mardi 22 septembre 2020

Journal de l'entropie

Un journal, depuis tant d'années. Et pourquoi? Un journal adressé à douce entropie. Un journal où chaque écrit anticipe déjà son funeste destin sur des pages jaunies par le temps, et aux bords racornis...

Un journal...

Le témoignage silencieux d'un destin anonyme. D'une psyché singulière au fond des multitudes. Une voix, un récit de qui n'ose pas se raconter et patiente tapi dans les replis de l'âme qu'autrui vienne étaler les lignes mélodiques, enfermées dans une mansarde oubliée d'un esprit effrayé.

J'écris depuis toujours, depuis les balbutiements de la langue dans mon cerveau. J'écris une vie parallèle qui s'étend indéfiniment dans un espace jumeau. Il n' y pas de lien causal entre cette histoire inventée et le phénomène mondain d'un corps qui continue sa route. Et lorsque je ferme les yeux, et me concentre alors, pour tenter de penser sans mots l'identité écrite, il n'y a rien que perceptions présentes, sensations qui se fondent dans la permanence d'une continuité autre. Je vois comme tout le monde, la cuisine allumée, le ciel illuminé, j'entends les sons de tous les jours, ressens les mêmes angoisses, les joies, et tous ces wagons de vécus qui se tiennent la main pour chanter l'entropie. Mais il n'y a rien de ces concepts, de ces images que seuls les mots peuvent invoquer, de ces divisions analytiques, ces distinctions conceptuelles, rien de ces métaphysiques diaprées que, pendant longtemps, j'ai cru mon milieu naturel.

Je vis dans le déséquilibre de ces mondes dispersés.

Quel rapport entre les doigts qui tapent les touches d'un clavier et la signification qu'elles sont sensées produire? Quel rapport entre les doigts grattant les cordes, entre les vibrations sonores et ces images que la musique invoque, ces sentiments qui en résultent...?

Un journal.

Comme une partition pour un seul interprète; qui rêve d'être jouée par d'autres.

Un journal pour l'éternité.

Un chemin relatif pour joindre l'absolu.


Source musicale:


[ Terres brûlées ] Sans dessein



Sous la mousse d'éternité
Passe encore le temps pour les cœurs limités

L'arbre d'égo s'effeuille
Et sous les pas craque l'écho des vanités

Antan s'est effacé
Ne reste que l’absolue nouveauté

Je n'ai rien à promettre
Le temps naît inconnu sur les rebords de ma fenêtre

Je serai là où l'on m'attend dès lors
Je quitte en cet instant la zone du dehors

Je suivrai l'avenir
Où mène ton sourire

Je suivrai l'avenir
Que tes pensées transpirent

Oh tes pas sont légers
Moins lourds que des soupirs

Je n'ai rien à promettre
Le temps m'est inconnu à l'ombre de tes yeux

Aux creux de tes pommettes

J'attendrai bien qu'un jour la queue de ta comète
M'accroche à son destin

Je n'ai rien à promettre
Moi qui suis sans dessein...

samedi 12 septembre 2020

[ Terres Brûlées ] Épuration



Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai demain encore
Peut-être d'un regard
D'un geste
Ou bien de vos paroles...

Il n'y a nulle drame
Les vivants me rejettent
Sur les berges d'un monde
Où je trouve un berceau

Ma vraie famille en bloc
Tout au fond des tombeaux
Dont les regards en mots
Font se mouvoir mon âme

Spectre musical
Dans un espace en flamme
Je suis aujourd'hui mort
Demain peut-être en vie

Le temps d'un lourd contrat
Qui m'impose son masque
Et rend l'individu
Un servile automate

Mes semblables voyez-vous aiment des qualités
Et font des congénères de simples unités
Une somme de fonction qu'on agence en programme
Pour réaliser sa réforme, son petit idéal

Il faut amender la nature
Qu'on ne saurait plus voir
Briser ce vieux miroir
Qui ment sur nos profils

Notre langue est le vrai
La science seule réalité!
Pourtant pas une figure géométrique
Et les visages humains sont tous asymétriques...

Mentir, partout, toujours
Peindre des trompe-l’œil
Sur la vérité nue
Et ne pas voir la nuit surtout...

Qu'on badigeonne à grands coups de croyances
Pour qu'un ciel azur dégoulinant
Soit toujours sous nos yeux
Et bouche l'horizon

Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai encore
De respirer parmi vous
Les miasmes de lâcheté
De détacher ma peau
Pour ressembler à tous
À rien
Au code qui meut chaque machine

Je suis aujourd'hui mort
Et je mourrai encore
D'accepter l'exception
L'erreur
L'irrégularité
L'imprévisible
Mais ce qui est rayé de votre monde
N'est qu'un nom sur la liste
L'identité factice
La vacuité d'un nombre
Le rien d'une unité

À chaque instant je nais
Formule du chaos
Dans votre ordre inventé
Et je naîtrai demain
Pour le restant des jours

Je suis cette nature
Que vous ne voyez plus
La racine bien nue
Qu'il vous faut épurer

Mais...
Dans le processus
Des lambeaux de nous tous
La chair de l'âme rousse
Le clair de larmes douces
S'écoulent par la bonde
En un siphon d'alarmes

Il faut refaire le monde
Et combler cet abîme
Entre mots et puis choses
Décoder l'alphabet
Maîtriser le langage
Que Tout soit loi
Sans exception
Sans surprise
Un tout bien ordonné
Sans mystère
Que la nature de chaque homme enfin
S'étale sur CV
Totale et accomplie
Entière nue
Parfaitement dévoilée

Notre idéal est pur
La volonté si sûre
Notre main ferme et dure

Car l'idéal est pur!

Oh oui... Notre idéal est pur...


Source musicale:

La marche militaire du monde mort-derne

vendredi 11 septembre 2020

Esperanto

Une langue logique
Universelle
Des yeux lucides
Clairs
C'est à dire en mouvement
Sur un chemin d'amendement
Celui de vérité

Des jugements prudents
Et non de ces lances guerrières
Dont on se perfore mutuellement
Sans cesse

Aimer
La chose singulière
Non pour ce qu'on en peut dire
Et qui n'est que l'universel
Le commun
Mais pour l'indicible unicité
Le point de fuite
Où le langage échoue