dimanche 22 avril 2018

Relation et différence

Deux mondes s'observent. L'un aux couleurs de chez nous, familières, anciennes et presque pastel en comparaison de l'autre. L'autre va bien au-delà, et en-deçà aussi. Y a-t-il un monde qui les contient tous deux? Interfaces abouchées, qui se respirent et se hument au sein d'un royaume blanc comme un vide noir de monde.

Un monde peut-il en comprendre un autre? Celui de l'humain augmenté excède-t-il celui de l'ancêtre? Ou bien la richesse du nouveau système réagence les interactions de telle manière qu'aucune des valeurs ne peut être identique aux anciennes? Le bleu que l'on connaît à jamais différent et autre dans ce spectre chromatique étendu au-delà l'imaginable - pour nous, ancêtres naissants.

Tout monde est une relation.

Chaque monde est une différence.

jeudi 19 avril 2018

Issue de secours

Combien de vies s'écoulent à dormir éveillé?

L'école ne fût qu'un long sommeil, entrecoupé de rigolades, d'interludes de dérision entre amis. On se soude à d'autres parce qu'on est acheminés dans le même wagon à bestiaux, jugés inaptes à user de son temps libre à bon escient. Un jeune d'aujourd'hui, c'est un irresponsable, celui qui ne peut fournir une réponse à la question qui interroge ses motivations et aspirations à faire ce qu'il fait, ou ne pas faire ce qu'il ne fait pas (mais cela revient presque au même). Mais l'absence de réponse, le jugement de désordre qu'on accole à son silence, à son hésitation, ou à ses réponses exprimées (qu'elles soient lapidaires ou développées) n'est-il pas que le fruit d'une déception en nous? La nature humaine est d'appréhender le réel en le configurant par l'intermédiaire de sa sensibilité d'une part, et de son entendement d'autre part (on parlera de catégories). Nous appréhendons autrui par le même biais, celui de nos attentes, de notre conception du monde, d'une axiologie singulière (bien qu'héritée d'une ou plusieurs culture(s) donnée(s)). Alors pour ces raisons, celui qui répondrait hors des cases, ou dans celle que l'on méjuge, celle qui nous apparaît comme une moindre valeur, voire une contre-valeur, celui là il faut l'occuper, le guider, quitte à le contraindre.

L'école a fait cela de moi, je parie qu'elle a fait cela de bien d'entre vous aussi qui lisez ces lignes. Bien sûr elle n'a pas eu que ce rôle négatif, là encore il faut appliquer à soi-même ce qu'on attend des autres et se rendre capable d'identifier en soi les biais. Juger l'école seulement par ce prisme c'est ne la juger que par la lentille d'aspirations déçues (qu'elles soient conscientes ou inconscientes, précises ou floues). Pour certains, un choix significatif est offert au terme du cycle secondaire. Pour d'autres, moins "chanceux", le wagon restera attaché à la même locomotive, le temps qu'il faut à un destin pour s'étioler dans l'hétéronomie d'une soumission déguisée (aux yeux des autres et à soi_même).

Mais pour ceux qui choisissent, s'en vient alors la possibilité d'être libre, c'est à dire d'éprouver la concordance d'un tel concept avec l'expérience vécue. il s'agira alors, dans un bref moment de latence, d'incarner la liberté dans un choix qui, par sa nature, la dissoudra aussitôt, pour n'en laisser qu'une ombre portée au derrière de soi. Choisir des études n'est pas vécu par tous comme une expérience de la liberté, mais ce que je relate ici n'a pas pour vocation à être universelle. Je tâche tout de même d'envisager, au moins, ces situations différentes.

Les études, pour ceux qui auront la chance de tomber sur une école qui leur laisse suffisamment d'autonomie, leur fournira le terreau sur lequel pousseront des aspirations, où tout un jardin diapré viendra fournir un exemple de ce que pourrait être la vie humaine lorsqu'on y a l'espace d'y déployer sa créativité, et, pour user d'une formule éculée et flatteuse, de devenir ce qu'on est. Mais le fossé entre études et emploi dans la "vie active", constituera pour certains un abîme infranchissable au sein duquel d'aucuns perdront leur âme (une partie dans le meilleur des cas) et parfois plus que cela: la santé d'un corps aussi (si tant est qu'on puisse décorreller le corps et l'esprit). L'individu "adulte" est celui à qui on ne fait pas confiance, il est l'individu irresponsable à qui l'on demande toutefois d'être responsable, mais de ses erreurs seulement. De huit heures à dix-huit heures, au boulot. Peu importe que la tâche soit accomplie, il n'est pas l'heure de rentrer chez soi, il faut rester, faire sembler, trouver autre chose. Les tâches s'enchaînent sans qu'il soit possible de profiter un tant soit peu d'un quelconque achèvement. Influer sur les objectifs, les priorités, n'est pas de votre ressort, ce n'est pas ce qu'on vous demande. Vous n'avez pas à marquer la production de votre singularité, il faut qu'un autre que vous puisse faire la même chose, il faut que tous puissent faire la même chose. Devenez la fonction que l'on attend de vous, celle qui vous définira même dans la vie privée, lorsqu'on vous demandera ce que vous faîtes dans la vie. Dans la vie, c'est au travail, c'est une case dans le vaste puzzle d'un système capitaliste, c'est une fonction que l'on peut déterminer entièrement par une description plus ou moins brève, mais toujours définie. Ce n'est pas un de ces espaces métaphysiques, de ceux qu'aucun discours n'épuise, de ces grands horizons qui fondent l'essence première de la curiosité des humains: d'où venons-nous, où allons-nous, pourquoi? Non tout cela c'est hors-la-vie, votre cellule privée, si tant est qu'il vous reste un iota d'énergie, physique et spirituelle, à consumer en ces questions inutiles. Vous devenez la fonction, vous apprenez à être un énoncé descriptif, et c'est cela que la vie enfin...

La même activité, la même fonction, aussi riche soit-elle, jusqu'à épuisement, du soleil levant au crépuscule, le même rôle à répéter sur scène ou en coulisses, celui qui vous obsède lorsque vous reposez votre âme dans le divertissement. Lorsque vous employez toutes sortes de drogues (chacun la ou les siennes) pour apaiser un peu les étalons de l'attelage qui vous rappellent par leur perpétuel tiraillement, qu'un homme est peut-être multiple, qu'il est peut-être même une indétermination qu'une grille figée et définie ne saurait comprendre véritablement. L'espace du temps pour vous, et pour tant d'autres, se défait lentement, oscille entre la granularité indistincte d'une multitude d'unités juxtaposées, sur lesquelles vous sautez une à une, comme on avancerait sur un sol qui s'effrite, et la continuité hétérogène d'un écoulement égal, d'une permanence sans écart, sans phonème, et où la voix d'un coeur même, s'effile et puis s'atone.

Le monde est tel qu'il est, la culture est une nature, avec ses lois immuables, l'espace de la société est l'espace même des choses. Il n'y a pas d'autres systèmes, le quotidien politique n'est pas le fruit de choix mais le simple déroulement nécessaire de phénomènes causaux. Il n'y a pas de possible, pas d'ailleurs ni lendemains qui chantent. L'Autre n'existe plus, vous êtes ici et maintenant, sans alternative et sans issue de secours.

jeudi 12 avril 2018

Nom de domaine

Bonjour tout le monde,

petit méta-article pour annoncer le changement prochain du nom de domaine, qui passera de en-dilettante.blogspot.com à ame-en-chantier.blogspot.com pour des raisons de référencement essentiellement et de cohérence (en dilettante correspond moins à l'idée du blog que l'âme en chantier...). Je me suis aperçu que le blog n'était absolument pas référencé sous le nom d'en dilettante, mais qu'il l'était à partir du titre du blog, il me semble donc séant de faire correspondre les deux.

Le changement s'opérera d'ici quelques jours. Je ne sais pas si la plateforme Blogger me permettra de placer une redirection de l'ancienne URL vers la nouvelle. Si c'est le cas alors Alléluia! Sinon et bien ce message aura au moins servi à quelque chose ;-)

dimanche 8 avril 2018

Anti-vertu



Sur des geysers de pétrole noir, jaillissant du sol nu d'astres souillés, ton âme maculée tu promènes et fais boire. À quelle source étrange abreuves-tu ce noir désir de tes pensées? La vallée creuse son sillon entre d'indéfinis sommets. Là-haut l'astre grossi creuse vacance dans le plein de l'espace. En fond de ce décor, où tes pas meurtrissent une nature puissante, la lune noire et presque omniprésente d'un royaume en péril.

Tu es venu dans ton babil, faire pousser sur le sol, ces villes que vous savez si bien vomir. Tout est silence où s'incrustent tes cris sans grâce, ton verbe est la sentence par laquelle trépassent tant d'univers conquis.

Chien de misère qui trône sur la mort minérale de déserts construits. Partout sur ton passage fleurissent les outrages, tu es l'ami de l'entropie bien que ce soit elle qu'horrifié tu fuis.

Regarde ces fleurs qui retombent en cloches, et d'où s'échappe un gaz qui forme des mondes en pagailles pour les curieux esprits. Et cette sève que tu bois de tes moteurs est le remède à tant de maladies dont tu prépares l'avènement; sans même le savoir. La constellation céleste est l'alphabet que tu ne sais pas lire, par ta lecture au seul premier degré. Sais-tu ce que présagent les cieux à ton engeance hostile, et son destin si creux qu'il n'est l'écho de rien? De graves secrets s'ourdissent en symphonies des sphères, et ton tableau se peint dans les nuances diaprées de ces orbes d'opales que tu revends par lots, comme de vulgaires babioles. La conque de cet animal que tu éradiqua jadis, chante en un long sifflement l'histoire que tu écris et ratures de ton sang, graves sur chaque mur et sur le dos de chaque ciel. L'espace, le Tien, est l'exclusif palimpseste où s'imprime la seule poésie que tu goûtes: en codes barres et tickets de caisse. Un battement cosmique et l'ardoise s'efface. Tout recommence enfin dans l'infini surface.

Tout chante, tout conspire en l'harmonie universelle, et tu n'écoutes pas le monde qui te parle. Ne vois-tu pas l'ombre de ces étoiles si sombres qu'elles aspirent lumière? Bientôt, nulle information ne tombera plus dans l'escarcelle crevée de ton esprit sans repos. Tes yeux demeureront ouverts sur le froid entropique. Il n'y aura plus de différence, plus de contraste pour distinguer, plus d'altérité pour sentir, et rien à définir. Il n'y aura plus que toi, ta loi universelle et sans témoin, et cette éternité de mort que tu as pourchassé de ton désir aveugle.

Bientôt, tu parachèveras l'ultime imperfection de cette anti-vertu.

jeudi 5 avril 2018

S'effacer



Ne me demande pas.
Et puis, si tu demandes ce sera pareil.
Le même vide.
Agaçant d'abord,
Puis glaçant enfin.
Comme beaucoup,
Tu n'aimes pas les miroirs.
Parce qu'ils renvoient ta face
En reflet dans le silence.
Trop bruyant.
Le silence est parfois bien bruyant.
Je n'ai pas de réponses à tes questions.
Je ne connais pas d'humains avec des réponses.
Je connais des croyants lucides,
Et des croyants aveugles.
Parmi ceux-là des inoffensifs
Puis d'aucuns si nocifs....
À quelle catégorie j'appartiens?
Encore une question
À celui qui ne sait rien.
À quelle catégorie j'appartiens pour toi?
D'accord, et maintenant pour eux?
Et pour les autres?
On est rarement un con sphérique.
C'est tout ce que je voulais dire.
Il y a toujours un angle où l'on est autre.
Sais-tu à quelle catégorie tu appartiens?
Je veux dire, pour toi-même.
De toi à toi pour ainsi dire.
Ne tremble pas comme ça.
Je suis un peu direct.
Mais un jour,
Chez toi,
En relative sécurité,
Prends le temps de sonder la question.
Tu me diras que si c'est pour finir comme moi,
Plutôt passer son tour.
C'est ton droit.
Mais lorsqu'on croit que ce sont toujours les autres les ennemis,
Il me semble intéressant de s'assurer un jour que ce n'est pas soi-même.
Je n'ai pas de leçons à donner.
À personne.
Ce n'était pas une leçon.
C'était tout juste une proposition.
Qu'est-ce que je vais faire?
Maintenant?
Je vais m'en aller par les rues,
Et puis rentrer chez moi.
Si je serai là au cas où tu aurais besoin?
Je ne sais pas si je serai toujours là,
Mais tant que j'y serai tu peux compter sur moi.
Tu ne pleures plus désormais.
Je constate c'est tout.
Depuis longtemps je ne t'ai pas vu pleurer.
Du moins pas par ma faute....

Bientôt,
Tu n'auras plus ni colère,
Ni angoisse.
Je serai quelque part
Mais tu n'en auras cure.

Bientôt,
Dès aujourd'hui,
Je m'efface.
Comme face à l'aurore
Un vieux lambeau de nuit.

lundi 2 avril 2018

L'amoureux des ruines

Je livre là mon premier roman (disponible ici en pdf pour des raisons de mise en page). Gratuitement bien entendu, comme tout ce qui se trouve ici, comme devraient l'être toutes les créations humaines, particulièrement culturelles.

Ce roman aura été un supplice tout du long. Heureusement, la réalisation aura été brève. Le seul plaisir que j'en aie tiré est celui de l'achèvement, celui que l'on tire de l'épreuve surmontée. Pour cela je m'interroge beaucoup sur mon rapport à l'écriture, et notamment à l'écriture d'histoires... L'art doit-il être une telle souffrance? Je continuerai d'examiner la question à travers mon journal, et tous les textes qui bâtissent l'oasis où vous êtes, là, maintenant, vous qui lisez cela.

Je n'aime pas ce roman. C'est un roman classique et si cela convient à ma sensibilité de lecteur, cela répugne à ma sensibilité d'écrivain (d'homme qui écrit devrais-je dire dans un souci d'humilité et d'exactitude surtout). Il n'aura eu le mérite, finalement, que d'être une échelle, un moyen de me hisser en quelque lieu d'où je puis contempler le chemin parcouru, où la hauteur me procure de nouvelles perspectives. Et tout cela me permet de mieux cartographier l'espace de cette âme en chantier. J'avance vers la connaissance de moi-même, un peu plus, grâce à ce travail. Il est donc un énième brouillon que je livre.

Je remercie Laure qui aura été responsable d'une grande part de cette impulsion d'écrire cette histoire. Ce livre est une tentative de racheter une promesse non tenue.