jeudi 30 avril 2020

Dans les draps de soi

Qu'es-tu donc... Quelque chose du mouvement. L'élan premier, ou deuxième? Dixième ou six cent trillionième...? Pour toi celui de la source. Pour moi...? Une illusion, la croyance qu'alors on se tient près, tout près; pourquoi diable les choses seraient-elles aussi déterminées, corpusculaires... J'ai besoin de savoir... Ai-je réussi? Réussi? Qu'essaies-tu d'achever par moi... Peu importe le stade, ce qui te guide est l'intuition, le sentiment, la croyance. Rassure-toi dans la croyance humain. Dors en ses draps de soie, confortables et lénifiants, lisses et si légers... Saisir dans l'élaboration des formes ce qui prélude à la structure aboutie. Faire apparaître la dynamique même du paraître. Comment faire, dès lors que l'on se tient soi-même au sein de ce paraître...

mercredi 29 avril 2020

Esquisses entropiques

Fin. Début. Avec les joues pressées contre la toile de jute. Tête au crâne écrasé par une couronne de blés bruns. Face ouvre un œil. Sur le monde. Sur des collines imprécises et girondes s'offrant à la caresse du soir. Aux regards impassibles des étoiles dans le bleu-ombre de la nuit.

___________________


Ecoute... Il y a toujours quelque chose à entendre. Ce monde, même à d'infinies distances n'est qu'un appel de soi à soi.

___________________

Le monde a ses concepts, ses schèmes. Ne les vois-tu donc pas? Tiens-toi face au miroir: que vois-tu là? Un concept que l'univers a de lui-même.

___________________

Tremble! Dans un tambour divin les chars des cieux descendent en flammes. Traversé de troposphère grondante ce qui se tient debout s'effraie. L'air est la lyre des dieux, l'atmosphère est leur ire. Ce qui se dresse un jour tombera. Et tous se pressent pour la tombe.

___________________

Tu es un bel instrument toi qui joue de toutes les musiques. Imite chaque timbre et prend toute couleur. Âme es-tu seulement quelque chose... Instrument d'instruments, condition de possibilité de tout ce qui se joue. Es-tu seulement quelque chose? Et que cela fait-il d'être l'écho silencieux de tout?

mardi 28 avril 2020

Ceux des intermondes

Que font mes semblables de ceux des intermondes? Ceux que le vide appelle comme injonction à voyager. Ceux qui bâtissent les ponts entre royaumes?

Tous se précipitent en des empires de mots, de concepts concrets, cristaux de valeurs cimentées par le liant des fois concrétisées. Le paysage de l'existence est quadrillé d'autoroutes qui mènent à ces mégalopoles de certitude. Chacun s'y terre et s'y déleste de tous ses vertiges. Les peurs sont comme des bagages qu'il faut poser ici, au sein des autres, qui crient plus fort que tout. Tout est défiguré ici, le devenir hypostasié, les valeurs imposées, mes semblables ont toujours été fascinés par ceux qui ne contemplent plus et tracent des sépultures dorées derrière leurs paupières closes...

Moi je ne suis pas d'ici. Je tends le fil entre les mondes morts, m'agite par-dessus le vide. Ma croyance est infime, elle n'est que pragmatique, chemin qui s'efface sitôt parcouru.

Je ne comprends que trop bien la fascination des humains pour les hérauts des vérités. Chacun veut se reposer à l'ombre de l'autorité. Chacun veut être protégé par la tangible opacité d'opinions naturalisées.

Quelle rôle ont les esprits nomades, qui dénouent les comos par un regard lucide et s'en vont sur des routes encore inempruntées... Quelle légalité pour ceux de cette race? Les tziganes de la pensée, les vagabonds des sentes éphémères qui traînent dans leur balluchon le ferment d'une altérité. L'ailleurs, l'autre, c'est le doute dont tout le monde souhaite se débarrasser.

Nous sommes encombrants, étiquetés acosmiques parce que du multivers, et d'une réalité changeante comme les saisons.

Nous sommes le devenir renié, inarraisonnable, celui qu'on ne peut anticiper, le sans confort.

Une croyance ou tout un monde entier sont autant de demeures: des murs pour cacher l'horizon fuyant, un sol pour ne pas voir le vide, et puis un toit pour cacher les confins immenses qui nous font minuscules...

samedi 18 avril 2020

Aphorisme sceptique

Les questions sont les vérités, les réponses ne sont que des choix.

D'un autre vers lui-même

Le travail?

Mais il n'y a pas de travail. Ecrire est un acte d'inspiration, c'est arpenter un chemin qui existe, déjà, quelque part, en quelque temps. Je n'ai jamais eu à travailler pour me brancher sur ces sphères. Je n'ai jamais rien créé, rien inventé, rien bâti qui  ne soit déjà là. La beauté est sous nos yeux, sa structure en chaque chose et son chant est partout à traduire par les mots trop humains du commun. Cette chanson qui m'emporte à rebrousse-chemin, vers le passé qui trace ses figures et synthétise en ses courbes la grammaire d'un destin: voilà ma clef de sol.

Donnez-moi la note juste, donnez-moi le bon air, et je m'embarque en sillon littéraire vers la lucidité des sombres sages, solitaires, qui écrivent poèmes pour la lune et l'espace indifférent. Mais peut-être qu'il ne l'est pas, au fond... Peut-être que les étoiles écoutent comme une Juliette le chant du Roméo esseulé qui hurle en sa mansarde de misère. Peut-être que chaque élément de nature est un appel sans péremption vers le fond de toute âme. C'est en ce point silencieux que je vis, heureux, accompli de n'être rien, passager du vent, instrument de tout.

Ne cherche pas à créer: rien de nouveau sous le soleil, pas d'arc-en-ciel qui ne soit déjà peint, en quelque langue insensée qu'il faut pourtant bien traduire du vécu qui l'enserre. Sous la prison des mots la liberté se dessine et prend ses silhouettes bleutées des tréfonds de la nuit. Lumière vient limiter mon âme et lui donner la forme des flammes, changeante, métamorphe un peu dingue avec ses chutes et courbes folles. Fais du Dieu la chose, du sujet cet objet esthétique qu'aucun dévoilement n'épuise et qu'un autre regard, bref ou durable, indétermine. Car l'art n'est rien d'autre que ça. Une écoute obstinée, fanatique que le coeur-instrument brisé s'accapare en écho, le temps d'une danse privilégiée. Oh tu sais comme je suis chanceux d'entendre partout tes gammes chromatiques, tes fondamentales enchaînées que j'accorde à ma lyre...

C'est n'avoir aucun maître qu'écrire, c'est n'être jamais auteur mais toujours interprète. Nous ne sommes que les transformeurs d'indicible en voies lactées de phonèmes. On bricole avec ce qu'on a, voilà tout. Et ce tout est le plus grand des plaisirs mais le plus condamné aussi. Car on est seul en son sein. On y réside à jamais dans l'isolement d'une connexion au Réel que forme le cordon d'un vécu singulier. Et pourtant tous s'y reconnaissent, un jour, d'une manière ou d'une autre. Et c'est ainsi que lève la malédiction...

Parce qu'un instant comme celui-ci peut être un pont d'un autre vers lui-même.