jeudi 29 mars 2012

Musique de l'univers

J'ai tellement de musique dans la tête. Et si peu de moyen pour la mettre au monde.

Je suppose même que je me suis trompé de voie et d'art, peut-être suis-je un musicien après tout? Il suffit de voir ma façon d'user de la langue ainsi que ma conception de l'écriture. La langue est une musique il me semble et c'est cette musicalité que je m'efforce de rendre à la lumière du lecteur. J'écris comme on joue de la musique, avec un rythme en tête, en scandant les mots comme s'il s'agissait d'une mélopée. Chaque son est important, allitérations, assonances et répétitions. Les aphorismes que j'affectionne sont comme des phrasés musicaux brefs mais pleins d'infinies développement. Les nouvelles sont pareils à des opéra et les poèmes sont des morceaux.
Je compose mes écrits tout comme ces oeuvres musicales. Si les mots se contentent de parler, je n'en retire aucun plaisir, il faut que tout cela chante, fasse sonner des intervalles, entraîne dans un rythme, plonge dans les profondeurs et puis s'éleve vers les cimes et au-delà. C'est tout cela l'écriture, une forme de musique dont l'instrument est la pensée formulée.

Et la musique alors, qu'est-ce donc? La musique précède le langage, elle est une vérité antérieure au mot, elle en constitue le terreau fertile. La musique est à l'univers ce qui réunit la matière et le vide, autrement dit elle est tout.

Mon écriture

Je n'écris pas pour raconter des histoires, d'aucuns le font bien mieux que moi.
Je n'écris pas pour plaire aux gens; si mon écriture leur plaît tant mieux, c'est la cerise sur le gâteau.
Jamais je n'adapterai mes écrits aux attentes d'autrui mais ça ne m'empêche pas d'être curieux de l'avis des autres, cela m'éclaire sur leur vision des choses, leur manière de recevoir mes pensées.
J'écris pour porter ma conception propre de la littérature qui est en substance l'importance fondamentale du style dans lequel sont véhiculées les pensées. J'écris pour relater mes pensées et il n'y a que la forme qui puisse sublimer ce qui a déjà été entendu. Le style est un peu le reflet de mon âme, il est la démarche même de mon raisonnement, sa manière de se mouvoir. En lui-même il est donc déjà explicatif et sensé. Hors de soi, la pensée n'est rien sans le langage pour l'exprimer et j'attends de l'écriture une acuité, une précision épurée qui puisse transpercer les choses pour les révéler à leur esthétique car l'esthétique est ma manière d'observer le monde, elle est un choix.
J'écris donc pour colporter cette perspective de l'écriture qui est la mienne, pour que ma voix se fasse une place dans le brouhaha commun afin que quiconque le désire puisse s'en saisir.
Le style n'est pas un ornement tout comme le mot n'est pas ornemental par rapport au sens, l'un n'existe que par l'autre et réciproquement, ils ne sont pas deux choses que l'on peut séparer.
J'écris aussi pour saisir ces instants de silence dans lequel l'esthétique du monde se révèle et se fraie un passage de la pensée à la réalité par le langage, par l'écriture. Ainsi l'écrit devient partie intégrante de la réalité et peut être saisi par n'importe qui empli du même silence qui lui a donné naissance.
Le style est nécessaire pour que la pensée se détourne du chemin habituel emprunté pour saisir le monde, le style brise la routine pour mener à des chemins de traverses, pour mettre au jour le commun sous un angle inédit et singulier.
L'écriture est la mise en musique du monde par la pensée et nous savons aujourd'hui que la musique et plus précisément l'harmonie est un fait culturel et que sa réception peut donc varier d'un terreau humain à l'autre.
Le style est un chemin menant des fondements de notre pensée à son actualité.

mercredi 21 mars 2012

D'une geôle

Si la pluie devait avoir un sens aujourd'hui, elle serait la tristesse qu'implique le temps de ma vie consumé en néant. Des larmes qu'on ne peut fuir et qui me rappellent le deuil du sens de ma vie, trouvé un jour, semble-t-il, puis enfui en l'espace de trois années heureuses.

En ce moment même, je brûle secrètement du désir d'embrasser la foi, quelle qu'elle soit, et d'envoyer mes prières là-haut, pour que le soleil de mon bonheur perdu resurgisse à nouveau, criblant la pluie de ses rayons à grands coups d'arc-en-ciel.

Hélas, apôtre de rien, je n'ai que le toit de ma maison pour prier dans le vide, ainsi que le moi de ma raison pour invoquer mes souvenirs anté-apostatiques.

Je n'ignore pas que l'on puisse perdre aisément ce que l'on tient dans la main, mais comment est-ce possible que l'édifice du coeur souffre de courants d'air tellement violents que le bonheur même s'en échappe, comme une pièce de monnaie de la poche d'un passant?

C'est la réalité même que j'ai perdu, évincée par la conscience, mais on ne peut pas vivre à plusieurs, il faut tuer la conscience car elle projette de tout remplacer, de ne laisser qu'elle-même. Elle-même et puis toi, moi, nous, autant d'univers clos qui n'interagiront plus jamais car pour cela, il avaient besoin de la réalité.

Beautés précoces

J'admire chez certains adolescents que je côtoie, la force de volonté qu'ils exercent à persister en eux-mêmes, exclus et rejetés de tous mais si sublimes bien avant les autres. Il y a une telle douceur dans leur manière d'aller, une souffrance à peine voilée qui place sur leur visage l'esquisse de la bonté. Ils sont de petits anges accueillant la souffrance que le monde projette en eux. Ils sont beaux mais l'ignorent ou ne le montrent pas. Mon devoir est de les accompagner tant que possible sur leur sentier d'exilé, qu'ils puissent tenir bon jusqu'à la liberté. Je souffre d'être seulement témoin de leur martyr, je souhaiterais être avec eux, haï de tous et tellement libre. Notre monde a cette fâcheuse tendance à étouffer et flétrir les beautés trop précoces.

Vivre pour écrire

Pourquoi me forcerais-je à faire entrer mon style dans un cadre qui ne lui sied pas? Tout ça pour un jour, peut-être, vivre d'un plaisir, ce même plaisir, voire cette nécessité, que je ressens lorsque j'écris ces lignes. Le monde actuel se moque bien de lire des âmes et d'explorer l'humain. Aujourd'hui ce n'est pas l'homme qu'on veut connaître mais précisément tout ce qui n'est pas lui; point ses causes mais ses effets; mais comment comprendre les effets lorsqu'on ne connaît pas les causes?

Alors parfois, dans de trop rares sursauts de révolte, mon être persiste à être lui-même, avec son propre style et ses propres structures. Dépouillé, monotone et lent, car c'est ainsi que j'aime la vie, et que je m'aime un peu. Dans la lente puissance d'une pensée qui prend soin d'amasser en elle, dans son envol, suffisamment de doute pour s'achever en interrogation.

Pourquoi devrais-je en vivre? Parce que l'histoire des sociétés a érigé en norme la survie par un métier? Puisque je ne peux occuper tous les métiers simultanément, je m'attacherai donc à tous les essayer successivement, comme un homme que la survie pousse à être complet, tour à tour faiseur d'outil, chasseur puis cueilleur.

Comme la survie n'a de sens pour l'humain qu'en tant que pré-requis propitiatoire à la vie, je vivrai en parallèle mon plaisir dans les arts. Probablement qu'écrire ne sera jamais qu'un plaisir, et après? Seul l'appétit de reconnaissance pourrait briser cette évidence, mais ne peut-on être reconnu pour la beauté de son plaisir à vivre? Nous faut-il un métier pour cela?

L'art n'aurait jamais dû devenir un métier. Mais la pensée est tronquée si l'on s'en tient à cela car dans mon idéal balbutiant, incertain et toujours à la recherche de lui-même, un homme n'aurait d'autre métier que la survie. Cette pensée serait encore incomplète sans le doute qui la rend à l'éternité dont elle est issue, et me fait observer que peut-être, si mon idéal était une réalité, n'aurais-je jamais tenu ce stylo et écrit dans ce cahier. Je reconnais alors ma voix comme une parmi tant d'autres mais qui, comme toutes les autres, mérite à être entendue.

lundi 19 mars 2012

Lien

Le chat qui repose de tout son poids sur ma jambe
Abandonné totalement à la nuit
Plein d'amour et de confiance absolue

Quand je tiens sa petite vie entre mes mains
Je me dis qu'il est facile de se sentir exister
Lorsqu'une vie vous offre son destin

Je pourrais m'arrêter là
Me dire que vivre c'est cela
Trouver mon repos dans celui du chat

Sa vie dépend de moi
Et ce lien artificiel
En est presque indécent

Est-ce donc cela l'humain
Réduit à chercher le sens de sa vie
Dans la dépendance d'autres que lui

Et combien s'arrêtent à cela
Convaincus d'avoir trouvé
D'avoir donné enfin un sens à la vie

Je me prends à rêver de devenir une ombre
Le chat à son réveil aurait oublié mon existence
Son instinct le ramenant à sa nature profonde

Ainsi je n'aurais plus à sentir l'absurde poids de ces pensées
Qui m'emprisonnent bien plus moi que le félin lui-même
Qui font du doute ma seule réalité

Portes ouvertes

Qu'il est difficile de devenir écrivain
Tout le travail qu'il faut accomplir
Il faut écrire, écrire encore
Et ne pas s'arrêter

J'en suis bien incapable
Moi qui n'ai jamais fait la même chose bien longtemps
Moi qui me lasse de tout
Qui aime garder les portes ouvertes
Quand bien même ce serait pour ne pas les franchir

Et pourtant je suis conscient
Que moins j'écris plus le talent fuit
Mes vers rivalisent de médiocrité avec ma prose
Et je me console dans les éclats naissants de mes oeuvres passées

Je les ai abandonné là à peine nées
Ainsi je rode à l'ombre de ma vie
En contournant les décombres
Pour y chercher des portes
Seulement entrouvertes

'Je'

Qui sont les génies sur cette terre si ce n'est ceux qui font. Socrate a eu bien de la chance que son nom soit resté, il a fait des émules et ceux-là ont crées son histoire mais l'Histoire ne saura jamais qui a été ce grecque péripatéticien. Et qui suis-je moi si ce n'est un génie à demi, ou bien peut-être un génie totalement raté s'acharnant à créer lui-même, de son propre côté, son histoire anonyme, perdue sur un bout de fil périphérique de la grande toile universelle crée par des hommes vivant sur une planète perdue sur un bras périphérique d'une galaxie tournoyante elle-même à la périphérie d'une autre abstraction.

Une velléité. Rien de plus, rien de moins. Une velléité blessée qui continue envers et contre tous son existence solitaire, loin des hommes et de la vérité qu'ils créent par consensus. Je ne suis pas un génie mais un simple entêté, muni d'un filtre spécial, auto-attitré, me permettant de me voir tel que je me rêve. Je ne désire les choses qu'à moitié et ainsi ne les obtient qu'à moitié... En fait, il existe un 'je' qui souhaite pleinement, de toute son âme puis un autre 'je' juste en face qui observe dédaigneux et qui finalement tourne le dos à l'autre. Au final 'je' c'est personne, un interstice vide entre deux entités désaccordées.

Mais tant pis, je réalise mes rêves à demi, je les attrape et les relâche afin qu'ils persistent sans moi, qu'ils puissent servir à d'autres. Au fond je laisse la place aux autres. Enfin c'est ainsi que j'aime à formuler le fait que je ne sois pas capable d'occuper une place dans l'Histoire.

Il n'y a pas la place pour deux entités dans un 'je'. Ce qu'on retiendra sera ce que l'un n'aura su annuler de l'autre et inversement, autrement dit bien peu de choses.

Je continuerai de faire.
Je continuerai d'observer.
Je continuerai de montrer.
Je continuerai de cacher.

La foule en silence

Il serait séant de bercer de silence le lit des nouveaux nés afin qu'ils n'entrent pas d'emblée dans le pandémonium des hommes. Nous devrions apprendre tôt à reconnaître le murmure et l'ériger en norme. Ainsi arrêterions-nous peut-être de couvrir incessamment le silence que nous celons en nous. L'enfant n'aurait pas à crier pour se faire entendre, que son bruit se fraye un chemin jusqu'à la conscience assaillie des parents affairés. Comme chaque son alors résonnerait à l'intérieur de nous... Nous distinguerions bien mieux le principe de l'harmonie et apprendrions-nous enfin à regarder nos pensées naître de la vérité du monde.

Je vois d'ici des foules silencieuses se lever pour abreuver de leur source l'humain qui s'ouvre à elles. La reconnaissance par le silence serait plus éclatante qu'aucun geste vain. Les regards convoieraient à eux seuls autant de discours muets que n'en contiennent les bibliothèques des mormons. Chaque être serait lié par cette musique intérieure que le silence porte bien mieux qu'aucun air d'opéra.

Les bébés ne pleureraient plus alors, heurtés eux-mêmes par le vacarme de leurs cris, quelques mots suffiraient à apaiser en eux la douleur d'être en vie. On distinguerait aisément les âmes en peine, ceux qui souffrent et desquels sourde une plainte émanant à la fois du corps et de l'esprit. Ceux-là n'auraient plus à s'égosiller dans un concours de vacarme, ils seraient entendus. Le monde en silence tournerait son air vers leur âme craintive, ils percevraient enfin cette absolue vérité de tout ce qui n'a pas de sens, ce qui ne requiert aucun souffle pour être porté.

Ecrivains et philosophes

Ils en ont de la chance, ces philosophes en paix sachant dans leurs histoires placer plus de métaphysique que dans tout Aristote. Eux ne passent pas leur temps à mirer le reflet lassant de leur discours, à le tourner de mille manières jusqu'à ce qu'il ne veuille plus rien dire, qu'enfin il puisse tout dire. Loin de ces préoccupations de gratte-papier, ils s'en vont au fil de leur récit, nous prenant par la main, nous faisant voir la vie. Explicite est un mot trop rude aux accents implacables qui s'harmonise bien mal avec leur prose narrative. Il ne courent après rien, mais posent un paysage face aux yeux des lecteurs. Libre à ce dernier d'en explorer les coins reculés, l'ombre et puis l'envers. Chez eux le chemin n'est pas balisé, il n'y a qu'un univers.

Nous, ne savons qu'imposer. La pensée doit être absolument guidée, disséquée et offerte sur l'autel de la page. Du mystère? Jamais! Les mots doivent étouffer sous un soleil de plomb qui ne laisse nulle ombre où se reposer, nulle zone encore inexplorée. On ne se perd par dans ces livres, il n'y a que des chemins mais jamais rien autour, la vie n'a pas sa place ici. Argumentation, structure, toutes les consonances sèches sont les bienvenues. Pour pallier le talent, l'on use de la force de "rai-so-nne-ment". Il faut qu'il écrase tout, tel un gros bulldozer. Et quand tout est fini, l'on a rien appris... On s'est juste déplacé d'un point à un autre avec des oeillères pour ne voir que nos pas. On était bâillonné. Un jour la nature recouvrira ce sentier dénudé pour le couvrir de vie et l'on pourra de nouveau se perdre dans la curiosité. Il y aura de l'ombre et la nuit tombera pour qu'enfin dorme l'esprit.

dimanche 18 mars 2012

Trajectoire

Les oeuvres d'une vie


Epictète - "Le manuel"
            |
Günther Anders - "L'obsolescence de l'homme"
            |
Bernanos - "La France contre les robots"
            |
Spinoza - "L'éthique"
            |
Arendt - "Condition de l'homme moderne"
            |
Camus - "Le mythe de Sisyphe"
            |
Nietzsche - "Aurore"
            |
           ...?

La durée

Explication de l'aphorisme suivant:

La durée est comme le témoignage silencieux, qui s'offre à la conscience, de l'identité des choses

Nous ne percevons que les écarts entre les choses et leur identité même correspond pour nous à un intervalle, intervalle dans lequel on ne les associe pas à autre chose. Pour identifier la chose nous avons donc besoin de parcourir cet intervalle ou cette étendue et ce mode de fonctionnement implique intrinsèquement la dimension temporelle. Afin de parcourir une étendue, il faut le temps, afin de connaître une chose, il faut la durée.

mardi 13 mars 2012

Arracher

Un cri du coeur qui voudrait intimer au corps l'ordre de s'immobiliser le temps des responsabilités, jusqu'à ce que plus rien ne compte de ce que l'on peut faire, là où tous les espoirs sont vaincus, toutes les attentes déçues. Il faut s'arracher à cette indolence de la contemplation qui voudrait phagocyter la vie en son entièreté. C'est une certaine violence renouvelée pour moi, toujours la même coutumière sensation indéfinissable. Depuis que l'argent a remplacé la nature et que c'est désormais lui qu'il faut récolter pour survivre, depuis ce moment précis, le monde était devenu hostile à mon égard. Je rêve de société primitive où l'on doit tout faire soi-même: construire sa propre maison et cueillir ses propres fruits. L'acte vulgaire d'aller amasser son argent est mon bien nommé tripalium. S'arracher pour le non-sens, s'arracher pour cette régularité monotone qui grignote petit à petit l'intervalle restant entre l'homme et la machine. Dans ce gigantesque et infernal système de l'esclavage total, où chacun est l'esclave de l'autre, où chacun est dépendant de l'autre pour sa survie, je brise ma volonté, écrasé par le rouage dont je suis le lubrifiant remplaçable. Notre société du travail est une société d'anonymes, une société de gestes et de fonctions, elle n'est pas une société d'hommes. Je ne suis et ne serai jamais moi dans ce monde car je suis un intermédiaire, un processus et mon identité reste à jamais indifférente à tous.

Revenir en arrière? aller de l'avant pour d'autres. C'est un plaisir de réguler sa propre survie en fonction de ses besoins, d'être responsable de soi-même et d'agir en vue d'un résultat concret dont le sens n'est pas à créer ultérieurement. S'arracher dans ces cas là? Non s'élever et rendre la survie agréable parce qu'elle s'entretient directement par nos mains, sous nos yeux, dans le sentiment du devoir accompli. Je veux choisir mon propre mode de sauvegarde, n'être soumis qu'aux rythmes de la nature et non ceux du capital, je veux que l'humain soit la mesure du temps et non plus la production et le profit qui en découle. Ne pouvons-nous vivre en tant qu'hommes et accepter ainsi ce qui aux yeux de tous les puissants constitue la honte suprême: que nous sommes des êtres mesurés par la quantité car impliqués dans un écosystème lui-même mesuré. Pourquoi la démesure de l'homme s'incarne-t-elle toujours dans cette quantité qui n'est qu'une manière de détruire le temps et l'espace, au lieu de l'incroyable profondeur de la qualité d'une vie que seules nos consciences éduquées nous permettent de discerner. La profondeur d'un instant et d'un geste contre tous les wolrd trade center du monde.

Un jour, il faudra bien de ce jardin d'Eden, arracher les mauvaises herbes.

vendredi 9 mars 2012

Curieux de l'ennui

Explication de l'aphorisme suivant:

Il faut bien de l'ennui pour se rendre curieux de l'ennui.

Réduire toutes les distractions à néant pour qu'ainsi il ne reste que son propre ennui à l'esprit comme sujet d'étude. Voici le début de la philosophie et le chemin emprunté par celui qui aiguise sa conscience. Toute réflexion peut donner lieu à une méta-réflexion, voilà ce qui fait le bonheur et le malheur de la conscience. Toutefois vient un temps où fixer une chose dans une abstraction où plus rien d'autre n'existe n'apporte plus la richesse nécessaire à d'autres dimensions de la réflexion. Vient un moment où celui qui s'est suffisamment astreint à cet exercice voudra confronter la chose à d'autres, l'observer sous différents éclairages, à travers d'autres choses et enfin ne même plus la regarder. Ainsi la chose se dessine petit à petit avec moult détails. Pourtant viendra peut-être un jour où tous ces détails cacheront l'essentiel?

La vitesse

Explication de l'aphorisme suivant:

Les sons, supports de l'entendement, voyagent moins vite que la lumière, support de l'action. La vitesse nous éloigne des premiers et trouble la seconde.

Les sons sont le support de l'entendement car la langue est avant tout parlée et elle doit être écoutée pour être comprise, même écrite. L'action qui repose sur le processus de cause-effet est dépendante de la vue qui doit témoigner de ces causes et ces effets. L'oeil est l'organe de l'action, de la science et il guide la main qui est l'organe de la technique. Les sons nous parviennent le mieux lorsque l'on est au repos, à l'écoute dans le silence le plus total, c'est à ce moment que notre entendement s'en saisit le mieux. La vitesse brise ce silence en détournant l'attention vers la vue (car il est nécessaire à un corps ou un esprit se mouvant rapidement d'être attentif à l'immédiat) et en augmentant la distance nécessaire au son pour nous atteindre. Elle trouble aussi l'action puisqu'elle la réduit à la gestion de l'instantané, et empêche ainsi toute construction reposant sur une chaîne de causalité complexe telles que la science peut en concevoir.

Les écarts et le temps

Explication de l'aphorisme suivant:

L'homme ne perçoit que les écarts, ils sont la cause du temps.

Toute chose existe par son opposé. C'est en tout ainsi que nous avons idée des choses. Toutes les perceptions humaines (sensorielles comme intellectuelles) sont assemblées en système par la conscience. Ce sont les écarts entre les éléments du système qui les identifient et les définissent. Cette organisation est analogue à un puzzle (cf Saussure et le langage) où chaque pièce possède la forme que lui laissent prendre les autres. Les écarts créent la différence et ainsi forment un chemin allant d'un point à un autre, chemin qui n'existerait pas si tout était semblable. Le temps naît de la vitesse à laquelle cet intervalle est traversé. Ainsi de l'hétérogénéité naît le temps car il est nécessaire à la matière pour passer d'un état à un autre, d'une chose à une autre.

La cause des causes

Explication de l'aphorisme suivant:

Il est bien naturel que les causes dont nous sommes l'effet nous semblent des émanations divines. Elles sont notre résolution et notre dénouement. Mais quel est donc la cause de cet effet qui est notre cause?

Ces émanations divines, ce sont les saisons, les animaux, la Terre, le soleil, toutes les étoiles et l'univers dans son ensemble. Ce tout nous semble parfait, chaque élément semble avoir une influence sur nous, nous en dépendons; chose bien naturelle puisque nous en sommes issus, il nous a crées. Pour cette raison, l'univers nous semble parfait ou plus localement, le système solaire et la Terre; or ce que nous adorons ce sont les causes et les conditions mêmes de notre existence. L'homme est le fruit de la conjonction de ces éléments naturels, au regard de la nature, s'il en est, ils sont le pourquoi de l'homme et son sens. L'homme se fourvoie quand il dit, à travers la métaphysique ou tout autre système de croyance, chercher les raisons de son existence et le sens de sa vie. Les réponses à ces questions sont sous son nez, déjà données. Ce qu'il cherche en fait à travers sa quête effrennée, ce sont les causes de ses propres causes. Lui sont-elles seulement accessibles et le seront-elles un jour?

mercredi 7 mars 2012

Aphorismes

La conscience est le témoin de l'individualité embarquée sur le navire du temps et qui la dérobe à l'expérience directe de l'être.

L'homme se vit dans ses représentations mentales à travers les sentiments.

 Les sentiments sont le jugement perpétuel de l'homme en prise avec la réalité sur lui-même.

L'important n'est pas où l'on va, mais comment et pourquoi on va.

Nous devons choisir l'inconstance inhérente à l'homme en la transcendant par la force de nos choix.

La durée est comme le témoignage silencieux, qui s'offre à la conscience, de l'identité des choses.

La glace se brise, et sous les eaux, la vie recommence à bourgeonner.

De la raison à la folie, il n'y a jamais qu'une croyance.Or l'homme est une croyance

Qu'est-ce que la croyance? Toute pensée.
Mais les pensées sont bien souvent des croyances éphémères.

De la souffrance naît la beauté.

Il est bien naturel que les causes dont nous sommes l'effet nous semblent des émanations divines. Elles sont notre résolution et notre dénouement. Mais quelle est donc la cause de cet effet qui est notre cause?

L'entendement est enfant du rythme. C'est par le silence que nous accédons aux deux.

L'homme ne perçoit que les écarts entre les choses. Ils sont la cause du temps.

Le langage signe les écarts, il trace ainsi le sillon de l'entendement, en érige la signalétique.

Les sons, support de l'entendement, voyagent bien plus lentement que la lumière qui est support de l'action. La vitesse nous éloigne des premiers et trouble la seconde.

Le langage est une musique dont le sens est l'harmonie.

Il faut bien de l'ennui pour se rendre curieux de l'ennui.

Du grain à moudre et des voyages en train pour former la jeunesse.

Trop peu de gens prennent encore plaisir à leur propre compagnie, ce sont eux les solitaires toujours dans la foule.

Qu'ils me traversent de leur jugement, jamais ils ne me saisiront.

"Je est un autre" (Rimbaud)

Pourquoi ces revirements soudain? Pourquoi continué-je ainsi à changer si brutalement et si régulièrement dans le cours de mon existence? Suis-je à ce point influençable par les autres? Est-ce le propre de l'homme, ou seulement le mien, d'être traversé par les pensées d'autrui. Elles qui s'emparent si bien de moi. Les oeuvres d'art me modifient, transfusant mon âme d'un endroit à un autre. Cette passivité outrancière n'est-elle pas la conséquence d'une profonde angoisse face aux conséquences de mes actes ou encore face au jugement dont ils pourraient souffrir. Pas étonnant que cette philosophie stoïcienne me plaise tant, elle est l'antidote à mon malaise, à ce qui m'attire dangereusement vers le vide. Pourquoi n'agit-elle pas lorsque j'en ai le plus besoin, justement dans ces moments de doute où le vertige se fait trop pressant, tellement pressant que le moindre atome de notre corps et la moindre parcelle de notre volonté lutte contre un irrépressible élan qui nous pousse à sauter pieds joint dans l'inconnu. Probablement parce que comme toute doctrine, elle agit par un effet placebo, or je ne crois plus en rien... Faut-il accepter le mensonge pour être heureux? Ou est-ce tout simplement que la vérité est un choix? Ce qui veut dire que de même qu'elle se trouvera entre nos mains, de même elle persistera partout ailleurs dans celles-ci. C'est peut-être cela même que mon esprit missionnaire ne parvient pas à tolérer. Il faut bien néanmoins emprunter une voie sans perpétuellement rebrousser chemin. Il faut être capable de tracer une route tout en étant conscient que d'autres sont possibles et qu'aucune n'est réellement mieux qu'une autre excepté lorsqu'elles sont vues à travers nos croyances.

De mes cendres quelque chose s'apprête à naître, et si je n'en connais pas la forme, je sais toutefois qu'il s'agit de moi-même et je comprends alors que "Je est un autre". Et je comprend aussi l'assassin de Dieu lorsqu'il nous dit: "Deviens ce que tu es".

Rongé par les vers

Ma seule manière de faire briller la poésie est de singer le passé. Et j'ai pour seul résultat ce désespérant et prosaïque anachronisme versificateur. Il faut bien se rendre à l'évidence, mon âme ne s'illumine que dans la prose; c'est un peu ma façon d'être poétique tout en étant moi. C'est dans ce paradoxe que doit résider ma beauté, dans cette laideur banale dont se compose ma substance. Au fond ce sont bien les autres qui m'inspirent la beauté, je crois que sans eux je n'aurais jamais crée. Comment initier une entreprise esthétique lorsqu'on ne voit que cette, trop réaliste, fade perspective de soi-même. Je pense que ce sont eux qui m'ont fait un jour entendre cette harmonie de ce que je croyais sans saveur: le banal, l'ennui et le commun. Il y a un rythme propre à chaque être et ils m'ont fait entrevoir le mien, je m'en approche et le deviens.

"Deviens ce que tu es" disent-ils à ceux qui les écoutent. Il aura fallu bien du silence pour que j'écoute enfin...

Depuis, je traîne ma musique, la transformant sans cesse vers une actualisation de ma personne. Je m'efforce de tracer une route de moi à moi-même, et finalement, je suis partout, entre là-bas et ici. Mieux! Bien mieux mes amis, ainsi je suis partout et à venir.