mercredi 16 février 2011

L'imitateur

Je n'ai rien d'original, rien à moi. Je ne suis qu'un reflet, celui de tous les êtres et objets qui ont traversé ma vie, d'une manière ou d'une autre.

Mon seul talent est l'imitation. Je synthétise très bien, trop bien même. Ce que j'ai lu, ce que j'ai étudié, écouté, c'est cela mon identité voilà tout. Moi c'est les autres.

Ma seule création personnelle , c'est moi-même, j'entends par là mon être. Mon être en action, mon étant, lui, n'est que l'imitation des autres, une sorte de syncrétisme en action.

Je n'ai jamais su 'faire': mon identité même se dissout dans l'action. Je ne puis être moi qu'en pensée, qu'en contemplation, ce vieil idéal grec auquel je suis si attaché...

Je ne suis pas de ce monde. D'une autre époque? Peut-être... D'un autre espace? Qui sait... D'une autre pensée, c'est sûr.

Je ne me soucie guère de laisser une trace sur mon époque, je passe sans altérer le monde, juste avec mes idées et mon bien être. Mépris du travail comme de l'oeuvre; moins de l'oeuvre quand même...

Comme me l'a fait comprendre Hannah Arendt dans ses écrits, l'homme à travers l'action et l'oeuvre, cherche à tutoyer les Dieux, à accéder à l'immortalité. Mais d'autres hommes, je pense à Socrate, n'avaient qu'une chose en tête: l'éternité. L'éternité se contente d'être dans tout son absolu. L'immortalité ne peut, elle, que se débattre dans le temps en une lutte perdu d'avance car l'immortalité est création humaine, et avec l'homme mourra aussi.

Être n'est pas une conséquence de la pensée, ce n'est pas parce que je pense que je suis. Je pense, je suis: la même chose.

En attendant je vis là, ici, avec vous, dans ce monde où l'homme par la technique doit se rendre immortel et moi je rêve d'éternel. Voilà pourquoi ma vie n'aura jamais vraiment l'odeur de la modernité.