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lundi 11 mars 2024

Bon-heur

De tous les receleurs d'étoiles que contient l'univers, je n'ai trouvé d'autre que toi pour éteindre l'enfer qui pulse au-dedans de moi-même et presse sur mon cœur l'épine si cruelle de l'éternelle lucidité. Sourdent alors de ténèbres reniés en des plis de mémoire universelle -- où je me branche en de si brèves dissolutions -- , des gouttes si obscures que le mélange de toutes nuits possibles: odes désabusées où s'enferme l'acmé de mes abîmes. Deux faces pour le néant qui sait me faire chuter... Écartelé dans les octaves d'une musique à déchirer le temps, je vois mon être se disjoindre en deux horizons opposés du vaste espace infini; confins de l'être inhospitaliers qui nous rappelle comme une origine.

Déchire-moi sombre orbe de rien, dans l'expression de mondes spiralés qui dansent sur des pistes universelles, selon des temps que je ne peux sentir, et que je veux faire miens pourtant -- que je voudrais me faire grandir aussi loin que les bords de perceptions futures. J'absorbe frénétiquement tant de fragments de toi que je ne sais recoudre sur ma peau diaphane un manteau de ton souffle où me protèger de leur Être. Car l'ordre du Réel a croqué mes organes, enfoncé de longs crocs jusqu'au noyau de l'âme, je n'en puis me dépêtre, je suis pris au-dedans d'une pelotte d'incroyance. Et c'est encore vivre que de se défaire, on demeure si loin de la mort à exister malgré soi parmi les images de ce conte que se jouent les enfants. En regardant la nuit j'ai brûlé mes prunelles et ne voit plus partout qu'un champ d'inactuel, où tout se brouille, absence de contours où se défont les formes, où je m'indétermine et rebrousse chemin. Ressac ontologique, inception par laquelle reflue le monde dont je ne sais que faire...

Si je me place à tel endroit précis de Rien en regardant vers cette direction du grand Indéfini, alors je sens jaillir un monde ourdi de cellules encastrées parmi lesquelles, certaines déversent, sur ce qu'elles croient être substance, des valeurs d'alphabet -- vaine broderie de fictions pour que cohèrent ensemble les éléments d'un système qu'elles nomment injustement Réel.

Quelque chose que je crois Moi oscille d'un picomètre et toute la féérie soliptique de ce percept disparaît en même temps que ce qui la rendait possible. Voilà ce qu'il faudrait nommer bon-heur.

dimanche 17 septembre 2023

Agonie au néant

 Le sens d'une vie tient à peu de choses: il réside parfois dans l'ineptie la plus totale et insoupçonnable pour un éventuel observateur extérieur; il gît, en ce qui me concerne, dans ce journal et ses polymorphies.

Pourtant, je n'écris plus. Écrire cela, c'est avouer que ma vie se disloque dans la souffrance physique, psychique, sociale et métaphysique. Me lever me coûte de plus en plus, va jusqu'à arracher des larmes de mes yeux qui souhaiteraient demeurer clos... éternellement clos.

S'il reste des plaisirs dans cette vie bien rangée et socialement épanouie, il n'y existe nulle joie. Le plaisir de créer se tarit peu à peu dans les obligations infinies, dans l'orchestration tonitruante du temps, dans l'hémorragie de toute liberté au sein des innombrables moules sociaux. Le travail n'a pas de sens, la parentalité non plus, d'autres feraient tout cela bien mieux que moi, à n'en pas douter.

Ce journal demeurera inconnu du monde, tout comme l'âme en chantier qui lui sert de fondement. Ce chantier, d'ailleurs, est désormais naufrage, celui d'une âme-en-crépuscule... Impossible de savoir la valeur qu'il aura dans l'histoire des hommes. Et si ma sensibilité aiguisée, qui me porte vers la littérature classique et rend mon goût sûr de son acuité, m'assure parfois que quelques joyaux littéraires se cachent en ces ruines et échaffaudages -- tels des promesses de civilisations futures --, il m'est impossible d'en avoir le cœur net. La vérité commence à deux, elle est un consensus, et l'on ne peut avoir raison contre les autres, si tous l'ignorent...

De toute façon ma vie ne me permet plus d'écrire. La maladie ronge mon corps, rouille la coque de ce bateau de Thésée presque méconnaissable. La douleur de vivre parmi les hommes enfin déchire mon âme, brûle mes sentiments, calcine mes pensées.

Une vie... cela pourrait être autre chose, n'aurais-je eu de cesse de me dire tout au long de cet étrange parcours. Tout m'est tellement étranger et inésthétique, que la seule curiosité qui me reste est pour outre-monde, pour le repos éternel et l'abolition de mon principe. Je ne crois pas qu'il existe un autre lieu pour les âmes humaines, pas d'autres existences, pas d'espoir.

J'aurais eu, tout de même, une âme intéressante, rationnellement puissante, avec une force de déduction et d'abstraction qui parfois m'étonne moi-même... Mais cette qualité aura contribué à m'éloigner sûrement de mes semblables, encore et toujours plus. Incompris, moqué, encore et toujours plus... Jusqu'en ma profession... ce qui révèle ô combien ce monde est sans âme aujourd'hui.

J'aurais pu faire quelque chose de beau, dans une autre société, lors d'une autre époque, dans d'autres civilisations. Mon endurance et mon obsession pour la vérité aurait pu alimenter tant de découvertes. Mon amour pour la beauté, et ma compassion pour tout ce qui souffre, auait pu sublimer tant de laideur, créer tant d'oasis fécondes pour d'autres âmes assoifées...

Tant pis, tout cela ne fut pas. Peut-être aurais-je le privilège absurde de relater encore un peu la dissolution de mon être, dans de rares sursauts d'énergie vitale; continuant de faire ce que j'ai presque toujours fait: m'adresser au néant.

samedi 29 janvier 2022

Décombre

Du fond de ces étoiles auxquelles je suis apparenté, je puise, indécemment heureux, une énergie sans borne et par laquelle j'accède au cœur de mes cellules, au noyau de mon âme.

Ne cesse point, source vive, de forer creux la roche de mes anfractuosités. Que même le son de ton écho informe la matière de mon intime absurdité. Que ne puis-je, grâce à toi, m'effriter au-dedans, et qu'un fol univers jaillisse de mon décombre en feu.

J'ai peine à décider de quelle inanité doit se nourrir mon âme; et pourquoi fortifier ce dont je jouis de la dissolution...