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lundi 23 décembre 2024

Pourquoi?

J'espère, ô combien... que ce n'est pas toi en moi, qui es de nouveau là; à nouveau dans le cercle, des choses, et puis de la douleur. J'espère que nous ne nous sommes pas, encore une fois, trouvés ici, pour y accomplir encore un tour; avec de menus amendements: une femme, un enfant, un emploi peu ou prou reconnu, pour apprendre, encore, ce que nous avons toujours su: que cela est mensonge.

Et la seule chose que tu aies possédée, dans cette vie tu la veux: l'œuvre capable de justifer l'exhumation dans quelque Panthéon malnommé...

Mais quel cruel tour de t'avoir jeté là, de nouveau, avec tout ce superflu auquel, sublimement, tu avais su renoncer; tout ce tissu d'illusions que tu as tordu de tes rêves en formes poétiques, et qui m'ont dévoilé, trop impermanentement, la transcendance du Vide. Quel cruel tour que de t'avoir donné ce que tu n'as fait qu'effleurer de ton vouloir, prenant bien soin de l'éviter, comme on ferait se brûler volontairement celui qui regardait craintivement les flammes...

Si tu es moi, ou plutôt je suis toi, je ne pardonnerai jamais à l'univers un si tragique affront.

dimanche 22 décembre 2024

Plus grand que l'univers

Tout à l'heure, alors que j'étais prêt à mourir -- comme à chaque seconde désormais --, j'absorbai sa douleur comme une toxine dont je nourrirais mon âme. J'ai la place pour tant de souffrance en moi qu'il m'est impossible de ne pas me souvenir les mots de cet Autre -- qui me ressemble plus que moi-même: "Et mon cœur est un peu plus grand que l'univers tout entier".

Et ma joie, plus infinitésimale que le cœur des atomes.

mardi 22 octobre 2024

Âme-monde

Visiter son âme, du plafond jusqu'aux limbes -- et même au-delà --, quel réconfort peut-il y avoir à cela? Le tourment est une chose qui tord, essore en l'âme toute substance, et les quelques gouttes qui sourdent au-dehors contiennent les principes actifs de toute métamorphose, elles sont l'essence même du conatus. Parvenir au fond de l'abîme pour s'apercevoir qu'il se perd toujours plus loin, qu'aucun fond ne se donne pour fondation et qu'un vide incommensurable est le milieu de l'âme, voilà le sort du tourmenté. Quel électuaire trouvera-t-il, cet homme, pour parvenir à souffrir ce destin?

C'est de son propre sang, de ces rivières de poésie qui semblent sortir du chaos par l'ineffable mariage de la forme et du Rien que l'aliéné tire sa force. Car le sang qui le couvre, épais, obstrue sa vision, certes, mais l'oint d'une aura surnaturelle qui fait de sa silhouette un signe vers ce qui se tient bien au-delà; et les yeux clos laissent toute latitude à l'âme de plonger en son centre où s'offre, panoptique, l'indéfini du monde.

C'est le flux du néant -- de celui qui contient, achevé, toute chose -- que parvient à extraire du cœur de la douleur celui qui endure l'absurdité de l'Être -- parce qu'à tout instant il la mesure de son terrible sentiment.

À tout le moins, la souffrance est la voie de ceux qui font croître le monde.

jeudi 3 octobre 2024

Formes de la dissolution

Tout naît de la souffrance, toute individuation est déchirement, toute forme est un déni du fondement. Vagues ondulations sur l'océan du Rien, nous existons comme un écho centripète qui, se refermant sur lui-même, croirait devenir monde. Les sens tournés vers l'intérieur, nous sentons bien, vaguement, que quelque chose nous rattache à ce qui nous excède et nous anéantit, sans toutefois jamais pouvoir en être sûr, sans en pouvoir formuler de connaissance. Notre origine, et surtout notre fondement, ne saurait être objet à nos yeux. Seule la musique: pure ou bien dégénérée en des formes de plus en plus figées et spatiales, entrouvre en notre nécessaire isolement une brèche par où nous croyons percevoir l'informe substance où se trace, éphémère, la forme de notre âme.

Évohé. Emmenez-moi, formes de la dissolution, dans le cœur de l'abîme où je suis né.

samedi 7 septembre 2024

Scotographie

La recherche de l'absolu est tout autant poison que moteur: c'est elle qui nous fait prendre la plume, elle aussi qui la fait reposer. Ce désir d'abolition ancré au cœur de l'être le plus totalement fini et inabsolu, est peut-être la fondement de cette déchirure qui fabrique le sillon sanglant des destins et dresse le portrait d'une âme toujours à côté d'elle-même.

Vouloir rejoindre l'infini et l'éternité à travers la durée d'une œuvre est peut-être la plus pathétique -- et aussi la plus sublime -- ambition des hommes. N'oublions pas que la plus sombre des tragédies contient en son cœur le noyau le plus lumineux qui soit. Ainsi l'existence humaine est cette ombre projetée à tout va, celle d'un escarpement fait de cassures qui semblent toutes briser la trajectoire qui propulse les hommes de la terre aux étoiles. De la naissance à la mort un compte fini de battements de cœur et l'unité d'un souffle malgré maints visages.

samedi 24 août 2024

Le Job

Le job consiste en une et une seule chose, si tu l'acceptes: faire éclater la forme en la surchargeant de l'intérieur, la laisser devenir peau afin que ton cœur pulsatile et ivre la tende juste assez pour qu'elle ne se déchire point mais garde à jamais les stigmates de ton indéfinie puissance.

Mais pourtant le but serait qu'elle se déchire non? Qu'elle laisse enfin couler l'âme infinie hors de sa conque?

Bien sûr, c'est ce que tu désireras de toutes tes tripes mais cela tu ne pourras jamais l'atteindre et c'est bien là l'aspect tragique de la chose. Pour cette raison je te pose une dernière fois la question âme: veux-tu toujours être humain?

Vivre dans un échec? Exister par la frustration? Arpenter l'innacomplissement? Devenir le point de rupture d'une nature duale? Qui voudrait cela?

Des milliards avant toi ont désiré ce sort, parmi eux quelques-uns sont parvenus à surcharger d'infini les finis phénomènes, mais je vais t'avouer quelque chose: ils ne l'ont jamais su: ils n'ont connu d'illimitée que la souffrance.

jeudi 4 juillet 2024

Opus X

 À l'unisson de cette époque cet esprit sombre et las s'anéantit. C'est la santé perdue probablement qui bat des ailes allègrement vers d'autres astres dont l'aube entame une ascension. Tout de même j'aurais aimé être là pour mon fils encore vibrant de l'Énergie, capable d'agir ici-bas, de rêver un peu, et d'être, encore un tant soit peu, une âme un corps vivants. Mais tout se joue ailleurs, dans l'oscillogramme sinusoïdale de ma vitalité qui bat des ailes pour s'éloigner -- de moi probablement, comme j'aurais dû le faire aussitôt, ainsi que toutes choses vibrantes... Encore quelques pans de ma vie à regarder le piteux édifice s'effondrer: je peux toutefois me consoler, pour une fois il ne s'agit pas de mon fait mais d'une implacable partition musicale composée par trois pies qui tissent sans relâche la musique du monde.

Que cet opus est triste: nocturne parmi les nocturnes. Toute ma vie j'ai plongé dans les courbes: des lettres des destins des corps, et voici que la mienne semble s'infiniser dans la chute finale.

Quelle transcendance lèvera mes paupières? Je n'aurais jamais cru la souffrance infinie...

Je n'aurais jamais cru la souffrance infinie...

vendredi 31 mai 2024

Déméter (sonnet)

Sonnet écrit début Mars. Il s'agissait d'une contrainte imposée car le sonnet me laisse indifférent...

 

Du siècle mourant résonne l'hallali

L'ère des astres errants à des horizons noirs

Que zèbrent furieuses nos âmes sans mémoires

Homme! Lève-toi! de ces draps trop salis!


Si foulant le destin ton visage pâlit

Empoigne ton courage et n'aie crainte de voir

Ce qu'ont pour toi ourdi les éternelles Moires

Un velours de néant pour te parer de nuit.


La peur, au fond, n'est rien, qui dérobe à ton cœur

Les mesures d'une joie qui se mue en douleur

Il faut vite vivre le présent qui s'effeuille

 

Ou du moins le croit-on faisant fondre le givre

Quand du chaos jaillissent les étoiles ivres

Dressant l'œuvre azurée qu'une humanité cueille

mercredi 22 mai 2024

Métabolisme

Il faut reconnaître la positivité où elle existe: nous passons, tous, y compris nous-même. C'est-à-dire que tout ce qui structure notre dynamique délétère, tous les mécanismes propitiatoires à l'algésie, finissent, eux aussi, par se dissoudre dans le flux métabolique du temps. Prenez une minute pour ressentir le soulagement qui peut découler d'une telle considération: nous-même, notre petit moi souffreteux et claudicant, finirons pour nous transformer suffisamment pour que telle ou telle tropisme incommodant disparaisse enfin sans crier gare.

Un jour, peut-être, c'est l'indifférence qui remplacera la souffrance produite par la lucidité -- celle qui nous rend apparents les fils qui tissent un monde et révèlent de manière éclatante et indubitable la médiocrité de tout.

mercredi 8 mai 2024

Le Trou

Est-il vraiment nécessaire de se faire comprendre d'autrui? Comme s'il fallait sans cesse justifier son existence et tout ce petit mobilier insipide qui -- le croit-on -- constitue ce qu'on est? Est-il si intolérable de laisser le monde -- une partie du moins -- vous vomir et mépriser? Le Surhomme n'est pas de ceux qui réclament l'amour d'autrui: je suis tout sauf un Surhomme.

Alors, cahin-caha, je tente d'expliquer à l'autre qui fait face ce qu'il en coûte d'être moi. Mais les mots vous font tantôt paraître hyperbolique, tantôt euphémique. Que d'emphase et de broderies ne faut-il pas déployer pour rendre un tant soit peu palpable à autrui ce grand trou noir qui vous habite; dévore votre présent d'énergie, absorbe la vitalité en cathéter invisible jusqu'à laisser ce petit tas d'ombre salie qui coule entre les murs de son destin ce bien triste sillage.

Rien ne saura donner la mesure de la souffrance qui est mienne -- aussi risible soit-elle... De quoi me plains-je enfin..! À celui qui sent, de toutes les manières, le nuancier du vide par tous les pores de son âme, celui-là sait la profondeur du tourment qui charrie les fragments perdus de soi au travers des jours. Et je l'aime comme un frère algique écartelé par les étoiles -- lui aussi. En ce qui me concerne, je ne les regarde même plus, clos sur le centre actif de ma déréliction je me fige en posture de garde, protégeant de mes membres frêles et improductifs les organes vitaux qui me maintiennent, végétativement, en survie. Je peux me prévaloir de la santé de mes intestins qui déversent leur torrent quotidien d'excréments qui n'ont pas même pour eux d'être le souvenir de plaisirs réels, mais plutôt le fantôme affairé de mes angoisses à reboucher le trou.

Le trou: tout est affaire de trou. De l'enceinte jusqu'à la tombe: un trou pour se chuter.

jeudi 7 décembre 2023

[ Terres brûlées ] Nécrosynthèse

Être une station d'épuration dans le monde pestilentiel d'aujourd'hui. Embourbé dans la glaise purulente du siècle, tout au fond des eaux usées, parmi les particules d'antibiotiques, de métaux lourds et de micro-plastiques. Attendre dans les eaux croupies, parmi les odeurs injurieuses, brasser le sang souillé la sanie flavescente, infusion de toxines à vous brésiller l'âme: ô poison psychotrope...

Être stercoraire jusqu'à vous rendre nauséeux, que s'accroche à votre peau l'odeur méphitique des coprolites infâmes que vomissent les âmes stationnaires et qui marinent dans le temps perdu, le temps déçu, qui n'ouvre sur nul avenir.

Je prends plus que ma part de la souillure environnante et pareil au jasmin, je filtre un philtre excrémentiel pour en exsuder le dosage subtil qui donne à mes écrits ces senteurs si florales. La poésie n'est rien d'autre que ça, fouiller dans les décombres, se nourrir de la mort et de la pourriture, produire les chants fertiles où poussent coquelicots et muguets, où croît l'épi tout blond des blés -- et se décline en maints bouquets l'œuvre alme d'un projet.

Projet pancaliste s'il en est, la vie n'a d'autre but que produire des formes qui, toutes, rendent un hommage singulier à l'ordre du cosmos.

Être propre, toujours sourire, afficher au-dehors des façades polies, optimisme béat qui ravie les idiots, s'habiller de velours et de froufrous prisés, exhaler le parfum de chimies hygiénistes, paraître, paraître, toujours paraître n'avoir rien en soi d'inavouable ou de sombre, aucune opacité pour voiler le teint clair de face immaculée. Bien porter tout en devanture, sans arrière-boutique déguisée, sans porte dérobée... Techniciens de nos propres surfaces, il faut être étincelant et beau sous le jour scyalitique qui s'effraie de la nuit.

Poète porte en toi la ténèbre honnie, avale un crépuscule à chaque aube qui luit, mâche, digère, intègre les obscurités liquides qui s'écoulent dans nos caniveaux, râcle les égoûts, cloaque des nations, sois celui qu'on fuit, celui qu'on trop médit, celui qui détone par trop dans les salons fleuris de tons artificiels. Absorbe la critique et tous ses adjectifs saturés de crainte qui se plantent en ton cœur et veulent te coudre peau neuve. Laisse faire le monde, laisse le viol avoir lieu, sacrifie ce moi mondain qui n'est rien, rien d'autre qu'un pantin agité par les moires, semblable à tous les autres dans la fourmilière excitée de survivre.

Par une porte dérobée, sous le mur en trompe-l'œil fais tourner l'atelier de tes broderies scripturaires. Que chaque organe tisse la mélopée tragique et que s'opère alors la nécrosynthèse fabuleuse par laquelle sourdent du venin en toi les fleurs intemporelles.

Encore un peu plus de souffrance, le monde aura besoin de toi pour se remémorer l'antique savoir aujourd'hui malmené: l'humain n'est rien d'autre qu'humus enraciné dans le tourment.

jeudi 9 novembre 2023

Aphorisme algésiques

Le point de contact entre la souffrance et la mort est-il le même pour tous?

Existe-t-il des hommes suffisamment noirs pour que nulle souffrance ne puisse s'échapper de leur enceinte?

Le manque est la raison du monde.

À travers l'homme lucide étincellent les ombres.

jeudi 6 octobre 2022

Pssschhhhtt

 En fait, mon livre est le plus grand, le plus long volume d'air abîmé qu'une haleine humaine ait un jour exhalée. Un seul interminable souffle, unique phrase de ce poème en fait destin.

Dans les infinitésimales nuances composant le bouquet fatal tentent violemment de s'incarner les sinuosités visqueuses d'une souffrance borgne. Cette souffrance que le mot même ne suffit point à unifier. L'abîme est sans substance, pure relativité d'un néant qui se cherche à travers tout ce qu'il ne saurait être.

Et ce jet de vapeur qui projette autour de lui en un mauvais sifflet ces gouttes vénéneuses, qasar acosmique, substance antithétique qui se cherche un ensemble à qui appartenir -- l'ensemble de tous les ensembles est-il contenu en lui-même?

pschhhhttt! Le bruit que font les âmes qu'on rend à l'entropie.

mercredi 11 mai 2022

Hormèse

 La conscience m'augmente à mesure qu'elle me déchire et perce, au cœur du centre de mon étendue vacante, un point vital de mon être: celui qui pourrait faire de moi cette totalité close, pleine et entière. Au lieu de ça je m'écoule en humeur noire au-dedans de mon néant intime, comme si ma souffrance même rechignait à m'appartenir, et débondait en mille nuances sur l'épiderme du réel.

Cette maladie je l'ai attrapé assez tôt. La maladie de la conscience m'a été transmise par la douleur, la douleur de l'adolescence et du déracinement, la douleur de la perte et celle de l'amour impossible -- c'est à dire, au fond, de la réunion de soi avec cette altérité qui nous racole comme un vide irrésistible par lequel s'anéantir.

Dès lors que je fus malade, je n'ai cessé de m'élever à des degrés de souffrance toujours plus éminents. Sur les neiges éternelles de mon futile tourment, je plane solitaire et ivre de puissance. Je suis propriétaire d'une chose...au moins...et c'est elle et elle seule.

Ce cancer qui me ronge, toujours plus dévastateur, toujours plus virtuose en son art, est la blessure qui inlassablement lacère mon âme en son destin. De cette peau béante et qui supure, je dois ramasser les lambeaux, recoudre les fissures, les abîmes qui cherchent à me défaire, et...toujours alors...je reviens de plus bel, plus immense et plus fort; aussi vaste que mille univers.

C'est ce combat face à l'altérité absolue, cette entreprise de prédation ontique qui nous définit, échaffaude le seul bonheur qui soit, augmente nos puissances et fait de l'existence cette croissance métastatique qui menace, à terme, d'engloutir jusqu'à la moindre des ressources disponibles.

Impossible coïncidence de soi avec soi, déséquilibre qui fait la marche des destins, qui fait lever le temps comme une houle inarrêtable, asymétrie profonde de l'Être dans sa chute. Nous avons soif parce que c'est cela que la vie d'homme. Nous désirons et par là même engloutissons l'éxtranéité profonde dont on ne sait si elle nous enceint où si c'est là le jet sombre et terrible de notre propre source enfouie.

Nous allons parce que la symétrie est impossible. Et ce qui nous renforce est ce qui nous détruit.

lundi 21 mars 2022

Gratte, gratte, gratte

 Pendant longtemps j'ai cru que la destruction procurait ce petit sel à la vie qui manquait. J'étais, peut-être, convaincu que la dissolution de soi pouvait laisser un répit, qu'une unité lénifiante relierait encore les fragments, épars, d'une tension du soi. Et j'ai gratté, sur la surface de mon égo. Arrachant ça et là, quelques morceaux ineptes et qui devaient s'évanouir sous les coups du présent. Je voulais exister, aussi brut que l'énergie primordiale, informe et indéterminé, dans toute la plénitude de ces possibles phantasmés...

J'ai cherché, cherche, et chercherai encore, dans le désentrelacement de la conscience, une parcelle de vie qui me donnerait d'être... Sans souffrance.

Me suis-je trompé? Peut-on quérir le bonheur au sein de l'anéantissement?

Aucune de mes interrogations n'est véirtablement sincère. Je n'attends d'autre réponse que l'éternelle abolition de toute curiosité.

jeudi 16 décembre 2021

Endurer

 J'ai atteint, à un lieu de ma vie, le point d'entropie maximale. Je suis allé toucher la mort, à la lisière de l'existence; tutoyer le Néant au bout de la liberté vaine.

Et je suis revenu. Avec la même tristesse au fond de mes entrailles. Vivant, mais calciné de l'intérieur, comme une lune poussiéreuse et grise. Et j'éclaire d'ombres tout ce que je manifeste: Géhenne soliptique qui me tient lieu de monde. Ô combien il me faut -- sais-tu? -- retenir là mes feux pour ne point te brûler...

Je porte en moi le tourment des lucides, la conscience acérée de ce lien rompu, délaissement d'un quelque chose qui installe à jamais "le silence déraisonnable du monde".

Et peut-être qu'en chaque relation, que j'entretiens avec une portion de l'Être, s'interpose un silence suffisamment profond pour entailler la foi.

Il n'y a pas de foi, je ne sais croire en rien... Il n'y a pas de valeur qui ne soit ramenée à mon inconsistance, pas une transcendance qui ne puisse passer avec succès l'examen du doute.

Défendre des valeurs? Pour quoi faire...? Se rassurer? Justifier le peu de plaisir qu'un accord tacite avec le Réel sait parfois procurer? Et pourquoi ce lien serait-t-il bon pour autrui?

Laisser le monde vous écraser, les autres décorer l'indétermination aux couleurs de leurs peurs... S'ils en ont tant besoin c'est probablement qu'ils ont plus peur encore que nous. Nous qui savons aimer la souffrance dans cette étreinte enflammée qui consume en douceur la substance de nos cœurs.

Nous pouvons supporter le doute pour les autres; et endurer leurs certitudes -- exclusives.

Nous savons faire tout ça: suffoquer lentement, pour que d'autres que nous respirent à plein-poumons.

jeudi 23 septembre 2021

L'étrange projet

C'est un sable dense que je creuse, trop dense pour mes bras. Mes jambes, sous le poids, flageolent et puis défaillent. Ce n'est que bien péniblement que je parviens à me tenir dressé, à chaque pelletée qui me propulse vers de nouveaux degrés de la souffrance. Mes muscles se contractent, je les sens qui me brûlent, et tout mon épiderme épileptique semble battu par un souffle de vie qui cherche à s'évanouir ailleurs.

Je creuse, consciencieusement, seconde après seconde, récolte dans la lame la substance des jours, que je rejette derrière mois, sur le monticule grandissant  des scories de cet indéfini projet de vivre. La vérité est dans l'abîme, je creuse à m'en rompre le dos, déchirer les tendons, jusqu'à n'en être qu'une larme immense d'inepte obstination. Chacune de ces douleurs constitue un écho que le réel consent à renvoyer à nos curieux appels. Et nos cris reviennent avec la même intensité, avec plus d'épaisseur et démultipliés.

samedi 11 septembre 2021

Aphorisme de la vertu

 Je suis une éponge à souffrance, partout je la ronge et l'absorbe, puis la dégorge en nuancier d'effroi.

jeudi 9 septembre 2021

Ce qu'est le ciel

 Je me suis égaré dans les mots, sans savoir qu'y trouver. Je suis inconstant, jamais je ne fais que passer, j'entre avec tant d'intentions, puis aussitôt m'en vais. Je me demande à quel point je mérite le peu de mon succès...À quel point je suis inférieur à ce que les gens croient, combien ces fondations sont des sables mouvants où, quotidiennement, je m'enfonce et me noie.

Je ne sais donner à la vie les vives couleurs qu'elle mérite. Ma propre vie serait bien mieux usée par une âme nouvelle. Une âme qui en aimerait le goût, la saveur, dans son essentielle substance. À moi, je dois avouer, elle demeure indigeste. Il n'y a qu'indéfinis épices pour me la rendre heureuse, le sel m'est essentielle et la vie m'est cruelle.

Une souffrance qui se repose, en une conscience lucide, voilà tout le bien à attendre, voilà ce qu'est le ciel.

lundi 6 septembre 2021

Gods

Oh nous avons tout le temps du monde. Toute la consciente lucidité aussi brûlante que des étoiles folles. Que ferons-nous alors? Quelle qualité de l'être froisserons-nous dans la contemplation atone de l'instant? Et pour quel horizon? Quel idéal ardent de distance infrangible nous faudra-t-il convoiter enfin?

Nous avons tout le temps du monde.

Pieds suspendus sur la pointe de lune, avec les reflets mordorés de la mer en-dessous. Ligne de l'âme enfoncée sous les eaux: océan de la vie qui porte mes espoirs et ouvre ma prison sur l'indéterminé des nuits.

Nous avons tout le temps du monde.

Et se connaître est insensé. Nous avons tout le temps du monde, il ne faut pas surtout, surtout pas se presser.

Il y a, tu sais, dans l'écheveau des limbes, des notes amères et cruelles qui parent le silence de profondeurs d'abîme -- et ces limbes sont miennes. Et comme mon reflet, alors, obombre ma cellule et resserre les murs de ma durée-demeure. L'enfer est un fragment de soi. C'est pourquoi je m'enfuis dans tes dessous de soie.

Nous avons tout le temps du monde.

Pour mourir doucement. À l'ombre de feuilles éméchées.

Nous avons tout le temps, tout le temps, tout le temps!

Et des tonnes de souffrance pour ponctuer nos joies, l'existence est aphone sans la dissonance, il faut souffrir beaucoup pour s'extasier parfois.

Nous avons tout le temps, de cueillir le beau jour, ne presse pas tes doigts autour de cette gorge. Patiente et fouille un pot-pourri de tes durées, ouvre les yeux avale, liquide, l'immense ennui de vivre, l'absence d'absolu, le ciel est sans issue...

Nous avons tout le temps.

Mais il ne faudrait pas. Il faudrait bien courir, aller à sa recherche, pour écrire des livres sur celui loin perdu.

Nous avons tout le temps...

Impossible de vivre...


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