"Devant Dieu ou devant tout autre fabricant d'étoiles, [...] je suis prêt à vous attendre"
Paul Morand, L'homme pressé
"Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose" Léo Ferré
"Devant Dieu ou devant tout autre fabricant d'étoiles, [...] je suis prêt à vous attendre"
Paul Morand, L'homme pressé
La nuit est toute proche, avant après, partout, autour
Il faut bien vivre ma jolie, vient abreuver ton jour
Et mange un crépuscule.
J'avance en l'océan sur un sillon mortel
Une lame de fond la forme du destin
Sur mon cœur l'eau ruisselle
Et scelle mon armure d'airain.
Tends la main et ressens
Comme une vie est éphémère
Il faut cueillir bien mûrs
Les fruits qui vite sont amers
Ce visage serein s'encadre de cheveux
Qui bientôt seront gris
Imprègne t'en les yeux
Prends-le dans tes artères.
Tout le monde peut être preux
En son coeur jeune d'amoureux
Après, l'ardeur est moins candide
Son cœur moins chatoyant
Et les humains qui brillent
Ne sont pas plus vaillants...
Ta bonté aux chevilles
Tu répands dans les cendres
Ta chaude humanité
Par un monde endeuillé
Ton style est celui des poupées
Que garde dans sa chambre
La femme autrefois jeune fille
Sa teinte giroflée
Suffit à faire plier
L'adulte trop docile.
Ce que tu donnes
Je ne pourrai le rendre
Je me demande encore
Pourquoi ton bel espoir
Souffle sur ma blessure.
Ce que tu donnes de toi
Sans aucune rature
C'est ce que, je le sais,
Du fond de mon abîme
J'admire incessamment
Et je suis bien indigne
Moi dont l'âme-tourment
Ne tient que dans les yeux
Et fane dès qu'on la prend.
Arc-bouté dans ma coquille
Caché dans quelque conque
Au creux d'une écoutille
Tel un héros de pacotille
Je t'ai trouvé mon bel amour
C'était donc toi depuis toujours
Dans quelque vacuité cosmique
D'où s'écoulent les choses
Accolé au réel
Calé dans claire prose
J'écoute éclore les roses
Je t'ai connu dans la musique
Je t'ai rencontré dans un disque
Accoudé au comptoir
Acouphène des vies
Je t'ai connu claquée
Par des cordes frappées
J'ai découvert ton corps
Qui fut toujours d'accords
Je quêtais les toniques
Tu étais acoustique
J'étais tout électrique
Je t'ai dévoré dans ces pages
Où s'encre ton visage
Quoi que raconte ton histoire
Quelles que soient tes déboires
Immanquablement je craquais
Pour ces croquis collés
Aux coins de mes cahiers
Je me claquemurais
Pour toi me craquelais
En mille éclats d'écrits
Transcrivant le vécu
D'un coeur par toi vaincu
Comme un pays conquis
Ne valant qu'un écu
Mais que tu acceptais
Dans tes tragiques cris
Je t'observais yeux clos
Tes couleurs m'ont enclos
L'amour est un tric-trac
Où le temps est compté
Tic-tac le temps est écoulé
Ton esquif est coulé
Qu'est-ce que tu croyais
Qu'un orchestre criard
Pourrait bien t'octroyer
Qu'enfin j'acquiescerai
À tes cinquantes requêtes
Quel macaque tu fais
Un sacré cataclysme
Tout juste un ectoplasme
T'ai-je bien fréquenté
Tu as gagné mon désamour
C'était écrit depuis toujours
Je m'en tamponne le coquillard
Je t'aime il est trop tard
Fais de moi ta breloque
Pendu à ton long cou
J'accepte tous tes coups
J'y ferai ma bicoque
Qu'importe si je claque
Je t'aurai mise en cloque
Moi le clinquant macaque
Couleur d'une autre époque
Cancrelat qu'on matraque
De toi je suis amok
C'est le récit classique
Un cas d'école tragique
Mais nulle tectonique
Descellera mes pas
Je suis le pesant soc
Planté là dans le roc
De ton rock écorché
Le vieux plouc encorné
Par ton ocarina
Je t'ai voulu doux cauchemar
J'ai tout vendu pour un dollar
Quelque beauté à nu
Et bienvenue le dol de l'art...