Je suis câblé pour la souffrance: l'équilibre du tourment est mon moyen de ne pas mourir -- dans un néant d'ataraxie. Boire est un destin. Le poison dépresseur coule en mes veines comme une essence de beauté. Tout, je dois tout transformer; des plaies sanieuses de l'existence ourdir un lot de Galatées. Qu'une prose mellifère coule des étoiles sur les brûlures du monde en flamme: c'est à mon cœur d'éponger la laideur pour devenir l'étoile pulsatile du Nord -- au creux d'autres poitrines.
"Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose" Léo Ferré
samedi 4 octobre 2025
lundi 7 juillet 2025
Cours préparatoire
À mes yeux, je sais qu'un jour viendra... tu seras chose unique, embrumée de lumière, en halo singulier dans le ciel obscurci. Un jour... Toutes les étoiles déchues des nuits spatiales te seront un décor pour allumer un feu -- en moi. Il n'y aura plus que toi, et chaque geste de la vie, les actions commandées, l'énergie consentie, seront tous les prétextes à emprunter les ponts menant vers ta clarté.
De mes premiers regards sur tes formes d'éthiops les choses n'ont pas changé; j'avais trouvé la forme pour me pétrifier d'éternité, c'était si clair et si soudain: j'avais élu l'entrelacs de tes bras pour y saisir une âme à laquelle aspirer. Car aimer c'est vouloir se dissoudre en l'objet contemplé.
Les femmes que j'ai aimé furent les femmes que j'étais; mais il y avait encore trop de nature en elles, et je pouvais, par là, me passer de l'histoire. À travers toi, par contre, c'est bien l'œuvre des hommes qui m'élève à l'extase. Et je sais désormais que je suis bien humain à mesure que mon âme imprime en l'usine des jours ce poème où j'inhume un feu de ma durée.
samedi 10 mai 2025
Arcanes
La poésie est comme la musique, elle est comme toute chose: une découverte et non une création. Cela ne veut pas dire que ce qui est découvert est une chose exogène, peut-être que nous ne faisons (à travers les mathématiques, les sciences, les arts) que retrouver l'expression de nos propres lois internes.
Pour cela je ne fais pas partie de ceux qui récusent l'inspiration. Écrire de la poésie, vibrer d'ivresse créatrice, n'est rien d'autre pour moi que d'être effectué par une certaine tonalité vibratoire du réseau des choses qu'on nomme expérience ou vécu. C'est tout l'agencement du contexte qui produit sur ma personne l'état extatique par lequel me parviennent des profondeurs de l'être les fragments de beauté-vérité que les sons indiquent.
La partition de tout cela n'est pas le fruit d'un calcul et l'homme ne sait pas créer au sens authentique du terme. Je conçois l'activité du poète comme celle d'une pythie avec l'enthousiasme en moins, à moins de voir la divinité non plus comme une transcendance exotique mais comme une tonalité particulière, une harmonique par laquelle le poète résonne avec des notes englouties dans l'accord complexe du vécu naturel.
On trouve la vérité: de là découle le caractère d'évidence en tant que réminiscence; pas au sens platonicien cela dit, du moins si l'on veut prendre le mythe d'Er le pamphylien au pied de la lettre, mais plutôt une réminiscence de ce qui est toujours donné à l'intuition mais de manière confuse, enfoui dans l'écheveau du divers que le poète tisse en séparant les fils pour en faire ressortir les motifs inaperçus.
Travailler ce n'est pas agencer morceau par morceau un ouvrage par tatônnements successifs, l'art n'est pas identique à la prodction technique. Travailler, pour le poète, c'est s'entraîner encore et encore à intégrer la technique afin qu'elle lui soit un nouvel organe, capable de remplir sa fonction sans que l'on ait à y penser: il n'y a qu'ainsi que la technique peut devenir pur signifiant sans empiéter sur le vécu à ressentir.
Travailler c'est avoir répété suffisamment de brouillons pour que la vérité puisse frayer son chemin sans encombre, sans rupture, par un souffle ininterrompu qui expulse la délicate haleine de la poésie se déposant sur la vitre d'un miroir. Il faut que le geste soit parfait, fluide, et qu'il pogresse avec facilité, comme la nature. Plus le poème sort spontanément, plus il est expulsé par une poussée jaculatoire, et plus il retient pure et concentrée la vérité dont il est signe.
Le poète est condamné à la poésie jusqu'à sa mort, car l'idéal acméique de l'expression pure et achevée ne peut être, par essence, qu'un horizon intangible.
Toute tentative de s'éterniser est en droit vouée à l'échec, car ce n'est pas la nature de l'homme d'être.
[ ENTROPOLOGIE ] Plasma
Si cela doit prendre
Que cela soit soudain
Brutal et spontané
Pas de délai
Pas de travail
Il faut que la beauté suppure
En un plasma vital
Matrice amniotique des formes
Et que tout coule au néant d'être
Le chat gracieux
Qui dans son saut s'éteint
Les pattes libellules
Aux ailes empreintes de visage
Ses formes qui s'animent
Vois-en les yeux
Et l'iris nébuleux
C'est sous ce ciel que nous vivons
Un œil pleure
Cet hémisphère pleut
Des clochettes enfermées
Dans d'hyalines cellules
En s'écrasant au sol
Éclatent un maints fragments
De sauterelles ingambes
Qui planent supersoniques
Avions à réacteurs
Qui fonctionnent à l'encre
Peinturlurent les cieux
De glyphes mythologiques
Une phrase demeure
En l'âme éteinte, un roi
Trouve une porte de sortie
Et la couture des cieux
Se défait là pour lui
La nuit, la nuit
Est envers de lumière
Et dans la forme d'un désir
Hurlent nos rêves en muselière
Où le calice floral
De crocs pointus s'hérisse
L'être frémit d'angoisse
Il sait son avenir
La vie dévore l'altérité
Vorace elle digère
Le monde annihilé
[ ENTROPOLOGIE ] Où vont les choses
Rameau brisé qui se déssèche
De vert à brun
Bientôt à la lisère de Rien
S'articule et devient
Myriade d'ailes autour de la colonne
Et ce vaisseau léger s'agite
S'envole et puis lévite
Lorsque les ailes allongées s'étirent
En un réseau entretissé de fils
Autour de l'araignée ligneuse
Les bords concaves sont des galaxies
Iris d'un œil ouvert
D'une mère oublieuse
Du sacrifice offert
Et sa cornée dessine
En clair-obscur une famille
Est-ce encore la sienne
L'enfant aux cheveux longs
ces longs serpents qui sifflent
La gueule ouverte, crochets en avant
Les maxillaires se séparent
Pour chuter mollement
La peau d'une banane
Se lisse en un sépale
De fleurs pressées
Dans la bouche du temps
Où chaque rien s'écoule
Où chaque rien s'écroule.
jeudi 8 mai 2025
Arc-en-ciel
À la sortie des matrices
Pensif esseulé fait son stop
Mais la vitesse est circulaire
Et les roues tournent, bien sûr,
Autour d'elles-mêmes.
Entre deux mondes,
Tout aussi dévastés que lui,
Passif errait dans les différents sables:
Béton des zones périurbaines
Ondoiement vaporeux d'un désert de nature
Où donc est la pilule?
Et lapin blanc qui ne vient pas...
Où donc est la pilule
Qui renverse les yeux?
Hors de la Cité
Néanmoins citoyen
Et immatriculé
C'est qu'on ne demande pas de grands calculs
Un tout petit vaccin
Un peu de singe en la cellule
La banlieue est cyclopéenne
En ses babels encore dressées
Pléthore d'Icares
S'y cachent en les sous-sols
De ce monde inversé
Est-ce que les arbres parlent?
Est-ce qu'ils défient les dieux?
Ce sont les hommes qu'il faut rosser
Parler au cœur le dévaster
Tout est poussière, tout univers
Incongrument aggloméré en concrétions
De Narcisses turgescents
Sous des cieux pleins d'hivers
De larmes translucides
Réfracteurs de lumière
On peut aller au bout de tout
Et ne fouler un arc-en-ciel
lundi 28 avril 2025
Eccéité
Ronce les Bains, le 26 Avril 2025.
Je n'ai jamais été écrivain. J'ai toujours attendu l'inspiration tombée d'astres distants et, il faut l'admettre, une certaine clarté a pu, par épars instants, choir en la perspective de mes yeux. C'est autre chose qui parle à travers moi... bien que ce soit impossible. Impossible car on reconnaît trop ce style, ces limitations qui font tourner les phrases dans le même manège insipide à force d'être goûté. Le vécu lie à quelque transcendance, mais la capture se fait toujours par l'entremise de ces formes, tous ces tropismes de l'eccéité. Et c'est exactement la raison pour laquelle cet avorton dont on accouche nous déçoit puis écœure. On ne parvient pas à se hisser à la hauteur, à se faire aussi vaste qu'un vague océan et retranscrire la forme de ce qui n'en a pas. Alors pourquoi ne pas renoncer à écrire, et se décider à dissoudre cet égo dans la pureté de l'instant -- faire enfin de la concrétion de ce soi la poudre qui s'envole aux vents? L'on veut caresser les peaux et les âmes et néanmoins conserver les contours, la délinéation du corps parce que ne sait saisir de l'âme une autre identité. Il n'y a pourtant pas de style plus complet que le souffle enveloppant d'une présence stéréotopique. On se rappelle aussi très bien de ce qu'on n'a pu saisir pour le figer en son immobilier; on se souvient des fous mistrals, de l'alizé comme du zéphyr.
Renonce à être humain si tu veux être prosodie, émotion qui se tisse en des syntagmes. Accepte de n'avoir jamais existé tel que tu te connais aux yeux des autres, et qu'ils ignorent tout du prosaïsme odieux de ta vie, des circonstances où tu te recroquevilles hideusement, araignée silencieuse, pour cracher la salive de tes lettres. Deviens l'œuvre. Il n'y a qu'alors que tu pourras enfin te reposer de toi, faire vivre autre chose qu'une fierté qui emprisonne. Habite les mots comme si tu n'avais pas d'autre nature que la seule poésie.
mercredi 23 avril 2025
Poesis conscia
Poème libre contenant les cinq mots suivants: loquèle; oblation; acédie; cénesthésie; érubescent
Les voix de la conscience sont des loquèles à enfermer pour toujours afin qu'il ne reste de nous qu'une cénesthésie trop vague pour donner lieu à l'idée d'un égo. Mais elles discourent toujours, et toujours trop s'égosillent en ce désert de l'âme -- infini néanmoins achevé.
L'existence, à nous autres élimés tissus qu'un souffle empyréen purifie chaque instant, est une oblation arrachée contre un gré fait d'haleines à peine expulsés, anhèlement pudique des cœurs asphyxiés.
Ce n'est pas la suite inane de nos gestes abscons qui viendra contredire cette tendance maladive à l'acédie qui cloue nos ailes de papillons à des cieux perforés. Nous jouons, comme les autres, une partition cosmique: en instrument désaccordé par un Mozart en quête de disharmonie.
Notre visage, érubescent à force de persévérer dans son être, parvient à arborer les traits hilares d'un cynique antique au sein même des larmes... Nul ne peut plus bien lire le sens d'une expression brouillée, arrachée de force par un supplice de Danaïdes qui aura fait chuter au sol la pluie discrète d'un poème inaudible.
Ce poème, pourtant, c'est notre vie qui convole de caniveaux en caniveaux d'inculture, par des chemins de lumières sous-marins qui percent les abysses -- tout cela pour se perdre dans l'impasse de nos yeux seuls, et la trop impossible ipséité.
mercredi 16 avril 2025
[ INSTITUTION ] Caberdouche
Une institution, c'est normalement quelque chose qui tient, quelque chose de ferme, une sorte de monument d'airain dans le branloire du monde. Et pourtant celle qui m'accueille et suce ma sève en parasite est d'une impéritie notoire, aussi mal faite que cette vie sans but pour une humaine nature dont toute l'essence réside, précisément, dans le sens...
Dieu que tous les eudémonismes me sont intolérables, il y a bien plus de manières de se suicider ou se détruire que de parvenir au bonheur. On trouve même souvent de la joie à se détruire jusqu'à l'os. Et toutes les pathétiques joies qu'on se donne ne mènent à rien d'autre qu'à cet instant qui nous tient dans sa toile, en relative bonne santé, dans une situation sociale relativement réussie, et tout ce relatif achèvement nous donne une nausée absolue -- sans qu'on parvienne toutefois à vomir.
Même les mots s'abîment de cotôyer notre médiocrité: radieux qu'ils étaient, ils se mettent à arborer cette grisaille universelle des civilisations, la plupart sont d'un ennui terrible, il faut en chercher de nouveau que nous salirons de nos mains afin qu'ils deviennent, comme les autres, une unité de la langue commune.
Savoir que rien n'a d'importance ne fait pas léviter pour autant les pavés dans le ciel, une gravité cosmique nous arrime au quotidien de plomb, nous achemine sur un comptoir en bois massif, une jour de semaine, le matin, pour y poser le cercle hyalin d'une libération éphémère, avec sa mousse qui nous coule sur les doigts qui finiront poisseux. Et l'on pourra sentir alors l'odeur douceâtre qui nous rappellera, plus tard, dans la geôle d'une heure ouvrée, la possibilité d'une île -- où il serait si bon de se laisser engloutir par les eaux...
Pour le bonheur il faut croire, or d'églises où vivent encore quelques divinités, je ne connais que tous ces caberdouches de villages endormis où des nageurs amateurs s'échinent à demeurer jute au-dessous de la ligne de flottaison, offrant le sacrifice du dipsomane à des idoles lagéniformes qu'on aligne en rangs serrés. Quelques milliers de Saint-Pierre entrouvrent les portes du seul paradis qui soit, de la seule réalité indubitable, c'est-à-dire cette arche où s'accrocher quand le déluge du monde menace d'asphyxie. Tout le spectacle de cette souffrance venue se réfugier réchauffe le cœur autant que les liqueurs qui s'accrochent paresseusement aux parois de nos verres. Il n'y a qu'ici qu'on puisse alors être ensemble, et s'acheminer au néant sans cette solitude qui nous dévore jusqu'au trognon.
mardi 15 avril 2025
À une amie
En passant sur le trottoir de cette ville, le souvenir chute, éclate à mes pieds, devant moi, en mille éclats qui forment une iridescence mnésique où chaque reflet m'offre un monde où se perdre. Je continue ma route et face à la devanture du bistro se mettent à crépiter sous mes pieds de fines gouttes contenant chacune l'histoire érodée d'un morceau de vie: la bruine de ces souvenirs me couvre les cheveux et s'étend ruisselante sur le sol et sur chaque pavé que je foule. Nous avons vécu d'innombrables vies ramassées dans les nuits de la jeunesse: tu étais là, accrochée au comptoir, comme à ce bastingage où nous tanguions allègrement, matelots isolés sur une mer d'absurde. Chacun capitaine d'un frêle et grinçant esquif que nous menions à quai, dans les odeurs de bières et de whisky, réunis là pour un temps -- que l'on souhaitait si long qu'il s'étire aujourd'hui sur la moitié de notre vie -- avant de repartir seuls, sur la galère du destin.
Demain je repasserai, peut-être, par ces ruelles étroites, et j'y verrai, sûrement, quelques poussières de rêves incrustées dans le sol, vomies un soir sans lune où j'ai fait du béton une excroissance de ma mémoire.
Toi... toi tu es dans bien des souvenirs, Phaéton dans son char de soleil, en route pour allumer le Sud, mêle-casse au comptoir de l'aurore qui se confond parfois au crépuscule. Les eaux t'ont emportée, mais nous te retenons dans les filets de l'âme, et nous sentons encore ta peau brunie, l'enrouement de ta voix et les regards de ta lunaire face. Je n'en ai connu qu'une, il en existait tant à découvrir...
Nous te gardons avec nous, imparfaitement mais tout de même, la flamme éclaire encore des cœurs qui tous, comme une ville nocturne, forment le réseau lumineux de ton absence. Et que sommes-nous finalement, si ce n'est les sémaphores obstinés qui adressent au ciel l'interrogation lancinante -- la seule que partage tout humain --: pourquoi?
samedi 29 mars 2025
Titanomachie
Oh cet œil ouvert sur les choses, se peut-il qu'il cesse un jour d'approfondir ce regard térébrant? Voir le monde tel qu'il est: et s'étourdir d'hyperalgie. Absorber le flux d'information nocif compulsivement, et vivre ce destin scototrope qui fait de tout votre être l'ensemble de toute ombre. Mais pour que tout cela s'arrête il faudrait bien savoir, un peu du moins, se délester d'anankastie, accepter de ne pas comprendre, de ne pas savoir; se laisser, en somme, saisir par l'ignorance, en être l'apôtre et le pantin. Mais on préfère demeurer gyrovague, et se gaver de monde, tisser l'inextricable réseau de représentations épistémiques, étendre sa conscience à ce qui même est inconçu. Mais pourquoi diable habiter cet espace en herméneute acharné, soumettre chaque chose à une allégorèse? Ce n'est pas à la Terre que nous finirons par mettre feu ainsi, comme Phaéton, mais c'est au noyau vain de l'âme -- cette âme asidérale d'avoir avalé toute l'ombre et toute la lumière tant et plus.
Stylites nous vivons sur la colonne escarpée de la conscience et nous n'avons dès lors plus de repos; même la nourriture n'est plus qu'information, concept, connaissance: un réseau lacunaire d'atomes intangibles.
La lave qui coule dans nos gorges n'a plus rien de matérielle, elle est la couleur du monde pestilentiel qui se déverse dans le caniveau des œsophages: propagande, corruption, profit, pédocriminalité et leur allégorie humaine sur le papier glacé d'affiches publicitaires, sur l'étendue hyaline de nos écrans connectés. Nous sommes le peuple enchaîné qui vénère ses Belial et ses Mamons - ce nom si proche du mot maman...
De savoir tout cela ne sert à rien. Ce n'est plus de connaissance dont le monde a besoin, mais d'action, de l'homme qui franchit l'Achéron et chacun des cercles de l'enfer pour s'enfoncer au cœur de l'odieuse Géhenne. Ce qu'il nous faut: c'est le courage de parler à la mort en l'appelant par son nom, de plonger dans ses yeux un regard scyalitique, capable de porter au point de fusion le mal en nos idoles hideuses.
Écrire ce n'est pas descendre de la colonne, c'est encore dépendre des autres, c'est encore accepter dans le calme lénifiant de sa minable citadelle. Attraper le glaive de la justice et sauter lourdement sur les pavés du sol, ensemble, armée d'humains aux yeux bandés qui font trembler le nouveau monde pour qu'il s'effrite en un tas de passé. Voilà ce qu'il faut faire, stylites du monde entier, anachorètes en guenilles, gyrovagues éparpillés, ermites hallucinés. Que la justice lie les hommes en un nouvel état des choses, qu'advienne enfin ce nouvel âge du monde. N'ayez crainte car chacun de nous qui périra dans cette titanomachie revient d'emblée à Esculape: le sang lilial de ces martyrs sera la grande Aurore du renouveau.
Frères stellaires dont le réseau de lumière fait vibrer l'univers...
Marchons!
mercredi 19 mars 2025
Croque-mort
Qu'est-ce que cela fait donc
D'être de l'autre côté?
Celui dont on saisit les pieds?
Qu'on dépose en silence
En un contreplaqué,
Sans plus voir autour de soi
Les larmes des vivants
(Qui jonchent les cimetières
De liquides monades) ?
Oh la dégringolade
Des années qui se pressent
Se chevauchent et s'entremêlent
Dans un regard, une odeur, un regret.
Il faut combattre seul
(Avec d'autres),
Le mal dévorant de ce siècle.
À quoi servent les croyances?
Pourquoi se détourner du doute?
Que tout cela n'aura été pour rien,
Un interlude musicale et gratuit
Entre deux colosses, invincibles.
Et si vous pouvez contempler
D'une hauteur fantasmée
L'écheveau des destins
Que nos déroutes composent,
Quelle curieuse poésie alors
Que cette improbable prose.
Il faut bien mettre des cloisons
À l'infini sans direction
Donner un sens
Et feindre qu'il fût là
Déposé par le temps.
Quelle aventure tout de même...
Et apprend-on de ces erreurs
Où il n'y a plus de vérité?
Est-il encore possible d'éprouver
Un sentiment tel le regret?
Oh non, ce ne doit être
Qu'une errance des vivants,
De ceux qui cherchent encore
Un principe à ce qui s'y dérobe,
Et s'acharnent à enclore
Ce qui n'a pas de forme;
Et qui hurle en tous sens
Une essence dynamique.
Il y eût tout de même quelques joies
Mais aussi tant de peines...
Et la somme était nulle
Bien qu'il soit toujours possible
À tout un chacun
De se dire le contraire.
Nous continuerons de mentir
À travers un souvenir
Déraisonnablement enjolivé
Qui permet aux carcasses
De réduire la distance
Entre là et Ailleurs.
Tout ici, de toute façon
N'aura été qu'un songe
Alors ne pleurons pas tant
Ceux qui sont réveillés.
La vieille église sonne les cloches
Et dans un drap bon marché
Vous avez levé le voile
Évohé! Évohé!
Origines abolies,
J'aimerais tant savoir
Ce qui dès aujourd'hui
Est pour vous être là.
samedi 15 mars 2025
De furie et de prose
Dans un champ d'âmes assises, fauchant les jeunes pousses de ma croissance exquise; un tronc noueux coupé en trogne élance des têtards zélés vers un vague illétré. Chaque jour élaguer les folles et immatures branches afin d'alimenter l'âtre d'une résistance à l'ordre qui produit ces débris d'âmes éparpillés que sont les plans euclidiens des nations -- où d'atomiques consciences têtent compulsivement la si captieuse science au goulot de médias anticorps de vérité.
Et toute cette arbitraire force, fardée d'institutions, se présente en Nature tandis que sous le voile du mensonge, les moissonneurs des corps résignés tranchent dans l'aubier: butineurs de résine au cœurs amidonnés.
Pour cela, j'étête ma bicéphale entité afin que des racines une révolte pousse, innombrable: de furie et de prose.
mercredi 12 février 2025
Ruse de la Raison
À mesure que se fait jour l'incommensurable écart entre mes sentiments transcendants et l'œuvre si pesante, se défait une part de l'illusion nécessaire à coudre son destin sur le réel indifférent. C'est qu'une médiocrité coruscante me tient en son orbite; elle est le champ de gravité d'où mes sentiments seuls parviennent à s'enfuir. Le reste, la lumière réelle capable de dessiner dans l'espace le théorème des choses, reste piégé dans l'horizon fermé du moi. Depuis la médiocrité cellulaire s'envolent mes rêveries astrales que nul n'atteint, en flot de particules que ni tourment ni gravité universelle ne peuvent retenir. Il faut que tous ces éléments psychiques ne soient pas grand-chose pour traverser sans frein la lumière des années et la demeure spatiale des choses commune, peut-être qu'ils ne sont particules de rien.. que la noblesse convoitée n'est que cet idéal régulateur qu'on se raconte afin de persister, dans l'être-là absurde -- celui de la conscience qui s'éclate à tous vents, en toutes directions, comme un projet holographique de sa totalité.
Et si l'intériorité ne peut s'exprimer sans périr alors tout art est ruse de la Raison, afin qu'on ne meure pas de tant de vérité.
Orphelinat
La fatigue creuse à l'intérieur de l'homme; à tel point que l'intime subjectivité n'est plus que gouffre, anfractuosité. La douleur de l'effort d'avoir à demeurer simplement au repos fore et perce la substance qui est, à tout autre, le combustible de la joie et de l'accomplissement. L'homme épuisé, malade, souffreteux, est une cave de vacuité où résonne l'écho d'un passé virulent dont il ne reste rien de tangible, que toute la cruelle existence a fini par ronger.
Cette fatigue dont je parle est tel un accident ischémique constitué, elle cèle l'âme en un tombeau d'inertie, de chairs, de sensations algiques, elle tisse par nociception le pandémonium atopique où se débat un homme que les ombres habitent. Plus de matériau pour créer, plus de pétrole pour que le moteur à explosion des désirs et des rêves puisse encore acheminer dans les choses la volonté qui enrage.
Personne ne sait ce qui se passe à l'intérieur de la conque où semblent résonner tous les sons de la vie ordinaire, en sourdine, certes, mais tout de même audibles... Mais cette musique de malheur qu'un cœur en fusion psalmodie, n'est qu'un risible filet qui affleure à la surface d'un univers limbique, empli d'éruptions furieuses, de hurlements et de coups qu'aucun lieu de l'espace ne consent à tenir.
Abandonné dans le temps qui s'écoule, tourbillon de vie syphonné par la bonde d'une maladie inconnue, l'homme dévasté s'en va vers l'entropie, comme une marée trop hardie que l'océan rappelle -- et qui s'accroche encore, dérisoirement faible, aux sables du présent...
En peu de temps, des milliards d'astres étincelants sècheront de la grève la mémoire de la houle qui soulevait, il y a peu, des montagnes de vie de la surface aqueuse.
On peut mourir à l'intérieur de soi, sans que personne ne le remarque, sans faire l'ombre d'une différence, d'une maladie sans nom qui n'a pas d'existence. Le monde, ainsi guéri, pourra bien sacrifier un coq au grandiose Esculape. La vie ne connaît qu'elle-même et renie ses enfants.
mardi 11 février 2025
Pierre tombale
Peut-on porter une œuvre en sa poitrine
Dont les racines sont les veines
Et qui s'étiole de n'être point expectorée
En mille éclats diaprés de bruine?
Tout ici ravale en moi
Ce qui devrait dégueuler de mes doigts
Je ne sais être libre
Et je m'encombre de la moindre chose
Comme d'un fardeau d'éternité.
Le mont de mes désirs
Est une nécropole éclose
Au sein de l'abandon
Qu'un astre inauthentique
Éclaire de névrose
Cesser ou poursuivre...?
Quelle importance pour des os
Qui, depuis si longtemps,
Ont bien cessé de vivre.
Il faut de la longueur
Au poète éreinté
Pour contrer la langueur
De ne rien inventer
C'est ainsi qu'on poursuit
Le sinueux destin
Dont, à contre-courant des autres,
On prie le dénouement
Être suisse apatride
Au bout de l'intestin
Et prier que la mort
Ne soit commencement
Partout couvrir
Les traces de sa vie
En bon technicien
De surfaces ontiques
Effacer pieusement
De flatteurs immondices
La nature de son être
Et faire de son profil
Un reflet scriptural
Bien plus inamovible
Que tant de pierres tombales
mardi 21 janvier 2025
Faire des cendres
Tu me demandes encore
Tu oses
De me brancher sur la radio des astres
Qui perce de ses rais
Mon âme de lumière
Tout ça parce que tu aimes à entendre
Mes cris qui percent l'atmosphère
Et forment mélodie
En d'avides cochlées
Sais-tu que c'est bien là ma vie
Qui se mue en musique
Et ne reviendra pas?
...
N'est-ce pas mieux ainsi...
Que des venimeuses psychés
Produisent à certains l'ivresse
Par de savantes posologies
Dont se soignent des vies
Désirant un avenir
Qui tienne dans la main
Il n'y a pas jusqu'au temps
Qu'on ne souhaite figer
Dans l'ambre d'une identité
Faire des cendres
Et de soi tout éterniser
Des néants sans image
Il est un Dieu
Dans la musique au fond de soi
Un dieu sans pouvoir ni loi
Qui, d'un geste, liquéfie les âmes
Invoque des trous noirs
Comme de vains concepts apotropaïques
Pour contrer l'univers
Celui qui lie les hommes
À sa dérive autoritaire
Et les fait suffoquer
Sous des flux de durée
Mauvaise marée
J'avale des goulées
D'eau-de-vie avortée
De styx empaquetés
Pour démarrer l'incendie cellulaire
Le dragon pyrophobe
Disent-ils en riant
Et tout ce feu grégeois
Qui coule en mes artères
Tient son homme bien droit
Son cœur est un cimetière
Cimeterre de vers égosillés
S'élèvent à l'éther
Et parlent d'horizons
À ceux qui rampent au sol
Pourquoi ne coucherions-nous pas
Tous ensemble dans la boue
Nos corps extatiques
Pour refluer élémentaires
En des parties sans tout
Que cette force
Qui maintient les celulles
Et nous tient en son joug
S'épuise et se récrée
Car de quel droit la vie
Se bâtit des palais
De chairs anéanties
Un temple abandonné
Refais-moi coquillage
Sur la grève stellaire
Et que nul Dieu moqueur
Ne sorte plus jamais de moi
Un son sur son oreille
Que l'on nous laisse enfin
Des néants sans image
mercredi 18 décembre 2024
Désunis vers
Le soleil pourrait tout aussi bien s'éteindre que rien, dans le grand Tout entier, n'aurait bien vacillé. Alors, que l'âme disparaisse quel changement cela fait? On peut s'éteindre amis humains, calmement et sans peine, car c'est la fin du mouvement qui nous tord les entrailles. L'axe des choses n'en sera bouleversé -- il n'y a pas d'axe à ce qui est. Rien, personne, ne nous regrettera, car ce qui vit est plein de la souffrance en lui, tendu vers l'avenir et la nécessité, oublieux par destin. Vous fermerez les yeux: un monde singulier se drapera dans le linceul obscur de vos paupières: mais il ne s'agit que d'un monde, le seul que vous ayez connu -- et que personne ne connaîtra jamais. Voyez? vous ne perdrez rien, puisqu'on ne se perd pas soi-même, l'on ne perd que ce que l'on possède, et non ce que l'on est. Personne ne vous perdra non plus. Personne ne fait la différence dans ce grand univers; Des civilisations entières demeurent anéanties, du fond d'inaccessibles impasses tracées au fond des âges.
Elles n'ont su faire la différence... Personne ne fait la différence dans ce grand univers. C'est tout ce qu'il faut lire dans mes désunis vers.
mardi 22 octobre 2024
Âme-monde
Visiter son âme, du plafond jusqu'aux limbes -- et même au-delà --, quel réconfort peut-il y avoir à cela? Le tourment est une chose qui tord, essore en l'âme toute substance, et les quelques gouttes qui sourdent au-dehors contiennent les principes actifs de toute métamorphose, elles sont l'essence même du conatus. Parvenir au fond de l'abîme pour s'apercevoir qu'il se perd toujours plus loin, qu'aucun fond ne se donne pour fondation et qu'un vide incommensurable est le milieu de l'âme, voilà le sort du tourmenté. Quel électuaire trouvera-t-il, cet homme, pour parvenir à souffrir ce destin?
C'est de son propre sang, de ces rivières de poésie qui semblent sortir du chaos par l'ineffable mariage de la forme et du Rien que l'aliéné tire sa force. Car le sang qui le couvre, épais, obstrue sa vision, certes, mais l'oint d'une aura surnaturelle qui fait de sa silhouette un signe vers ce qui se tient bien au-delà; et les yeux clos laissent toute latitude à l'âme de plonger en son centre où s'offre, panoptique, l'indéfini du monde.
C'est le flux du néant -- de celui qui contient, achevé, toute chose -- que parvient à extraire du cœur de la douleur celui qui endure l'absurdité de l'Être -- parce qu'à tout instant il la mesure de son terrible sentiment.
À tout le moins, la souffrance est la voie de ceux qui font croître le monde.