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samedi 30 septembre 2023

Nouvel Ordre

 Un nouvel ordre s'est installé sur les terres contemporaines, sédimenté dans le lit des pensées, ensemencé  en l'humus de l'âme humaine. Ce nouvel ordre est celui de l'efficacité, du chiffre, de la honte prométhéenne, de l'adaptation, de l'individualisme forcené, d'une anomie qui brise les chaînes des nations, communautarise à outrance et fait des univers clos sur eux-mêmes s'entrechoquer dans un espace public exigu et délabré. Les remous médiatiques alimentent cette érosion presque achevée du lien social, rien ne lie les individus les uns aux autres, une démocratie tocquevillienne s'est parachevée dans l'anéantissement de toute cohésion: même au sein de la famille, parents et enfants demeurent séparés par une infinie distance, lovés dans deux univers inexorablement forains, parce que le temps qui les sépare suffit à défaire presque entièrement les mondes.

Je suis la maladie de ce siècle, son symptôme purulent: sur le sillon de mon destin sanieux je fais pousser de singulières canopées littéraires, pour que d'autres que moi s'abritent à l'ombre d'une poésie.

Le Nouvel Ordre produit une nouvelle âme, agonisante et lacérée, scrofuleuse, hurlante, purulente plaie de la liberté bafouée, de philosophie ravalée qui suffoque à l'intérieur des édifices urbains, des banques et magasins, des panneaux publicitaires, du souci pragmatique et omniprésent de survivre toujours plus. C'est cette âme qui s'adresse à vous, individualiste puisque fruit de nos contemporaines "démocraties" -- individualiste à en mourir et qui cherche partout un pont pour joindre autrui --, déréalisée puisque sans issue pour naître en nature, et sans nature d'ailleurs.

Un monde où l'intelligence est bergsonienne, interaction matérielle exclusive, science positiviste et sans conscience puisque ignorante de ses soubassements philosophiques. Dieu que les professeurs sont bêtes aujourd'hui, tous remplaçables par de purs algorithmes, passeurs de compétences à de petits êtres qui ne voient pas d'autre cime que l'efficacité: cruelle efficacité que des machines déjà présentes surpassent sans effort.

Voici le Nouvel Ordre contre lequel je me bats, celui où je meurs, lutte et aime encore; celui où je pense envers et contre tous, persuadé qu'existe encore ce fondement commun d'où nous nous sommes élancés en directions contraires.

Nouvel Ordre: serai-je ce chaos d'où naissent les étoiles qui dansent?

mardi 17 août 2021

Le rien qu'on dérange

 Je ne sais si l'on on peut peindre des formes vraiment pures, qui ne font le contours de rien, d'aucun contenu,de nulle matière pour les remplir. Je ne sais et j'essaie, pourtant, portant de mes doigts nus les sèmes qu'aussitôt je viendrai délaisser... Quel étrange morse crypte mon tempo? Quel message sous-jacent, fruit d'une intention préalable fonde le jaillissement de ma prose, un peu comme le vomissement des roses qui parlerait de graine enfouie... Je tisse, grammaire des intestins, un interstice entre les choses, une brève de silence entre de vains destins. Et que contiennent mes mélopées? Que valent ces quelques méga-octets d'ordre binaire, serrés et alignés comme des rangs de militaires? Et quelle guerre annonce l'armée de mes mots jetés sur le tapis blanc, comme un drapeau, de mes batailles immatérielles?

Toute cette mathématique ne présage-t-elle, au fond, qu'un chaos de plus inavoué. On ne peut jamais parler des choses. Le monde qu'on bâtit s'érige sur un sable de sons, dressant des murs de lois, et tout notre discours ne noue qu'un lien factice entre deux absolus d'indétermination... Qu'est-ce que peut bien vouloir unir la relativité? Que cherche donc à figer la vaine vérité?

Dans les veines bleues du monde où poudroient les étoiles de la Voie Lactée fusent les particules élémentaires de Tout, ubiques comme toute chose réelle, jamais uniques ni singulières, comme le crut l'humanité trop fière... Pas un atome ne possède identité, à la racine (connue) de toute réalité, ne gît qu'indétermination et brève écume de ces champs que notre vie vient perturber.

Et moi, élément fait d'indocile élémentarité, j'ordonne le possible, articule le vide autour de ma personne inepte; badigeonne de couleurs l'obscure monture du monde, et dans la moindre page blanche et dénuée de signes, fusionnent toutes teintes et des nuances exquises que mon âme étriquée ne sait comment penser.

Tout, je dis bien Tout, était déjà contenu dans le rien qu'on dérange.

C'est tout le nœud des formes qu'il s'agit de défaire, pour que les qualités que l'on croit distinguer, se réimpliquent enfin dans la pelote brouillée de rien, inexorablement fondues dans le néant de l'Unité.

Car sous les formes le Réel infini.

samedi 13 février 2021

Aphorismes méta-lyriques

 Je cherche à être aimé pour l'ordre que je donne au chaos de mon âme.


Nous écrivons pour coudre de mot l'abîme en soi; déguiser nos faiblesses; se rendre aimable -- à nous-même et à l'Autre.

mardi 3 décembre 2019

[ Terres Brûlées ] L'Informulée



Mon champ est un recueil
De rimes inachevées
De rêves entrelacés
Ma conscience un cercueil
Où mourir éveillé

Et ce réseau de rien
Me tient lieu de royaume
Moi l'étranger
Qui vit au-dedans d'un fantôme

Je cherche mes semblables
Qui vont dans les envers
Et n'étreint que le sable
Qui dessine mes vers

Si je suis différent que suis-je?
Un sillon dans la neige
L'arborescence de ma pensée
Qui forme le chaos

Le chaos c'est l'ordre trop complexe
C'est l'échelle que nous ne savons lire
C'est l'horizon que chante ma lyre
Solitaire et sans sexe

Je sais que des chemins connexes
impriment leur essence
Et forment à distance
Un réseau parallèle

Unis que nous sommes dans la solitude
C'est notre théorème qui découpe la bruine

Nous sommes ce qu'elle n'est pas
L'écart, la différence
Le creux qu'indique notre signe
Abîme ouvert sur la béance

Où sont les illisibles?
Tous ces récits intraduisibles
Écrits dans une langue
Inconnue de Babel

Peut-être sont-ils inscrits
Dans l'indéchiffrable babil
Que produisent les cris
Des rêves infantiles

Peut-être sont-ils d'avant les choses
Ou, succédant l'apothéose
Restent au dehors des formes
Comme une anamorphose du temps

Ce temps où tout s'écoule
Où chaque crystal enfin fond
Rendant chaque forme liquide
Et dépourvu de moule

Marchant sur cette grève
Je sais qu'il n'y a pas foule
Mais j'accepte et je goûte
Le réseau de ma sève

Impossible labyrinthe
Au fil si incolore
Pour lequel il faut clore
L’œil inquiet qui trop guette

Ce regard insatiable qui dévore l'avenir
Et permet au destin d'entrer dans le jardin
De nos présents
Et tout cueillir...

Longtemps j'ai regardé
Au-delà de la brume
Où l'angoisse intranquille
Patiente m'attendait

Mais je contemple aujourd'hui le coeur de chaque atome
M'insère au sein de la plus petite unité de temps
Celle-là où je dure dans un bleu de la nuit
Comme note finale d'un concerto mineur

Je suis du coeur des ombres
Comme un pirate des frontières
Où la lumière se fait trop sombre
J'ouvre le voile de mes paupières

Et le monde m'apparaît tel qu'il n'est pas
Tel que jamais il ne sera
Comme une mélodie qu'un sourd perçoit
Comme un tableau peint sans couleurs

Sans attendre de réponse
Je prépare alors mon interrogation
À l'auteur de toutes choses

Lorsque ma bouche s'ouvre
Parle la mère de tous les énoncés
Le silence alors retentit comme origine et fin de tout
Indéfini, antérieur même à l'incroyable éternité

Et je sais alors
D'un savoir cellulaire
Que la réponse est là entre l'ombre et lumière
Dans cette non-grammaire du vieil anté-langage:

Infiniment totale puisque informulée