vendredi 29 janvier 2016

Professer: habitude compulsive

Les gens lorsqu'ils lisent l'expression d'un malaise (qu'elle soit ou non artistique) veulent toujours prodiguer à l'auteur une leçon censée lui montrer comment ce mal-être est infondé et évitable. Les gens souhaitent montrer ainsi qu'ils savent, qu'ils ont eux aussi traversé vos souffrances et ont su les vaincre.

Cette façon de faire relève de la même habitude compulsive que celle du philosophe qui désire aplanir le monde, le polir à son image, c'est à dire faire de la méthode de synthèse qui unifie pour lui un monde LA méthode, LA loi du réel lui-même.

C'est une tendance semble-t-il naturelle (or la culture est naturelle) que de vouloir se faire le diapason d'autrui dès lors que nous pensons avoir compris quelque chose.

Mais c'est aussi violent et inepte que de dire à un musicien qui jouerait du jazz qu'il a tort et se trompe de style, et qu'en y réfléchissant bien, n'importe qui devrait pouvoir comprendre qu'il faut jouer du classique.

Bien sûr, ce texte constitue la preuve éclatante que j'échappe totalement à ce curieux trait humain...

Désappétit

Je n'ai plus d'appétit pour les spéculations métaphysiques, celles-là mêmes qui me faisaient vibrer en des temps antérieurs. Aujourd'hui j'identifie immédiatement, averti, les questions sans réponses, celles qui sont les horizons infrangibles que dresse le langage à partir de lui-même. Ce sont des jeux de logique qui ne m'attirent plus désormais. Ce processus est si marqué que je pourrais paraître à certains baigner dans une crasse ignorance; et ils auraient raison: j'y baigne, dans ma condition d'humain.

C'est à la fois un poids qui s'annule: celui de l'injonction pressante à percer le coffre-fort du réel, de soulever son voile, et un autre qui s'ajoute: celui du détachement qui libère et isole, qui dégrade toute racine idéologique et toute idée de permanence. Ici, chez moi, Platon n'est plus possible, je vis dans son enfer.

J'ai l'étrange impression de devenir idiot, adepte du jeu, inapte à l'effort: pour quoi faire? Vanité et poursuite du vent sont des mots qui m'accompagnent. Il n'y a bien que la richesse des sentiments que je poursuis de mes ardeurs: ma vie ce collier de sensations diaprées que je construis patiemment, sans but autre que de vivre ces instants, sans projet aucun.

Cette dérive qu'est ma vie est-elle plus facile que l'ancienne course? À vrai dire, il y a toujours autant de peine dans cette vie, et les déséquilibres, s'ils semblent moins grands, sont tout aussi intenses car l'habitude ajuste tout aux dimensions d'un contexte: plaisir et puis peine.

En fait, ce n'est pas la puissance des joies et des peines qui diminue, mais bien plutôt leur timbre et leur couleur, c'est toute leur nature qui devient autre et se métamorphose.

Je n'ai plus d'appétit pour les spéculations métaphysiques.

mardi 26 janvier 2016

L'oeil e(s)t l'horizon

Tu connais des mondes lointains, et des intelligences foraines.
Tu sais des rythmes qui te prennent et se jouent à travers ta chair.
Tu chantes des musiques qui, penses-tu, proviennent de l'éther.

Chaque monde, chaque danse et chaque transe ne sont qu'un reflet de toi-même sur les bords mouvants de ta vision.
Et qui est celui qui est toutes choses, celui qui est monde?

D'aucuns murmurent hardiment: "Le Tout Puissant, le Tout Puissant".

Et chaque oeil est aussi horizon.

Métal fondu

Perle d'alumine irisée de chrome et qui renvoie en tous sens ses reflets d'argent propre.

Une goutte de métal fondu qui traverse mon histoire, perfore et dissout les possibles, inscrit ses effets dans le sillon d'un curriculum vitae sans nom.

Cette perle d'alumine aux formes changeantes est bien moi, elle est bien l'agitation que je suis, ma vibration d'existence.

Destructrice et brûlante ma vie.

Mes choix, un enfer.

dimanche 24 janvier 2016

Un tas de grain

Crépitement du grain qui chute et heurte finalement le sol sablonneux des jours. Je me perds en un vide intersidéral où se baladent quelques corpuscules étranges jaillis d'on ne sait où, constituant ce que j'ai de plus intime. Pourtant nulle comète ici, dans ce désert de rien et de tout potentiel que je suis, n'est issue de moi-même, chaque chose est importée d'horizons lointains, d'un envers qui semble si plein à côté de mes béances lacunaires, de cet immense espace qui me constitue. Je suis la surface d'un oeil gigantesque, d'un oeil qui voit devant lui advenir la beauté et qui demeure à jamais muet, sans bras et sans mains, sans autre richesse que celle des images qui résonnent en lui, par et malgré lui, venus d'un ailleurs insondable qu'on aimerait devenir.

Ce vide, mon vide, est devenu mon obsession. Ce vide qui m'empêche d'être à l'origine d'une seule chose, ce vide qui me disperse et semble m'interdire toute concentration anentropique. Ce vide est un repos par lequel une agitation foraine prend forme et devient phénomène, c'est à dire devient cette chose que jamais je ne parviens à être.

Dans ce vaste univers un empire, et dans cet empire d'indéfinis royaumes, autant d'yeux demeurant suspendus, au sein d'une conscience vide où tout se joue en silence.

Crépitement du sable qui chute en douceur sur le sol sablonneux de ce désert où j'avance, de ce désert qu'est ma vie qui serpente en un destin sinueux.

Crépitement du sable qui flotte un court instant dans l'air, depuis ma main qui ne parvient à le retenir, et ne cherche pas à le faire. Cette main inconsciente qui est le reflet de mes doutes, de ma prudence radicale et viscérale, cette main qui ne voudrait rien retenir, rien altérer. Pourtant, le sable retenu dans ma main est légèrement, imperceptiblement plus chaud qu'avant que je l'empoigne. Et je laisse retomber dans les sables cosmiques ces quelques grains réchauffés à mon contact fugace.

Certains grains, je les ai tenus longtemps, épousant du creux de ma main leur forme délicate, eux-même mariant leur contours à la délinéation grossière de ma main, sentant en elle l'attachement et le détachement, la certitude et le doute. Je les ai abandonné ici, dans le grand erg de toutes les histoires.

Il y a une graine, si belle et si fragile, que j'ai tenu pendant longtemps pourtant, incrusté au coeur de ma main, dans la moiteur de cette paume pulsatile, nourrie de mon amour et puis de mes frayeurs aussi, la crainte du solitaire qui ne se donne le droit de retenir un quelconque objet. C'est toi, petite graine que j'aime par dessus tout, qui t'es échappé aujourd'hui, pour planter ton futur et toutes tes promesses dans terreau plus fertile.

Et moi, vieil arbre calciné, étique, sans nulle sève, je continue d'avancer le pas lourd, parmi les grains innombrables, à la proue de ce destin absurde. Rien ne pousse sur moi, rien ne demeure. Le temps m'enlève tout parce que, pour lui, j'ai vendu mon amour et puis mes désirs profonds.

Va graine perdue dans l'océan des possibles, laisse le vieil arbre continuer lentement, fouetté par les vents au sable qui érode, rongé par le désert qui ne laissera de lui qu'un tas de grain offert au vent, un petit tas de grain qui n'a compté pour rien.

dimanche 10 janvier 2016

Fragment poético-rythmique

Donnez-moi un rythme pour faire éclore les rimes
Je ferai danser les mots tel un vent dans les cimes