dimanche 29 octobre 2023

Songes vespéraux

Il ne s'agit pas de scruter la page du cahier, comme s'il se fut agi là du champ indéfini de sa vie, pour voir jaillir de son indétermination les formes d'un destin...

Le crépitement de la pluie, le souffle des ventilations, les ombres projetées, forment la mécanique absconse d'un monde en apparence étranger et qui, seul, semble accaparer la substance de l'être. Le soi, alors, n'est plus qu'une imprécise idée, bien plus friable encore que quelques croyances d'enfant qui semblent bien ineptes tant elles étaient infondées.

Existe-t-on vraiment? A-t-on jamais existé?

samedi 21 octobre 2023

Aphorismes du passage

Lentement les chemins s'abolissent et l'airain sombre des guerres marque l'aporie du siècle.

Sous le marbre du siècle, gît l'âme en vie des hommes.

Il s'agira désormais de passer au travers...

Passer au travers de tout, voilà le destin qui est mien.

jeudi 12 octobre 2023

Kairos

 Au-dehors, tout un monde innocent existe. Les feuilles en plumeaux de l'albizia qui se contractent autour de l'eau qui perle sur chaque arête. L'herbe rase où scintille un tapis de rosée matinale, sable aqueux d'univers infinis que la lumière traverse... Les chênes imperturbables montent la garde autour de la clairière, forment un rempart contre la brûlure des cieux, contre le froid, contre la pluie diluvienne. Des guildes végétales se réveillent doucement, traitent l'information lumineuse pour produire le vivant qui s'élève, inexorable, sans égard pour l'entropie qui n'est qu'un vain concept.

Tandis que tout cela est au bord de mon être, à la lisière du néant, je m'interroge sur ma place en ce lieu. Que tout cela vive me réjouit mais ne m'apporte nulle joie. La joie est un sentiment qui relie le sujet à lui-même, or rien ne me relie désormais à la vie de mes entrailles. Aucun motif personnel ne me pousse à traiter l'information des astres afin de construire un château de chair fragile qui porte en lui la mort. Vivre? Pour quoi faire? Quel secret l'univers peut-il m'apprendre sur moi-même, quelle rôle à jouer dans le concert de ce qui naît?

Le monde existe et je ne vois aucune raison d'en faire partie; tout me pousse au-dehors, par-delà, vers d'intouchables horizons où s'abolissent les concepts -- tout me pousse par-delà ma nature, par-delà l'existence insulaire de la conscience absolue, par-delà la responsabilité d'être la cause de soi-même, de ces pensées d'ombres et d'amertume.

Avec le temps l'émerveillement devient si rare, si fugace. Tout s'égalise dans une médiocrité décevante et sans espoir possible. Les hommes ne sont ni mauvais ni bons: ils sont ce qu'ils sont, une diaprure contradictoire qui rend le concept même de moralité caduque.

La contemplation de quelques vérités -- pas de ces vérités positives auxquelles croient encore les fanatiques, de celles que l'on pourrait tenir dans sa main et posséder exclusivement pour se démarquer d'autrui; je parle de vérités négatives -- m'a fait goûter à des possibles qui semblent ne pouvoir se réaliser qu'en une profonde conversion, de l'ordre de celles qui requierent l'abandon sans regret d'antiques formes transcendantales. Une conversion aussi radicale que la mort.

Toute joie se paie en ce monde isosthénique: impossible de falsifier les comptes pour obtenir un résultat positif. L'indifférence est l'horizon de toute existence.

D'aucuns ont pavé la voie, serait-il temps de les suivre?