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mercredi 26 mai 2021

Aphorismes de l'expression artistique

L'artiste est celui qui ne veut pas abandonner ses possibles; et qui les cultive. L'œuvre en est la moisson.


"On est artiste à condition de ressentir comme contenu, comme la chose même, ce que les non-artistes appellent forme" Nietzsche, FP, XIV

 

"L'effet des œuvres d'art est de susciter l'état dans lequel on crée de l'art: l'ivresse" Nietzsche, FP, XIV

mardi 16 février 2021

Fonction eidétique de l'artiste

Avertissement: Il ne s'agit bien évidemment pas ici d'une tentative de définition de l'art. Je n'ai nulle prétention à réduire l'art à mes points de vue actuels (et j'espère être à même d'en subsumer bien d'autres encore au long de ma vie). Je ne fais ici qu'exprimer une certaine perspective prise sur l'art, perspective personnelle mais que j'ai eu aussi l'impression de retrouver chez des artistes m'étant chers. L'art, est bien d'autres choses que l'angle par lequel il est abordé ici. Nulle velléité d'autorité, nulle velléité de réduction.

 

Saisir une fonction eidétique  statique

 Ce qu'on veut transmettre à travers l'écriture, c'est sa propre essence, c'est à dire la fonction qui nous définit en tant qu'être qui digère et transforme des altérités pour perdurer dans son essence. L'expression de cette fonction est, en droit, impossible à donner sous un quelconque produit de l'art ou de la réflexion. L'expression de cette fonction est un enchevêtrement causal opaque et indéfini, ce qu'Aristote pourrait appeler cause formelle et cause finale. Elle n'est pas donnée telle quelle dans l'action de l'être qui en est la réalisation en acte, à travers chaque acte de cet être ne se donnent que les résultats de sa fonction eidétique. Prenons une analogie mathématique: l'expression d'une fonction mathématique ne peut être donnée par ses résultats puisqu'une fonction n'est pas une valeur et inclut notamment des variables. La variable illustre et signifie le rôle de morphogenèse de la fonction: cette dernière prend en paramètre une valeur (un être) pour lui appliquer des opérations qui produiront un résultat. Autrement dit la fonction est un processus de transformation et de mise en forme (mise en ordre) du monde.

Si l'expression d'une fonction ne peut être retrouvée par ses résultats, puisqu'il existe pour une série donnée de résultats une infinité de fonctions possibles, il n'en demeure pas moins que plus le nombre de résultats augmente et plus la fonction devient définissable. En effet, plus la série des résultats augmente et plus certaines formes de fonctions seront éliminées, plus on augmentera la probabilité de tendre vers telle ou telle forme de fonction. Par ce processus, les résultats permettent bien de pallier l'interdit originel, du moins de manière relative, puisqu'il devient possible de cerner peu à peu la nature de la fonction qui est à l'origine de ces résultats. C'est exactement ce qu'il se passe avec un auteur: plus le nombre de ses productions augmente, plus son style se définit dans sa forme essentielle. Nous avons, à notre époque bénie, une merveilleuse illustration de ce procédé avec l'intelligence artificielle. Nous avons réussi à faire en sorte qu'une intelligence artificielle soit à même de produire de nouveaux tableaux dans le style d'un peintre particulier, en nourrissant l'IA d’œuvres de cet artiste. Néanmoins, afin de saisir la fonction eidétique avec certitude, il faudrait que la série de ses productions soient infinie. Il n'y a qu'ainsi que l'on peut être certain que l'ordre identifié dans une partie de la série donnée ne pourra pas subitement varier. Autrement dit, tant que la fonction n'aura pas traitée toutes les valeurs possibles, il est impossible de la reconstituer avec certitude à partir de ses résultats. Mais plus le nombre des résultats tend vers l'infini, plus cette certitude augmente.

Imaginons par exemple un auteur qui, durant le cours de sa vie, découvre un autre auteur ou bien vit un événement marquant (traduisible par la détermination d'une valeur singulière donnée en argument d'une fonction) qui va transformer son écriture, ce qui aura pour conséquence de lui faire produire des textes originaux et qui semblent dévier de sa ligne initiale. On ne pourrait pas dire que sa fonction ou son essence d'écrivain ait changée: par nature son essence ne peut se transformer, elle est une donnée éternelle qui fixe son identité et subsume sous sa forme l'ensemble des variations qu'elle peut prendre au cours de l'histoire. On peut comprendre cela par le fait qu'il faut toujours postuler la continuité de l'identité dans les différents états d'un même être sous peine de dissoudre son identité et de ne pouvoir hypostasier en une substance unique l'écheveau des mois empiriques et de leurs formes singulières.

Ainsi donc, ce changement dans l'écriture de notre auteur n'aurait pu être anticipé par nos tentatives (antérieures à l'événement) de déterminer la nature de son essence: il nous fallait ces nouvelles données, ces nouveaux résultats pour les intégrer à nos recherches. Imaginons maintenant que ce type d'événement puisse se reproduire un nombre de fois indéterminable jusqu'à la mort de l'auteur: vous comprendrez pourquoi seule l'infinité du nombre de résultat peut assurer le caractère nécessaire de l'induction de l'expression de sa fonction. C'est le propre de l'induction d'avoir besoin d'une infinité de cas pour fonder la certitude du résultat induit. C'est précisément ce que pallie la déduction a priori.

Ceci dit, l'infinité est bel et bien nécessaire pour atteindre à la certitude apodictique, mais on pourrait penser qu'il suffit de la mort pour régler ce problème. En effet dès lors que l'auteur est mort, on peut considérer que la série totale de ses productions étant fournies, il n'est pas possible que sa fonction puisse produire des résultats imprévus ou simplement inconnus puisque l'on considère que le domaine des valeurs admissibles en tant qu'arguments de sa fonction est déterminé et fini. Dans ce cas, il devient alors possible de trouver la fonction qui est à même de produire ces résultats à partir de ces valeurs. Mais ici aussi il faut être prudent car il existe une infinité de fonctions possibles et aptes à produire ces résultats. De la même manière qu'entre un point A et un point B existent une infinité de chemins possibles, dès lors qu'on postule un espace infini.

Mais pire, en adoptant cette posture, on clôt artificiellement, par l'actuel, le domaine des valeurs que peut traiter la fonction, et l'on fait abstraction de l'ensemble des valeurs possibles qui n'ont pas été traitées mais auraient pu l'être. Or ces valeurs auraient pu produire des résultats inattendus... Imaginons que l'auteur ait vécu plus longtemps, et, qu'à un moment donné, il se mette à produire des œuvres étonnantes compte tenu de sa ligne directrice antérieure... C'est précisément l'effet de la mort que de figer en éternité ce qui était par nature dynamique (ou bien de finir ce qui était indéfini), mais la mort donne une solution de fait à notre question et non de droit. Il reste toujours impossible de reconstruire l'homme à partir de l’œuvre.


Saisir une fonction eidétique dynamique

Maintenant imaginons que la fonction n'est pas définie une fois pour toute, a priori, mais qu'elle soit dynamique. L'identité ne pourra plus être fondée sur le principe tautologique A = A. Il faudra la refonder à partir de la traçabilité et de la reconnaissance. Le sujet entraîné par le temps, voit son état changer à chaque instant, il doit donc faire un effort pour assimiler dans son nouvel état les états antérieurs et les faire siens. C'est à dire qu'il doit précisément assurer la fonction de mémoire, qui lie divers instants en une durée commune leur assurant le fond nécessaire de permanence. Afin de lier la multiplicité et de la subsumer sous une unité, il est nécessaire que ce fondement identitaire et permanent existe auparavant. Il semble donc impossible d'imaginer une fonction eidétique dynamique puisqu'une telle chose reviendrait à créer autant de fonctions nouvelles qu'il y a d'états de la fonction: chaque état de la fonction deviendrait une fonction à part entière, indépendante et absolument étrangère à la précédente.

Le seul moyen de pallier cette diffraction dirimante serait de considérer qu'il existe un substrat permanent qui sous-tend l'évolution des états et subsume sous son unité la variété des fonctions. Mais alors, cela reviendrait à affirmer qu'il existe une fonction statique, et déterminée une fois pour toute, une méta-fonction, qui serait la seule véritable expression de la fonction de l'artiste. Celle-ci étant donnée a priori, nous retomberions dans l'aporie du paragraphe précédent.

Il est donc impossible à l'artiste de se saisir lui-même à travers ses productions. Son essence reste fantomatique et semble revêtir certains caractères du noumène kantien. Tout ce que l'artiste pourra faire, c'est de collectionner les traces de son essence et supputer à partir de ces concrétions inertes la forme de l'élan qui demeure à la base (en tant que source) de sa créativité.

dimanche 14 février 2021

Aphorismes de l'égocentrisme

 L'inévitable égocentrisme est une souillure du monde. Tous les artistes, tous les prétendants à l'expression en sont les plus viles représentants, appelant à eux la lumière des autres, tels d'insatiables trous noirs. Mais il faut admettre... Que... Le fumier forme un formidable engrais pour d'exquises récoltes...


L'ego est sans limite sans le regard d'autrui pour le contenir. La conscience, excroissance folle, dédouble chaque étant par un abîme infâme; il n'y a plus rien, pas un objet du monde, qui ne soit séparé de lui par un vide infini.


L'ego a besoin d'humiliation, il n'y a qu'en elle qu'il trouve un vrai plaisir. Dans la douleur de sa dissolution demeure son véritable désir. Les religions, mieux que quiconque, ont compris ce principe et sont en outre les seules à avoir su l'appliquer durablement. Le martyr est l'idéal transcendant de toute l'humanité.

jeudi 11 janvier 2018

Le rêveur et l'artiste

Il est si facile de commencer les choses par la fin, comme je l'ai toujours fait. Si facile de se prendre pour un vrai artiste lorsqu'on abrite en soi tant de sentiments sublimes, tant d'effets que l'art seul sait produire. Pourtant, ce n'est pas l'art qui les produisit alors, c'était simplement la vie, le destin, les milliards de regard du passé se fondant en celui du présent, et qui forment cette mélodie muette des poésies contemplatives, celles qui se taisent au dehors et hurlent au dedans.

Alors on se dit que: du regard que nous sommes à sa manufacture à partir de l'altérité matérielle il n'y a qu'un pas, et l'on se convainc ainsi d'être génial... Mais l'activité déçoit bientôt l'idée, tout devient laborieux, compliqué, et chaque geste ainsi analysé, séparé de la chaîne achevée, semble sans lien avéré avec le sentiment initial. On se trouve un peu perdu à effectuer mouvement après mouvement, détaché de l'effet qui est pourtant ce vers quoi l'on tendait, seul dans l'ineptie d'un artisanat qui n'a rien des atours aériens des idées qui se meuvent en l'âme, dociles et malléables. Le travail est difficile, il blesse le corps et déçoit l'âme trop impatiente. Il est inconfort et flegme, lenteur et inachèvement.

Je suis ce rêveur obstiné que le réel blesse aujourd'hui, jusqu'à parfois lui insuffler l'irrésistible envie de tout abandonner, encore et pour de bon. Suis-je un vrai musicien, moi qui ne suis capable de fournir au monde la partition et la genèse de ces vertiges intérieurs? Plutôt que d'agir une énième fois en philosophe, c'est à dire en poseur de questions, de problèmes, je vais agir aujourd'hui en créateur: je vais répondre à la question, apporter la preuve par la démonstration.

Peut-être faut-il savoir abandonner un peu ses sentiments en tant que pur vécu pour parvenir enfin à les transcrire en oeuvre?