais aujourd'hui si ce n'était pas la souffrance qui produisait l'ombre de mon identité, constituait la cause sublime dont j'étais l'effet contingent...

Que suis-je désormais, si je suis autre qu'elle, sans plus aucune coïncidence avec une quelconque détermination..?

Un corps, une forme, ne sont qu'une manière d'être, une manifestation. Un simple motif du seul tissu ontique. Pourquoi celle-ci plutôt qu'une autre? Peut-être car tout doit exister, et que le monde est l'indéfinie création où s'instancie l'infinité protéique de l'être.

jeudi 12 septembre 2019

Je suis le vide entre les pas

Ecrit pour un concours dont la consigne est de faire figurer l'expression "je suis" dans le poème... C'est un peu évident d'utiliser la répétition comme cela, un peu facile et attendu, mais au moins ça ne déroutera pas dans le mauvais sens...

Je suis l'autre côté des choses
L'envers sur qui l'on pose
Un regard étonné

Je suis l'ectoplasme des limbes
Métamorphe un peu dingue
Dissous dans les vapeurs d'alcool

Je suis celui qui n'était rien
Abscons et sans destin
Je suis la mort déguisée en humain

Je ne suis pas un chant de fleurs
Plutôt bouquet de tous les pleurs
Le crépuscule de tout bonheur

Je suis ou ne suis-je pas
Qui sait ce genre de choses
Je suis le vide entre les pas

J'essuie mes larmes au coin des pages
Et vous buvez mon lent naufrage
Je suis la forme d'un nuage

Je suis... Enfin je croyais être
Ici, cela ou autre chose
Façade clairsemée d'innombrables fenêtres

Suis-je un fragment du monde
Ou un regard sur lui
Une simple distance entre les infinis?

Je suis tout et puis rien
Je ne suis personne et c'est très bien
Je pourrais être chaque humain

Un beau jour enfin
Je deviendrai quelqu'un
Je pourrai dire "je suis"

Sans remettre à demain

vendredi 19 septembre 2014

Le multiple et le substrat

Pourquoi persister à comprendre le monde par le biais d'une substance permanente et immuable (l'Être) qui serait sous-jacente aux phénomènes? Et si le monde n'était qu'impermanence et multiplicité? C'est ce que semble indiquer la diversité des points de vue, la diversité des consciences qui toutes vivent en elles un sentiment et des qualités absolues. Pourtant il reste difficile de concevoir une multiplicité changeante, un être impermanent sans que demeure un fondement unique et stable qui soit la condition d'existence du changement.

Prenons l'exemple d'un chat: différents observateurs, en différents lieux, pointent leur regard vers l'animal. Chacun percevra un être différent, une relation à l'observé dont le vécu est absolument singulier, et ce quand bien même deux observateurs échangeraient leur position pour se tenir à l'endroit exact où se tenait l'autre. La relation ne peut être la même à partir du moment où un des termes de celle-ci est modifiée, j'irais même plus loin en affirmant que la relation ne peut être la même à partir du moment où un seul élément du système observateur-observé est altéré. Prenons l'exemple d'une baisse de la luminosité (toujours dans le cas de notre chat) entre un instant T et un instant T+1, il semblera alors à tous que le chat est différent à l'instant T+1 de ce qu'il était à T.

Alors peut-on seulement concevoir que ce chat ne soit qu'un indéterminé qui s'offre à des déterminations diverses et indéfinies en fonction de la relation dans laquelle il s'inscrit avec un observateur? Et si l'on admet cette hypothèse, qu'est-ce qu'un indéterminé, qu'est donc un être indéterminé? Des milles manières d'observer ce chat (vision thermique, rayons X, vision humaine, etc.) lesquelles nous disent ce qu'il est réellement, et que dire de tous les attributs (au sens spinozien) que nous ignorons et que nos structures organiques ne nous permettent pas d'imaginer et encore moins de concevoir?

Il semble exister un certain juste milieu entre la détermination absolue et donc intrinsèque de chaque terme d'une relation et la détermination réciproque de ces termes par le système relationnel. Ce n'est pas parce que je n'observe pas le chat que je dois affirmer qu'il n'existe pas tel que je l'ai observé quelques minutes auparavant, et inversement je ne peux pas dire à quoi il ressemble sans m'imaginer prendre position et déterminer un référentiel par lequel il pourra prendre les détermination qui me le révèleront. Je ne peux imaginer le chat en soi et je ne peux non plus en faire une pure abstraction indéterminée puisque son être est, pour moi, la synthèse de toutes les déterminations possibles, de tous les attributs par lesquels il prend forme et s'offre à ma perception comme un objet du monde. Ainsi, son être en soi est pour moi (et le paradoxe est inévitable) la possibilité d'une certaine forme spatiale, d'une certaine température, d'une certaine affectivité, d'un certain mouvement, etc.