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mercredi 5 janvier 2022

Sur mes croyances mortes

 J'ai du en ravaler, des borborygmes de ce petit sous-genre que je m'escrime à cultiver jusqu'à l'ennui du monde. Combien de cris résonnent dans ma gorge et pressent sur ma pomme -- d'Adam -- le poids de pleurs enfouis?

Petit sous-genre ô poésie... Écriture des gens qui n'ont le temps d'écrire. Écrit d'amusement, de passe-temps qu'on tue, étrangle dans le nœud coulant des lettres. Insensé passe-temps...

Me suis-je trop acharné? À voir dans tes si basses cimes, un horizon glorieux: une chose par moi créée et digne d'intérêt...

Chaque jour, pourtant, le monde est là pour détromper, cette si noble aspiration, qui gonfle un égo pneumatique rêvant de s'envoler. Serait-ce pour s'accrocher au ciel? Comme les "stars" de cinéma qu'on scrute avidement?

Que la société puisse faire de l'enfant mal aimé, un ornement décent et assez engagé pour qu'on se résigne à le garder au cou. À défaut de l'aimer beaucoup...

Petit passe-temps, ô rêve infatué...

Que je comprends maintenant pourquoi la musique des soirs ne sait plus me lever. Je reste dans mon lit hanté par les fantômes d'informes poésies.

Égo tissé d'illusion, ne partons plus suivre le vent. Restons ici, sur la cendre soyeuse de mes croyances mortes.

vendredi 19 mars 2021

Vendredi après-midi

 Le ciel a les couleurs de ces toits auvergnats de mon enfance: ardoise grise aux vieux tons de cimetière. C'est la couleur de mon ennui, de ma fatigue d'être qui poursuit des buts invariablement étrangers, fixés par d'autres, tandis que je demeure incapable de m'en choisir un par moi-même. Et si je le faisais, qu'est-ce que cela changerait? Le sens d'une vie est toujours décidé par les autres, ce sont eux qui fixent les valeurs, décident de ce qui est désirable, des jalons obligés qui forment les destins. Le reste... Miettes de vie que les pigeons voraces de l'oubli dévorent en rien de temps. Les vies étroites ont pour elles d'être écologiques, bien vite recyclées.

Des yeux se fixent sur mon corps, assis, qui attend l'heure de liberté. Ces yeux couleur ardoise me tissent un gris linceul et m'insèrent dans l'ensemble anonyme des choses ennuyeuses. Ces yeux défont mon nom, ils me cousent de qualités, écheveau terne et froid que nul ne veut porter.

Dehors, la brise inconfortable ébouriffe les branches, les arbres sont nus et se détachent ineptes sur le fond du ciel. Je suis pareil à eux, inepte sur fond de jeunesse heureuse qui me range au rebut. La fraîcheur et l'ennui, contraints dans ces hauts murs, tandis que l'émeraude glacée des prairies au-dehors égaye la campagne qu'un vilain ciel toise de son bien mauvais œil.

Qu'y aurait-il à dire de soi, sans un regard qui parle à notre place?

mardi 13 février 2018

Lampion

Je me mets au lit pour penser, la lumière allumée et les yeux au plafond, juste histoire de faire un point sur la journée et sa ribambelle d'ancêtres; et quelque part dans mon champ de vision, sur le côté droit, voilà que quelque chose tangue et s'anime en ma petite boîte d'existence - quelque chose autre que le tressaillement intermittent de la lumière de la lampe de chevet, qui saute comme un néon malade dans une scène angoissante de film. Je parcours l'ensemble de la forme agitée et parvient à en isoler l'unité d'un objet dans ma tête. C'est ce putain d'abat-jour en papier pendu au plafond. Tiens, d'ailleurs ce genre d'abat-jour en sphère doit bien avoir un nom spécifique...

                                                         Un lampion!

Ça me revient d'un coup, aisément, alors même que je n'avais ni lu, ni entendu, ni prononcé ce mot depuis plus d'une dizaine d'années... Quelle puissance! Il me reste encore une mémoire malgré toutes ces péripéties. Je me sens puissant grâce à un lampion...

                                                     "Lampion t'es con."

L'invectivè-je alors en mon for intérieur fort intérieur. Tu tangues au plafond après que j'aie jeté les couvertures sur moi, empressé d'être au chaud, et la brusquerie du mouvement t'as soufflé un vent ascendant qui t'as poussé hors de ton axe. Je reconstitue tout cela a posteriori alors que tout a commencé par la sensation visuelle d'une forme mouvante au coin de ma vue, c'était ton ombre qui se signifiait. La petite lampe de chevet épileptique à mes côtés a giclé sa lumière sur les rondeurs de tes formes, d'en bas en biais, étire ainsi une ombre ovale vers le coin sud de mon plafond blanc, qui se termine par une toile abandonnée et molle d'araignée fantôme.

Lampion t'es con, tu dévies mes pensées, et je me demande bien de quel droit tu te réclames d'une telle attraction sur le cours de mon impétueuse noèse..? Probablement me faudra-t-il admettre que je n'ai rien de mieux à penser, pas d'autre objet à réfléchir: allongé au plumard, attendant je ne sais quelle révélation  qui m'octroierait enfin le précieux sésame pour l'onirisme diapré ou l'achromie d'un sommeil de plomb; au lieu de me sentir coupable comme un con de l'inefficacité de ma vie; du fait qu'une si longue chaîne de jours puisse faire s'agiter de manière si pathétiquement molle la boule hérissée - supposément, mais lisse en vérité - de mon présent. À moins que le passé soit au-dessus de moi, rectiligne, quand moi je chute en bas, immobile...

Attendre sans trop savoir quoi, en fixant le plafond éclairé, c'est mieux que de savoir bordé d'obscurité, que malgré l'épuisement accumulé, le sommeil ne viendra pas, ou bien trop tard, l'enculé...

C'est tout de même plus sympa de fixer cet abat-jour de Lampion, qui, d'ailleurs, n'abat aucun jour puisqu'il ne cache nulle ampoule. Lampion n'est qu'une sphère de papier accrochée au plafond d'un ennui sans limite, et qui chute et se déchire dès lors que j'enfile en-dessous mes vêtements à la hâte.

Est-ce un lampion d'ailleurs? Il faudrait vérifier dans le dictionnaire. Je fixe le plafond l'espace d'une poignée de secondes. Ouais, pour sûr, c'est bien ce qu'il faudrait faire, pensé-je les mains croisées sous mon crâne. Je fixe le lampion, sans savoir si c'en est un. Tiens c'est dans des moments comme ça que l'ennui a bien plus d'élégance pour les fumeurs... Il faudrait vérifier dans le dictionnaire. C'est vraiment une bonne idée. Et si j'éteins maintenant, m'endormirais-je enfin?