lundi 17 décembre 2012

Aphorismes

J'ai mis dans mes poèmes plus de philosophie que n'en contiennent les bibliothèques universitaires du monde.

"Il faut savoir se perdre pour un temps si l'on veut apprendre quelque chose des êtres que nous ne sommes pas nous-même." Nietzsche

"Tu es toujours un autre" Nietzsche

"Le vrai philosophe cherche partout clarté et précision" Schopenhauer

"La liberté paraît toujours pousser dans la nécessité des racines profondes." Bergson

jeudi 13 décembre 2012

L'acte moral

Kant a défini l'acte moral comme un acte de désintéressement pur dans lequel l'homme s'oublie au profit d'une loi transcendante à laquelle il se soumet temporairement comme à un commandement absolu. Cette acception qui est au fondement de la morale religieuse pose un problème tout à fait épineux puisqu'il suppose que l'humain pourrait se départir de la subjectivité qui le pousse à chercher son bonheur, au profit d'un acte qui, bien qu'il en soit l'auteur, le dessert potentiellement et peut aller à l'encontre même de sa propre existence. Est-il plausible d'envisager un désintéressement aussi absolu? Peut-on embrasser l'altérité jusqu'à remettre en cause sa propre existence que l'essence même de la subjectivité semble s'efforcer de conserver par l'accomplissement des lois naturelles de la conservation et du conatus? Il s'agit pour répondre à ces questions de replacer l'acte moral dans son contexte généalogique ainsi que d'en examiner les prolongements par lesquels l'homme, en tant qu'agent, apparaît comme une figure indissoluble.

Notons dés maintenant que la morale est une grille axiologique du monde purement artificielle dans le sens où elle est le produit d'une culture humaine qui a érigée des valeurs, absolues ou pas, dans un but d'harmonie sociale et/ou céleste. En effet, la nature, telle que la science nous la présente, semble dénuée de morale, il n'y est ainsi jamais question de Bien ou de Mal mais seulement de bon et de mauvais, pendants relativistes de ces valeurs absolues. Le bon et le mauvais se définissent par essence par le rapport qu'entretient un sujet avec une chose donnée: est bon ce qui semble souhaitable pour le bonheur, le bien-être, le conatus. À l'inverse, est mauvais tout ce qui dans une situation donnée peut mettre en péril le conatus du sujet. À ce relativisme parfois problématique, la religion, et un certaine philosophie, ont tentées d'ériger un système de valeurs inébranlables, insensibles au contexte où elles s'appliquent, propres à guider l'homme tel un phare dans l'immensité obscure qui semble parfois le perdre dans un néant délétère. La morale, qu'elle soit construite ou révélée, devient loi et veut s'incruster si profondément dans l'univers humain qu'elle en deviendrait loi naturelle, indiscutable et rassurante.

Cependant la morale ne jaillit pas de l'homme spontanément, elle est le fruit d'une éducation et par là même d'un long conditionnement propre à cristalliser dans les représentations mentales de l'homme ces valeurs clés censées le guider et orienter ses pas dans un monde parfois hostile, parfois bienveillant, mais dont l'instabilité porte au doute et au sentiment de l'absurde. C'est donc dés le plus jeune âge que la religion ou tout système philosophique morale, voire toute culture plus généralement, imprime l'idée de Bien et de Mal qui seront à même d'assurer la paix aux hommes, si ce n'est en leur apportant des réponses, au moins en leur montrant quelle voie suivre, quelles actions effectuer.

Une fois acquise, cette morale, pour être respectée, se veut exécutée dans le plus pur désintérêt: l'homme doit pouvoir s'effacer devant elle, abandonner tout intérêt privé, toute considération individualiste au profit de la loi morale qui le pousse à agir au profit du prochain, dans la morale chrétienne par exemple, quand bien même il en résulterait des effets négatifs pour sa propre personne. L'ascèse, l'abnégation et l'altruisme sont bien réels, de nombreux actes de cette nature ont été effectués par les hommes de tous temps, pour asseoir cette croyance en la possibilité d'un acte purement désintéressé.

Seulement, tout acte a des conséquences. Il est difficile de croire qu'un individu, qui par essence tente de persévérer dans son être, puisse volontairement agir au détriment de son conatus, d'autant plus si sa vie même est en jeu. En effet, s'il n'avait pas l'idée d'en retirer un bienfait, on voit mal pourquoi il se déciderait à sacrifier sa vie aveuglément, dans une obéissance irréfléchie à une loi transcendante. Il est bien plus probable d'envisager qu'une telle action est possible justement par la perspective d'un bien à venir, comme par exemple le sentiment d'être en paix, du devoir accompli, du don de soi et bien d'autres encore. En effet, comment envisager le sacrifice, sous toutes ces formes, s'il n'exaltait pas par lui-même une certaine gloire ou une certaine satisfaction chez l'individu. C'est ainsi que les nombreux martyrs sont convaincus d'agir pour la bonne cause et retirent naturellement de cette conviction un bien incommensurable puisque au-delà du relativisme individuel, un bien qui fait tendre l'homme vers un absolu qui le dépasse, et par là même lui procure la plus grande béatitude.

En outre, cet effet, par son anticipation peut être rétroactif: l'homme qui sait qu'il va accomplir une acte moral qui mettra son existence en péril, en plus d'une légitime peur, ressentira le vertige et l'ataraxie du juste, cette récompense du croyant qui le gratifie du bonheur profond que l'on peut ressentir en plaçant sa propre individualité en accord avec une chose qui la dépasse, quelque chose d'éternel et d'immuable auquel l'homme  aspire tant depuis l'antiquité philosophique.

On nous objectera, que le vrai acte moral est celui qui s'exécute hors de toute considération individualiste, et qui se joue dans un moment d'oubli de soi, hors de tout calcul, qui pour ainsi dire s'empare de l'individu pour le désincarner. Certes, une telle chose est possible lorsqu'on extirpe l'acte lui-même de tout son contexte, de toute sa genèse et de toutes les conséquences qui en découleront. Pris en lui-même, l'acte moral est pure action, mouvement vers l'altérité, don de soi. Mais comment ne pas interroger la légitimité d'un tel procédé qui consiste à examiner une chose en occultant ses causes et ses conséquences, c'est à dire précisément tout ce qui pourrait l'expliquer, en constituer sa connaissance? L'acte lui-même n'aurait pas été possible sans l'éducation qui a en quelque sorte matérialisée l'arbitraire en absolue vérité dans l'esprit de l'homme moral. Il ne serait probablement pas plus possible si l'on en élaguait toutes les conséquences rétroactives ou futures. D'ailleurs un tel acte, s'il pouvait être perpétré par un individu, comment pourrait-il être autrement que désincarné ou bien amoral? En effet, si un homme était capable d'agir hors de toute considération individualiste à propos de ses actions propres, comment pourrait-il seulement distinguer le Bien du Mal? Si les actions lui étaient à ce point indifférentes, il ne distinguerait pas plus le Bien du Mal car la notion de Bien renvoie toujours à un devoir individuel, et porte en sa définition même la notion du 'positif'', jugement qui rejaillit sans cesse sur l'homme qui la contemple, plus encore sur celui qui la rejoint. Pour savoir que l'on fait le Bien, il faut avoir conscience du Bien et donc conscience de son individualité agissante. Or avoir conscience du Bien n'est rien d'autre que croire au Bien et donc en une valeur positive, valeur qui, par essence, colore l'individu de sa positivité, le porte, lui donne une raison d'être et d'agir. Abolissez toute conscience individuelle et vous n'aurez ni bien ni Mal, l'acte moral absolu se confondant alors purement et simplement avec l'acte amoral, acte pur qui se joue "par delà bien et mal".

Ainsi donc, l'individu en tant qu'agent actif, ne peut à aucun moment s'ignorer et agir moralement sans retirer un quelconque plaisir, une quelconque félicité de la considération de son acte accompli ou à venir. Il ne saurait le faire sans abolir la morale et sans devenir un être désincarné amoral. Le désir de persévérer dans son être semble tellement profondément ancré dans la nature humaine qu'il doit s'exprimer par tous les moyens. Ainsi l'acte moral "désintéressé", qui pourrait aller à l'encontre de l'existence individuelle, n'est permis que par la croyance en une plus grande félicité spirituelle, autrement dit par la croyance en l'augmentation de la puissance d'un être (à travers la reconnaissance, la paix intérieure ou n'importe quel effet positif s'exerçant sur l'individu croyant) résultant d'un acte accompli ou à venir et qui légitime par là même la destruction prématurée et volontaire du conatus. C'est donc, en quelque sorte, pour vivre plus 'intensément', pour briller plus que l'homme moral se décide à agir contre son existence, se fondant ainsi dans un absolu que son individualité seule n'aurait jamais pu lui faire atteindre.

jeudi 6 décembre 2012

Force du temps

Une pensée pour toi
Les roses peuvent mourir
Je cueille ton sourire
Et refleurit déjà

Ta rosée pour ma bouche
Tous les matins du monde peuvent bien se rhabiller
À ta fraîcheur farouche
Le troupeau de mes songes préfère s'abreuver

Depuis que j'ai connu l'Aurore
Je n'aime plus l'éternité
Toutes ses merveilles et ses horreurs
Font pâle figure à ses côtés

Encore la mort! Viens! Frappe fort!
Je suis serein, j'ai en moi ce que rien ne saurait altérer

vendredi 30 novembre 2012

In Paradisium

Quelques notes de musique avec pour fond le derme diapré du cosmos, luisant de majesté.

Une constellation, on se laisse emporter,
À rêver de relier les étoiles
Dans un voyage à travers l'éternité.

On passerait d'un trou noir à l'autre
Partout notre conscience comme centre à l'infini.
Il y aurait des planètes aux passés endormis

Un double pour chaque vie que l'on n'a pas choisie,
Chaque mouvement retenu, libéré
La mort même serait une vie...

Qu'est-ce qu'il nous reste au fond?
Quelques esquisses de la totalité
Dont notre esprit se fait l'écho frustré

Face à tant de grandeur, l'homme trouve sa condition forcée: une inéluctable humilité.

Aphorismes

Le philosophe est le vulgarisateur de ce que l'artiste offre aux hommes dans sa complexité brute et sa pureté.

L'âme, la parole et l'écriture sont autant de lentilles braquées sur 'moi'.

La poésie, ce n'est rien de plus que l'homme qui se voit partout.

"Il y a en nous des semences de science, comme en un silex (des semences de feu); les philosophes les extraient par raison; les poètes les arrachent par imagination; elles brillent alors davantage." Descartes

"Notre représentation des choses naîtrait donc, en somme, de ce qu'elles viennent se réfléchir contre notre liberté." Bergson

"Kowabunga" Une tortue ninja...

jeudi 29 novembre 2012

Féeries soliptiques

Une véritable chasse que de courir après ces pensées évanescentes, toujours impromptues, jamais là quand il faut. Ça vous prend dans le bus, en regardant les gens, en regardant dehors, en regardant l'autre et son altérité rassurante. Ça vous prend en marchant, quand vous n'avez pas de quoi noter, quand vous êtes à vous-même, pur et profond, sans médiation. N'essayez même pas de reprendre le fil en rentrant chez vous, fiévreux d'impatience à l'idée de coucher tout cela sur le papier, ça ne marchera pas. Au pire vous pisserez quelques phrases malingres et vulgaires de vouloir paraître trop belles, vous vous ridiculiserez. De toute façon la belle pensée est partie depuis longtemps, elle est restée dans la rue, sur le parking d'un centre commercial, dans un Spar de banlieue sale et mal fréquenté, entre la porte d'entrée et la caisse enregistreuse.

Combien d'artistes génialissimes avez-vous croisé dans votre vie, combien d'oeuvres spectaculaire et grandioses qui sont restés cachées dans leur boîte crânienne  juste derrière le rideau des yeux et le masque du visage, devanture décalée et sans rapport aucun avec l'arrière-boutique? Juste parce que les artistes n'avaient pas le coeur à planifier le spontané, à mettre en scène la beauté de leur nature intrinsèque. À quoi bon? Gagner sa vie, ramasser quelques miettes ou même le gros lot, tant d'efforts pour tant d'incertitude. Un genre de prostitution indigne, on préfère aller travailler tous les jours, souffrir avec le reste des humains et puis garder en soi jamais bien loin, notre petit chaos interne, une "étoile qui danse".

La prochaine fois que vous croiserez quelqu'un avec le visage triste ou heureux, concentré ou rêveur, beau ou laid, pensez-y. Imaginez quelle sorte de trésor se cache derrière, en coulisse, bien à l'abri des regards indiscrets et surtout de ces gens imbus qui pensent, mais ne l'avons-nous pas tous fait au moins une fois, avoir saisi votre essence par un simple coup d'oeil à votre allure, à votre faciès, à votre air enfin. Ces gens qui se repaissent de gloses, de critiques en tout genre, qui partagent leur âme, leurs culs, qui mangent ensemble, baisent ensemble, ne parlent que de ce qu'ils projettent sur le monde, se félicitent, s'admirent, s'échangent un ersatz d'amour frelaté afin que leur coeur batte encore un peu dans leur poitrine froide. Ne parlons pas, s'il vous plaît, de leur esprit glacé. Ils ont tout sorti à l'extérieur par manque de confiance, besoin d'être rassurés, évalués, appréciés, pour savoir un tant soi peu quoi penser d'eux... Tout n'est pas noir non plus, ils arrivent à produire du beau parfois, les hommes se sont construits sur certaines illusions et ils y croient tellement, qu'elles se mettent à prendre forme, réellement, dans la matière même de l'univers. C'est à cette pâle lueur que ces gens là s'éclairent, il ne faut pas leur en vouloir.

Bon, aller, je retourne à mes féeries soliptiques, on se croisera peut-être, au détour d'une rue, dans les intestins fétides d'une ville hautaine, ou bien encore dans la quiétude hirsute de nos campagnes enclavées. On ne se reconnaîtra pas, vous ne verrez en moi, comme je ne verrez en vous, rien d'autre qu'un visage et qu'un style porté comme un costume. Vous serez convaincu alors qu'il s'agit bel et bien de la délinéation de mon âme et vous penserez sûrement, à juste titre, et au fond on en restera là vous et moi: "L'a pas l'air fin cui-là avec son regard bovin". Je continue ma route.

mercredi 28 novembre 2012

Sub Specie Aeternitatis

Tu as dit avoir vu en moi un génie. Un jour du passé, un jour de l'enfance, et c'est pourquoi je m'étonne aujourd'hui de tes propos.

Qui étais-je alors, moi-même ne le sait. Petite pointe émergée d'une conscience enfouie et promise à se révéler. Tout juste une petite promesse et Dieu sait que les gens ne tiennent pas compte des promesses, si ce n'est quand elles sont tenues. Alors tu as vu, ou cru voir, une petite promesse en moi, une promesse d'une autre époque, ni passée ni à venir, simplement d'un autre temps, d'une autre galaxie, d'un monde où tout est possible...

Et moi, je ne suis rien devenu, je ne me suis pas cristallisé dans un de ces merveilleux bijoux que la société enfile à son collier. Rien, tout juste une promesse faite au vent, aussitôt dite, aussitôt enfuie. Je cours après le non-être ou plutôt un genre d'absence de détermination. Non ce n'est pas encore ça: je cours après le droit de dire non, le droit de rester neutre, en-dehors, spectateur de vos opinions, de vos jugements et de vos rêves.

J'avais plein de choses en tête, mille choses à dire avant de m'asseoir face à l'ordinateur et de m'atteler à incruster en lui, dans sa mémoire numérique (mais ne le sont-elles pas toutes?), toutes ces belles pensées qui me traversent. Mais voilà, je me trouve face à la page qui attend et alors tout mon être se rétracte, je rentre les antennes, je me réfugie tout entier dans ma coquille, je me ferme au monde. À croire qu'il n'y a vraiment qu'à moi-même que je sache parler... Non, je ne pense pas que ce soit cela le problème. En fait, je pense que toute médiation, dans la contrainte formelle qu'elle impose me rebute. Je suis définitivement retors à toute contrainte exercée sur ma personne. Vous me direz que parler, quand bien même il s'agirait du "dialogue silencieux de l'âme avec elle-même", est aussi une forme de contrainte: il faut formuler ses pensées à l'aide de la langue. Oui mais alors cette opération est tellement naturelle aujourd'hui, et d'ailleurs peut-on seulement dissocier pensée et langage, qu'on pourrait presque dire que lorsque je pense, il s'agit de tout mon être qui se projette dans les mots, qui s'y incarne.

Mais pardon, je dévie du sujet. Une promesse donc... Oui, probablement, comme toutes les âmes ici-bas le sont, mais j'ai la particularité d'être une promesse de tout, vous savez, tout, cette envers du rien? Mais attention, il n'y a qu'à moi que je promette tout, aux autres, je préfère m'abstenir de toute obligation.

C'est fou comme toute action me vide l'esprit. Ou plutôt comme toute action consistant à extirper de mon cerveau (ou de mon âme pour les quelques spiritualistes) ce qui se passe habituellement en coulisses me coûte, me laisse exsangue. Je suis tout entier focalisé sur l'acte, ou pire, sur le résultat, que je ne sais même plus par où commencer. De toute façon tout va trop vite là-dedans, comment retranscrire ses propres pensées? Même lorsque la pensée est lente et fluide, qu'elle avance comme un tank sur les chenilles de la raison, elle reste difficile à mettre au monde. Tout simplement parce que toute pensée même simple, dans ma tête, s'accompagne toujours d'un halo de pensées naissantes, afférentes, et qui telles des racines indiquent la source mais aussi telles des branches indiquent toutes les ramifications possibles, tous les liens utiles. Dieu qu'il serait fastidieux, voire impossible, de poser tout cela sur le papier. À peine je m'attacherai à sortir une petite partie de l'ombre, que j'aurais déjà oublié tout le reste ainsi que tous les prolongements qui vont avec, et ainsi de suite, et cela à l'infini.

C'est frustrant, réellement... J'aimerais vous inviter dans ma tête. Oh il y en aurait pour tous les goûts, c'est certain. Mais ce qui me ferait le plus plaisir, c'est de vous faire ressentir le plaisir qu'il y a à planer sur la chaîne d'un raisonnement, à se laisser porter et contempler le monde sur le train de la raison. On ne s'arrête jamais, le paysage est sans fin et tout va tellement vite que l'univers entier est desservi, parfois même, on se retrouve dans plusieurs endroits à la fois. Comme tout s'éclaire, comme le monde retrouve son unité perdue, ses vertiges insondables qu'on se promet d'aller sonder un jour ou l'autre. Et dans ce tour de manège infernal,  on sent jamais bien loin, le regard de la folie, le regard de l'absurde.

Je ne sais pas ce que les gens voient en eux. Je me demande aussi de temps en temps ce qu'ils peuvent voir en moi. J'aimerais qu'ils me laissent tranquille, qu'on puisse parler des idées sans y mêler sans cesse nos propres identités égoïstes et inintéressantes. Stop! Je n'ai rien à voir avec le sujet leur dirais-je. Mais il faut sans cesse prendre des gants, c'est comme cela avec les egos, ça se blesse facilement. Alors on explique encore et encore, toujours les mêmes choses. À croire que les gens n'aiment pas sortir d'eux-mêmes, il faut qu'ils ramènent tout à des questions de pouvoir et de domination, celle des uns sur les autres. Ce ne sont pas des idées, ce sont leurs idées, ou mes idées, ou celles de Spinoza tient, ou qui sais-je encore?

Mais la raison c'est comme un instrument, je ne saurais dire cependant s'il en sort de la musique lorsqu'on s'en sert mais ce qui est sûr c'est qu'elle dessine un univers, comme la musique peut le faire dans sa temporalité sublime. Moi, et oui je parle de moi là, je joue de la raison et comme en musique, le résultat n'est jamais une création ex nihilo que je pourrais croire mienne. Oh si, je pourrais la croire mienne, avec une dose suffisante d'aveuglement et d'ignorance qui s'ignore, si je n'avais pas suffisamment persévéré dans mon voyage noétique. Mais non, ce que produit la raison, ça ne m'appartient pas, je suis un chercheur, préférons un voyageur, pour le plaisir de l'image, et donc je trouve. Vous en doutez? Mais c'est certain voyons, on part de quelques éléments qu'on mélange allègrement dans la boîte à idée, on secoue un peu, on laisse reposer et voilà le bel édifice intellectuel qui avec ces matériaux, en les liant, a pu construire quelque chose de plus ou moins solide, de plus ou moins bancal mais qui tient entre deux repas. Puis on continue son voyage, on consulte les autres constructions et on s'aperçoit que d'autres, bien avant nous, avaient construit les mêmes maisons, les mêmes hameaux discursifs. Très bien, on les visite, puis on en visite d'autres encore avant de se reposer un peu, endormi dans quelque contrée de notre propre esprit. On se réveille et on s'endort sur tout ça, des jours, des nuits à écouter le silence de l'intelligence en acte. Et puis nous viennent d'autres envies, voilà qu'il faut absolument réaliser de folles architectures, plus belles, plus solides, plus hautes, on cherche à tutoyer les cimes. Content de son petit village, de sa cité idéelle, on reprend son chemin, on reste voyageur solitaire et l'on a toujours aimé les autres paysages. Peut-être au fond a-t-on un dieu, quelque chose que l'on adore par-dessus tout, qui nous permet d'endurer le fait d'être nous: l'altérité. Que les autres existent c'est le plus grand soulagement. Avec leurs différences bigarrées, ils nous donnent le droit à l'erreur, le droit au multiple, au diapré. Et voilà qu'en flânant on tombe sur la même cité que la nôtre, beaucoup de gens y vivent quand la nôtre est déserte, ils l'entretiennent, ils l'abîment aussi, ils la font vivre. Alors à force on commence à se dire que quoiqu'il arrive, on ne créera rien de nouveau sous le soleil de l'âme.

On emprunte tous le même chemin, certes il comporte de nombreux détours, des myriades d'embranchements mais il nous sépare du vide et nous permet au moins de marcher ensemble. On réfléchit un peu puis l'on se dit que finalement, si tout ce que l'on se représente a déjà été représenté, offert aux autres: une pléthore de cartes de l'esprit à la disposition de tous, cartographiant les mêmes lieux, c'est qu'au fond on voyage tous dans le même univers en empruntant à peu de choses près le même bus. On trouve, voilà tout, et si l'on veut proposer du neuf, il faut aller plus loin, connaître toutes les cartes de toutes les régions visitées, identifier les zones d'ombres, et contempler les paysages qui se fondent vers l'éternité, ceux qui donnent le vertige et font peur. Mais cela demande un travail considérable et nous ce qu'on aimait, c'était construire dans son esprit, la topographie arpentée, relier les différents éléments ensemble, illustrer leur fonctionnement, trouver les meilleur chemins d'un point à un autre. Qu'est-ce qu'il reste à faire: jeter toutes les cartes, n'y plus prêter attention, ou bien les lire toutes pour enfin être reconnu comme un explorateur. Quoi qu'il arrive il faut rester humble, le monde ne nous appartient pas. Nous en sommes une partie, c'est nous qui lui appartenons. Alors lorsqu'on a fait tout ce petit bout de chemin, on se rend compte vraiment que les philosophes et tous ceux qui aiment réfléchir (au fond y a-t-il une différence?) ne sont propriétaires de rien. Qu'ils n'ont rien inventé, la raison, comme tous les instruments n'invente rien, elle offre une lucarne sur le monde infini, un angle d'attaque mais on contemple tous l'existant, ce qui était là bien avant nous, peut-être de toute éternité.

Peut-être, et je l'espère, qu'après tout ça on devient suffisamment raisonnable pour cesser de croire en la nouveauté, en la liberté, en cet état si exceptionnel de l'homme qui aurait droit à tous les égards, qui formerait "un empire dans un empire", j'en passe et des meilleures. Peut-être qu'un peu de cet ego trop compacte pourrait se dissoudre dans "l'immensité de ces espaces infinis". Voyez, j'ai déjà commencé, je ne cherche plus à créer la beauté, j'utilise celle des autres, celle de tout le monde en somme.

Alors une promesse en fin de compte... On peut toujours se demander de quoi. La promesse d'ouvrir les yeux, ça oui, je peux encore la tenir, pour le moment. La promesse d'être ce que je suis dans le grand univers, une réalité particulière, "chose singulière en acte", quoique d'acte, je ne connaisse peu ou prou que la contemplation. Le reste du pipeau... L'homme aveugle, un bandeau sur la conscience, qui pense avoir inventé le désert dans son bac à sable. L'homme d'ailleurs qui ne voit plus que cela, son bac à sable, et qui perd peu à peu cette faculté visuelle qui consiste par un resserrement de la rétine à regarder l'arrière-plan, à observer au loin ou même à passer à travers. Je suis mauvais joueur, je sais, je suis sorti du bac à sable et j'ai senti sur moi tout le poids de l'incompréhension qui s'est mué peu à peu en déception pour certains, en haine pour d'autres, et en je ne sais quel sombre pensée sourde.

Quand je me représente, j'aime à me voir comme un corps formé de phrases, de signes en communication avec tout le fil de mon individualité. Je m'imagine vide, silhouette humaine de mots à travers desquelles perce la lumière du monde, une silhouette discrète, féline qui ne laisse pas de trace, et ne change pas les choses. Je m'imagine en locataire du cosmos, du moins de cette infime parcelle que j'ai le culot d'habiter. Je m'imagine usager de la raison, définitivement chanceux d'y être toléré. Mais paraît-il, et j'ai recueilli cette information en surprenant malgré moi une conversation entre Platon et Nietzsche, qu'en fait, ce sont les hommes qui ne tolèrent pas la raison. J'ai souri car je savais, j'avais moi aussi assisté à ce curieux phénomène... L'homme qui tourne le dos à l'éternité pour lui préférer la foi. Un autre bac à sable que l'immensité tolère...

samedi 17 novembre 2012

En puissance

La nuit c'est ma promesse des grandes choses, des projets qui ne veulent pas dormir, qui désirent plus que tout être réalisés en secret, dans l'ombre des ténèbres et de leur autre possible.

La nuit, juste avant de dormir, je fomentes tous mes chefs-d'oeuvre, je les porte à ébullition, jusqu'à ce que la surface de mon corps frémisse légèrement de ce fourmillement de la puissance qui veut se réaliser en acte.

Alors, la nuit est témoin de cet étrange rituel entre le monde et moi qui me soumet à lui. Je m'agite en tous sens, quelques mouvements brusques m'échappent, effet lointain de violentes causes internes. Tout mon être bruisse de cette monstrueuse énergie qui s'agite en moi, informe et terriblement frustrée.

L'univers prélève alors sur ma personne ce dont il est le responsable: cette folie des grandeurs, cet absolu qui hurle pour devenir expression finie, figée dans l'immense étendue physique, qui seule pourrait le révéler aux yeux de tous. Cette scène, je l'ai vécue et la vivrais encore: moi nourrissant le cosmos et lui restant indifférent. De ce pouvoir qui dort et se réveille parfois, je ne sais que faire à part le contenir encore, le laisser filtrer de temps en temps pour ne pas qu'il me brésille en mille fragments.

C'est une histoire bien connue pourtant dont je me fais l'interprète; c'est l'histoire de Dieu qui voulait prendre forme ou plutôt de la forme qui voulait prendre Dieu...

mercredi 14 novembre 2012

À la brune

Me perdre à la brune sous un soleil de brume
Faire résonner mes pensées solitaires
Et me voir partir comme une lointaine écume

Mais l'âme est enchaînée comme plantée dans le corps
Tant et si bien qu'elle ne peut se décider enfin
À quitter le sensible et s'enfuir loin du port

Il faut que je pense régulièrement au bruissement
De mes songes qui se frôlent et s'entremêlent
Que je me donne aux Idées intensément
Malgré ce coeur qui m'appelle
Que j'abandonne l'ici et maintenant
Pour visiter d'autres chapelles

Mais pour quoi faire me direz-vous
N'est-ce pas là vile tromperie?
À vous dire vrai je désavoue
Aussi le trop plein de mépris

Que peut témoigner à l'égard du corps
L'ego et sa conscience

L'esprit est un ingrat
Vous lui donnez le corps
Il le remplit de gras
Donnez-lui donc la mort.

lundi 22 octobre 2012

Aphorismes

"Il est vrai qu'une des horreurs de la guerre, sur laquelle on n'attire pas assez l'attention, c'est que les femmes y soient épargnées." Henry De Montherlant

La pensée, c'est un train qui file à toute vitesse, tous feux allumés, à travers la nuit, notre nuit. Nous en sommes le passager la tête contre le hublot. On ne peut pas tout le temps prévoir ce que la lumière va faire sortir des ténèbres. On est parfois bien étranger sur nos propres terres.

Le monde est un support à notre interprétation

L'esprit  d'un artiste est comme le coeur d'un étoile, sans cesse en train de s'effondrer sur lui-même pour provoquer cette fusion qui rayonne à travers l'espace et le temps

La philosophie c'est une pensée qui tend la main.

Le temps d'un espace

Il faudrait pouvoir laisser s'envoler le temps en traversant l'espace toute sa vie. Comment le mouvement résout-il les problèmes du quotidien prosaïque? Je n'en sais rien...

Le voyage est une parenthèse entre deux étants, deux endroits où il faut exister malgré soi. Mon mode d'existence, c'est cet entre-deux, ce temps et cet espace étirés dans lesquels réside celui qui va, qui file d'une prison à une autre.

Qui a la chance de voyager de nuit peut presque connaître le bonheur serein qu'il y a à disparaître dans le paysage, à s'enfoncer dans l'oubli du passif. Être fait et ne plus avoir à faire semblant d'être maître de son devenir. Voyager de nuit en passager du vent c'est un peu être Dieu, être témoin de tout et cause de rien. C'est avoir la puissance d'échapper aux lois topiques, de traverser la nécessité pour s'en créer une autre, c'est déchirer le voile de l'habitude, c'est rendre possible.

Vivre virtuellement c'est vivre absolument.

Je peux traverser la nuit comme cela, sans qu'elle ne m'atteigne vraiment, je peux m'y creuser un passage et sortir à la lumière d'un jour nouveau, d'un jour d'ailleurs où devenir est vraiment différer et non plus une évolution du même.

Ne plus avoir personne qui croit en vous, c'est pouvoir être tout.

vendredi 12 octobre 2012

Au son de ta voix

Mes nuits blanches au creux de ton sourire
N'ont pas cette blancheur impersonnelle
Mais cette tiède nuance de tes joies éternelles

Les matins froids que ton sourire réchauffe
Quand l'humanité gît encore dans l'onirique étoffe
Me sont tant de promesses bienheureuses
Où ma nuit se penche sur ta peau lumineuse

Et moi je sais, lové dans une étoile
Que le soleil luira au son même de ta voix

Les moments durs

C'est bel et bien dans la difficulté qu'on se rend compte de ce à quoi l'on tient, pas dans la facilité obreptice; non... Plus les moments sont difficiles et plus les manques ressortent, surgissent de l'obscurité que l'on avait jeté sur toutes ces choses qui témoignent de notre fragilité dans la solitude, de tous ces mensonges inavoués pour se rendre puissant.

Le visage de la femme que l'on croyait une femme.
Celui de la famille que l'on avait cru un temps contingent.
Celui de notre sous-moi, cette vérité de qui l'on est lorsque plus rien ne nous soutient.

Ils sont doux cependant ces moments, c'est peut-être la raison pour laquelle on tend à les provoquer encore et toujours, envers et contre tout.

Et l'intraitable nature qui nous impose sa loi, nous fait danser, petit pantin, sous son joug implacable, intraitable nature qui nous rejette à notre essence composée.

Là quelque part existe ton visage et l'haleine qui ne se heurte point à ma joue...
Ta présence sourde retentit où je croyais demeurer seul.
Il y a vous tous d'ailleurs, et au milieu, comme un îlot de clarté dans l'océan d'indifférence:
Ton allure provocante, ce sourire qui me manque...

mercredi 3 octobre 2012

La cellule-mot

Il faut imaginer le langage comme un ensemble de cellules organiques. Visualisez le comme un système de cellules de peau vues au microscope: de grossiers ovales contigus dont l'étendue est limitée par les cellules adjacentes. Il suffit qu'une des cellules évolue: se dilate ou se contracte pour qu'immédiatement, l'ensemble du système s'adapte à cette modification: le système ne tolère pas le vide.

Il en va exactement de même avec le langage: les cellules sont des mots dont le sens est une forme que l'on peut se représenter comme une cellule organique pour plus de commodité. Connaître le sens d'un mot, c'est, en plus d'un jeu d'interaction avec le contexte, connaître son étendue au sein du système, savoir dans quel espace il est clos.

En effet, il est important de bien remarquer qu'un mot ne donne pas l'Idée ou l'essence de quelque chose. Le mot trace un contours, une zone délimitant du vide (pareil à la membrane d'une cellule à l'exception que cette dernière ne renferme pas du vide, quoi que...) et ainsi définit négativement l'essence ou l'Idée, cette dernière n'étant jamais donnée dans sa plénitude. Ce qui m'amène à dire cela c'est qu'un mot en lui-même ne donne rien d'autre qu'une étendue illimitée. Ce qui vient tracer ses frontières, c'est la définition, or cette définition est elle même faite de mots. D'où la comparaison avec notre système de cellules organiques: la cellule est définie par la place que lui laissent occuper les autres, sans elles, elle pourrait très bien grossir et couvrir une étendue de plus en plus importante.

En conséquence, ceci explique la poésie: le poète ne fait rien d'autre qu'étirer l'espace de définition des mots afin d'en détourner le sens, il étire le langage et joue avec l'espace de signification qu'il renferme. Et qu'est-ce qui permet précisément une telle créativité? Et bien le fait que les mot ne renferment que du vide: le mot ne donne pas la chose en soi, il n'est pas l'Idée ou l'essence. Il n'est que le signe annonciateur, d'une zone où l'on pourrait trouver cette essence, il veut la contenir. Probablement que la nature de cette essence, si elle existe vraiment, ne permet pas au mot de la saisir, c'est pour cela que le langage est un outil d'une formidable puissance et dans le même temps la source de tant d'erreur: il ne renferme que de l'incertitude, à tel point que l'on peut lui faire dire n'importe quoi: les poètes le font de la plus belle des manières, on pourrait dire en quelque sorte qu'ils agencent du chaos, qu'ils le mettent en forme.

jeudi 20 septembre 2012

Pour l'esprit de système

D'où vient cette croyance absurde, et pourtant communément admise, qu'il faudrait tuer l'esprit de système? Probablement de l'exemple platonicien qui s'est vu forcé de nier ce dont il était lui-même un auteur à cause de ses propres doctrines: l'art. Et pourtant, si le lecteur averti savait déceler les apories du système platonicien et les erreurs logiques qui peuvent mettre à mal cette belle machine, il ne penserait pas, comme on lui enjoint régulièrement, que l'esprit de système est un danger.

D'une part, rien ne force un système à être clos sur lui même, c'est ainsi que Saussure définira la lanque comme un système en perpétuelle assimilation et évolution.

D'autre part, tout système doit reposer sur une logique et tant qu'elle est respectée, la cohérence est assurée pleinement. Un système n'est rien d'autre que des éléments, ou principes, reliés par des lois, bien généralement de logique. Or jamais la logique ne mènera à une impasse car elle est précisément un pont jeté entre les abîmes du néant, elle cimente la connaissance pour lui donner cette apparence de vérité à laquelle nous tenons tant.

En conclusion nous pensons qu'il faut réintroduire une logique implacable et rigoureuse dans le système platonicien pour en faire un système effectif et à toute épreuve. Par contre nous ne garantissons pas que le résultat soit quelque chose, de près ou de loin, de similaire à ce que Platon avait pensé. Il n'est pas de bâtiment qui tienne sur des fondations instables.

mardi 18 septembre 2012

Renouvellement


Je veux mon esprit pareil à mon corps et plus généralement à ma vie: toujours prêt à partir, ne s'encombrant de rien d'autre qu'un présent qui renferme en lui toute mon existence, depuis ses débuts.

Je ne veux pas d'attache en les choses du passé, juste l'incessant devenir qui me renouvelle sans cesse et fait de moi une promesse reformulée, à chaque instant.

Volonté de puissance

Cet élan que nous comprenons tous et qui a pris bien des noms au cours de l'histoire, au gré des points de vue: conatus, énergie, libido, etc. Ce désir est bel et bien celui d'une domination si l'on se place du côté du faible, de celui qui craint, comme Hobbes, la liberté et la puissance des autres. Il devient amour et abnégation du côté du fort, comme le stoïcien, qui se sait déjà supérieur et inébranlable. Tout est affaire de paradigmes différents, de représentations et de croyances. Mais la volonté de puissance est toujours cette envie fondamentale d'exister sans contrainte, le souhait, peut-être, d'être plus qu'on n'est ou plutôt plus que n'est le corps...

Langage


Le langage est une des seules voies d'accès d'un homme à un autre. C'est la seule construction réellement arbitraire qui le désunit enfin, dans une certaine mesure, du silence de la réalité, le silence imposé par l'inaccessibilité (apparente?) de la chose en soi.

Forme picturale et essence de la peinture


Qu'est-ce que la forme picturale? Quelle est l'essence de la peinture?

Si tous les peintres et théoriciens de la peinture s'accordent à dire qu'elle est mimésis, c'est à dire imitation, le doute subsiste quant à l'objet de cette imitation. Il serait intéressant de considérer la polysémie du terme forme pour s'attacher à la définition platonicienne que l'on peut rattacher à la notion d'Idée. Ainsi, peut-être que l'essence de la peinture est précisément l'imitation ou plutôt la reproduction d'une Forme (Idée) en la substantifiant en matière. La peinture serait donc précisément ce processus ainsi que les différentes techniques correspondant à des visions de la forme différentes: les partisans du dessin seraient ainsi positivistes et prôneraient l'existence des formes en tant que substances autonomes quand les défenseurs de la tache (couleur) se prévaudraient d'une approche plus interactionniste de la notion de forme, celle-ci serait définie négativement dans le système que compose l'oeuvre (le tableau) (cf Saussure et sa vision du langage) et c'est pourquoi le trait n'a pas la primauté pour démarquer, dégager la forme, mais plutôt le contraste des couleurs, le jeu des ombres et des lumières, les interactions de la couleur, les nuances.

Conscience et construction de l'ego


La conscience ne serait-elle que le processus de construction de l'ego?

La conscience semble être l'outil d'un processus psychologique fondamentale: l'ipséité. En effet, comme le pense Bergson, il apparaît que l'identité d'un individu, le 'moi', n'est pas une substance que l'on remplit mais est précisément un processus de création perpétuelle inscrit dans la durée. Autrement dit, et pour simplifier, l'identité n'est pas la somme d'événements s'inscrivant dans une éventuelle succession temporelle, mais le produit immédiat d'états de conscience s'inscrivant dans la durée. Afin que le 'moi' perdure et trouve une continuité dans son incessante altération due au monde extérieur, il lui faut s'organiser en système à travers le principe d'ipséité. L'ipséité, qui s'opère grâce à la conscience, assimile chaque donnée pour l'intégrer au système du 'moi' qui devient ainsi un pur ensemble interactionniste. Dans le 'moi', rien n'est isolable car tout est induit par le reste du système: c'est le principe bergsonien de conpénétration, la totalité du moi est présente dans n'importe quel état de conscience et est absolument indissociable du reste du système.

Un lien important est à faire entre ce processus d'ipséité de la conscience et l'assimilation qui s'opère notamment par le biais des émotions. Le corps qui est en lien direct avec le monde, l'altérité, traduit ses propres expériences en émotions qui vont être traitées par la conscience sous la forme de jugements qui donnent naissance aux sentiments. Le sentiment est l'assimilation consciente de l'émotion dans le système identitaire. Il est donc en perpétuel élaboration et ne peut être quantifié, mais doit plutôt être observé comme une qualité. Il faut être prudent sur l'emploi du terme 'conscient' qui détermine ici le mode d'élaboration de l'ipséité mais ne signifie pas un état de conscience 'conscient'. En effet, une grande partie de ce processus est inconscient dans l'acception psychologique du terme. La conscience peut être vue comme l'enceinte du 'moi', mais est à distinguer de l'état de conscience.

C'est ce principe d'ipséité qui est à l'oeuvre dans l'entendement ou la compréhension du langage, afin que l'énoncé soit vue comme un tout dont chaque partie n'est déterminée que par l'ensemble et non de manière indépendante. Si nous comprenons un énoncé, c'est grâce à ce processus d'ipséité qui est capable à chaque instant de réaliser le produit des expériences passées dans le présent. Il n'y a pas de compréhension partielle au fur et à mesure de la lecture ou de l'écoute, mais il y a élaboration perpétuelle du sens au regard de ce qui a été perçu. Pour prendre un exemple prosaïque, il ne faut pas voir ce processus comme la construction d'une maison brique par brique mais comme le ré-agencement incessant de la maison au fur et à mesure que des éléments s'intègrent au système ou que des espaces apparaissent ou disparaissent.

lundi 27 août 2012

Pensée et croyance


Problématique: toute pensée est-elle nécessairement une croyance?

Il me faut, pour répondre à cette question, envisager la pensée sous ses diverses formes. On peut ainsi imaginer que se jouer une mélodie dans sa tête est une pensée, tout comme visualiser un paysage ou bien encore faire vivre une scène imaginaire (ou pas d'ailleurs). Si l'on tente de faire le compte exhaustif de toutes ces formes, il paraît correspondre au nombre de sens dont nous jouissons. On pourrait ici objecter qu'il faut ajouter à cette somme le langage, car nos pensées les plus courantes qui sont fondées sur le langage ne relèvent pas d'un sens n'est-ce pas? Et bien Saussure a répondu au problème de manière pertinente en affirmant que dans tout acte de compréhension langagière, c'est finalement l'ouïe qui emporte le dernier mot, nous sommes obligés de mettre en parole les mots dans notre tête. Pour cette raison le compte reste égal au nombre de nos sens: cinq.

Maintenant, doit-on croire qu'imaginer, par exemple, pour soi un paysage constitue une croyance? Il est difficile de défendre une réponse par l'affirmative dans la mesure où il semble tout à fait possible d'inventer un paysage ou même de s'en représenter un existant sans croire en cette pensée. Si la pensée demeure une simple représentation mentale issue de notre pure imagination et non pas, comme de coutume, de stimulii sensoriels, alors elle n'est pas une croyance; si elle ne fait que nous traverser, sans que nous nous en servions pour atteindre une quelconque conclusion. La pensée semble pouvoir exister pour elle-même, sans but et à ce moment là, il devient assez osé de la qualifier de croyance. Il semble en aller de même pour toutes les formes de pensées connues et imaginables.

En conclusion, il appert de cette réflexion que la croyance émerge lorsque l'homme place un but à ses pensées, lorsqu'ils se sert de ses représentations mentales pour atteindre un objectif quelconque. La croyance naîtrait alors d'une vision utilitariste, elle est nécessaire pour construire. À cette fin, elle s'érige sur la dimension temporelle et nécessite une durée pour pouvoir exister pleinement.

On pourrait objecter à cela que celui qui construit une mélodie, se sert des notes passées pour inventer les notes futures qui se marieront avec elles, mais rien ne le force à croire, d'ailleurs comment croire en des notes de musiques, de simples fréquences? On peut raisonnablement penser que celui qui construit une mélodie croit, dans une certaine mesure, en une certaine unité des notes de musique, unité nécessaire à la création de la mélodie. En effet, les notes prises séparément, hors de toute mesure rythmique et isolée des précédentes, ne sauraient constituer une mélodie. On voit donc qu'à partir du moment où le fait d'imaginer des sons s'opère en vue de créer une mélodie, se constitue alors effectivement un acte de croyance, éphémère peut-être, mais avéré. Rien ne l'empêche cependant de continuer à émettre, en pensée, des sons mais dés qu'il voudra porter un jugement (esthétique par exemple) sur la suite de ses sons, il sera alors amené à émettre une croyance. Mais on peut aussi objecter à cela qu'il n'est nul besoin de culture pour ressentir le plaisir ou la douleur et que ce sont des choses innées, directement accessibles par les instincts et les sens. Il en va de même avec les sons qui peuvent être agréables ou désagréables. Ainsi, la croyance doit nécessairement naître d'une interprétation. La croyance advient lorsque la représentation mentale s'éloigne de la simple représentation pour devenir explication. Une de nos croyances les plus fondamentales, par exemple, est la causalité. Nous nous représentons la nature selon un cycle de causalité qui relève forcément de la croyance puisqu'il extrapole des règles générales à partir d'expériences limitées et nombrées. Pour que la pensée ne devienne pas croyance, il faut qu'elle s'en tienne à la représentation sensuelle et non interprétative. En conséquence, l'homme qui ne croit pas serait cantonné à un corps. Mais alors quelle place donner à la conscience? Ne fait-elle pas partie du corps, n'en est-elle pas une émanation?

Tout cela nous amène à penser que la croyance naîtrait de l'agencement des représentations en vue d'interpréter d'autres représentations qui nous paraissent isolées. Elle est une tentative d'unifier le réel en créant des liens entre les différentes représentations de celui-ci. La croyance réside précisément en ces liens virtuels et que la réalité ne pourra jamais confirmer car ils sont une extrapolation, un jugement qui veut faire d'une expérience limitée dans le temps et l'espace, une forme d'absolu. Or, peut-être que cet acharnement à vouloir tout unifier est due à la nature de notre conscience qui tend à tout identifier, fragmenter, diviser et qui paraît elle-même avoir été extirpée de la réalité, la rendant ainsi la source de toutes les souffrances et de ce poignant sentiment de solitude qui s'empare de l'homme face à l'univers.

mardi 21 août 2012

Boîte à larme



J'irais chercher bonheur au coeur d'autres étoiles
M'enfuir sur les hauteurs et hisser grand les voiles

Tu me verras peut-être encore traverser l'horizon
Comète à la crinière d'or chevauchant les saisons

Je ramasserai tes larmes, les poserai sur mes yeux
J'ai la souffrance large et peux mourir pour deux

Ne garde pas rancune des souvenirs qui fâchent
Le temps les affaiblit puis un jour les détache

Il passe au crépuscule les planter dans mon coeur
Pour te laisser une chance toi qui crois au bonheur

vendredi 10 août 2012

L'antidote

Il y a de jolis nuages à regarder,
De jolies rivières à admirer,
De nouvelles vagues viennent se briser
Et tous ces spectacles lénifiants
Ne parlent jamais que du temps.

Il semblent nous narguer de leur régularité,
Ils nous offrent leur mouvement parfait
À côté du nôtre incertain, entrecoupé
D'hésitations récurrentes qu'instille la conscience
Vous savez la conscience?
Cette organe de la honte qui a crée le temps
Pour que l'humain sache bien qu'il n'est pas éternel.

Il y a de jolis rides qui se creusent,
D'adorables joies doucereuses
D'interminables heures creuses
Et des souffrances en tous genres
Du corps en premier lieu, puis de l'esprit qui se perd.

Heureusement la conscience a su se doter d'un remède au réel:
Une foi inébranlable et des espoirs qui montent au néant du ciel.

lundi 6 août 2012

Cour de récré

Tiens, encore une image du passé qui file sur ma conscience...
Aucun présent dans mes réflexions, des souvenirs et nulle délivrance.
L'ami qui s'exprime dans la lumière, sa lueur est éteinte;
Moi qui l'anime à rebours quand l'existence porte plainte
D'être bafouée chaque instant dans nos abris à mémoire.
On est tout seul, maître du monde, et le monde un grimoire;
Qu'un rayon d'intelligence vienne se poser sur une page,
Ce n'est jamais rien d'autre qu'un lointain héritage
Que l'on fait mijoter pour en sortir de nouveaux arômes.
Seulement l'inédit s'épuise et puis ne restent que les fantômes.
Mais les mots de l'ami restent, têtus, offerts,
Ils attendent une étreinte pour violer l'univers.
Et chaque fois que nous déshabillons ces signes de notre regard
Viennent au monde d'anciens probables et de vieux espoirs.
Le monde est là qui nous boude et se tait
Et nous vexés, lui enjoignons de s'exhiber.
On dissèque ses ombres, chacune de ses traces dans le temps;
Le temps parlons-en, notre cour de récréation pour adolescents
Où nous gribouillons nos dessins naïfs d'enfants sages,
Au fond nous ne serrons rien d'autre que ses images.
Fascinés, l'on scrute chaque détail pendant des heures;
Dans notre cour, on se les échange comme des voleurs.
Des receleurs de rêves, voilà ce que nous sommes.
On pleure on rit on meurt, voilà bien l'homme.

samedi 4 août 2012

Vieillesse

Aïe! Que sont-ils ces vieux flétris que le temps a courbé à sa guise?
Anamorphose de notre avenir, réalité glacée qui dégrise.
Ça traverse l'espace avec sa propre allure martienne,
Ça regarde les gens avec le privilège de la peine.

Et dans tout ça, bien au fond, il s'agit donc de quelle essence?
De quelle substance le concept temporel les a-t-il dépossédé?
Un rêveur sur un banc, de leur ballet cherche le sens:
Peut-être que ce qu'on leur a enlevé, c'est l'illusion d'une vérité...

C'est le trésor de la souffrance qui gît en eux bien ancré,
On se repaît d'un bonheur sans détour, d'une incertaine lucidité,
D'une nature sans atours et de conversations dépouillées d'orgueil
À l'intérieur, on est tel qu'en dehors, une jeunesse en deuil.

Et c'est tant mieux.

Insister pour soi

Enfanter, ce n'est rien d'autre qu'abdiquer devant sa propre vie, passer le relais à quelqu'un d'autre. On constate son échec alors on donne à la vie une autre chance d'être exceptionnelle, marquante.

À côté de ce choix, il y a les gens vraiment exceptionnels.

Et encore à côté, il y a ceux de mon espèce, qui continuent d'espérer sans trop savoir pourquoi; qui attendent que quelque chose arrive sans trop savoir quoi. Et la seule chose qui devient inexorable et évidente, c'est la monstruosité du temps qui passe et qui nous laisse de côté.

jeudi 2 août 2012

Devenir ce qu'on est

J'ai perdu suffisamment de temps à regarder l'écoulement hypnotique des états que le monde actualise frénétiquement, mais dans quel but? Est-ce pour nous faire croire que nous sommes pareils à des personnages de film? Pris dans un flux incontrôlable donnant cette illusion de continuité qui est si chère à nos yeux, comme toutes les illusions d'ailleurs.

Je veux désormais être le temps lui-même. Que les autres m'observent à leur tour, j'ai donné assez de ma personne au vent!

Il est tard, je suis si vieux déjà.

Et puis d'abord, je ne souhaite pas retourner mon sablier, je me suis habitué à ce sable perdu, à tous ces 'moi' que j'observe au fond, derrière, là-bas.

Simplement je vais vivre ma vie de grain de sable, sans me soucier de l'esthétique de mon sablier et l'harmonie des grains qui tombent en contrebas.

De toute façon, en bas, derrière, c'est aussi moi n'est-ce pas?

Si je réside ici et là-bas, séparé seulement par l'étroitesse du goulot, alors ne suis-je pas à la fois ici et là-bas?

Cette ou ces parties de moi qui ont glissées sur les parois de verre du temps, ce sont elles qui donnent la stabilité à la base de mon sablier.

Et puis au fond, une fois que tout cela sera terminé, qu'est-ce qui empêche celui qui nous a mis là, de retourner l'objet?

Je veux dire, rien qu'une fois? Et pourquoi pas d'autres encore?

Juste pour se divertir?

Parce que ça doit être marrant toutes ces miettes d'humains qui chutent vers le bas, inexorablement...

Enfin j'imagine, parce que si c'est comme ça, c'est bien que cela doit plaire à quelqu'un; ou quelque chose...

Alors c'est ainsi, c'est décidé, je vais être pleinement chacun de ces fragments, sans regret, sans appréhension.

Je veux être moi jusqu'au dernier grain de sable!

Est-ce bien cela devenir ce qu'on est?

Aphorismes

Le plus sûr chemin vers le bonheur, c'est le bonheur des autres.

L'existence est (le?) critère de vérité?

"Ce que le progrès demande inexorablement aux hommes et aux continents, c'est de renoncer à leur étrangeté, c'est de rompre avec le mystère." Romain Gary

"Les contradictions sont la rançon de toutes les vérités à peu près humaines." Romain Gary

"Ambition et cupidité sont les deux jambes de l'homme du siècle; celui qui ne les a pas est un cul-de-jatte dans la foule." Henry De Montherlant

Il faut savoir Être à travers son art

La foi est une projection de l'individu dans tout ce qui n'est pas lui-même

Et si...?

Et si les artistes en tous genres, accouchaient d'oeuvres exceptionnelles pour la simple et bonne raison qu'il pratiquent leur art dans une totale banalité?

Et s'il ne me manquait plus qu'une chose: cette banalité rendue quotidienne de l'homme qui s'astreint à créer le génie? Mon seul frein? Avoir toujours en ligne d'horizon ce caractère exceptionnel et extraordinaire de l'oeuvre et qui justement fait de mes oeuvres - celles que je juge dignes de ce nom - des évènements exceptionnels et peu fréquents?

Et si le réveil pour moi c'était précisément de cesser de vouloir trouver avant d'avoir cherché, de trouver du premier coup? Peut-être me faut-il creuser tous les matins et chaque après-midi? Quitte à salir mes mains pour ne ressortir que ponctuellement une pépite ou deux, de temps à autre.

Devenir suffisamment écrivain pour que l'écriture se confonde avec l'acte même de respirer, épurée de toute idéalisation malsaine, de tout rituel inutile, de tous ces soi-disant contextes propitiatoires mais qui n'ont de mérite que de rendre la création plus coûteuse, plus rare et trop coquette.

Peur de la puissance

J'ai beau me chercher toutes les excuses du monde pour expliquer pourquoi je ne suis pas ce que je voudrais être (ou plutôt croit vouloir être), cela ne changera rien au fait que la responsabilité, en son entièreté, m'en incombe personnellement.

Il me faudra - c'est en tout cas une pensée réconfortante dans laquelle je me complais - plus de force que n'importe qui pour être cela. Non, pardon, pour être tout cela. Car une volonté de puissance démesurée comme la mienne ne s'accommode pas d'une seule petite identité cloîtrée, d'un seul plaisir enclavé. Je veux ma vie sous plusieurs destins, je la veux aussi multiple et variée que possible, je veux tous les plaisirs que je souhaite, je désire toutes les satisfactions que j'imagine, toutes les souffrances et toutes les victoires sur celles-ci.

Et s'il ne fallait, pour atteindre cet inaccessible, plus que vaincre une seule chose, un dernier obstacle: la peur tout simplement...

Les autres écrivent bien mieux

J'ai la désagréable impression que les autres écrivent bien mieux que moi. De ceux dont l'écriture est le métier à ceux dont c'est un loisir voir un simple outil ponctuel. Pourquoi est-ce désagréable?

Et si en lieu et place d'un long monologue introspectif et vaguement philosophique, je laissais là un blanc; un simple point d'interrogation pour clore ce tracas actuel? Qu'est-ce que cette impression qui me taraude peut bien me révéler sur ma personne? Et si je me taisais pour laisser le champ libre à la totalité du néant? Regardez: ça me coûte... Mais y parviendrais-je quand même?..

vendredi 27 juillet 2012

Avec les gens


C'est désespéré, mais peut-être que la vie est désespérante, tout comme les gens qu'elle emmène. On croit bien faire mais on fait souffrir. On pense avoir le droit au bonheur et les autres vous tirent vers leur malheur. Qu'est-ce qu'il faut faire avec les gens? Même le temps ne les adoucit pas, ne lisse pas les relations. Bien au contraire il cristallise les ressentiments, installe le jugement au plus profond de chacun, empêche les autres d'être ce qu'ils sont.

Qu'est-ce qu'il faut faire avec les gens? Pour continuer de les aimer sans subir leurs tourments qu'ils projettent à tout va sur ceux qui les entourent? Il y a des voix qui murmurent à mon oreille « insister, insister... » et d'autres parfois prennent le dessus: « s'enfuir comme un anachorète ».

Singulier-pluriel


20/07/2012

Quand la solitude s'accroche à moi pour me garder en son silence
Que mes mots n'osent plus l'écrire de peur de voir mourir l'amour
Je te regarde de trop loin de mon étoile au coeur immense
Qu'adviendra-t-il de cette distance, de mon destin et ses détours

Mes promesses qui ne s'adressent qu'au ciel sans jamais te trouver
Tes caresses qui me retiennent et mon coeur qui balance entre vos deux éternités
Peut-être n'aurais-je pas dû convoiter le bonheur des autres
Laisser ta sylphide vérité se parer d'autres apôtres

Je n'ai que des questions quand mon âme s'évapore et que mon coeur s'endort à tes côtés
Je manque d'envergure, peut-être aussi de fermeté
Rien ne devrait te forcer à tolérer l'offense de cette vacuité sauvage
Quand la mort elle-même ne peut souffrir l'attrait de ton visage

Je ne suis rien, je ne suis personne, rien qu'une promesse faite au vent
Demeurer solide, dur et suffisamment pur pour devenir ton astre étincelant
Enfermer dans mes songes et dans mes vers juste un peu plus que des idées
Ne serait-ce qu'un fragment de nous deux, l'image d'un bonheur débridé

Un de plus


19/07/2012

Un poème de plus annulant tous les autres,
Un présent supplémentaire dirimant tous les autres.
Il n'y a rien à faire, aucun temps du récit n'existe sans le présent du lecteur,
Aucun ne crie plus fort qu'un éphémère instant.
Tentative vaine que de figer un univers dans les courbes de l'alphabet,
Aussitôt que le présent de la conscience disparaît,
S'évanouit la conscience du présent,
Et avec elle, toute vérité humaine.
Tous les plus beaux instants,
Toutes ces tentatives de pousser l'existence à travers le temps
Ne seront rien au final
Qu'un éternel sursaut,
Un de plus...

Sans mémoire


19/07/2012

Sur le fruit mort, tombé de l'arbre, poussera bientôt un autre arbre qui effacera le souvenir de l'ancien, ou peut-être le perpétuera.
Là-bas le soleil tape fort sur la carcasse du hérisson trépassé, allongé dans l'herbe dans un ultime don, et dont la terre bientôt se fait le linceul. À sa place, rapidement, la végétation va croître sous la poussée de cet engrais organique. La vie, comme un coup d'éponge sur ce qui a vécu son temps, se fraye un passage vers l'avenir.
Elle s'obstine à oublier le passé en s'épanouissant sur sa dépouille, inconsciente, inéluctable, sans respect aucun pour ce qu'elle abandonne.
La vie est cet irrespect du mouvement pour ce qui a cessé d'être mû.

jeudi 26 juillet 2012

Les aveugles

C'est triste les gens qui s'en foutent et ne respectent rien, qui voudraient tout casser sur leur chemin. Il me semble qu'on peut demeurer tout entier concentré en soi-même tout en gardant les yeux sur le monde et l'aimer. Aimer suffisamment la liberté et l'altérité pour ne pas bousculer les choses, les gens, les laisser être eux-mêmes.
Mais non, il y a ceux qui regardent partout pour ne trouver qu'eux-mêmes. Ils ne savent pas ce qu'ils sont, cherchent désespérément à investir un corps. Ils posent les yeux sur vous comme sur un objet à posséder. Ceux-là sont les aveugles de ce siècle, ne sachant se trouver et ne trouvant personne.

La rivière

Il y a quelque chose d'intime entre cette rivière et moi, moi qui, de tunnel en tunnel, de l'ombre à la lumière, épouse son sillon. Ce n'est pas une intimité exclusive j'en suis conscient, on lui confie nos secrets et elle nous aide à les charrier, à travers notre temps, pour qu'on se sente enfin nu et léger lorsqu'on est en soi-même.

Un autre tunnel et je l'attend...

Une autre vie, un autre moi et c'est elle qui m'attend, toujours là.

Par pitié, faites que rien ne change, il est bon que certaines choses persistent lorsqu'on est en mouvement. Chaque fois que je me reconstruit, que je m'ajuste à moi, c'est elle qui m'accueillit, qui ma ramène à toi.

Je crois, mais surtout ne dites rien, je crois que roulent en ces eaux bien plus que quelques pierres, une part de ma mémoire, un peu de l'avenir aussi.

Je sais qu'en regardant plus fort, je pourrais voir vos souvenirs qui reposent en son lit.

Mais ne nous y trompons pas, chaque goutte en son sein va bien au delà d'une poignée de destins.

Seul au monde

N'aie crainte d'être seul, le monde te parlera
Du bout de chaque feuille aux nuits de tous les cieux

À ceux qui vivent en silence, il murmure tout bas
Des mots partant du coeur pour mourir sur les yeux

lundi 9 juillet 2012

La demeure des artistes

Je vis au fond d'un trou entouré de lumières
Il me suffit de tendre la main pour éclairer ma demeure
Et ramener pour un temps ces douces lueurs d'ailleurs
Partout je suis, résident d'autres sphères

J'ai à l'extrémité de mes membres
Comme de longs pinceaux aux couleurs de l'ambre
À l'aide desquels, sur l'ombre de mes murs
Je peins les courbes de mes pensées impures

Lorsque tout redevient noir et qu'il n'y a plus rien dehors
Je tourne mon regard vers ce vertige noir
Et tout ce que j'ai peint redevient de l'or
Ma maison coruscante est devenue l'espoir

Deuil des jours

En frappant à la porte du toujours, un grand "maintenant" m'a répondu
J'avoue qu'alors ma surprise fut grande, tellement que je n'ai su
Su ou voulu, détricoter le fil de mes croyances adolescentes
Les mêmes qui m'ont menées ici, dans cette poésie naissante

Me retournant alors dans l'instant fugace à l'éternité si profonde
J'allume une cigarette et de la fumée qui court observe les ondes
Rien dans ce mouvement entrelacé ne laisse présager la permanence
Je tente alors, un peu têtu, de visualiser chaque état de ma conscience

Et malgré moi, lorsque le film ralentit, tout se remet à danser
Me laissant égaré, interdit, mais prêt à tout recommencer
On m'a dit un jour qu'un homme ne gagne rien à renoncer
Dans ce deuil du présent où meurent chacune de mes pensées
Je mûrit lentement mais jamais ne rattrape que le passé

dimanche 8 juillet 2012

Sisyphe

Ce ne sont pas les quelques notes un peu tristes que j'arrache à mon âme qui suffiront à faire chanter la vie.
J'ai compris maintenant tous ces adeptes du chant prêts à crier plus fort que la nuit.
Ils croient en quelque chose qui les dépasse, pensent être autant de lignes d'une même symphonie.
J'étais comme ça je crois, l'espace d'un songe et de quelques poussières.
C'était avant qu'une tempête nommée réalité n'envoie tout valdinguer vers l'incommensurable éther.
C'est étrange que je me souvienne aussi agréablement de cette époque sans désir de m'y replonger,
Comme qui s'est finalement sevré d'un imminent danger.
L'opium du peuple et de tous les tristes individus que nous sommes
Par trop inaptes à épouser le chaos dont sont fait tous les hommes...
Je suis né au paradis puis j'ai traversé le purgatoire.
Aujourd'hui, je marche en enfer sans une quelconque échappatoire.
Sisyphe trop humain, toujours affairé à reconstruire ce qui sera défait demain...
Et si le bonheur c'était justement la connaissance que les actions du jour seront lavées demain,
Qu'il faudra chaque aurore rouler avec le roc au bas de la pente que l'on gravira encore et encore juste parce qu'on est humain...?

Grappes de vie

C'est par grappes entières que l'expérience tombe de mes membres,
Par grappes entières encore, que je me nourris de chaque possible.
Quand s’égrènent ainsi les jours à mincir puis manger,
Que s'échappent de ma carcasse usée toutes les promesses d'Aglaé,
Je ne me reconnais plus alors
Dans les portraits que le temps s'acharne à figer
Mais dans le son du vent dehors,
Résonne comme un écho du mouvement qui m'a fait.
Que suis-je alors sinon cette succession d'instants
Que la conscience s'acharne à rendre vivants?
Qu'y a-t-il entre tous ces moments,
Ces interstices où je m'enlise fermement?
Qu'y a-t-il d'autre en moi que cet originel chaos?
Rien de plus qu'un support à l'oeuvre de Clotho...?

Mesure

D'aucuns mesurent la vie à l'ombre de leurs passions
D'autres à la patiente alternance des saisons
Moi je compte le temps à l'étendue de mes mensonges

Page blanche offerte au destin, j'offre à la plume mes songes
Je griffonne frénétiquement des vies qui pourraient être moi
Je les affine avec application afin que d'autres y croient

D'un coup d'un seul, je pars en moi-même, en quête d'autres probables
Je ne suis personne, j'ai été une vie, je redeviens tous les possibles
Autant de fois qu'il faudra pour peindre des trompe-l'oeil sur mon immense vacuité

samedi 7 juillet 2012

Un tout

Je suis à la fois vieux et myriade d'enfants à la sève agitée
Vieil arbre fatigué, jeunes pousses tendues vers l'éternité

Une part de moi: foisonnement de promesses à peine dévoilées
Et sagesse silencieuse grâce aux coteaux de vie dévalés

Je ne saurais être moi sans cette force qui part en toutes directions
Ses fragments de nos vies qui partent à la conquête d'une possible éclosion

Cela ne suffit pas, il me faut être immense en devenant abstraction
Comme si quelque distance supplémentaire pouvait me donner raison

Au fond je suis mariage, rêve d'une éventuelle harmonie
Entre leur physique élémentaire et mon immense inertie

La fuite des jours

À la brune, on se se rencontre parfois
Sous des traits familiers, identité d'autrefois

À l'aube, sous le ciel encore sombre
On gratte un peu, cherchant sous les décombres

On tombe alors sur les ombres d'hier
Qui rechignent à suivre notre faible lumière

Puis il faut marcher, seul sous le soleil nouveau
Que rien n'empêche désormais de brûler notre peau

La compagnie de notre risible morale écorchée
Qui se fait pesante sur le coeur où elle s'est incrustée

Le gouffre du doute, gueule ouverte sans aspérité
Est une invitation incessante à la liberté de chuter

L'homme est comme les jours
Sans cesse en fuite, sans repos ni détours

Et ce mouvement des particules imposé par on ne sait quelle cause
Qui imprime sa vérité neuve dans chaque aurore et crépuscule rose
Cet élan qui rend demain si différent d'aujourd'hui
Tout comme l'humain par l'érosion de sa vie
Nous pousse inexorablement au-delà de nos nuits

vendredi 29 juin 2012

Un élan

Il me semble qu'il n'y a rien de déterminé en l'homme, juste une part (illimitée?) d'élan vers l'existence. Tous ces désirs qui mènent à des projets bien concrets, ne sont-ils pas avant tout une sorte d'élan sans direction précise, qui part de nos entrailles en passant par la conscience avant de se matérialiser ou pas dans une pensée, un acte ou une création (les trois ne cachent-ils pas la même réalité?).

C'est ce désir de vie que l'éducation et la culture apprend à canaliser afin que l'homme accouche de formes intégrables à la société, de choses identifiables. Le résultat importe-t-il plus que l'élan? Sommes-nous vraiment responsables de ce que nous mettons au monde? nous sommes des machines à façonner le chaos, nous lui donnons la forme de notre propre chaos, voilà tout.

Un des secrets de l'art réside dans la possibilité offerte à l'homme d'intégrer sa propre vérité au monde, de marier sa propre liberté incontrôlable avec le cadre de son éducation, de sa culture, d'autres cadres, et puis d'autres encore et encore. Cet élan qui semble appartenir plus à l'univers lui-même, à l'énergie brute, qu'à la dimension artificielle que l'homme s'est crée (mais y-a-t-il réellement de l'artificiel?), cet élan qu'est la vie a su trouver en l'homme un des plus beaux espaces à habiter car il y a autant dans ce que l'univers donne à l'humain que ce que l'humain lui rend.

J'en oublie

"On ne voit jamais que le voile que notre conscience jette sur ce qu'elle éclaire"


Si je reste trop longtemps sans musique, poésie, beauté - donnez-lui le nom que vous voudrez, je parle de ce qui est décidément humain, trop humain, de ce regard qui éclaire la vie pour la rendre séduisante - il me semble que je meurs, doucement, comme une âme que l'éducation déserte et que l'on rend à la nature des instincts.

Pour moi, cette poésie réside dans les mots et les images, dans les sons et les visages, dans tout ce qui est langage. Car qu'est-ce que le langage si ce n'est l'homme qui peint son univers sur la réalité? Les gens m'offrent aussi leur mélodie lorsque je reste suffisamment loin d'eux. Trop près, ils m'engloutissent et je ne suis plus moi-même, je suis toutes leurs musiques, dissonances et fracas, je me brise et m'éparpille, emporté à tout va.

N'aime-t-on pas ce qui est autre que nous? Et je ne sais rester moi quand je suis parmi vous. Ce moi qui est solitude et pensée, mouvement et instant. Je ne demande pas à être aimé, juste à pouvoir être ce que je suis, ma part de chaos et de mystère parmi les gens qui se crient.

Peut-être que personne n'est prêt à aimer un tel individu et quand bien même, serait-ce si important? Je reste une vérité parmi tant d'autres, rien de plus, rien de moins. Ou peut-être moins, aller, mais qui peut bien avoir peur de moins?

lundi 18 juin 2012

Terminus

"L'homme ne perçoit que les écarts entre les choses. Ils sont la cause du temps."

Ne pas écrire, c'est un peu ne pas respirer.
On étouffe, l'atmosphère se fait oppressante, on attend quelque chose et ce qu'on attend c'est nous-même; nous-même qui ne venons pas...
On compte le temps, on se dit qu'il y en a trop de perdu dans cette vie là alors qu'on sait - le sait-on? - que c'est la seule que l'on aura.
Chaque seconde qui passe est vue comme un compte à rebours, on s'imagine la fin toute proche, on la voit partout justement parce qu'on ne peut pas la voir.
On attend...
Rien n'arrive.
On angoisse...
Rien non plus.
L'heure tourne et la pression monte de plus en plus mais rien d'autre ne se passe.
Le cerveau tourne à mille à l'heure dans son univers de fenêtres mais tous les volets sont clos, rien ne filtre vers la conscience.
On est seul face au temps qui passe et qui nous mange un peu plus.

Dans ces moments là, parfois, quand j'ai suffisamment de sagesse, - de la sagesse? Ou bien de la résignation? Ou bien la peur parce que c'est sa propre mort que l'on contemple? - je me dis que tout le temps à attendre quelque chose de soi est probablement du temps perdu... N'est-ce pas d'ailleurs le seul temps que l'on perd?

Et comme par enchantement, les volets s'ouvrent enfin, dehors c'est la nuit, - car c'est souvent la nuit chez moi - sous l'éther, les pensées prennent ma main, et les mots trouvent leur chemin vers la réalité.

On se relâche un peu, après s'être laissé porté, on redevient ce vide ambulant qui cherche à se nourrir de tout. On a vaincu l'angoisse et la mort le temps d'un arrêt de bus, d'un bouquet de pensées.

Et c'est son propre coeur que l'on voit s'effacer, et c'est son propre coeur qu'il faudra dessiner encore et encore, jusqu'à la mort, où le train des idées ne s'arrête plus pour nous, parce qu'on est au terminus, pas celui des idées, mais celui de nous-même, notre fin à nous.

samedi 16 juin 2012

Le voyageur sans destination

" 'Je ne sais absolument pas ce que je fais! Je ne sais absolument pas ce que je dois faire!'
  -Tu as raison, mais n'aie à ce sujet aucun doute: tu es fait à chaque moment de ta vie! De toute temps l'humanité a confondu l'actif et le passif, ce fut son éternelle faute de grammaire."
Friedrich Nietzsche

J'aimerais que la vie soit un voyage en train: une place assise, près de la fenêtre pour observer le paysage, le temps qui défile.
J'aime tellement regarder la vie que j'aspire à être ce voyageur sans destination, que le conducteur achemine quelque part, à travers le temps et l'espace; que les évènements me poussent malgré moi vers ce que je dois être.
Quel bonheur j'éprouve à rester là au milieu des autres, à regarder leur mouvement et à écouter leur rythme.
L'eau d'une fontaine, le poisson qui saute.
Le cri d'un enfant, le gravier qui craque sous la chaussure.
Un battement d'aile et le bruissement du vent.
Et pendant ce temps, sans un bruit, la vie qui nous emmène, par-delà nous-même.

mercredi 13 juin 2012

Le soleil et le ciel


13/06/2012


"Ne nions-nous pas quelquefois le soleil et et le ciel uniquement parce qu'il y a longtemps que nous ne les avons pas vus?"
Friedrich Nietzsche

Je crois qu'une part de moi est enfermée à jamais dans les rires des jeunes. Dans leurs sourires comme leurs colères. J'ai retrouvé ça, enfin, au milieu du racisme, au milieu de l'inculture et du désintéressement, j'ai retrouvé la douceur. Paysans ou enfants des banlieues, d'un univers ou d'un autre, peu importe, j'ai ré-appris à aimer avenir et présent à travers leur présence, je me suis réconcilié avec mes actes. Je ne peux m'empêcher d'être attaché à eux, d'ailleurs je n'ai pas voulu l'empêcher. Oh je sais mes satisfactions sont égoïstes puisque je trouve un certain réconfort dans l'idée que certains emporteront de moi une image. J'emporterai moi aussi des images par centaines de ces identités qui se peignent sur le monde. J'emporterai des noms et des visages, puis les noms disparaîtront et bientôt avec eux les visages. Il restera le bonheur d'avoir vécu un fragment d'existence à leur côté. Que puis-je vous dire, j'aime la jeunesse plus que tout, elle est une des sources de vie les plus intarissables pour moi. Je ne saurais dire pourquoi mais qui s'en soucie au fond? Ce que je trouve en eux? Des morceaux de moi-même? Des plaisirs que je n'ai su voir lorsque j'étais à leur place? La nécessité d'aimer les hommes parce qu'ils deviennent ce qu'on éprouve à leur égard? Peut-être cette dernière raison l'emporte-t-elle sur tout le reste. Peut-être pas...

Ils m'ont fait vivre, certainement l'ignorent-ils. Moi qui était comme mort, ils ont agité ma carcasse en y jetant un peu de cette poudre bien à eux, la musique de la jeunesse. Par mon regard, je leur rend hommage en jetant sur eux le voile de la poésie. Je les verrai toujours ainsi; pris ensemble ou séparément: des poèmes par centaines. C'est à travers leurs yeux que j'arrive un peu à m'aimer aujourd'hui.

Je ne sais si un jour je saurai ou voudrait séparer mon destin de leurs trajectoires. Le vouloir c'est possible, je l'ai déjà fait et cela arrivera encore, probablement... Mais le saurais-je? Au fond eux c'est un peu moi aussi. Je pourrais décider que j'ai trouvé demeure, pour un temps, pour une tranche de vie, parmi leur bouillonnement. Cette pensée parfois me galvanise, me couvre de frisson, m'insuffle du courage. Et s'il me fallait vivre parmi eux? Moi qui ai toujours cru - encore et toujours des croyances - que j'étais la seule personne à détenir mon identité. C'est sans doute vrai, tout comme le fait qu'ils sont une réponse possible à cette question du 'je'. C'est moi qui met les paroles "deviens ce que tu es" mais ce sont eux qui chantent l'air.

Je n'ai pas fini de le dire, merci, merci encore. Pour ces années qui sont ma vie.

Et pour toutes ces raisons: éducation, EDUCATION!

Un diplôme


07/06/2012


"Les convictions plus que les mensonges sont les ennemis de la vérité"
Friedrich Nietzsche

Les diplômes sont de biens curieuses choses. Aujourd'hui, j'en ai récupéré de nouveaux et retrouvé d'anciens, je me suis perdu dans leur mémoire. Un des nouveaux m'a arraché un sourire à la limite du rire tant j'avais le sentiment de l'avoir usurpé, de tenir du vide entre mes mains, du vide que l'on aurait apprêté. Quant aux anciens, ils ne sont que le symbole officiel et risible d'une tranche de ma vie. Malgré tout, ils me racontent mon passé proche et me renvoient l'écho de jours et de nuits passées dans les convictions que je n'ai plus aujourd'hui. C'est curieux mais j'ai pris plaisir l'espace de quelques minutes à relire ces documents, ces appréciations, ouvrant avec une curiosité plaisante chaque tiroir dont ces instantanés forment la façade. J'ai ouvert ces tiroirs et plongé mon esprit dans ces espaces temps. Mais le plus étonnant dans tout ça, c'est que je me suis retrouvé là où je ne m'y attendais pas. Cette autre vie, c'est aussi moi...

Et puis il y a ceux plus récents -et peut-être ceux-là qui devraient être moi, sont-ils encore plus éloignés finalement - qu'il a fallu chercher dans leurs temples du savoir, auprès de leur clergé. J'ai pénétré dans leur église sans croire un seul instant ce culte qu'ils défendent. Je ne croyais pas en moi même à cet instant et mon geste ne pouvait être plus faux et plus intéressé qu'il ne l'était alors. Il m'a fallu signer, poser mon visage sur le privilège qu'ils m'accordaient mais cela ne me dérange plus car je n'ai pas d'image à défendre. Lorsqu'il fallut jurer fidélité, je n'ai pu m'empêcher d'entacher cette cérémonie d'une tentative d'humour partagée par moi et moi seul. Le privilège que l'on m'accorde ne va pas changer ma vie, ni ce que je suis, mais simplement l'intérieur d'une pochette dans lequel sont autant de pièces du puzzle qui reconstruit mon image pour la société. Il y a bien longtemps que j'ai déserté cet endroit. Tenant fermement cette nouvelle pièce du puzzle, ornée de milles couleurs, de toute l'ostentation de l'autorité officielle, celle-là même que d'autres peinent à posséder, le rire m'a pris face à l'absurdité de leur jugement. Ils ont donné un diplôme à un imposteur et un fantôme; à quelqu'un qui n'a pas suivi un seul de leurs cours; à quelqu'un qui n'a pas joué le jeu. En réalité je me trompe, ils ne l'ont pas donné, je le leur ai dérobé. Plus grand hold-up auquel j'ai jamais participé: voler un diplôme. Je suis arrivé au moment opportun, lors du transfert des fonds et j'ai attaqué leur camionnette avec mes petits moyens. L'opération est une réussite. Une semaine à forcer leur coffre pour récupérer le fruit de trois années de leur catéchisme pour grands enfants. Je ne ressens aucune fierté, juste de l'amusement qui a laissé la place à cet "à quoi bon?" auquel nulle réponse ne parvient.

J'ai refermé la pochette dans laquelle sont enfermés mensonges et vérités ou peut-être simplement mensonges ou simplement vérités... Je l'ai refermée et maintenant?

De la souffrance


02/06/2012


"De la souffrance naît la beauté."



Aujourd'hui j'ai du poison dans les veines; le même qui coule dans des centaines de milliers d'humains à travers le pays. Hier j'ai vu la souffrance et à travers elle, j'y ai vu la fin de l'homme. La souffrance est à la fois une des plus puissante source poétique ainsi qu'une des plus grandes forces destructrices. Un vendredi soir parmi mes congénères citadins est un aperçu de l'apocalypse à venir. Ils se tendent tous la main pour mourir, se tendent aussi les poings parfois. Je me souviens ce trentenaire titubant dans la rue, soulevant une sorte de caisse sur ses épaules. Il était seul dans la rue hormis ma présence furtive le dépassant en silence; il allait mourir solitaire au bout de la nuit et sur ses épaules, prêts à tomber à chaque pas, reposaient mes rêves d'antan, mes convictions d'autrefois où revenait si souvent le mot humanité. La nuit est finie maintenant, les rêves reposent à terre d'avoir été trop malmenés, ainsi en va-t-il de même pour l'homme; il ne reste que les bleus et un grand trou dans la conscience. De ma douleur, il ne reste que ces mots et l'éternelle poésie de qui souffre d'aimer.

La connaissance des causes apprend à ne pas craindre les effets. Je vois tellement de raisons à leur malheur, et je les vois aussi tirer le fil de la causalité puis soudainement s'arrêter, fermement convaincus qu'ils tiennent la cause primordiale, absolue, et qui n'a pourtant pas plus de consistance qu'un horizon lointain. Le temps est ce qui nous rend finis et pourtant tellement illimités. Il nous maintient dans son étendue et en même tend étire notre identité, à chaque seconde passé, nous donnant toujours plus d'épaisseur, toujours plus de causes à traiter, nous éloignant sans cesse de l'éventualité d'une métaphysique. Le grand malheur de l'homme c'est qu'il court après une image de lui-même, à laquelle il voudrait s'accrocher désespérément, pour se figer, se rendre limité, connaissable, posséder enfin une identité. Et le temps qui passe n'a de cesse de nous rendre multiples. Il faut aimer le voyage plus que la destination, voilà ce qu'il nous hurle à chaque instant; mais nous crions plus fort que lui.

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Je suis une drôle de personne. La raison principale qui me pousse à aimer le genre humain est la souffrance. C'est toujours la faiblesse, ou ce que je prend pour tel tout en sachant que cela n'en est pas réellement - d'ailleurs qu'est-ce qui est "réellement" - qui jette de la poésie sur les gens... J'observe tel homme avec tant de gentillesse naïve que les gens passent leur temps à se moquer de lui et à profiter de sa personne et voici que j'en tombe éperdument amoureux, de cet amour qui vous fait aimer chaque humain sur cette planète, ce sentiment séculaire que les réseaux ont semble-t-il crée. Je trouve dans la fragilité des gens lorsqu'elle ne les incline pas vers la violence, lorsqu'elle les rend doux envers et contre tout, lorsque leur caractère devient tellement inaltérable qu'il s'incruste dans la réalité, comme une chose rassurante par la seule continuité de son existence, à ce moment là je trouve de la beauté dans ces personnes. Les gens qui n'ont pas d'ego me fascinent plus que tout sur cette terre. Peut-être parce que je les aime alors comme réalité étrangère à moi, comme altérité libre parce qu'elle est tout ce que je ne suis pas. Peut-être aussi que j'admire secrètement tous ces gens là pour leur force de caractère à persévérer dans leur identité malgré les jugements préconçus, malgré la morale et le regard des autres. Car je sais, et ce constat est douloureux, que je ne suis pas comme eux, je sais à quel point j'ai besoin de plaire, besoin de me rassurer et de ne pas décevoir dés que des yeux se braquent sur moi. Et si ce n'était pas le cas, que serais-je alors? Seul et honni car inadapté et totalement exilé à la réalité, derrière le décor dans lequel tout le monde vit, jamais intéressé par leurs actes, par leurs propos, lové dans le silence de mes propres pensées, noyé dans mes fantasmes métaphysiques. Mais moi je ne suis pas celui que l'on regarde avec pitié ou attendrissement, je ne suis pas cette personne à la persévérance si poétique, dénuée d'esprit de domination envers les autres, vivant ses particularités sans porter un jugement à leur propos. Non moi je réussis toujours à peu près, je fais l'impression de quelqu'un de relativement fort, sociable, bien intégré et sans réel handicap majeur, je me pare de mensonge, je me sociabilise par imitation, un des rares domaines dans lesquels j'excelle. Et dés qu'ils tournent les yeux, je redeviens moi-même, petit à petit car il me faut du temps car plus on me regarde et plus je me change en ce que les autres veulent voir. Je n'ai pas le courage d'être moi dans le monde ou bien le monde ne m'en laisse pas l'occasion. C'est probablement la beauté que je n'ai pas en moi qui me fait aimer les autres, les signes.

Le métaphysicien


28/05/2012


"Les mots entravent notre chemin(...)"
Friedrich Nietzsche

"Je" est le métaphysicien; c'est en tout cas ce nom là que je choisis pour m'incarner au monde. Les parents nomment habituellement un enfant de manière arbitraire, ou bien pour des motifs qui n'appartiennent qu'à eux ce dont, vous en conviendrez j'espère, personne ne peut les blâmer; en effet, difficile de mettre un nom sur ce qui n'existe pas encore, ou bien est à venir. Cependant, ils héritent de cette lourde responsabilité, tout comme les hommes créant le premier langage ont du inventer le signe, car l'humain a besoin d'un socle pour y planter les frêles racines de son identité et y fleurir un jour.
Mais vient un temps où les enfants grandissent et forment un arbre où chaque branche est un choix et toutes les branches prises dans leur ensemble ont une forme, et cette forme est leur sens, elle est leur signifié. L'homme est un signe: il possède un nom qui renferme son sens.
Il en va de ma responsabilité d'homme sensé (du moins qui se réclame comme tel) de gommer l'arbitraire de son signe afin de laisser briller son identité par un nom délibérément choisi. Les humains sont pareils aux mots, certains nous parlent plus que d'autres alors que d'aucuns semblent ne rien vouloir dire... Les hommes sont des signes à qui sait écouter leur chant; c'est pourquoi je leur ai choisi cette synecdoque collective.
Quant à celui qui dédie sa vie à parcourir sans fin la chaîne des causalités pourchassant sans relâche d'illusoires causes premières, celui-là mérite le nom de "métaphysicien".

À la fin et au départ


23/05/2012

"L'appétit d'écrire enveloppe un refus de vivre."
Jean-Paul Sartre

À la fin et au départ; au départ et à la fin,
il y avait cette lueur d'espoir et de terreur parfois,
la lueur du doute face à la liberté,
la vierge clarté de la page blanche,
la folle hypothèse d'une vie.
Il me fallait m'écrire et la main tremblait;
puis un jour, elle trembla moins.
C'était aujourd'hui et le présent est encore ancré à ces mots, sur cette page; ma vie...

jeudi 31 mai 2012

Regards

Je regarde l'immensité mais je ne la vois pas, et l'immensité me regarde mais elle ne me voit pas; pourtant nos raisons diffèrent.

Moi simple fragment concevant péniblement le concept d'infini, je n'ai pas l'abstraction nécessaire pour voir l'illimité. Mon regard isole, crée la différence.
Lui, ou elle, ne connaît rien d'autre que la continuité d'une unité qu'aucun vide n’ébrèche, qu'aucune identité ne raye. Son regard dissout, efface toute existence.

Nietzsche: citations

Parce que certains hommes par leur seule parole ont su en aider d'autres à traverser tant bien que mal la vie que façonne notre propre conscience. Parce qu'il est un de ceux-là pour moi. Parce que dans un monde fait de représentations mentales et inéluctablement étranger à la réalité, les mots peuvent peser plus lourd que les actes. Parce qu'il est tellement aisé d'oublier. Parce qu'il faut dire merci.

AURORE; aphorisme 213

LES HOMMES DE LA VIE MANQUÉE.
 Les uns sont faits d'une telle étoffe qu'il est permis à la société de faire d'eux ceci ou cela: à tous égards ils s'en trouveront bien et  n'auront pas à se plaindre d'une vie manquée. Les autres sont faits d'une étoffe trop spéciale - point n'est besoin que ce soit une matière particulièrement noble, mais seulement une matière plus noble - pour qu'il leur soit possible de ne pas se sentir mal à l'aise, sauf dans un seul cas, celui où ils pourraient vivre conformément aux seules fins qu'il leur est possible d'avoir. Car tout ce qui apparaît à l'individu comme une vie manquée, mal réussie, tout son fardeau de découragement, d'impuissance, de maladie, d'irritabilité, de convoitise, il le rejette sur la société - et c'est ainsi que se forme autour de la société une atmosphère viciée et lourde ou, dans le cas le plus favorable, une nuée d'orage.

AURORE; aphorisme 376

DORMIR BEAUCOUP. Que faire pour se stimuler lorsque l'on est fatigué et que l'on a assez de soi-même? L'un recommande la table de jeu, l'autre le christianisme, un troisième l’électricité. Mais ce qu'il y a de meilleur, mon cher mélancolique, c'est encore de beaucoup dormir, au sens propre et au figuré! C'est ainsi que l'on finira par avoir de nouveau son matin! Un tour de force dans la sagesse de la vie, c'est de savoir intercaler à temps le sommeil sous toutes ses formes.

AURORE; aphorisme 423

DANS LE GRAND SILENCE. Voici la mer, ici nous pouvons oublier la ville. Il est vrai que les cloches sonnent encore l'ave Maria - c'est ce bruit funèbre et insensé, mais doux, au carrefour du jour et de la nuit- mais un moment encore! Maintenant tout se tait! La mer s'étend pâle et brillante, elle ne peut parler. Le ciel joue avec des couleurs rouges, jaunes et vertes son éternel et muet jeu du soir, il ne peut parler. Les petites falaises et les récifs qui courent dans la mer, comme pour y trouver l'endroit le plus solitaire, ne peuvent parler. Cet énorme mutisme qui nous surprend soudain, comme il est beau, et cruel à dilater l'âme! - Hélas! quelle duplicité il y a dans cette muette beauté! Comme elle saurait bien parler, et mal parler aussi, si elle le voulait! Sa langue liée et le bonheur souffrant empreint sur son visage, tout cela n'est que malice pour se moquer de ta compassion! - Qu'il en soit ainsi! Je n'ai pas honte d'être la risée de pareilles puissances. Mais j'ai pitié de toi, nature, parce qu'il faut que tu te taises, quand même ce ne serait que ta malice qui te lie la langue: oui, j'ai pitié de toi à cause de ta malice! - Hélas! voici que le silence grandit encore, et mon coeur se gonfle derechef: il s'effraye d'une nouvelle vérité, lui non plus ne peut parler, il se met de concert avec la nature pour narguer, lorsque la bouche veut jeter des paroles au milieu de cette beauté, il jouit lui-même de la douce malice du silence. La parole, la pensée même me deviennent odieuses: est-ce que je n'entends pas derrière chaque parole rire l'erreur, l'imagination et l'esprit d'illusion? Ne faut-il pas que je me moque de ma pitié? Que je me moque de ma moquerie? - Ô mer! Ô soir! Vous êtes des maîtres malins! Vous apprennez à l'homme à cesser d'être homme! Doit-il s'abandonner à vous? Doit-il devenir comme vous êtes maintenant, pâle, brillant, muet, immense, se reposant en soi-même? Elevé au-dessus de lui-même?

AURORE; aphorisme 471

UN AUTRE AMOUR DU PROCHAIN. L'allure agitée, bruyante, inégale, nerveuse est en opposition avec la grande passion: celle-ci demeurant au fond de l'homme comme un brasier silencieux et sombre, accumulant toute chaleur et toute impétuosité, permet à l'homme de regarder au-dehors, avec froideur et indifférence et imprime aux traits une certaine impassibilité. De tels hommes sont bien capables à l'occasion de manifester l'amour du prochain, - mais cet amour est d'une autre espèce que celui des gens sociables et avides de plaire: il s'affirme dans une douce bienveillance, contemplative et calme. Ces hommes regardent en quelque sorte du haut de leur tour qui est leur forteresse et par cela même leur prison: - le regard jeté au-dehors sur ce qui est étranger, libre, sur ce qui est autre, fait tant de bien!

AURORE; aphorisme 491

À CAUSE DE CELA LA SOLITUDE. A: Tu veux donc retourner dans ton désert? - B: Je ne suis pas leste, il faut que je m'attende moi-même, - il se fait chaque fois tard jusqu'à ce que l'eau du puits de mon moi monte jusqu'au jour, et souvent il faut que je souffre de la faim plus longtemps que je n'en ai la patience. C'est pourquoi je vais dans la solitude, pour ne pas boire dans les citernes qui sont pour tout le monde. Au milieu du grand nombre je vis comme le grand nombre et ne pense pas comme je pense; au bout d'un certain temps j'éprouve toujours le sentiment que l'on veut m'exiler de moi-même et me dérober l'âme - et je me mets à en vouloir à tout le monde et à craindre tout le monde. J'ai alors le besoin du désert pour redevenir bon.

mercredi 23 mai 2012

La clef

Vous croyez me connaître, mais c'est une illusion,
Car tel que vous me voyez, demain je ne serai plus.

Peut-être au fond détenez-vous la clef de mon ipséité?
Les autres? Ce fil conducteur qui nous relie à nous-même.
Soi? Une multitude d'êtres, fragmentés, éparpillés, enclavés.

Dites-moi alors ce que "je" ferais; ce que je devrais faire et ce que je dois faire.

Dites-moi qui être et pour une fois, je le promets, je vous donnerai raison.

Je suis un inconnu dont vous détenez la clé.

Vous êtes mon seul espoir,
Mon seul avenir et ma seule expression.

Dites-moi, je vous prie, dites-moi qui je suis.

Celui qui s'écrit

La vérité, définitivement, n'existe que dans un temps et un espace déterminés.

Et en dehors de ce paradigme,
Il n'y a plus rien que le silence du monde et que le bruit du doute.

Et moi qui incarne une vérité en perpétuelle mutation,
Je tourne mon jugement (que d'autres nomment regard) vers mon passé,
Puis vers mon avenir,
Alors qu'il n'y subsiste rien,
Rien d'autre qu'une poignée de rêves et quelques souvenirs au vent.

Je ne suis plus rien;
Mais je suis pourtant celui qui dit qu'il n'est plus rien.

Je ne fais plus rien;
Mais j'écris pourtant que je ne fais plus rien.

Alors que suis-je?
Celui qui s'écrit sur le monde, sous la forme d'une interrogation?
Celui qui s'écrit parfois mais qui aime le plus souvent à regarder les autres s'effectuer?
Celui qui a la religion des autres?
Celui dont le bonheur est d'observer les hommes, celé dans un repli de l'espace-temps, amoureux?
Celui qui a la foi et dont l'amour est le seul dogme?
Celui qui est moi?

Peut-être au fond, celui qui vit de vous regarder vivre;

Celui qui voit, et celui qui s'écrit?

Vivre ma vie (suite)

Briser la droite n'a jamais fait reculer l'infini,
Bien au contraire, il s'en crée de nouveaux.

On reste ce point sur cette droite
Et la mort n'y a jamais sa place.

À croire qu'être, c'est se raccrocher à ce processus éternel
Que nous prenons en route
Et dans lequel on est rien car rien n'existe jamais au sein de l'éternel.

Réfléchir sur l'existence alors que l'on n'existe pas.

Vivre ma vie, encore et encore.

Vivre ma vie

Contempler; et ainsi tout voir,
Chaque chose à sa place dans le silence.

Vouloir agir; et à mesure que la vitesse aveugle,
Filer vers les étoiles sans savoir qu'elles en sont.

Passer du blanc au noir; se perdre dans la transition.
Se perdre dans la lumière, se perdre dans l'obscurité.

Se perdre dans l'attente que l'un chasse l'autre,
Que quelque chose soit, puis autre chose, et encore... Et encore...

Se perdre dans la vie et puis cesser de vivre;
Sinuer entre les deux, sur la crête,
Là où la vie est attente,
Là où le temps prend toute la place.

Vivre ma vie...

Compter les secondes vécues
Ainsi que les secondes perdues.

Croire que l'on va quelque part
Et ne plus croire en quelque part.

Croire surtout; cette manière qu'ont les hommes
De croître à la chaleur des convictions.

Un jour ne plus croire; se figer dans la course du temps,
Mais tout, autour de nous,

Continue de danser...

dimanche 13 mai 2012

Atropos

Heureux qui dés lors n'a plus à craindre l'aube dorée
Qui perle goutte à goutte de nos aurores fatiguées.

Je n'ai plus de secret paraît-il
Mes pensées fluviatiles, à jamais prisonnières de tes regrets.

Torturé l'on m'a dit, l'ombre de ton rire n'y a rien changé
Qui a capturé mon avenir et dans tes souvenirs l'a rangé.

Malheur à celui qui n'a que sa passion comme seul conseiller
Quant à celui que la raison guide, tortueuse, ennuyée
Peut-être périra-t-il dans tes rêves statiques
Force centrifuge d'une orgueilleuse rhétorique.

Prisonnier d'une bulle je me plains
De n'avoir su plier à mes fins
Ce long tissu qu'est le ciel
Que les moires ont pour moi terni de fiel.

Je suis seul peut-être et trop savoir me porte atteinte
Chaque battement de pensée imprimé de leur teinte
Mêle mon âme à la nuit où je dénoue le fil

Sous le regard des dieux je tire mon désespoir hors de Clotho, hors du cosmos,
Jusqu'à ce qu'agacés, ils murmurent aux cieux l'odieux et doux nom d'Atropos.