jeudi 30 janvier 2014

L'âme en chantier

Je ne peux plus marcher et figer une quelconque scène de ce monde sans qu'elle ne devienne une représentation artistique: soit une musique, ou bien un tableau. Quelques gouttes obliques, portées par le vent, sur fond d'arbres verts et agités, et me voilà tenant dans ma conscience un tableau de Poussin représentant l'orage. Il semble que l'art soit devenu la source et la fin de ma vie. Il n'y a plus que l'art partout, il est le couronnement de l'existence. L'art et la connaissance: l'immédiateté de l'état présent et le long et douloureux chemin, le médiat qui traverse toute chose et ne connaît point d'arrêt. Voilà mes deux muses, voilà mon sol et mon horizon. La connaissance exige que je quitte chaque identité à chaque instant, elle exige de moi de pouvoir subsumer sous une seule unité chaque point de vue, chaque abstraction, chaque monde, chaque forme, afin de pouvoir prétendre à la connaissance. Nul n'est tenu à l'impossible mais l'impossible me tient, il est l'objet de tous mes phantasmes, il est la cause de ma métamorphose incessante et qui fait que ma vie se découpe en périodes successives qui s'accumulent sur le dos de mon présent telles des strates géologiques, témoins de mon histoire. Je me détruirai sans cesse pour renaître autrement, conscient qu'une seule et même unité demeure, ce quelque chose qui maintient l'ipséité, cette aperception originaire inexplicable qui donne à l'humain le pouvoir de se perdre, de s'abandonner sans que jamais le passé ne s'annule en lui. Je porte en moi mes transformations antérieures, et je continue de me traverser moi-même, ce moi que je ne connaîtrai probablement jamais, car il est la condition de toute connaissance, ce moi que dans l'immensité des êtres et l'infinité des expériences je poursuis tout de même, braquant sur lui le faisceau de ma conscience qui s'épuise à sa lisière. Ça ne fait rien, depuis des années maintenant, depuis des cycles de métamorphose et de devenir, j'entretiens patiemment le moyen d'en tracer les contours, le moyen de faire surgir en creux la conscience, sombre délinéation qui se signale comme point central de tout ce que je saisis autour de moi, noyau de mon univers qui transparaît dans les mots. C'est par l'art, et plus particulièrement par l'écrit que je pourchasse ma conscience, l'essence de mon être. J'ai contraint cette source à être filtrée par les mots au point que l'un et l'autre s'habituent à leur présence réciproque, au point que les mots capturent patiemment les pépites de ce jaillissement sublime, qu'ils se moulent sur la forme de son surgissement, qu'ils s'ordonnent selon son rythme pour transcrire de mieux en mieux le fait d'être moi. Je n'ai nulle crainte de mourir cent fois et de trahir qui je fus car je n'ai nul rejet pour mes états antérieurs; je les aime et les conserve en moi comme un terreau fertile qui donne la raison de mon état présent. Je n'ai pas peur de changer, car il y a quelque chose à la base de mon être qui se dépose lentement dans les mots et forme par leur interminable amas, autant de stalagmites et de stalactites que seule la patience et l'unité de ma volonté, de ce quelque chose qui lie un monde pour moi, aura pu faire naître: la concrétion littéraire et musicale de ma temporalité.

mercredi 29 janvier 2014

L'âme en chantier

Le choc de mes semelles résonne en écho sur les murs qui m'entourent, chaque pas est la mesure d'un rythme, d'un tempo vitale et pulsatile qui marque ma vie de sa temporalité. Je marche et suis emporté par le temps, j'ai l'intuition profondément ancrée que la durée qui voit danser nos existences contient la clé de maintes questions sans réponses. J'avance et sens mon coeur battre en moi, les poumons qui s'emplissent et se désemplissent, je suis cet être ordonné par une mesure, je suis ce tonos qui marque la note de ma tonalité, ma vie est la mélodie qui ressort de cet écoulement unifié, mes mots en sont une interprétation possible, la partition quant à elle, est peut-être celée dans le creux de l'éther. Dans cet accord trop riche que je persiste à être, je cherche sans fin la fondamentale, celle qui serait suffisamment vaste pour contenir en elle toute l'infinie étendue des variation possibles, chaque nuance aussi ténue soit-elle. Encore; je vois l'avenir qui s'avance, je vais à sa rencontre, porté par mon corps et son rythme familier, ses douleurs et ses absences de sensation, muraille insensée et fragile face à l'immensité du monde. Je n'ai d'autre choix que d'accepter ce qui vient, je ne peux que m'y préparer ou m'y résigner, peut-être aussi que je m'en détache un peu pour ne pas trop souffrir, peut-être que je construis cette galaxie dont je suis le centre et sur les bras de laquelle tournent mes pensées. Je pense afin de ne pas mourir de désespoir. Je regarde ailleurs que vers le contingent futur, que vers la somme incalculable d'évènements programmés dont le nombre indéfini empêche tout calcul et fonde cette impression de chaos que l'humain nomme hasard. Existe-t-il, quelque part, une somme totalisée de ces actions qui sans cesse produisent le monde? Je ne crois pas, la liberté de l'homme est d'habiter un univers indéfini, d'être peut-être lui-même indéfini. Je me perds dans ces pensées qui me volent au présent de tous ces actes insignifiants censés exprimer le monde, la réalité, les choses matérielles (mais toute chose ne l'est-elle pas?) qui forment la carcasse du monde, son mécanisme abjecte. Je pars pour cet autre monde dont je crois être le démiurge, peut-être simplement car j'en ignore les déterminations, les implacables lois dont je suis l'effet dérisoire, effet à ce point coupé de sa vérité qu'il s'étiole doucement et se précipite vers un assèchement total de lui-même. Je contemple le monde des choses comme derrière un voile (est-ce le voile de maya?), je suis le centre ultime de mon corps, de mon système nerveux qui se condense vers ce point infiniment petit habitée par la conscience qui creuse et creuse encore l'infini, tentant de rallier l'immense à travers le minuscule. Tous ces évènements temporels sur la durée de ma vie s'unissent dans la symphonie de l'existence: respiration, battement de mon coeur, circulation du sang avec ses crescendo et ses descrescendo, trilles aiguës de la douleur, silence de l'anesthésie, flux volatile et parfois lourd des pensées, unité de la conscience qui regarde son monde à la manière d'un chef d'orchestre que les musiciens ne consultent jamais. Les murs salis s'impriment sur mes yeux, forment une image sur ma conscience et je laisse échapper une pensée sur cette image, telle une mélodie qui donnerait son sens à ce monde qui m'affecte: l'univers est matériel, désespérément matériel, et pourtant le temps est partout et fait tenir le monde sur ses bras de géant. Qu'est donc le temps? Pourquoi cette intuition en moi que la matérialité du monde, que le fait même qu'un monde existe, s'expliquerait d'un coup si l'on comprenait le temps, si l'on pouvait s'abstraire de lui ne fut-ce qu'un instant pour le contempler du dehors? Mais ce ne sont là qu'illusions et vaines rêveries illogiques d'une imagination qui outrepasse les règles de la raison. On ne sort pas du temps, on ne s'enfuit pas de l'existence pour espérer y revenir. Quand bien même cela serait possible, on ne saurait espérer revenir de la mort avec des souvenirs plein la tête, dépôts mémoriels d'une expérience vécue, et donc encore sillon du temps. On ne revient qu'irrémédiablement autre, autrement dit on ne revient pas: l'inexistence n'a rien à nous apprendre et pourtant, c'est d'elle que la connaissance de chaque chose, inlassablement, trace les contours; ou plutôt devrais-je dire que c'est elle que la connaissance présuppose partout où elle n'est pas, derrière chacune de ses limites, c'est elle qui est partout, omniprésente et omnipotente car tout ce qui n'est pas encore appartient dès lors à son royaume sans fins. Le grand infini, ce Tout total qui ne serait pas infini par défaut, par indéfinition, c'est le possible de l'inexistence, le possible qui reste encore impensé car impensable, le possible qui deviendra déjà actuel dès lors qu'une conscience le projettera dans le monde de son intériorité. Nous sommes cet infini en puissance qui se développe et existe sur le fondement de ce tout indéterminé qui n'est rien, ce rien qui n'est qu'un autre nom pour tout, pour la véritable totalité, celle du néant de l'Autre absolu sur le fond duquel chaque chose vient à être, prenant alors son identité propre. La lumière de notre monde, c'est précisément ce qui n'est pas.

mardi 28 janvier 2014

L'âme en chantier

Aujourd'hui le temps a encore filé entre mes doigts, la sensation qui en a résulté ne fut pas une douceur comparable à celle du sable fin qui glisse contre la peau, mais cette déraisonnable souffrance de voir l'immensité du monde rester réfractaire à la misérable impuissance de notre volonté. Chaque jour je me lève voulant plier le monde à mon rythme et chaque nuit je me couche avec le même constat familier: je n'ai aucun pouvoir. Dans le rythme si lent de ma progression, vers un horizon d'ailleurs inconnu, j'ai parfois l'humiliante sensation de n'être rien qu'un élément ballotté par les forces élémentaires de cet univers. Et pourtant, tel un prescient condamné à garder les yeux ouverts, je vois le futur s'avancer vers mon présent, menaçant et lourd, plein de drames et de tragédies prêtent à se frayer un passage entre les dimensions de ce monde. Je sais qu'un jour, l'amour s'éteindra. Je sais qu'alors la raison m'emportera dans son vide et qu'elle anéantira définitivement les derniers principes qui me tenaient lieu de sol ainsi que la poignée d'illusions et de rêves qui me faisaient office d'horizon. Il n'y aura plus rien, rien que la vacuité du moi qui s'écoule sans cesse hors du temps, à la limite de toutes vérités, sur la ligne de crête du présent où le possible devient acte. Je sais d'avance le destin solitaire qui m'attend, j'en connais l'horreur autant que le sublime. Ma vie ne sera plus que cette relation entre les choses, entre les gens, que j'ai poursuivi inlassablement et qui, je l'espère (?), se livrera un jour. Je ne serais plus que l'agent pathétique de l'univers qui se poursuivra lui-même à travers moi, cet univers qui ne sait ni d'où il vient ni pourquoi il existe, et qui ne trouve rien de mieux que l'humain pour accomplir la quête de son origine. Je me prête à ce maître qui nous domine tous, je m'y soumet et accepte le sort qu'il me réserve.  Je suis l'infatigable marcheur qui traverse les mondes, qui poursuis les lois jusqu'à leur terme et remonte à leur source, je suis le téméraire humain qui plonge sa tête dans les trous noirs afin de voir ce que Dieu veut bien nous dire par là. Je passerai donc ma vie à étudier cette relation, cette interaction élémentaire, afin de comprendre ce qui fait tenir le monde. Je finirai bien par savoir si chaque conscience est un dieu qui se drape dans la voilure du temps, je finirai par perforer mon âme ainsi que l'espace et le temps, je mettrai ce réel sens dessus dessous, je retournerai chaque chose sans aucun égard pour le grand ordre. Que la matrice des mondes, que l'indétermination du virtuel s'inquiète dès aujourd'hui car je suis à ses trousses, que la conscience des consciences sache qu'elle est surveillée, par ses propres enfants, peut-être par elle-même, en tout cas par son reflet. Tous mes regards sont tournés vers ce point d'où nulle lumière ne s'échappe, et d'où le temps semble jaillir en une seule direction. De toute façon, bientôt, je n'aurai plus rien, rien que cette énergie qui sourde en moi et qui n'a de cesse de s'éparpiller en un faisceau désordonné aux éléments mal assortis; alors je ferai le deuil de toutes les destinations qui m'éloigneraient de ce point, et j'irai droit à lui sans jamais m'arrêter, concentrant dans cet ultime effort toute la velléité dont je puis faire montre, celle-là même qui n'a pas cessé un seul instant de me consumer de l'intérieur; j'appliquerai toute ma patience et ma détermination à trouver ce que je cherche, quand bien même il ne s'agirait de rien. Voyez-vous Moires, le monstre que vous créez? Êtes-vous sûr que le cosmos veut découvrir de quel genre de chaos absurde il est issu? Suis-je sûr, moi-même, de vouloir contempler ma mort? D'où me vient cette confiance inébranlable en ma conscience, en son acharnement à vouloir vivre, à subsumer sous son unité absurde les fragments de l'Être qui tendent à s'équilibrer dans l'oubli d'une inexorable entropie? Je la sens si forte, si étrangère à moi, que je me visualise traversant les univers sans jamais périr, amassant ce que nulle raison ne saurait retenir de connaissances dans ce point ultime et immédiat du présent où se condense pourtant toute l'histoire du monde. J'avance d'un pas régulier et trace mon sillon jusqu'aux confins du monde, là où le soir se penche vers des possibles que nul ici ne saurait entrevoir, et pourtant, j'avance aussi confiant que si j'allais contenir en moi plus d'infini que mon esprit ne saurait concevoir. J'avance et tout existe, tout devient; et peut-être est-ce moi-même que je cherche, tel une Atlantide effondrée sous elle-même et qui chercherait à tourner son regard vers cette alme terre d'où proviennent chaque fruits contemplés. J'avance et le monde est toujours là qui épouse mon regard, et cesse aux abords de ce lointain où ma vue se brouille.

jeudi 23 janvier 2014

Les grandes questions

Voici les grandes questions que je poursuis.

La connaissance est-elle le projet d'un échec programmé, en ce sens que la totalité des points de vue qu'un sujet peut prendre sur un objet est un horizon intangible? La scission du sujet et de l'objet, si elle permet de connaître l'objet de l'extérieur, de l'au-delà, autrement dit depuis un système abstrait qui l'englobe et le comprend, ne permettra jamais cette compréhension interne qu'est le fait d'être la chose en elle-même, la chose en soi. Mais précisément la connaissance s'annihile dans l'être, car l'être ne connaît nulle distance, il est sans débordement aucun, l'être est muet, sans discours, plein de cet acte si mystérieux qu'il est lui-même. Me voilà qui parle comme un dogmatique, définissant l'être lors même que je n'en ai nulle idée. Il faut choisir entre être et connaître, ce dernier terme étant bel et bien la naissance avec ce qui est autre, impliquant par là que l'autre ne se départira jamais totalement de ce caractère étranger, de ce mystère qui nous fait tant courir. Il me semble en tout cas que la connaissance est condamnée à ce caractère lacunaire, à cet infini que nous ne cessons d'agrandir à mesure que nous le parcourons. Probablement parce que nous créons le monde.

Le temps et l'espace sont-ils bien les structures a priori, déjà achevées et complètes en nous? Ne peut-on imaginer ces deux formes n'étant rien d'autre que la production par les catégories d'un objet particulier, d'un objet qui soit la condition de tous les objets? Sans l'autre, sans la matière ou la chose en soi qui nous affecte, notre conscience et nos structures a priori ne sont rien; mais alors ne peut-on penser que le temps et l'espace ne sont pas ces structures passives dans lesquelles le flux hylétyque de l'inconnu nous parvient? Peut-être sont-ils le produit de la constitution active de l'entendement qui agence des unités par la catégorie de quantité et les lie par la causalité et la communauté? Que se passe-t-il lorsque nous regardons le monde sans vraiment y penser, sans vraiment se mettre dans la perception? N'assiste-t-on pas alors à une sorte d'image floue, de divers confus qui n'est qu'impressions diverses que rien n'ordonne et que seule la forme que notre vision impose vient limiter? L'espace est un creux que nous créons parmi les choses, il est le travail de l'entendement qui vient insérer ses concepts parmi cette continuité impressive qui nous affecte, créant ainsi la perspective, l'imagination des distances qui sépare l'unité des choses que nous isolons. Et pourtant, je dois bien admettre qu'il est toujours là, supposé, dès lors que nous voulons concevoir un objet quelconque hors de nous, même en nous. Même le pur ressenti, le pur vécu qui habite le temps, s'accompagne d'une association au corps que nous sommes, à nous en tant que sujet spatio-temporel et voilà alors cette vie interne et fluide qui vient s'accrocher à ce point de référence que nous sommes, telle une concrétion étrange et mouvante. Mais là encore, l'espace n'est qu'une présence fantomatique, supposée, peut-être est-il l'unification totalisante, la synthèse unifiante que fait subir la conscience à tout ce qui tombe sous son effort? Peut-être que l'espace infini et homogène existe en arrière-plan, comme le corrélat sensible de la synthèse de la conscience qui subsume sans cesse le différent dans un effort d'unité qui s'avère spatio-temporel?

mardi 21 janvier 2014

L'âme en chantier

Je n'écris pas assez ces derniers temps. Le temps est mon bien le plus précieux, plus précieux que l'oxygène, plus indispensable que le sang, plus important que le corps. Je cours après lui et jouis de la liberté qu'il me procure, liberté que jamais je n'actualise dans un choix ou une quelconque activité. Ma quête est celle du temps et de la liberté de choisir. J'augmente ma puissance afin de multiplier les possibles et ma plus grande délectation est de hausser l'intensité de ma conscience jusqu'à ses limites, afin de jouir, au sens le plus fort du terme, de la lucidité d'un esprit éveillé et libre de toutes contraintes, d'un esprit tellement puissant qu'il s'apprête sans cesse à épouser toutes les formes tout en les repoussant les unes après les autres.

Ceci étant dit, allez fonder une philosophie, ou l'oeuvre d'une vie. La mienne s'est perdue dans les scories du présent, enfuie dans le passé, à peine m'en souviens-je. De toute façon il y a eu tellement de philosophes, des médiocres comme des génies, il y en eût de véritablement géniaux, de ceux qu'il semble impossible d'égaler, il y eût un Kant et cela suffit à faire taire les velléités qui hurlent en moi. Ma volonté est illégitime, même mes pensées les plus pures ne possèdent pas la clarté systématique de l'analyse kantienne, je reste à la surface du vécu, incapable de traverser mes pensées dans toute leur épaisseur, afin de les offrir à la vue de tous. Tellement de travail aujourd'hui pour se mettre à jour et pouvoir espérer prétendre à explorer des régions inconnues. Il faut connaître la science qui est un puits sans fond, la physique quantique et ses mystères inexplorés, il faut apprendre l'histoire qui est longue de détails importants, il faut s'intéresser à tout ces infiniment petits qui sont autant d'univers, de totalités inaccomplies qu'il incombe à l'homme de poursuivre jusqu'à leur terme qui n'est qu'un écoulement dans les deux sens du temps: passé et futur. Comment y arriverais-je? Il y a toujours le recours de la technique qui vient décupler nos capacités d'expérience, l'homme se transcende par les outils, il élargit ses possibles et par là même ses pensées. Malgré tout je suis médiocre, mes actes comme mes pensées restent médiocres, voué que je suis à redécouvrir dans leur balbutiements les philosophies passées que leurs auteurs ont su faire croître en cités luxuriantes à l'architecture tantôt grandiose par sa complexité, tantôt imposant le respect par sa simplicité épurée et la profondeur de ses volumes. Je ne suis rien, rien que le petit génie, c'est à dire le non-génie, celui qui avait quelques facilités, qui pouvait être bon partout mais qui demeurerait à jamais un compétent, un intelligent, dans toute la banalité et le caractère commun de ces adjectifs. Je le prédis: ma vie ne sera que le laborieux récit d'une volonté qui s'insurge contre elle-même et sa propre petitesse, ses propres insuffisances. J'ai beau me mentir, me dire que ma volonté est probablement plus parfaite parce que l'oeuvre, la création est le signe des faibles, de ces hommes uni-dimensionnels qui sont parvenus à un tel degré de résignation ou d'aveuglement, qu'ils se sont mis entier dans une une activité, dans un domaine enclavé de la vaste vie. Même ce journal est bien piètre. Je le relis et n'y voit que les imperfections, les cassures dans la rythmique que je n'ai pas le courage de corriger. J'aspire au talent facile, au premier jet, à la perfection de celui qui agit toujours bien en-deçà de ses limites réelles. Je n'agis d'ailleurs que comme ça, du moins c'est ainsi que je me rassure, lorsque mes limites se font trop pressantes, qu'elles m’enserrent dans leur étau abjecte, qu'elles contraignent ma liberté immense - que je crois immense -, que je veux immense. De quelle nature est ce fossé qui me sépare du moi réel, empirique, et si profondément décevant, de ce moi fantasmé, que je crois pourtant être au plus profond de moi et dont la lumière éclatante ne laisse filtrer qu'un mince et terne éclat à travers la froideur de l'actuel, de tout ce qui existe en acte. Je poursuis mes illusions, j'en poursuis même tellement, je suis l'individu pathétique qui voulait subsumer tellement de vies, tellement de qualités en lui qu'il ne renfermait qu'une vacuité médiocre et faussement vide, même la vacuité me refuse l'excellence. Je suis rempli de demi-connaissances, de demi-destins, de foetus d'oeuvres et plein, pourtant, de leur effet pressenti, de leur retentissement imaginé, de leur béatitude convoitée. La philosophie et l'écriture (j'utilise ce terme non par choix, non comme renfermant une définition positive, mais plutôt par dépit puisque je ne sais pas même ce que je poursuis dans l'écriture ni même s'il me faut poursuivre un genre quelconque) seront-elles des idées que j'abandonnerai un jour à leur sort, à leur univers supralunaire où d'autres viendront les chercher pour ramener parmi les hommes un peu de leur éclat si bon? Et si je n'abandonne pas, où me mèneront les pas hésitants de ma volonté vacillante, inexorablement défaillante? Que trouverais-je durant ma vie qui vaille la peine d'être raconté, d'être partagé avec les humains qui fouleront la Terre après mon passage éphémère et insensé? Je suis simplement l'explorateur infatigable de son propre jardin, tandis que d'autres marchent sur leurs jambes immenses et parcourent le monde sur des distances intersidérales. J'ai parfois peur de ne plus pouvoir m'aimer, qu'un jour, je me déçoive à tel point que je ne veuille plus continuer à traîner cette carcasse de rêves, cet être divisé et d'une multiplicité si fragmentée qu'il m'est impossible de la subsumer complètement sous une unité qui serait enfin moi, moi dans toute la plénitude que ce mot devrait revêtir. Je n'ai pas la force de subsumer les champs immenses de la connaissance humaine, de me faire le jardinier de ces cultures à perte de vue qu'il faut sans cesse surveiller pour en saisir le sens. Je ne suis que la petite conscience qui synthétisait sa durée, son petit périmètre passé ainsi que son petit projet futur, tous deux se resserrant sur un présent qui étouffe de n'être rien. Tel est ce passé que je porte comme une identité refoulée et que je vous livre, impudique, comme s'il s'agissait du récit autobiographique d'une âme si grande que les générations futures de penseur s'empresseront d'en apprendre le sillon dans l'existence... Tel est ce moi risible que je suis, pathétique humain qui se satisfait de lui jusqu'à mettre en scène le mépris de sa propre personne.

mardi 14 janvier 2014

La démocratie occidentale révèle son vrai visage?

La démocratie a mal; et ce depuis longtemps malgré son silence relatif. La rue a bien grondé quelques fois, mais les appels ne trouvent qu'un écho limité, chacun reprend sa route après avoir jeté un regard curieux et quelque peu craintif vers la source du chahut. L'homme moderne marche vite, pressé de se rendre à son travail ou d'en sortir, il regarde ses chaussures de peur de croiser le regard de l'autre, et ne parle à personne, isolé par ses écouteurs. Pendant ce temps là, le peuple s'insurge, faiblement; il s'agit désormais d'une masse désorganisée, d'une somme d'individus regroupés dans l'anonymat d'une foule mécontente. L'espace public n'est plus nous disait Arendt, nous sommes à l'ère de l'opinion publique et la rue n'est plus que le lieu de la sédition communautaire. Mesdames messieurs, bienvenu dans mon monde, mon "pays". Dans ce contexte politique assez curieux, survient l'affaire Dieudonné. Jusqu'à présent, l'on avait pu accepter la direction du pays, l'anomie politique de l'Etat dont la démocratie n'est qu'un nom qui colle encore parce qu'on le maintient de force sur un corps étranger; il suffisait de vaquer à ses occupations, on était encore libre de se centrer sur sa petite individualité, ses maigres choc personnels, positifs ou négatifs. On pouvait continuer de s'enfermer et faire semblant de ne rien voir, ou bien être véritablement impuissant et résigné face au statu quo. On pouvait encore rentrer chez soi, allumer un joint et puis regarder des conneries sur internet, ouvrir une bière et se faire à manger en regardant un film téléchargé. On pouvait se laisser consumer par la fatigue pour recommencer le lendemain. Mais aujourd'hui ce n'est plus possible, il a fallu que toute cette sphère d'égoïsme, de culture de l'individualité nombriliste soit mise en danger pour que la conscience se meuve, qu'elle entraîne la volonté avec elle et que le train se mette en marche. un spectacle a été interdit. On nous a privé du dernier refuge de liberté que la société moderne nous accordait encore: le loisir. Que s'est-il passé?

Adieu liberté

Si l'égalité n'a jamais été à l'ordre du jour, la liberté, elle, aujourd'hui n'est plus. Du moins c'est officiel. Ce pays est aujourd'hui capable d'interdire le spectacle d'un humoriste. Cet acte qui se fait au nom de la dignité humaine, au nom de l'apaisement entre les communautés et de la sécurité, est l'ultime limite qu'il ne fallait pas franchir, au-delà ce n'est pas le soleil mais le totalitarisme; et mieux vaut rester à bonne distance de l'un comme de l'autre. Le ministre de l'intérieur a même fait passer une circulaire permettant d'abolir, à l'avenir, tout spectacle présentant des risques de troubles à l'ordre public. Autrement dit tout spectacle ou oeuvre d'art qui pourrait déplaire à une communauté (ce qui est presque tout le temps le cas) peut être interdit (on me rétorquera que l'interdiction n'est valable que s'il y a eu condamnations préalables, mais dans un pays où l'on est condamné pour des sketches...). Il est désormais loisible de parler de rien, et seulement de rien, encore que les adeptes du tout, ne pouvant le supporter, risqueraient de se mettre en branle et de créer quelques remous malvenus dans la société. On ne trouble sous aucun prétexte le troupeau qui doit rester disponible et concentré afin d'acheminer son quota d'énergie quotidienne, inlassablement et inexorablement, vers les entreprises et les bas lieux de la production économique. La politique d'aujourd'hui est une vaste entreprise de conduction de l'énergie, l'homme est un combustible et rien d'autre. Arendt (Les origines du totalitarisme) nous expliquait comment les systèmes totalitaires instaurent une logique du mouvement pour le mouvement: le progrès et le flux perpétuel remplacent le monde et l'assise du cosmos. Ainsi, plus de recul sur les choses, simplement un présent immédiat qui plonge l'individu dans un mouvement où rien ne se fixe, où la pensée ne trouve jamais de fondement sur lequel s'élever et prendre de la hauteur. On le voit aujourd'hui avec le règne de l'information quotidienne, le déluge d'annonces qui s'abattent sur les hommes les poussent en avant, empêchant tout regard en arrière, toute abstraction nécessaire à la réflexion: le philosophe est celui qui peut s'extraire du mouvement (cf Platon), mais qui a le temps, de nos jours, d'être un Socrate. Selon Arendt, il y a deux grandes causes du totalitarisme: la technique et la population qui forment une puissance propre à menacer le pouvoir en place. Ainsi la société de masse détruit l'espace public et jette en pâture à la plèbe des opinions pré-mâchées, du prêt-à-penser que l'homme pressé s'accapare avidement, heureux de pouvoir défendre quelque chose qu'il n'a pas le temps de comprendre, encore moins de critiquer. Nous sommes des spécialistes et nous avons tous un travail à faire. Le peu de temps libre est réservé à l'oubli dans les loisirs, personne, ou si peu de monde, n'a envie de s'interroger et d'entreprendre ce travail d'ascèse que demande la compréhension rationnelle et la recherche. L'homme est bel et bien réduit à la simple survie, saupoudrée de maigres périodes de repos dans l'oubli, il ne construit pas sa richesse intérieure mais celle, bien ostentatoire, des autres, de ses maîtres. L'"animal laborans" est la condition de l'homme moderne. Agemben ne s'y est pas trompé, pour lui, l'Etat totalitaire est le nomos de la modernité et sa méthode est la zoo-politique, c'est à dire l'administration de la "vie nue", prise dans la seule perspective de sa reproduction sans fin.

Quel recours avons-nous donc pour se prémunir de l'état d'exception que fait régner le souverain? La sédition, qui sera réprimée violemment et perçue comme un signe de fascisme, ou bien l'appel à l'inconstitutionnalité. Mais quelle valeur possède la constitution aujourd'hui dans un pays qui en viole les principes élémentaires en toute impunité? Pourtant, la constitution est le fondement même de la démocratie, elle est le texte censé garantir la souveraineté des citoyens par delà toutes les formes de gouvernement. L'interdiction du spectacle de Dieudonné est une violation évidente et sans appel de trois articles de la constitution, à savoir les article 18, 19 et 20 de la déclaration des droits de l'homme.

Article 18

Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ; ce droit implique la liberté de changer de religion ou de conviction ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa conviction seule ou en commun, tant en public qu'en privé, par l'enseignement, les pratiques, le culte et l'accomplissement des rites.

Article 19

Tout individu a droit à la liberté d'opinion et d'expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit.

Article 20

1. Toute personne a droit à la liberté de réunion et d'association pacifiques.
2. Nul ne peut être obligé de faire partie d'une association.


Ces trois articles assurent à eux seuls que tout citoyen français a le droit d'exprimer ses opinions librement, en privé comme en public, chose que ne peut plus faire aujourd'hui l'anti-communautariste Dieudonné. Il semble bien que l'humoriste soit devenu un "homo sacer", figure archaïque du droit romain qui réfère à une personne destituée de tous ses droits (à tel point que tout le monde peut la tuer sans crainte). Le terme peut paraître exagéré mais nous n'en sommes pas loin. Dieudonné a déjà fait l'objet d'agressions dont les médias se sont montrés peu enclins à se faire les relais, eux qui sont habituellement assez bruyants lorsqu'il s'agit de mettre en scène la violence de la société. Mieux, une personne qui pirate le site internet de l'artiste et publie les noms et adresses des personnes ayant acheté des produits Dieudonné, trouve aujourd'hui un refuge sur un site d'information communautaire (jssnews), et se voit élevée au rang de héros ou de modèle, par les mêmes personnes qui crient au loup et exigent de la démocratie des sanctions face aux propos d'un humoriste qui les dérange. Il me semble soulever là un premier paradoxe: comment se réclamer de la démocratie et soutenir les délits d'un individu qui non content de pirater le site d'un artiste, viole la vie privée de milliers de personnes sous prétexte qu'acheter un produit Dieudonné constitue un acte anti-sémite? Deux poids, deux mesures?

Agemben nous donne les trois points fondamentaux du pouvoir souverain, à savoir: le bannissement, la disqualification et le pouvoir d'éliminer. Tout est rempli ici (toutes proportions gardées): Dieudonné est interdit de spectacle et donc banni des villes et dorénavant de son théâtre, la loi vise à la disqualifier totalement avec l'appui des médias qui appellent à l'interdiction (notamment avec cet appel inquiétant à la censure sur internet) de tous moyens d'expression public, et enfin le tabassage en règle qui devient chose courante, qu'il vise l'artiste lui-même ou ses proches (on pense à l'affaire des quenelles ou même au régisseur son de Dieudonné). Dieudonné est devenu cet homme sacré, exclu de la sphère du droit, et qu'il devient quasiment loisible de maltraiter physiquement.

Avec tous ces éléments on est en droit de se demander si notre "démocratie" ne s'achemine pas (ou n'est d'ailleurs déjà pas en marche) vers un système pré-totalitaire, voire totalitaire? C'est ce qu'il faut étudier avec la question de la liberté d'expression et la liberté d'opinions.

L'espace inter-communautaire: un nouvel état de nature?

Il est assez inquiétant de voir les citoyens d'un pays, appartenant à une communauté, se réclamer de la démocratie pour interdire une autre communauté de s'exprimer publiquement. On a même pu entendre un journaliste (Patrick Cohen) affirmer que l'on ne pouvait pas penser ce qu'on voulait. Ainsi, liberté d'expression et liberté de conscience ne seraient plus des acquis au sein de notre "république". Je rappelle, pour l'anecdote, que même un Hobbes qui prônait l'autorité absolue du souverain sur ses sujets, n'allait pas jusqu'à remettre en cause la liberté de conscience. Il faut donc se demander où est la vraie violence? Est-elle dans les propos d'un artiste, ou dans les actes d'une communauté et d'un gouvernement qui interdisent tout bonnement à un individu ou un groupe d'individus de s'exprimer? Est-elle dans la production d'opinions ou dans l'interdiction d'opinions? Est-elle dans l'élargissement du champ d'interprétation des faits politiques et sociétaux ou bien dans leur rétrécissement à un faisceau d'idées autorisées et approuvées par un pouvoir en place? L'interdiction naît de la peur et mène l'individu à se rétracter sur lui-même, jusqu'à devenir intolérant à tout corps étranger, toute nouveauté. Le gouvernement a peur aujourd'hui du symbole anti-système que représente Dieudonné, il en a peur parce qu'il représente un danger pour le maintien et la reproduction du pouvoir. L'idée crée un horizon et la multiplication des horizons permet l'analyse et la confrontation, c'est à dire un élan vers une vérité qui naîtrait du choix rationnel. La liberté est ainsi dangereuse pour un pouvoir qui ne peut aujourd'hui tirer sa légitimité que de son unicité. Si le pouvoir se maintient encore c'est parce qu'il fait en sorte qu'il n'y ait pas de réelles alternatives, tant au niveau symbolique et idéel qu'au niveau concret et pratique. Que se passerait-il aujourd'hui si chaque communauté se sentant offensée par les propos d'un individu réclamait la restriction de sa liberté d'expression? Plus personne ne pourrait parler: les conflits existeraient à tous les niveaux et nous serions dans une situation absurde où le corps politique ne pouvant se faire le relai de chaque communauté s'annulerait jusqu'à réduire la population au silence ou à la guerre. Imaginons un instant que Dieudonné soit cet affreux agitateur et boutefeux de la haine des juifs qu'on veut qu'il soit: premièrement jamais ses propos n'ont incités à la violence (contrairement à ceux d'un Klarsfled par exemple), et deuxièmement, la liberté d'expression requiert qu'il ait tout de même le droit absolu de proférer ses opinions à haute voix sans être inquiété. La république s'est précisément instituée sur ces bases inaliénables, elle est le produit de la raison et de la multiplicité des idées nécessaires à la liberté (cette dernière ne subsistant que par le choix). Nous n'avons pas le droit d'interdire à quelqu'un de s'exprimer, même si ses propos nous blessent et nous dérangent. interdire c'est vouloir imposer à tous son point de vue, c'est se faire soi-même unique norme et c'est ainsi annihiler tout esprit critique, toute possibilité d'évolution. Nous devrions plutôt nous inspirer du modèle scientifique qui, loin d'être parfait, encourage tout de même à la confrontation des idées et part du principe que c'est par l'analyse des éléments et leur synthèse selon des critères rationnels et empiriques, que se forme la voie vers une compréhension réelle. Le message de l'interdiction des idées est toujours suspicieux puisqu'il suppose un peuple incapable d'entendre la raison dans le foisonnement des idées, un peuple esclave et infantile qui ne peut que suivre les différents mouvements qu'on lui propose selon les faiblesses de ses passions. Mais la démocratie s'est-elle consolidée sur le présupposé d'un peuple incapable et inapte à l'esprit critique? N'est-ce pas plutôt tout l'inverse? D'ailleurs la représentativité a-t-elle velléité à se substituer à l'impéritie des citoyens? Il me semble que non, et l'affirmation contraire serait un aveu de non démocratie, ce serait admettre que les citoyens se sont dépouillés de leur souveraineté au profit d'une aristocratie.

Désinformation: les propriétaires du sens

Outre ces considérations, il serait intéressant de revenir sur le cas précis de Dieudonné puisqu'il fournit une merveilleuse illustration d'entreprise de désinformation de la part des médias. En effet, on veut nous faire croire que Dieudonné est un communautariste proche de l'islamisme et qui vise à la destruction des juifs... Tout un programme. Chose curieuse, puisque Dieudonné, pour tous ceux qui le suivent depuis les débuts ou se sont simplement intéressés par eux-même au phénomène, est un anti-communautariste notoire. Assistons-nous à la mise en place d'une double-pensée? Quasiment tous les spectacles de Dieudonné mettent en scène les principales communautés (surtout religieuses) de la société en mettant en lumière les absurdités d'une identification communautaire et les impasses dans lesquelles celle-ci peut plonger une société. Absolument toutes les communautés en prennent pour leur grade et ce de manière équivalente, pourtant une seule outrepasse le stade du mécontentement pour réclamer une condamnation judiciaire. À partir de là, l'opinion publique va s'attacher à faire connaître Dieudonné sous le triste sobriquet d'anti-sémite, lors même que ses attaques envers d'autres communautés sont aussi violentes. Il faut donc interroger le processus qui s'est déclenché: pourquoi une seule communauté parmi toutes celles visées par l'humoriste s'est acharnée à détruire la personne de Dieudonné par des actes (l'action politique n'est pas symbolique, elle est avant tout pratique puisqu'il s'agit de condamner quelqu'un et de poser des interdictions)? Je n'ai pas la réponse à cette question et je n'ai pas les moyens d'enquêter sur le sujet. D'autres, j'espère, essaieront de comprendre ce phénomène afin d'identifier les causes d'un tel danger.

Qui donc décide de qui est anti-sémite ou non? Il existe une bonne partie de personnes, comme moi-même, qui suivent Dieudonné depuis les débuts et n'ont jamais pensé un seul instant que celui-ci était un anti-sémite. Nous avons des arguments à faire valoir, et nous sommes ouverts à la discussion. Pourtant dès qu'il s'agit d'argumenter sur ce sujet avec l'opposition, tout raisonnement discursif se voit barré la route et n'a plus que le mur des insultes ou des jugements arrêtés (fasciste, anti-sémite, etc.) qui constituent le premier et le dernier point d'une argumentation qui n'aura jamais lieu. On ne peut tout simplement pas discuter sur ce sujet. Les médias n'y sont pas pour rien puisqu'ils produisent avec prolixité des articles orientés, et si peu neutres qu'ils en sont choquants. Beaucoup, colportent ces opinions toutes faites sans même connaître les fais dont ils sont issus et qu'ils prétendent juger. Qui a décidé que la quenelle était un symbole anti-sémite? Dieudonné? Non, ce geste a été esquissé au départ pour illustrer la pénétration par une nageoire de dauphin, on est plus proche du bras d'honneur que du salut nazi inversé. Pourtant, il est fréquent d'entendre des personnes n'ayant aucune connaissance des faits répéter inlassablement que la quenelle est un geste anti-sémite. Sommes-nous libres aujourd'hui d'interpréter les faits différemment et de les mettre en relation afin de leur donner leur sens initial? Est-il loisible aujourd'hui d'être amateur de l'humoriste sans être accusé d'antisémitisme? Peut-on faire le geste de la quenelle sans craindre une agression? D'ailleurs il est assez étonnant qu'on nous parle de tolérance lorsqu'on tente de faire interdire des opinions qui dérangent (en outre dans le cadre d'un spectacle) alors même que les accusés, loin de vouloir faire interdire les opinions de la communauté qui leur veut tant de mal, se cantonne à protéger ses libertés fondamentales. Nous sommes dans une situation où quelqu'un se défend face à une horde d'attaquants et où l'on tente tout de même de nous faire croire que la haine et le danger sont du côté de celui qui se défend sans aucune intention de vengeance. On en arrive à un tel degré de paranoïa que la LICRA va même jusqu'à émettre des doutes à propos de l'interprétation du titre du nouveau spectacle de Dieudonné "Asu zoa" (« “Asu” est l'acronyme inversé pour “USA” et “Zoa” est le nom d'une organisation sioniste américaine »). À quand une demande d'interdiction face au danger latent que représente une conscience fermée sur elle-même et qui pourrait contenir des pensées subversives incontrôlables ?

Conclusion

Je souffre de vivre aujourd'hui dans un pays qui ne représente que la bêtise d'une élite qui est tellement discréditée que les gens ne s'occupent même plus d'eux. La France n'est plus un pays libre, encore moins une démocratie. Si aucun moyen constitutionnel n'existe pour que les citoyens gouvernent eux-mêmes, je ne vois que la solution de la sédition généralisée. Il faut rompre avec la professionnalisation du politique et inventer les garde-fou nécessaires si l'on choisit de garder le modèle d'une démocratie représentative (on pense ici aux propositions d'Etienne Chouard). La démocratie n'est plus, mais le peuple existe-t-il encore? J'ai peine à croire que nous soyons endormis depuis si longtemps que l'appel de la raison reste inentendu, et si cette dernière est muette et impuissante face aux passions, alors sachons utiliser les passions pour lui prêter une voix qui sera entendue partout. j'ai honte d'être français, j'ai honte de mes maîtres, je ne reconnais aucune légitimité à ce gouvernement qui continue d'utiliser des mots en signifiant pourtant le contraire. Le mensonge généralisé est devenu tellement grossier qu'il ne prend plus la peine de se cacher, nous avons sous le nez les preuves accablantes de notre servitude et continuons pourtant de défendre quelque chose qui est mort, depuis bien longtemps. Les idées n'appartiennent à personne et n'ont jamais agi. Il faut aujourd'hui les défendre, il faut les multiplier, il faut se les approprier car ce sont elles les horizons de nos agissements, ce sont elles qui confèrent le sens de nos vies. Nous devons choisir les idées et pour cela nous devons avoir le choix. j'écris ce texte pour qu'existe un autre raisonnement et d'autres interprétations de certains faits qui secouent aujourd'hui l'actualité française. Je ne défends rien d'autre que la liberté de tous et je me réveille aujourd'hui de mon sommeil politique, et je remercie pour cela Dieudonné. Je me bats pour que ses idées aient droit de Cité, au même titre que celle de ses ennemis. Seule le dialogue et la raison pourront nous sortir de l'ornière de ces conflits d'opinions qui constituent ce que d'autres (à la lumière de qui nous devrions parfois penser) ont un jour appelé le "royaume des ténèbres".

lundi 13 janvier 2014

L'élu

Tu prônes la liberté mais n'hésites pas à sortir la laisse lorsqu'elle s'en va trop loin.
Tu es comme ces amoureux qui veulent remplacer le monde pour leur aimé.
Tu traces les contours de l'horizon, et marque ce qui dépasse du sceau de l'interdit.
Tu cries au secours, à l'outrage, au crime car toutes les lois ne parlent que de toi;
Et quand tes caprices ne sont pas immédiatement comblés, tu serres les poings et hurle
Avec les loups; comme eux la bave te monte aux lèvres et tu tournes dans ta cage.
De jour comme de nuit tu rassembles les apôtres qui t'ont cédés leur volonté.
L'armée infernale déferle alors sur ton ennemi prononcé, tu frappes pour détruire
Pour que la différence ne possède plus ni visage, ni voix, ne soit plus qu'une impasse.
Le monde est tel que tu le définis, les mots n'ont de sens que le tien, les symboles t'appartiennent,
Tu imprimes tes manigances sur les cahiers d'écoliers, partout tu prêches dans les universités;
Tu as courbé l'espace-temps pour qu'il incline vers toi;
Les autres sont tes serviteurs, travaillent nuit et jour à nourrir ta cupidité.
Ton âme est un puits où gît la peur au plus profond des ténèbres.
Ton vice est ton seul objectif, il est ton antienne que tu récites
Inlassablement, dans tes actes et tes pensées:
Le pouvoir est là qui te hante:
Tu es l'élu, c'est toi qu'on a choisi.
Parmi l'armée de clones c'est toi qui es sorti.
Fidèle du mouvement pour le mouvement,
Crépuscule du monde avènement du progrès,
Répétition du même, travail acharné,
Mérite, ego, récompense, les ténèbres ne sont pas ingrates
Es-tu seulement un homme?
Elu aujourd'hui,

Demain destitué.