samedi 22 juin 2013

D'autres appellent ça l'amour

On dit parfois que celui qui n'abandonne jamais fait preuve de persévérance, qu'il est courageux, patient et décidé. On dit aussi qu'il est insistant, téméraire et inconsidéré. Alors quand on ne sait pas quoi faire, on vous dit parfois qu'il faut écouter son coeur, ne pas hésiter ni se poser trop de questions. On vous dit aussi qu'il faut savoir être raisonnable, prudent et peser le pour et le contre. Vous finissez pas vous engager dans une de ces voies mais bientôt, pris de remord, vous faites volte-face et optez pour l'autre option. Mais là encore, au bout d'un certain temps vous ne savez plus trop et quelque chose en vous semble vous avertir que vous niez une part essentielle de votre "personnalité". Vous êtes alors perdu et désirez emprunter tous les chemins à la fois, ne rien laisser au hasard et vous faites comme tout le monde dans ce cas là: vous tournez en rond, hésitez, revenez sur vos pas, puis, finalement, tétanisé par la peur vous demeurez sur place, indécis et parcouru d'une agitation contenue qui renonce à se frayer un chemin dans la réalité physique.

Pourtant, là, au bout, tout près et si loin à la fois, réside ce que vous convoitez, votre souhait le plus cher, votre rêve le plus fou. Mais à peine croyez-vous faire un pas dans sa direction, tendre une main, le voyez-vous s'enfuir alors et vous tourner le dos. Malgré cela il vous appelle et semble vous attendre, espérer un mouvement de votre part, le "bon" choix qui vous réunirait. Mais votre maladresse et votre angoisse sont une armure trop lourde à porter, elle entrave vos mouvements, étouffe la volonté. La situation est si dérisoire, vous êtes là, tout embourbé, le rêve est ici, à portée de voeu, et reste à vous toiser.

Alors quelque chose comme la vie semble s'écouler de votre âme, lentement se sépare de vous, ravinant peu à peu ce qui fut jadis votre identité. Vous quittez votre peau mais il n'y a rien en dessous, rien d'autre que le souhait auquel vous aspirez et qui s'empare tellement de vous que peu à peu il vous remplace. Vous êtes bien surpris: si l'on peut formuler un souhait comment en devenir un soi-même, sans se détruire ni s'annuler? Le vent vous traverse de toutes parts, il vous emporte et se fait vous, vous devenez aussi inconsistant que lui.

Cette histoire est bien triste car vous l'aimez votre rêve, à tel point que vous en oubliez l'objet qui pourtant persiste malgré vous. Ne pouvez-vous l'aimer pour lui-même, dans votre coin, accompagné de votre éternelle solitude? Non vous n'y croyez plus, votre choix est fait et vous avez changé par lui, une part de vous non négligeable a épousée son objet. Vous êtes à sa merci, vous lui avez confié votre bonheur, et ce faisant pensiez ne plus jamais le quitter, cependant le bonheur fait son chemin ailleurs, porté par d'autres élans. Vous courez après lui mais dès que vous tentez de le saisir, il se mue en tristesse ou en colère, se loge dans votre poitrine le temps de quelques battements de coeur avant de repartir plus loin et redevenir bonheur. Peut-on, vous demandez-vous alors, garder le bonheur loin de soi?

Mais les questions comme celle-ci sont dépourvues de réponses, elles sont ancrées dans le silence de la vie, ne sont domptées que par le temps, et encore, seulement pour un temps. Cela ne vous empêche pas d'espérer, dans votre purgatoire, que le bonheur perdu, un jour, las de voyager sans vous, revienne se poser sur vos lèvres, vos yeux et vos soupirs. Et vous comptez le temps, vous vieillissez doucement à l'ombre de cet espoir qui emplit l'horizon. Vous ne renoncez jamais n'est-ce pas? Vous traversez les nuits et traquez l'aurore, en vous disant chaque matin que celle-ci est la bonne.

Certains appellent ça bêtise, d'autres appellent ça l'amour.