dimanche 11 décembre 2011

Toc Toc

Toc toc qui est là?
Le grand désintégrateur chassant le flot des âmes

Toc toc qui est là?
Le pire cauchemar de tous les hommes, de tous les bons chrétiens

Toc toc qui est là?
Voyons c'est Friedrich mon enfant qui dévore les plus faibles

Toc toc qui est là?
Celui qui du soleil fait une ombre dansante sur nos illusions pieuses

Toc toc qui est là?
La brosse qui efface sur le tableau des cultures la morale trompeuse

Toc toc qui est là?
La négation dans l'affirmation, le plus dans le moins, le mensonge de la vérité

Toc toc qui est là?
C'est l'homme qui murmurait à l'oreille de l'absurde, usant de mots bien rudes

Toc toc qui est là?
Celui qui déshabille le monde de nos illusions juvéniles

Toc toc qui est là?
Le chantre du doute, de la réalité nue, neutre et qui s'est tue

Toc toc qui est là?
L'abolisseur des normes et du confort douillet

Toc toc qui est là?
Comment donc tu ne le sais toujours pas?

Toc toc qui est là?
Mais l'assassin de Dieu voyons! celui dont la main ne tremble pas.

samedi 19 novembre 2011

Cent soixante huit

Sept milliards de rêves
Pour une poignée de mensonges et des poussières...
Trois cent mille désirs
Et six milliards de déceptions
Dix mille cinq cent lois
Contre cent mille illusions bien dressées
Cinq cent millions de solitudes
Moins Cent soixante-quinze amis virtuels
Six jours de travail
Mais un seul jour pour le seigneur
Onze crimes contre l'humanité
Et trois cent soixante-cinq jours pour les perpétrer
Un seul sourire
Pour des  dizaines d'années gagnées
Trois millions de haines
Et deux cent quatre-vingt dix-neuf mille neuf cent cinquante perdants
Une seule idéologie
Pour plusieurs millions d'individus
Sept fois dix puissance vingt-deux étoiles
Alimentant la solitude d'une planète
Une phrase pleine de grâce
Et quelques millions d'usurpateurs
Entre trois mille et sept mille langues
Pour une seule conscience
Une centaine d'individus
Pour voiler la communauté
Deux mille ans d'institution
Pour détruire la pureté
Un coup de couteau
Pour briser trois vies
Une seule bombe
Et deux cent trente sept mille vies soufflées
Une mégalopole
Se nourrissant de trente-sept millions sept cent trente mille âmes
Trois couleurs primaires
Pour d'infinies nuances
Ton petit coeur solitaire
Pour aimer sept milliards de frères
Et toujours la même violence
Contre l'infinie unité de l'univers
Enfin mes cent soixante huit mots
Offerts à autant de néants

vendredi 11 novembre 2011

Des bouteilles

Une bouteille de poèmes que l'on jetterait au vent
Pour qu'elle dérive dans le ciel et s'avance lentement
Vers un dieu égaré qui la prendrait d'une main
Étanchant alors sa peine en courbant nos destins

Des sentiments que l'on plante dans le coeur des enfants
Il ne reste que l'hiver des jours futurs bien amers
Dont nulle puissance, pas même le grand Demeter,
N'a plus la force de porter dans les airs

Quelques rires enfuis
Perdus dans nos souvenirs
Viendront à hanter la nuit
Où point d'étoile ne luit

Tu cueilleras peut-être toi voyageur égaré
Ces quelques vers modestes que la poésie refuse d'enchanter
Et tu porteras à ton tour le lourd fardeau de nous autres égarés
Qui, de toutes nos vaines illusions, ont choisi la beauté

dimanche 6 novembre 2011

Nous

Tu pourras bien être les ténèbres ou même un coin de paradis,
Loin s'en faut pour que la trêve soit respectée ici...

Nous ne connaissons pas le repos
Maudits enfants du chaos.

Répand ta lumière et nous sèmerons l'ombre à sa suite.
C'est ainsi que l'on vit, entre deux opposés où plus rien ne résiste.

Tu peux bien chanter, nous imposerons le silence
Pour envelopper tes propos d'un peu de notre démence.

Quand tout est mû nous cherchons l'immobile,
De l'absolu nous créons le néant.

Tu ne trouveras rien en nous
Et tu y as déjà tout.

Nous ou rien, c'est pareil.

Nous sommes un fragment d'espace traversé par le temps...

Leur style

Est-ce que les gens ne confondent pas le style avec une forme de faste littéraire, de prétention linguistique faisant primer la décoration sur l'architecture?

Plût au ciel que les hommes eussent compris plus tôt l'inefficience d'un style trop pompeux et chargé, celui qu'une nouvelle aristocratie en mal de mondanité aime à arborer, confondant le caractère coruscant d'une chose avec sa beauté intrinsèque.

La dérisoire simplcitié de ce procédé littéraire et sa profusion n'en fait-elle pas précisément un artifice à la valeur douteuse? Un instrument de sophiste ne saurait faire passer, aux yeux avertis, un béotien pour un génie, ni le plagiat pour l'originalité.

Il s'agit bien souvent d'être précis et simple, y compris dans la métaphore, pour être le meilleur ambassadeur de la poésie. Le meilleur éclairage (jugement bien subjectif par ailleurs) est bien rarement le plus intense.

Affirmation

Celui qui crée est celui qui affirme.

Socrate refusait d'écrire car il aspirait à l'éternité dans la contemplation et non à l'immortalité dans l'action.

Lorsqu'on sait que "les convictions, plus que les mensonges, sont les ennemis de la vérité" (Nietzsche), faut-il encore affirmer quoi que ce soit, quand bien même il s'agirait de notre propre existence?

Présent

Plus rien ne murmure sous mes pas
Pas même le pavé lézardé de fissures

Tous les sons sont partis
Vivre aux couleurs de l'azur

Seul mon coeur chante
À l'envers de mon âme

Il est le rythme du temps
Qui de moi se repaît

Plus rien ne brille que l'obscure vérité
Et les ratures d'antan incarnent la propreté

La matière exsangue, morne et sans couleur
Sous mon regard aveugle se transforme en néant

Un coeur vivant, une âme morte
Les cohortes d'humains en mouvement

Répétition

La répétition n'est que là où on la voit
Car chaque cycle nouveau, quand bien même éternel
Est une actualité inédite se détachant du reste par sa propre occurrence.

Ne voir dans la répétition du même que la découverte ininterrompue du nouveau est une force d'esprit dont disposent les sages...

(Et dont je manque un peu)

lundi 24 octobre 2011

Liberté

La vie a bien des manières de s'amuser de nos pantins... L'attente interminable qui rend aveugle au présent et crée l'angoisse. On est angoissé lorsqu'on a placé une part de soi dans un ailleurs inconnu.

Qu'ai-je fait moi pauvre homme banal sinon que donner à l'altérité une chance d'épouser ma substance. Et cette altérité qui lutte pour se défaire de moi, comme un corps étranger synonyme de danger.

Je voudrais taire l'angoisse de ne plus te connaître, la peur que ton langage me soit devenu abscons...

Il est des parts de toi qui me parlent d'éternité, un fragment de ma vie perdu là, dans ta nuit.

Par ton nom j'ai connu ce que l'homme n'avait fait que rêver:

Un peu de l'absolu que confère l'unité...

Deux âmes s'enlacent dans cette voie lactée qui tourne...

Puis s'arrêtent un instant,  le temps de décider.

Qui instaure le chaos?

C'est l'homme encore, ne sachant que faire de trop de liberté...

dimanche 23 octobre 2011

L'amour, le couple, les vaches...

Je ne saurais, malgré toute ma vanité, fournir une définition satisfaisante de l'amour et pour cette raison je m'abstiendrais de qualifier les propos qui vont suivre de "définition". Ce que je vais donner s'apparente plus à des observations, des hypothèses et des questionnements.

La mode, depuis toujours semble-t-il, est à l'amour. On nous abreuve d'idées reçues, de principes et de stéréotypes à son sujet et ce à tel point que nous avons tous construit autour de ces opinions sur l'amour, notre propre idéal, notre propre définition qui s'érige presque alors comme un carcan. Cet idéal fantasmé, basé sur le vide des réponses temporaires que les hommes ont bien pu formuler face à leurs doutes intérieurs, nous faisons tout pour le légitimer, pour le consolider de nos propres assertions, de notre expérience, nous tentons de nous l'approprier. Et qui suis-je pour critiquer cette tendance humaine, moi qui en subit l'influence comme tout un chacun. Loin de m'en exempter, je voudrais ici l'éclairer de mes réflexions, offrir ma perspective actuelle (et donc forcément temporaire et à nuancer) sur ce fait.

L'homme n'aime pas rester dans le doute, c'est une position inconfortable. Elle l'est car le doute sépare notre être de son présent, il sépare l'esprit de l'action: le corps effectue une action et donc un choix lors même que l'âme ne cesse de tanguer, de parcourir un choix puis de rebrousser chemin pour tâter d'un autre terrain, créant ainsi un schisme dangereux chez l'individu tout entier qui ne vit plus ses actes. Le doute rend faible puisqu'il fait croire à l'homme qu'il perd son temps, il lui fait chercher une réponse, une vérité qui lui serait donnée hors de lui, ouvrant la voie vers le succès, une réussite assurée. Face au doute, on cherche ainsi à se protéger par des réponses qui fatalement ne peuvent être que des opinions, ou des vérités individuelles, inscrite dans une temporalité bien définie. Pour ne plus regretter, ni fantasmer une autre vie, l'homme a besoin de balayer ses doutes car confronté à ce dernier, nous sommes absolument libres, face à des réponses, nous sommes cadrés et soumis. Ce n'est pas un sentiment nouveau chez l'homme que ce désir de soumission et cette crainte d'une liberté trop grande, le laissant seul maître de son destin. Nous avons assouvis ce désir dans toutes nos croyances, quelles qu'elles soient. Ce que nous nommons vérité n'est d'ailleurs rien d'autre qu'une forme de croyance un peu plus subtile que les autres. La seule chose qui la différencie des autres croyances, c'est qu'elle est effective, qu'elle possède une application vérifiable et reproductible. Il pouvait peut-être paraître vrai aux contemporains de Galilée que la Terre soit plate, puisque cela semblait correspondre avec une certaine réalité vérifiable et reproductible avec les moyens d'antan. Il peut paraître évident à l'homme d'aujourd'hui que la Terre soit ronde puisqu'il a pu s'en extraire et faire correspondre cette vérité avec une certaine réalité plus moderne, aux moyens plus "évolués". Qu'en sera-t-il de l'homme qui viendra, dans dix milliers d'années, quand nos yeux continueront leur ascension, nos outils nous découvrant une réalité autre?

Comment vivre sans certitude? C'est cela que mes propres croyances actuelles me poussent à nommer sagesse. Vouloir plaquer des réponses figées sur nos doutes en ébullition est certainement un leurre et pourtant cela semble plus confortable à beaucoup d'entre nous. Tout comme d'aucuns trouvent plus simple d'être heureux sans se poser de questions, dans une sorte d'inconscience animale...

Débarrassons-nous un peu de notre confort et confrontons-nous à nos doutes. Que savons-nous donc de l'amour? Hormis les idées reçues, en essayant au mieux de se baser sur notre propre expérience et d'en dégager la sagesse qui  y sommeille. Nous ne savons pas grand chose, nous l'avons vécu à notre manière voilà tout, dans un mélange hétérogène de croyances, d'espérances, de craintes et d'originalité. L'amour humain étant un sentiment et donc un artifice, nous est enseigné d'une certaine manière par la culture. Toutefois, à l'intérieur de celle-ci, nous intégrons notre part de chaos et d'originalité faisant de ce concept une expérience unique aux spécificités propre. Tout comme notre idiosyncrasie naît d'abord des stéréotypes véhiculés par la société avant de se colorer vers une unicité toujours plus prononcée, nous vivons l'amour d'abord dans les frontières imposées par les acceptions en cours de notre culture avant de grandir pour s'affranchir de ces limites et se retrouver seul face à l'infinité des possibles. Pour ceux qui résident dans les limites que d'autres ont fixées pour eux, point de doute, l'amour est chose nette et sans équivoque. Tout ce qui sort du cadre n'en est plus, leur histoire d'amour ressemblera désespérément à toutes les autres, toutes celles qui ont nourris l'existence d'un tel sentiment en eux-mêmes. Pour les autres, s'en vient l'errance et la valse des questions. Les autres devront inventer leur amour et s’accommoder de leurs interrogations sans réponses auxquelles se soumettre. Ils devront assumer seuls leur originalité, ils devront vivre leurs choix.

Ceux-là sont les vrais découvreurs partant à la découverte d'eux-mêmes et de leur moitié. Ceux-là seuls sont libres et devront affronter avec sagesse le doute inhérent à toute conscience.

Ainsi donc notre époque et notre culture occidentale nous enseigne que l'amour s'accompagne de la vie en couple ainsi que de la fondation d'une famille. Les apprentis amoureux de tous poils se lançant alors à corps perdus dans cette aventure aux contours déjà tracés par les générations précédentes et actuelles. Cependant l'identité propre à chacun n'entrant pas forcément dans les moules préconçus, l'identité propre au couple constitué de deux individualités (par définition) originales débordera probablement dans une plus ou moins grande mesure de ces cadres théoriques censés nous guider.

Après des milliers d'années de philosophie où l'homme a tenté de comprendre de quoi était fait le bonheur individuel, voici peut-être un des plus grands défis de la philosophie moderne: comprendre autant que possible le bonheur à deux. Vivre à deux est une énigme pour qui expérimente cette réalité et les réponses valables pour d'autres s'avèrent parfois bien mauvaises conseillères pour certains.

Vivre en couple c'est se confronter à plus de doutes que l'on n'aurait jamais eu en restant seul, c'est chercher un équilibre  avec un inconnu dans la balance. Les équilibres d'un temps n'ont pas vocation à s'éterniser et il faut bien vite apprendre à entretenir un bonheur qui, tel l'individu, évolue sans cesse. Les couples qui durent n'ont pas, contrairement aux idées reçues, un bonheur linéaire qu'aucun nuage ne viendrait assombrir. L'amour lui-même n'est pas une constante connue et si croissance peut engendrer déclin, la réciproque est vraie aussi. Le couple est avant tout un choix qui n'est pas exempt de doutes. Ceux qui avancent à deux le font certainement sous une averse d'interrogations,et ce notamment lorsqu'ils s'aperçoivent que les idées reçues n'ont pas valeur de vérité universelle. Pour que le couple perdure, il faut vivre ses choix malgré les craintes. Il faut cesser d'écarteler son être entre une conscience pleine de remords quant aux autres voies possibles, et un corps ancré dans une réalité propre à un choix opéré à un moment déterminé. On ne peut sans souffrir, s'engager dans un processus et vouloir vivre tous les autres à la fois. Vivre le couple est une découverte et signifie fouler des terres vierges, des terrains auxquels il faudra adapter son pas tout en respectant le rythme de l'être aimé.

Vivre en couple c'est aussi peut-être respecter la part de solitude qu'il y a en chaque être. Etre heureux en couple c'est peut-être assumer des choix et un équilibre original sans souffrir sans cesse la comparaison avec des idéaux préconçus forcément fictifs. Personne n'a vécu l'idéal, nous en sommes tous une incarnation qui s'en est plus ou moins éloignée. Mais le couple le plus sage est probablement celui qui ne se repose pas sur des idées éternelles mais sur le renouvellement constant d'une réalité mouvante à laquelle il fera face en duo, sans se départir de l'identité individuelle propre à chacun des membres.

L'heure des bilans

Il faut le dire: je ne sais qui je suis.

Je me suis éparpillé au gré des autres, souhaitant leur ressembler, souhaitant leur plaire. Mais ce n'est plus moi qui écrit, j'ai prêté ma main à d'autres voix et l'association ne fonctionne pas.

Comment fait-on pour se perdre ainsi? C'est probablement à force de vouloir plaire aux gens, qu'on se débarrasse de ce qu'on a de différent. On essaye tous à un moment, de rentrer dans le moule et d'y trouver sa place.

Aujourd'hui si je ne sais plus écrire, c'est que je n'ai plus de pensée. Ainsi je peint ma dépouille, adorant un souvenir. On ne revient pas d'entre les morts mais si je persiste à écrire c'est que mon être réside encore dans quelque endroit du monde. Mon âme endormie devra un jour se réveiller et se mettre à genoux dans une analepse douloureuse dont surgira enfin le rythme: ce doux mouvement de la vie.

mardi 18 octobre 2011

Le navire

Le bateau s'en va, et moi qui reste à la traîne, de m'être trop cherché dans les remous de la mer...
Lui s'avance, dans les brouillards et le froid de l'hiver, toujours vers plus de clarté.
Que suis-je donc sur mes vagues abandonné, adorant une image de plus en plus altérée?
Le navire est parti et moi je suis resté.

Ici le bruit m'assourdi et m'empêche même d'entendre l'écho de mon coeur.
Mes pensées sont lointaines, dispersées parmi les mouettes, dans les voiles du silence.
Il ne fallait pas regarder trop longtemps le décor.
La vie s'évade, continue son voyage, loin si loin de mon vieux port.

Là-bas, du haut de ce mat, j'ai parlé aux formes de l'Un, aux essences de nos êtres.
Là-bas se dévoilait un peu dans de brèves fulgurances les structures de notre univers.
Dans l'écume de ce lieu, le corps s'enfonce et plonge dans l'obscurité.
Fermer les yeux, et puis ne plus respirer, revoilà mon navire voguant sur sa destinée...

samedi 24 septembre 2011

Des mots

De toi ma princesse il ne reste plus que des mots. Les miens qui te peignent en silence, esquisse imprécise dans mon esprit de lecteur. À quoi bon me fatiguer à saisir l'absolu quand je sais la chose perdue d'avance. Moi qui t'ais au plus profond de mes propres atomes, je dois me préparer pour le jour honni où d'une erreur impardonnable, je te perdrai dans les couloirs du temps. Ainsi, je pourrai toujours te lire, telle que ma plume grossière a voulu t'emprisonner toi qui réside dans les airs. Lorsque je serai seul, à deux doigts de mourir, je relirai sans cesse ce portrait de toi à en devenir fou, à en devenir mort, si seulement... Je te lirai toujours, te ravivant sans cesse, oubliant que le froid de la mort vient se frotter à moi. Je soufflerai sans cesse sur les braises de ces mots intemporels jusqu'au dernier souffle de mon âme, jusqu'à ma dernière pensée.

À la fin de tout ça, je ne serai pas mort pour rien non. En te recréant sans cesse malgré la médiocrité de mes mots, c'est ta consistance retrouvée que j'incrustais dans la vie. En d'autres termes, je donnais ma vie pour la tienne. C'est ainsi que jusqu'à mon dernier souffle, mon dernier songe, tout mon être n'aura eu de cesse de dessiner ton coeur et tes membres autour. Les longs pinceaux aériens de tes jambes infinies, la finesse insensée de tes bras éthérés. Au final, tout, j'ai tout recrée au prix dérisoire de mes heures trop absurdes.

Si je venais à te perdre, tu ne me perdrais jamais...

Sous la peinture

Tout est gris et d'hiver sous la peinture de tes yeux. Je n'y reconnais plus rien lorsque tu les fermes trop longtemps. Ce ne sont que des craquelures et pourtant, je vois ton visage s'émietter sous ma fenêtre.

Il y a des ombres tout autour mais aucune d'entre elles n'est vraiment toi, juste un parfum nouveau d'un passé inconnu. Les cartes ont été mélangées sans que je n'y puisse plus trouver ta figure, juste des numéros étrangers, de vieilles silhouettes censées t'évoquer.

Sous l'univers de pierre sous lequel tu t'es réfugiée, bat encore le coeur qu'un jour j'ai cru tenir dans mes mains apeurées. Mille années lumières ce sont blotties là, dans le fin rideau de tes paupières, entre ton monde et puis le mien. Voyageur interstellaire, j'emprunte des étoiles filantes afin de résorber le vide, mais toutes semblent suivre un chemin à l'inverse de tes pas.

Tes petits pas de princesse qui font craquer l'éther dans un doux crépitement de finesse. Comme un mélomane, j'en épie le moindre écho, prêt à traverser l'enfer pour un peu de cette mélodie. Comme une tortue qui porte en elle dés la naissance l'itinéraire de sa vie, mon coeur se souvient du bonheur que tes bras ont ouverts. Il sait malgré les trompe-l'oeil que ton être enseveli n'est pas loin de son rythme.

Il y a des êtres en ce monde qui, paraît-il, ont des pouvoirs surhumains. Tu fais partie de ceux là et d'un claquement de ta volonté tu peux ériger des ponts entre le monde et ta douceur ou bien à l'inverse priver cet univers de tout charme et tout coeur. Tu es de ces êtres la plus puissante, l'essence même de la vie.

Oh je sais que ma vulgarité ne saurait être récompensée de la compagnie d'une telle fée, que dis-je de ton paradis. Cependant quelque reste de vanité ou bien serait-ce simplement un profond désespoir, m'enjoint de t'exhorter à plonger dans mes ténèbres ta radieuse clarté.

Je ne veux plus croire en la souillure du temps qui de ton corps fait ce mur aux lézardes béantes, ce mur d'ignorance imperméable à mon âme. Cependant, ce qui est sûr, c'est qu'à la fin des temps, on verra toujours sur ce mur une frêle ombre subsister. D'aucuns la verront peut-être parcourir ton enceinte, mon âme enchaînée au souvenir de ta grâce.

Voudras-tu la délivrer d'un ultime claquement de ta volonté, mieux encore, d'un de tes précieux baisers, tu sais, ceux qui portent en eux une part lumineuse de mon éternité?

Souvenir: un fragment


Dix heures du matin, le soleil tape comme tous les jours ici et je prépare mes affaires. On va à la plage aujourd'hui, en ce Samedi tant attendu. Tout mon être est tendu vers l'océan, je ne suis qu'anticipation de notre rencontre. Musique rock dans la chaîne, je me gave d'images de toutes mes idoles, tous ces surfers auxquels j'aimerais tant ressembler. Je sors ma combinaison et la pose sur le lit, mon lycra, ma planche rangée dans sa housse. On embarque tout ça soigneusement dans la voiture et mes parents et moi partons pour une journée à la plage. Je leur donne une cassette audio: Silverchair que nous écoutons et j'observe le paysage marocain s'enfuir dans la musique, sous mes yeux de gamin plein de rêves.

Dix heures trente-cinq, nous arrivons à l'Oued Cherrat, mon spot favori. Mon père gare la voiture en haut de la dune qui nous cache l'océan. À peine sorti, le vent emporte mes cheveux, rafraîchissant ma peau. Je ne peux m'empêcher de monter directement tout en haut de la dune et voir l'océan agité s'offrir à ma vue. L'eau est magnifique, les vagues régulières, la plage est presque déserte à cette heure-ci. Un frisson de plaisir me parcourt, je vis déjà le moment où mon corps pénétrera dans l'élément liquide, soutenu par la planche glissant doucement sur l'eau salé, comme une caresse faite aux vagues.

Je récupère mes affaires, nous descendons vers la plage, je laisse le soin à mes parents de trouver un emplacement qui leur convient. J'enfile mon lycra puis ma combinaison qui me compresse et me colle à la peau. Méticuleusement, je frotte le pain de "wax" à l'odeur de barbe à papa sur la planche puis attache la laisse à ma cheville gauche. Je trottine vers l'océan, sentant le sable devenir de plus en plus humide sous mes pas, prendre de la consistance. Le bruit des vagues qui se cassent ne s'arrête jamais, il est ma musique de fond. J'ai les pieds dans l'eau froide, mon coeur bat un peu plus vite et je m'élance sur le dos d'une vague en me jetant à plat ventre sur la planche. En face de moi: une série de murs d'eau mouvants vers lesquels je m'avance, ondulant au gré des vagues. Je ressens le sel sur mes lèvres et l'eau qui s'infiltre peu à peu dans la combinaison. Une première vague casse devant moi, je m'enfonce avec la planche pour passer au-dessous de l'écume qui semble une bouche rageuse qui veut tout emporter, premier contact avec la réalité de cette violence océanique. Je passe la barre et me retrouve au-delà des vagues, dans la calme où l'océan ne s'acharne pas sur la terre, attendant patiemment à cheval sur ma planche, les yeux rivés sur l'horizon, qu'une série s'annonce. Soudain à quelques mètres, je vois l'eau enfler en imposantes ondulations, la série est grosse, je me retourne et commence à ramer pendant que la première vague me rattrape, me lèche les pieds, et veut m'entraîner avec elle. Encore quelques efforts vigoureux puis je me sens porté, entraîné dans la pente raide de cette vague tant attendue, je glisse et prend de la vitesse. D'un coup je me redresse, me tenant debout sur le planche, tout mon être fondu dans l'action, seul intermédiaire entre moi et l'eau, cette planche qui me porte et me transmet un peu de la puissance de cet océan immense. J'ai douze ans et la réalité du monde l'emporte sur les balbutiements de ma vie intérieure. J'ai douze ans et il me semble qu'alors n'existe aucune différence entre moi et ces vagues impétueuses, entre moi et cette plage que je n'ai jamais vraiment quittée, entre moi et ce pays auquel je me confonds.

Le temps s'arrête

Trois gouttes de mes larmes
S'écrasant sur la route
Au rythme des alarmes
Convoyant ma déroute...

Et je crois avancer
Mirant l'horizon noir
Où s'incruste l'espoir
De ne plus reculer.

Un pas derrière l'autre,
Je fuis dans le passé
L'avenir des damnés
Comptant tous ses apôtres,

Un à un,
Comme les moutons des champs
Où ne courent plus que des rêves d'enfants,
Ces orphelins...

À qui l'on a vendu
Au prix de la culture
Des promesses déçues
Et un bonheur futur.

Cessez donc de compter,
Le temps s'abolira,
Et de nos vies pressées,
Le monde se nettoiera.

Peu à peu,
L'humain aux yeux perdus
A lassé l'univers qui de sa tragédie n'est plus ému.

Le temps s'arrête, nous faut-il être heureux?..

vendredi 16 septembre 2011

Ici et jamais

Le changement... Le changement c'est le présent qui ferme la porte au passé, c'est l'avenir qui balaie devant sa porte. Mes rêves d'inertie m'opposent au changement, moi qui était bien assis, je suis déraciné par l'actualité de ce monde sans cesse renouvelée.

On peut bien trop diviser le temps à mon goût pour que j'y trouve une quelconque attraction, je préfère m'en aller hors de tout dans un intervalle particulier où tout est entier et monolithique. Dans ma dernière représentation, je me décale hors de la scène, en coulisse, là où les dieux actionnent la manivelle, là où l'illusion naît de l'obscurité.

Homme révolté, refusant le cycle sociétal bien trop parfait en comparaison des saisons, je me fige dans l'immobilité du non sens, dans l'absurde camusien. Embarqué malgré moi sur la chaîne du temps, je tente désespérément d'en bloquer le mécanisme, de m'accrocher au néant.

De mon acte est naît une autre réalité, celle d'un temps plus lent, d'un temps sans presque aucun changement, le temps du maintenant et du rien, surtout du rien. Le temps du refus qui coule non pas à contre-courant de l'acceptation, mais en parallèle, comme un compagnon de route, un frère jumeau qu'on voudrait cacher.

Et dans ma sphère j'observe, j'observe ceux qui disent oui, ou plutôt qui ne disent rien mais n'en consentent pas moins à ce viol de leur existence, à ce décor façonné par d'autres et qu'on nomme "la vie". Moi? Je suis à côté, bien en place, compact et dense, accroché à mon fragment d'anti-éternité, examinant l'envers du décor et sa laideur industrielle.

Ici, pourtant, je ne vois aucun dieu, pas un même un simple machiniste affairé à ses rouages, pas de grand horloger, rien de tout ça. Il n'y a rien que l'automatisme lancé dans un cycle éternel de succession de tâches simples et sans surprises. Il n'y a pas d'artisanat dans ce monde, rien que le vide absolu des automates répétant sans cesse leur inhumanité.

Alors c'est ainsi... Il me faudra tout casser, pour percevoir enfin l'univers originel interdit aux humains par on ne sait quel décret promulgué par on ne sait quelle essence. Lentement alors, je sortirai de l'immobilité pour regarder en face le néant étincelant qui d'un dévoilement soudain me fera perdre la vue, me fera perdre la vie pour me prendre avec lui, ici et jamais.

jeudi 8 septembre 2011

Ma génération

Les gens de ma génération et issus d'un milieu social équivalent ont pour la plupart de grandes difficultés à s'insérer dans la société comme ont pu le faire leurs parents. Ceci explique notamment la recrudescence de ces voyages initiatiques dans lesquels s'engouffrent les jeunes après leurs études, parcourant le monde à la recherche de l'homme mais surtout de leur propre bonheur, de la continuité de leur liberté égoïste qui menace à tout moment de s'interrompre. On navigue de boulots en boulots, de partenaires en partenaires, on veut tout voir, tout connaître et tout vivre mais jamais pour la vie, le changement est une sorte d'oxygène pour nous autres que la modernité a sacrifiée. Incapables de choisir puisqu'il nous faut tout connaître.

Naturellement on s'interroge sur cette particularité, sur ce qui nous empêche d'imiter le modèle parental, ce qui nous prive de la stabilité et de cette sécurité dont on se veut les héritiers sans jamais pouvoir payer le prix de celle-ci. Nous sommes issus d'un monde de confort matériel, de familles stables, nos parents ont toujours travaillé et occupé le même poste toute leur vie du long. Eux viennent d'un temps où le temps s'écoule plus lentement, un temps où l'on accepte de ne pas saisir les choses dans cet instantané qui nous a vu grandir. Eux savaient s'en remettre à l'avenir, au futur, d'une part parce que celui-ci ne leur réservait pas autant de surprises qu'aujourd'hui, parce qu'on pouvait l'envisager sereinement, élaborer des projets à long terme, d'autre part parce qu'ils acceptaient qu'une part de leur bonheur ne résidait pas dans l'instant mais précisément dans la construction d'un avenir distant, pas dans leur personne propre mais dans les effets que leur action peut engendrer sur les autres (d'où l'engagement politique). Eux n'ont pas connu la débauche de loisirs, ils choisissaient une activité (et le terme choisir est important) et s'y tenaient, prenant plaisir dans la lente progression de leur être à travers l'action répétée inlassablement.

Nous, nous avons tout eu. Nous avons tout essayé et tout connu. Il suffit de voir ce que nous possédons: des raquettes de tennis, un ballon de foot, un de basket, un ballon de volley, des raquettes de ping pong, une planche de skate et j'en passe. Nous avons tout expérimenté puis nous avons tout délaissé dans ce besoin irrépressible de nouveauté, de dynamisme. Nous avons grandi sur un rythme accéléré, réalisant en trois ans ce qui prenait une vie à nos parents. Et ce décalage a engendré un gouffre, et ce gouffre est notre prison, nous nous y débattons avec notre égoïsme, et nos désirs sans fins. Nous n'acceptons pas l'instabilité liée à la vie nouvelle, à cette vie moderne qui voudrait l'homme adaptable et malléable, mais nous sommes incapable de payer le prix de la sécurité dont nous sommes issus. Nous sommes perdus entre nos racines et ce présent si différent qui voudraient nous arracher à notre enfance et à cet ancien monde qui prendra définitivement fin avec nos parents.

Ce nouvel ordre de la modernité, c'est une vie de solitaires sans attaches. L'homme nouveau n'a pas de femme, il en accumule au gré du temps. Il a des enfants mais ne vit pas avec, il les voit un week-end sur deux. L'homme nouveau n'est attaché qu'à lui même et à son "développement personnel". Mais notre génération qui a poussée dans ce temps mort, dans la latence de la fin de l'ancien monde laissant la place au capitalisme libéral et sa modernité où la vitesse efface tout, n'a pas envie de cette solitude, elle n'y est pas préparée. Nous avons une femme que nous aimons et que nous ne sommes pas prêts à quitter. Nous avons des gens autour de nous et que nous aimerions garder proches. Nous oscillons entre ce désir puissant d'égoïsme total, d'individualisme dans lequel nous avons grandi et cet abandon de soi au profit des autres, cette façon qu'ont eu nos parents d'accepter qu'une partie de leur vie leur échappe au profit du temps et au profit des êtres aimés.

Alors peut-être que pour nous autres, la seule voie heureuse qui nous est ouverte réside en ce pont jeté vers le passé que peut constituer l'enfant à venir. Il est probable que beaucoup d'entre nous soient effrayés par la perspective d'être parents et par les implications terrifiantes d'un tel rôle. L'enfant représente la mort de notre individualisme et notre intégration forcée dans une société qui ne laisse de place à l'indécision qu'à celui qui est seul. L'enfant c'est probablement la seule chose qui puisse nous faire oublier toutes les personnes que nous aurions voulu être, toute les vies que nous aurions pu vivre, cette totalité de notre être après laquelle nous courons dans les bornes d'une vie. L'enfant c'est cette injonction à ralentir un peu, à continuer de faire ce que l'on fait au risque de ne rien connaître d'autre, c'est le don de sa vie au profit de ceux qu'on aime et qu'aucune vertu humaine n'irrigue mieux que la générosité et l'abnégation. D'ailleurs dans cet être à venir et en formation, c'est peut-être la promesse que ce bonheur individuel après lequel nous courons ne viendra pas de nous mais qu'il est extrinsèque. La leçon de nos parents c'est que le bonheur ne dépend pas que de nous mais qu'il réside dans cet amour qui nous unit aux autres et à l'humanité entière.

La nature est si bien faite qu'elle a décidé de placer le bonheur hors de l'homme, dans un dépassement de sa personne le forçant à s'en remettre à demain et à la promesse d'un nouvel être portant à son tour les leçons du passé et l'amour des hommes.

vendredi 12 août 2011

Ma lune, mon miel

Ma lune, mon miel,
Tes dunes me sablent
Au coin du ciel...

Creux, coins, courbes
De tes délices troubles
À nos vices doubles...

Ton feu, mon air,
Sur moi ta chair
brûle les nuits trop claires.

Sous la pluie fine
De tes désirs humides
Ma tête enfin culmine

Grattant tes cieux
Aux mille dentelles,
Qui sur moi ruissellent.

Sous cette bruine salée,
Je dépose alors sur ton autel
Mon offrande épicée.

Ma lune, mon miel,
Tes dunes me sablent
Au coin du ciel...

Cimes

Les hommes ont le vertige
Du haut de leurs cimes
Si lointaines et tellement solitaires.

Voyez-les tendre leurs mains disgraciles
Une branche vers la terre
Et les feuilles sous l'ether.

Deux forces contraires s'annulent,
Ainsi ma volonté fuit la tienne.

Tu m'avais cru ton soleil,
Je ne suis qu'un croissant de lune.

Nos têtes oscillent
Sous la caresse des contradictions,
À toutes saisons
L'arbre perd ses feuilles
Et disparaît ainsi
Sous un tas de passé.

mardi 2 août 2011

Là-bas

Dans la luminescence des étoiles s'inscrivent les lambeaux de mes rêves
Que peignent les cieux noirs aux couleurs de ma sève.
En filaments d'ambre clair illuminés par l'éther
S'effilent mes désirs s'enfuyant dans la mer...

Sur terre mon corps repose sous la dune un peu fière
De l'oued Cherrat au visage éphémère.
Là-bas, mes souvenirs prennent les vagues
Et puis s'échouent sur les algues,

Gisant là, sur le sable humide,
Si loin, bien trop loin de mes rides.

Il y a bien quelques éclats de ma voix
Dans ce Chergui murmurant sur les toits,
Des débris de jeunesse
Que le soleil caresse.

Là-bas, dans quelques rues courre encore l'ivresse
De nos coeurs éperdus que la distance blesse.

Ne peux-tu donc nous laisser partir?
Ô toi, fier pays qui nous a vu grandir?

Toujours entre deux mondes
Nous observons la mappemonde.
Ces coeurs que tu as ouvert
Ne connaissent plus de frontières
Et n'ont de cesse de rechercher ton air.

Sur ton dos j'ai grandi
Un peu étranger et tellement rabati.

je ne sais qui je suis
Depuis que je t'ai quitté depuis

Que mon enfance s'endormit
Avec les amis enfuis...

lundi 1 août 2011

Eux

J'avance, je suis serein
Depuis que vos yeux ont retrouvés mon destin
Que vos coeurs en sourdine forment l'écho du mien.

Aucun continent, aucun océan,
Pas même le long flux du temps
N'a pu briser le serment de nos quatre âmes d'enfants.

Votre présence un instant
Aura su vaincre pourtant
L'acharnement de l'absence à vous pousser au vent.

Mon corps c'est le vôtre,
Mon âme, votre apôtre.
Les secrets les sourires, face aux souvenirs qui sont nôtres.

Notre joyau, notre force,
C'est ce pays qui nous a vu gosses.

À travers nos silences,
C'est un peu lui qui s'élance.

Indicible bonheur que peinent à saisir les mots,
Tu sais réchauffer nos coeurs, en adoucir tous les maux.

Et moi je sais en plongeant dans leurs yeux
Qu'un peu de toi s'est réfugié en eux...

jeudi 21 juillet 2011

La fin de la philosophie

La religion des philosophes

Toute philosophie devra-t-elle mener inexorablement à la conclusion suivante: l'ultime sagesse est d'accepter tout ce qui vient? Dans cette apothéose stoïcienne où le bonheur finalement s'offre à qui sait apprendre de chaque situation, à qui sait être heureux de rester lui-même, dans une ipséité que n'ébranlent aucune expérience, aucun évènement. Mais savoir accepter n'est pas se résigner car il ne s'agit pas ici d'être passif mais de continuer sa route, indifférent aux objectifs et aux destinations. Etre indifférent n'est pas le mot adéquat, on parlera plutôt de bonheur conservé, d'équilibre et d'harmonie avec ce qui est. Le bonheur en fin de compte semble reposer sur la force d'une identité qui ni ne se craint, ni ne craint les autres, une entité se formant inlassablement, se nourrissant du monde et le sublimant par l'éthique, seul horizon valable à la conscience humaine.

Peut-être que le bonheur n'a rien d'éclatant après tout. Peut-être que la vie persiste seulement sur l'axe précaire de l'équilibre et que l'absolu dissout, engloutit toute vie et toute conscience la privant à jamais d'elle-même?
La philosophie est probablement la fin de tout espoir, le début de tout amour, l'amour de ce qui est et devient. Peut-être touchons-nous du doigt les caractéristiques du surhomme dont Nietzsche nous dessinait les contours. Un homme dénué d'illusions dont la sage lucidité constitue le ferment du bonheur humain. Peu importent ses bornes à ce bonheur depuis que l'homme a découvert entre celles-ci une infinité d'infinis. Le seul absolu auquel l'homme peut prétendre serait cette abolition même des absolus dans la perfection d'un équilibre jamais atteint. "La perfection de l'homme c'est sa perfectibilité", et peut-être aussi son absolu.

La métaphysique n'est tout au plus qu'une religion de philosophes, au pire une fiction divertissante. Elle semble être en tout cas encore une sortie de l'humanité que l'homme s'invente pour se fuir et enfin prendre la place de Dieu, cet être qu'il a façonné de ses mains et qui n'est autre que ce que l'homme n'est pas.

On a beau poser ces axiomes et croire avoir tout dit sur le sujet, on n'en ressent pas moins une faim insatiable pour ces zones d'ombres inaccessibles à l'homme et dont il cherche la clef dans une réponse définitive et absolue à laquelle se soumettre. Peut-être avons-nous trop peur d'être maîtres de notre monde, architectes à la fois du bien et du mal. Peur qu'aucune réponse ne provienne de l'extérieur, d'être seuls juges de notre tragédie. Peur enfin de cette liberté qui fait de nous des êtres capables de façonner la réalité comme bon nous semble, de l'éclairer à la lueur de nos propres interprétations et jugements, toutes et tous aussi justes les uns que les autres puisqu'aucune vérité ne réside hors de l'homme.

Tout est donc égal, toute chose ne prenant sa valeur que de la perspective par laquelle l'homme l'éclaire. Dieu est donc bien mort et nous l'avons enterré et notre absolu réside en cette faculté, acquise ou innée, à ordonner le chaos par nos choix. La vérité en somme est peut-être une affaire de croyance et l'absurde la fin de son règne.

La vérité comme négation du mouvement

Au bout d'un moment, à trop poursuivre la vérité, on finit par s'apercevoir qu'il vaut mieux avoir des questions que des réponses. La vérité finalement qu'est-ce que cela représente pour l'homme si ce n'est le but ultime, une sorte de destination finale pour la conscience où se reposer, où atteindre le bonheur? Or il n'est de destination finale, pas plus que de bonheur dans la poursuite d'un but. Seulement des illusions et des désirs assouvis, aussitôt renaissants de leurs cendres sous d'autres formes encore. Si l'on en vient à préférer les questions aux réponses c'est que celui qui a appris à se satisfaire des premières, à voir en elles une fin en soi, celui-là peut cheminer heureux pour toujours, son bonheur ne dépendant pas d'un point précis mais d'un mouvement, comme l'est la vie.

Pourquoi le bonheur ne serait-il pas le chemin de celui qui poursuit ses questions, comprenant toutes les voies vers toutes les réponses possibles, y percevant partout une forme de 'vérité'? Qui est plus sage? Celui qui reste campé sur ses positions toute sa vie, faisant preuve d'acharnement héroïque? Ou celui qui humblement, apprenant de la vie, admet toutes les opinions comme temporaires, toutes les réponses à une question comme le reflet de la vérité? On peut préférer les questions car avec elles on chemine sans fin, heureux de poser des questions justes, auxquelles on pourra passer sa vie à réfléchir sans empressement. À quoi rime de s'arrêter à une réponse? On a trouvé et après? Que se passe-t-il, est-on heureux pour l'éternité? Certainement pas, il faut recommencer, car alors on a plus nul part où aller, le chemin s'est arrêté et on se rend compte qu'il n'y a plus rien, que du vide à combler, par d'autres désirs, par d'autres réponses et d'autres questions.

Le summum de la vérité étant peut-être de trouver l'équilibre entre cette naïve ignorance teintée de curiosité qui a fait germer la question et l'arrogante assurance de qui croit savoir et a chassé tous les doutes. Probablement qu'à mesure que l'homme sillonne la vie, il devra parcourir ce chemin maintes et maintes fois entre l'ignorance curieuse et l'assurance bornée. De toute manière le principe de la vie est de conserver un mouvement et ceux qui ont choisi de fixer des objectifs sont voués à connaître une faim perpétuelle car pour eux le but ultime réside seulement dans l'absence de but. Seule cette compréhension permettra à tout voyageur d'aller, fermement agrippé au bonheur, chérissant le premier pas comme le centième, la nature seule sachant déterminer lequel sera le dernier.

Le mariage des opposés

Je me plais à parler d'équilibre mais sans jamais réellement expliciter cette notion que nous possédons tous au moins de manière implicite. L'équilibre est donc le point de tension entre deux entités ou deux forces opposées sur lequel elles s'annulent totalement. L'équilibre, lorsqu'il est absolu (et nous savons que rien de ce qui est humain ou accessible à celui-ci ne l'est) est donc repos total. C'est sur ce point que toute Vérité (envisagée comme mouvement et non comme but) repose enfin, ce point évanescent, jamais réellement atteint mais auquel on ne peut qu'aspirer indéfiniment, source de désirs jamais satisfaits et peut-être par là, moteur de la vie. Ces deux opposés se faisant face, possèdent un point commun, une frontière qu'ils partagent, où l'un se fond dans l'autre, où l'extrême de l'un devient le commencement de l'autre, mais ce point, tout comme l'infini mathématique, ne peut jamais être atteint puisqu'il est un absolu. Le combat de l'homme serait cette lutte infini pour accéder au repos, celui où toutes les forces de la vie s'annulent, où connaissance et ignorance se marient dans un absolu faisant de chaque mot une coquille vide, désintégrant toute notion dans un étirement infini de ses bornes. C'est le repos de "Dieu", interdit à l'homme puisque la vie le force l'enserre de toutes ses forces, ne lui laissant comme voie que le rétablissement ininterrompu d'un équilibre utopique lorsqu'on le pense en terme d'absolu mais tout à fait tangible dans une conception pleinement humaine et privée d'inertie. Le bonheur, c'est la recherche de la Vérité et donc de cette équilibre mais en aucun cas le bonheur ne doit être confondu avec l'équilibre lui-même car il devient alors une notion absolue et figée, déconnectée à jamais de la réalité humaine. Le bonheur est précisément la recherche de cet équilibre, et cette quête seule est le sens de l'humanité, son 'mouvement'.

dimanche 10 juillet 2011

Poème de rien du tout

Un petit poème de rien du tout,
Juste des mots sur une feuille de choux...
Un peu de poésie sur le ciel de nos vies
Le mystère du hibou s'extrayant de la nuit...
Peut-être un simple abri pour tout le temps qu'on perd
À chercher paradis en compagnie des vers...
On s'ennuie tellement qu'on en creuse l'univers
Retournant tous les arts pour les mettre à l'envers.
Dans quel but, au fond, faisons-nous tout cela?
Serait-ce simplement pour oublier le pas
Du temps mangeur d'enfants,
Donneur de rides, avilissant?
Nous aurions tort alors
De ne pas voir d'abord
Un allié dans la mort.
Car au fond le temps c'est nous,
Grande illusion de l'esprit fou...
Alors cessez de faire le grand écart,
Il n'est jamais trop tard.
Oubliez donc ce poème,
Préférez dire "je t'aime".
À votre femme,
À un quidam,
Mais surtout respirez,
Et de rêver cessez!
Voyez?
C'est fait,
Souriez,
Vous vivez!

mardi 28 juin 2011

À t'aimer dans les yeux

À t'aimer dans les yeux,
À côté au milieu.
À t'aimer dans les yeux...

Des éclats des reflets,
Juste assez pour nous deux.
Un bout de ciel étoilé
Sur nos deux corps heureux.

À t'aimer dans les yeux
J'en perdrais les miens.

À t'aimer dans les yeux,
J'oublierais qu'on est vieux...

À t'aimer dans les yeux
Dés maintenant dés demain,

À t'aimer dans les yeux
Puis mourir dans tes cieux.

Seulement

Le vide c'est la vie sans toi,
Qui coule,
Inexorablement traînant ses courbes
Au sein de territoires sans cartes et sans matière.

Tu es le creux de mon coeur mâchant l'espace
De cette vacuité tienne
Qui défie mon bonheur.

Qu'est-ce qui peut prendre la place du vide,
Du vide absolu?
Tellement dense qu'il interdit la matière,
Me séparant à jamais d'une unité persistant en souvenir
Échappé de ma réalité...

La réalité du vide c'est ton adieu
Auquel je ne me résoudrai jamais,
Ou peut-être à moitie,
seulement...

Seulement je m'en vais traversant les néants
D'autres jours éhontés
Complétés par la nuit.

Les jours changent mais la nuit reste même.
Elle est le crépuscule commun à toutes les lumières,
Elle est le mien face à tes yeux verts
Bien enfuis dorénavant...

Seulement je m'en vais traversant les néants
Persistant loin de toi
Mais qui tous gardent une vague odeur de ta présence...

Et ces champs et ces plaines
Disparaissant sous mes pas.

Et ces arbres et ces fleurs
S'inclinant toutes à mes pensées
Délétères au contenu trop chargé
D'un parfum de ton coeur
Aux oiseaux dérobé...

Je suis le roi soleil
Aussi noir que l'oubli,
Ternissant mon royaume
De mon être aboli.

À peine posé-je le pas
Sur le tapis de nos rêves
Que meurent dans mes bras
Les lueurs d'Héméra.

Seulement je m'en vais traversant les néants
Accompagné seulement
De cette réalité vacante.

Seulement je m'en vais traversant les néants
Accompagné seulement
Du poids de ton absence.

vendredi 24 juin 2011

Réussir

C'est pour réussir que certains envoient leurs écrits à des éditeurs, prostituant ainsi la beauté en l'offrant à la critique aigrie, rongeant d'une jalousie mortifère toute oeuvre inaccessible à leur médiocrité. On laisse les autres décider de ce qui est beau, de ce qui doit être reconnu, etc. Au final, on vit dans un monde où notre propre opinion, jusqu'à nos goûts même, se fonde sur le jugement d'autrui, d'individus auquel on confère une certaine autorité, se basant sur des critères arbitraires et étrangers à la notion même d'art.

L'art ne peut souffrir d'aucun critère ni d'aucun dogme. Point de cursus pour devenir artiste. De deux personnes écrivant la même chose, l'une d'entre elle possédant un doctorat de philosophie et l'autre un simple baccalauréat, doit-on traiter leur oeuvre différemment? Est-ce bien raisonnable que de penser ainsi? Celui qui a bien été estampillé, officialisé par les institutions a-t-il plus de droits, plus de talent, plus de vérité que n'importe quel autre bougre proférant pourtant les mêmes propos?

On a voulu, partant d'une bonne intention, rationaliser, normaliser tout acte destiné à occuper la place publique, et ce faisant, on a mutilé la créativité et la liberté de chacun à devenir ce qu'est l'artiste: une fenêtre sur le monde. Notre besoin pathologique d'assurance, notre crainte du ridicule, ce besoin de reconnaissance et cette incapacité à penser juste par et pour soi, nous a mené à cet état des choses où l'homme est muselé par un carcan institutionnel si lourd qu'il vous enferme à jamais dans votre étroite cellule, là où l'on peut vous surveiller, là où la surprise n'est pas permise.

Et pourtant, on continue malgré tout, à perpétuer ce cycle par nous-même, sans y être contraint, devenant la continuité physique de nos institutions, reproduisant le contrôle de manière inconsciente comme si nous étions fait nous-même uniquement de: lois, locaux, hiérarchie, jugements, normes, procédures.

Peut-être devrions-nous prendre le temps de nous demander: mais qui sont ces gens derrière ces institutions? Pouvons-nous leur faire confiance? Qui sont-ils ces garants d'une orthopédie de l'âme, ceux qui quadrillent le chaos de nos âmes, les faisant plier sous le joug de la doxa? Pourquoi le font-ils?

On se rendra compte alors que rien ne les sépare de nous si ce n'est leur intérêt personnel, que tels des jardiniers de l'humanité, ils ne font que contraindre le mouvement naturel pour en tirer les fruits, pour s'en rendre "maîtres et possesseurs". On saura enfin, qu'un homme conscient de sa liberté et capable d'exprimer son être par le prisme de la créativité artistique, est un homme qu'on ne peut contrôler arbitrairement, qui préfère l'éthique aux lois et l'unité à la spécialisation. On sera sûr enfin que c'est un homme dont on ne tirera aucune croissance autre que la sienne, aucune productivité, dont on ne fera aucun profit.

Le dogme fondamental sur lequel repose ces institutions est celui de la rentabilité, or il semble douteux, au regard de ce que nous offre la nature, que celle-ci soit une fin pertinente.

vendredi 17 juin 2011

Animalité

Que ceux qui fomentent des rêves d'animalité, voulant faire de l'homme un être subordonné à l'instinct et aux sens, abolissant toute conscience, que ceux là s'interrogent.

Qu'est-ce donc qui leur permet de formuler de telles pensées si ce n'est la conscience? Comment peuvent-ils même imaginer qu'une vie aconsciente serait une vie meilleure? Comment font-ils pour colorer de leur jugement positif le fantasme d'une telle expérience?

Ils le font par la conscience qui leur permet d'avoir le choix. Celui d'imaginer l'autre, de porter un jugement sur l'inconnu. Cette même conscience qui trop souvent les embarrasse pour leur placer sans cesse la responsabilité induite par la liberté, celle de choisir, sous le nez.

L'homme peut porter un jugement sur les choses pour s'améliorer ou améliorer tout court.

Qu'ils sachent donc enfin qu'être sans conscience n'est que pour eux l'impossibilité même de tout jugement sur les choses et donc de tout bonheur. Seul le plaisir instantané, sans histoire ni futur leur est loisible, mais jamais au grand jamais ne pourront-ils éprouver le plaisir immense qu'ils ont à seulement contempler ce que serait la vie sans la conscience...

Mots chantés

Ecrit le 23/03/2011

Ecrire, écrire, comme ruisselle l'eau ou coule la musique.

Prendre les mots comme des vagues, et s'emporter dans cet océan d'idées, des pages à n'en plus finir. Je regarde les lettres absurdes qui s'illuminent par la proximité, et je ressens les sens se créer dans le miracle de l'esprit. Le couronnement humain c'est l'assemblage de la langue, c'est cette transposition de l'âme sur l'encre des mots.

Les courbes qui habillent le papier sont aussi douces que les femmes qui nous ont fait. Ah les livres sont l'humanité regroupée, à portée de main, l'inconnu du voyage, le frisson du naufrage.

J'écris cette petite chanson comme on chanterait un matin, pour se donner de l'entrain du courage.

Allez donc voir ailleurs si j'y suis, dans d'autres âges, à d'autres pages.

Esprits

Des nageurs solitaires sur le dos courbé de la Terre
Egrennent au ciel leur misère comme on jetterait du sable dans les cheveux de l'air.

L'offrande

Ton visage au teint ambré
Réveille en moi l'appétit
D'une bouche douce et sucrée
Où vient éclore mon paradis.

Je t'aime Aurore
Comme un héros défiant la mort.
Vois mon coeur qui te mords,
Comme on s'arrime à un trésor.

Garde pour toi, reine d'un jour,
L'écume des mots t'offrant l'amour,
Et de ces strophes sous-marines
La fine caresse de la bruine...

mercredi 15 juin 2011

Hélios

Soleil d'été couvre l'hiver
De sa clarté ivre de nuit
Qui sans un bruit annonce l'ère
Où le malheur furieux s'enfuit.

Les oiseaux chantent et l'amour pleut
Sur le visage des gens heureux
Où de tous ses feux l'astre chasse la tourmente.

Voyons Hélios, plus jamais ne te cache,
Que les hommes et les arbres
De froid n'aient plus l'envie d'être lâches
Et que ton feu remplace enfin les candélabres.

Le règne végétal dans son désir de plaire se pare de vert,
Les fruits dans les étals de ta substance se sont gorgés,
Il n'y a pas jusqu'à la mer qui ne se soit pour toi parée
Renvoyant tes photons aux quatre coins de l'univers.

Que ne ferais-tu pas sur l'âme des humains
Qui de tous temps pour toi ont joint leurs mains.
Ne sais-tu pas qu'ils sont conscients,
Qu'au soir de ta vie, tu deviendras pourvoyeur du néant?

Qu'enfin de tes vents balayant leurs espoirs
Tu souffleras sur leur tourment,
Préparant l'ère des nuits noires,
Des cendres humaines dans les cheveux du vent.

mardi 7 juin 2011

Un peu de nous

Il n'y a au fond probablement rien d'autre
Qu'un tas de ratures et de fautes
Éparpillées ça et là sur les blanches pages
De nos vies s'agitant pour un temps sous les nuages.

Un peu de nos coeurs finalement
Que l'on translate à tout vent
Sur tout ce qu'un regard amasse
D'une réalité sans grâce...

De la persévérance sans doute,
Pour faire de cette impasse une route
Que l'homme trace inlassablement
Entre les choses et son tourment...

Un peu de sagesse, de la résignation aussi,
Pour s'étendre dans les ombres de quelque bas-côté,
Là où ne viennent plus résonner les pas de quelques entêtés
Qui hurlent au néant le malaise de la vie...

lundi 6 juin 2011

Poème du matin

Poème du matin sans chagrin,
Lorsqu'on étreint le bonheur entre ses mains
Pendant qu'en haut l'amour dort paisiblement.

L'eau chaude qui fume dans le bol
Et les minutes qui défilent sans que l'on s'affole,
Il faudra bien pourtant partir dans la fourmilière humaine.

Encore quelques secondes d'éclosion,
On découvre le monde comme on prendrait sa tension,
On déguste l'instant qui suspend le quotidien dans sa course sans fin.

Lentement, comme on quitte un vêtement,
On laisse glisser la liberté le long de ce moment,
Et dans un mouvement las on s'en va récupérer sa place

Auprès d'hommes sans grâce que la cité efface...

mardi 31 mai 2011

Tempête

La calme après la tempête revêt le ciel de douces nuances,
Entre calme et silence...
Du rose au bleu en passant par les nuages,
Les yeux domptés se gonflent de mirages.
Ils auraient voulu, ces quelques démons de l'ignorance
Retenir la pluie et de nos dieux la véhémence.
Seulement tu es venue, un soir marchant sur l'eau,
Un doux murmre de rose, subtil chant face au chaos.
Sur l'écume te portant, tu fendais l'air de ton corps nu
Et la colère des cieux s'atténua temporairement émue.
Ce n'est pas que je sois si lâche pourtant,
Mais quand tes cheveux m'effleurent, mon âme s'élève lentement
En un voyage sans fin en compagnie du vent.
Tes cheveux. Tes yeux. Ton âme souriante m'adressant ton sourire.
Mon angoisse. Ma grossièreté. Mon esprit vacillant qui cherche à te ravir
Quelques instants seulement où je n'aurais plus à mentir...
Ton rythme, petit à petit, s'est imprimé à ma vie,
C'est désormais ta lumière qui doucement vient bercer mes nuits.
Ton odeur qui s'empare de mon corps pour me parler de toi,
Me conter les histoires d'un temps où l'amour se promenait sur les toits.
Dieu a décidé de mourir.
S'étant parachevé dans ta création, sa perfection fut de partir.
Il m'est donné à travers toi de l'observer au quotidien,
Me brûlant irrémédiablement le coeur à la chaleur de tes reins.
Toutes les mythologies du monde un jour d'Août se sont éteintes,
Prenant fin dans ta naissance, les Moires sont aujourd'hui défuntes
Et nous humains filons vers le néant, et moi petit rien, je me consumme dans nos étreintes.
Prend tout, tire l'univers comme tu le ferais d'une nappe
Et renverse tout sur ton passage, que rien ne t'échappe.
Peut-être qu'alors, moi poussière et toi lumière,
Nous rencontrerons-nous à nouveau dans cette absurde interstellaire,
Et que, brisant l'atome et la matière,
Nous arracherions l'amour à son exil solitaire.

samedi 28 mai 2011

The sound of silence

Visualisez ceci:

La musique se débattant furieusement dans les mots;
Le mot se déchirant, ne sachant plus comment contenir cette vie qu'il abrite;
Les formes se défaisant, épousant la fréquence des vibrations;
Le rythme qui s'empare des phrases innocentes;
Votre prosodie qui s'impose à eux tous.

Maintenant entendez:

Le son de votre âme qui murmure par votre voix les mots écrits par d'autres;
Les syllabes que vous prononcez et ainsi faites vôtre;
Le tempo inhérent au langage ou bien serait-ce à l'homme?
Ce qui ne s'entend pas et que vous seuls jouez, votre musique intime;
Le dialogue de sourd que vous entretenez avec votre imagination.

Savez-vous que:

C'est une folie commune qui fait parler des traits tracés à l'encre fraîche?
Que rien au monde n'a de sens que votre propre conscience?
Que ce sens si  fuyant c'est précisément ce que vous mettez de vous dans ce qui vous fait face?
Qu'étant une modalité du temps, vous êtes la musique?
Et que c'est pour cela que le langage chante étant votre reflet?

Alors soyez:

Celui qui ne se cache aux autres;
Qui ne cherche pas à enfermer sa substance;
Celui qui laisse les autres chanter sa propre essence;
Ce que vous êtes enfin et rien de plus.

Réveil

Tout est endormi dans ce soleil qui luit et sa réalité pâteuse, peut-être qu'elle l'est parce qu'elle n'existe que par mon esprit fatigué qui tente en vain de s'ouvrir et de se rendre alerte.

Les bruits me parviennent, secs, tranchant la nonchalance de mes pensées et pourtant il semble qu'à peine heurtés par ma conscience, ils se détendent dans une sorte de mollesse qui les enserre et les prive d'objectivité. J'avale la réalité et la rend toute molle, la façonnant à mon image, faisant de son existence un long réveil tardif.

Il me faudra sortir et expérimenter la chaleur de l'astre solaire sur ma peau, pour m'accorder aux autres déjà bien éveillés, qui forment le monde à leur image pleine d'entrain. En attendant, je savoure ce décalage par l'écriture de ces pages, prolongeant à loisir cet univers parallèle si têtu qu'il en percerait le nôtre, juste pour se prouver quelque chose.

Il y a ce bruit de fond incessant, que trop souvent maintenant j'apparente à la vie même, le son du frigo bourdonnant qui tache ma réalité présente. Il s'entête et jamais ne s'arrête, donnant toujours sa note pour que le monde s'accorde. Et mon âme s'endort, bercée par ce chant fade qui rompt avec la diversité d'une nature qui persiste au dehors.

Les maisons des humains sont ainsi faites qu'elles sont un univers clos sur lui-même à l'intérieur du grand Univers ouvert sur tout puisqu'il est tout ce qui est. Nos maisons et leurs sons monotones, leur atmosphère artificielle, leur calme dérisoire qui lutte contre l'agitation des rues. Même la lumière du soleil y est transformée, comme prisonnière d'un bocal d'où l'air est absent, où tout devient sec et blessant.

Il est l'heure que le monde tourne avec moi, je me lève donc du fauteuil, monterait ensuite les escaliers, entrerait dans la salle de bain avec son air humide, j'y prendrai une douche, reprenant contact avec la froide réalité de l'eau qui coule sur mon corps. Quand tout sera fini, je sortirai et j'ouvrirai les portes de mon royaume à cette nature qui nous attend.

mardi 24 mai 2011

Les fourmis

Là, tout de suite, à cet instant précis, je me force à écrire. Je semble rechercher dans cet acte un moyen d'évacuer les tensions qui s'emparent de moi et me submergent. Cela n'était pas arrivé depuis si longtemps...

Les gens semblent sans cesse vouloir donner des leçons, au travail, à la maison, tout le temps. Tous dictateurs de leur réalité virtuelle, accrocs au pouvoir, jamais enclin à prendre les choses comme elles viennent.

Des grands sages à l'esprit juvénile, un immense théâtre où chacun tente de briller malgré l'autre, sur l'autre surtout. Ils tracent des chemins déjà tout faits mais le font avec fracas, pérorant à tout va sur la justesse de leur choix et cet inéluctable destin qui leur fait aimer leurs chaînes et détester la liberté. Des profiteurs qui viennent professer de grands jugements à propos de ceux qu'ils ont élu comme tels. "Toi, tu as décidé de vivre libre mais tu profites du système. Tu verras dans quelques temps, tu n'as pas le choix, c'est ça la vie." déclarent-ils dans une tristesse commune dont l'emprise sur eux les force à être fiers de leur faiblesse. Ils n'ont pas le choix eux, c'est certain. Il voudraient à tout prix profiter des fruits de la servitude et se rendent compte qu'alors ils faut aussi devenir esclave. Ils manquent d'imagination et prennent leur vacuité pour un fait général.

Qu'à cela ne tienne, je ne juge point le sort des gens tant qu'ils s'abstiennent de me regarder de haut. Mais certains ne peuvent s'en empêcher. Aimant à déclamer des opinions toutes faites qui servent à les rassurer, à atténuer leur solitude. Ça, on aime avoir des opinions et ne pas en changer! Se battre pour elles comme s'il en allait de nos vies! C'est à celui qui sera le plus vrai dans ses propres mensonges...

Je me soulage de leurs échafaudages de fortune en me souvenant qu'on leur apprend à construire leur vie sur du solide, à ne jamais regarder le vide et à toujours monter, sans trop savoir où cela mène. Je me soulage en me rappelant à quel point le monde leur fait peur et qu'ils doivent à tout prix se peindre des trompe l'oeil qui cacheront le ciel et son immensité. Je me soulage, en les observant se débattre dans un espace réduit dont ils sont les frontières.

J'ai pris la plume pour cela, pour m'emparer d'eux par les mots et les mettre en perspective, pour que leurs doigts crochus n'accrochent plus ma peau en voulant m'attraper; pour qu'en moi le silence du monde règne à nouveau sur leur luttes intestines.

dimanche 22 mai 2011

Nyx

Je fus horrible et si dure avec toi...
Affreux cauchemar le long de tes cheveux froids.

Je fus si belle que tu prias pour moi...
Tellement mortelle que tu m'offris ton émoi.

Tes larmes amères m'ont abreuvées tu le sais,
Les soirs d'hiver quand je te faisais danser...

Parfum d'oubli, qui de ton cou s'est enfui,
Ombre furtive que dans tes songes tu poursuis...

Sur toi jadis, j'abaissai mes iris
Pleines de promesses et si lourdes de vices...

Tu les a cru, mes paroles factices,
Ces hanches lasses aux contours si lisses...

Me vois-tu aujourd'hui,
Combler les vides de tes nuits?

L'aimes-tu maintenant,
Ma silhouette s'enfuyant?

Moi je n'ai plus rien de toi,
Je voulais juste dérober ta joie...

Je le sais, tu suivras mes pas
Accélérant sans cesse le trépas

De ton esprit essoufflé
Par mon poison insufflé.

Mais te voilà enfin, prêt à traverser le Styx:
Tu te rappelleras dés lors que l'on me nomme Nyx!

vendredi 20 mai 2011

Un monde

Il existe un monde où les poètes sont légions,
Où de tous les chemins on préfère le plus long.

Là, en parallèle, d'espaces creux en temps morts,
Cesse de compter, perds-en le Nord,

Et tu verras enfin l'homme qui sillonne l'instant.
Tu le regarderas comme à ton habitude d'un regard méfiant...

Parle alors, vas vers tes doutes enfuis, rattrape-les pour t'y mirer!
Au début tes mots hachés trancheront son rythme délié,

Puis le silence parégorique éteindra ta conscience
Avec douceur pour laisser l'être dans sa persévérance...

Si Seulement tu écoutes et laisse vivre
Un monde qui persiste entre deux rives...

dimanche 15 mai 2011

Ecce homo

Alors on veut des philosophes
Au coin de toutes les rues?
Dans chacune de nos strophes,
La vérité à nue?

Dans les milieux interlopes
Où s'ébauche l'espoir,
On danse la valse des chopes
Et parle jusqu'au soir.


Point de panégyrique vain,
Ici on crache sur les hommes,
Et leur Pandémonium,
Voyez les béotiens!

On patrocine ici,
On fait concurrence à la nuit,
Se prenant pour des doxographes,
De l'homme on écrit l'épitaphe.

Mais on a mille titres,
Du port et du mérite,
On se croit valeureux
Et tellement généreux.

À nous les solécismes,
Les mines patibulaires,
Et pourtant loin des truismes,
Et des phrases trop claires,


Ici, dans cette méphitique fange,
S'est tapie la vertu,
Si loin de la figure des anges,
Leur préférant la rue.

Alors on joue aux philosophes,
Et parle noétique,
Se croyant sain et sauf,
Bien loin de toute éthique.


On lustre nos bons mots
Et fiers de nos rimes,
On se met en abyme.
Oyez oyez, ecce homo...


Les "gueux" se taisent sur demain,
Mais tracent un chemin,
Délaissant nos discours
Pour une lampée d'amour.


Ni la haine ni les coups
Ne les incline au dégoût
Car ceux qui vivent la misère
Gardent au fond d'eux cette lumière.

jeudi 28 avril 2011

Immortelle

Que ce soit tes cheveux qui forment la crinière
D'une lionne indomptée que trop voudraient chasser,
Ou l'éclat de tes yeux, éclipsant la lumière,
Qu'inlassablement pourchassent mes baisers...

Tes formes longilignes, tes contours et méandres
Où l'esquif du désir vient se perdre et s'échoue.
La douceur de ton ventre où mes doigts devenus cendre
Glissent vers ton nombril, dans un subtil remou...

J'ai perdu un peu de ma liberté depuis que j'ai connu la beauté,
Mais rien ne me ferait renoncer à l'éveil de mes sens,
Alors j'enfouis mon visage dans tes effluves insensées,
Et devient spectateur du plaisir qui me lance.

Je n'ai plus rien à moi depuis ta venue,
Que mon âme pétrifiée par ton corps mis à nu,
Et nos étreintes folles nous guidant vers l'oubli
Du temps devenu atone qui s'étire infini.

Une gitane silhouette se forme en volutes
Dans le flou de mes yeux qui se brouillent de désir
Pour ta féline démarche qui sans peine exécute
Mon vieux coeur en papier s'embrasant de plaisir.

À la vue de l'au-delà, mes yeux n'étaient pas prêts,
Mais ignorant cela, tu exhibes tes attraits,
Insufflant à mon âmes mille envies d'absolu,
De royaumes infinis et le souhait d'être élu.

Tant de pureté, parfois je crains de troubler
Par une vanité convoitant l'éternel.
Je te recueille alors, bel ange tombée du ciel,
Dans les paumes ouvertes de ma triste âme damnée.

Serais-je donc capable de te rendre tes ailes,
Dussé-je monter au ciel affronter le Très-Haut?
Te rendre à la lumière toi mon divin cadeau?

À ton cou ruisselleront sans fin mes larmes de mortel,
En un collier de pleurs pour que tu te rappelles
La folie d'un jeune homme qui se crut immortel.

mercredi 27 avril 2011

Neuvième art

Parce que Georges Fourest m'a montré que l'on pouvait faire de la poésie à tous propos, et qu'il faut bien parfois savoir s'amuser...

Des mots et des images dans un curieux mariage
S'arriment au papier donnant vie au mirage
Que nous, simples mortels, effeuillons au passage.

Oh bien sûr, le célibat des mots, c'est une toute autre affaire,
On y place le prestige d'un sublime univers!

Ces demoiselles vives, en formes et couleurs
Ont su discrètement patienter que leur heure
S'en vienne finalement les mener au bonheur...

Voici que les mots si éloquents musellent alors leur prose,
Et voient dans le symbole comme une apothéose!

Nous français apprécions un peu trop la pureté,
L'eau et le vin ne se boivent-ils pas séparés?
Ignorant tout bonnement qu'un dessin sait parler,

Nous continuons de fragmenter un langage qui domine
nos vies si minuscules qu'aucun sens n'illumine.

Le mariage des saveurs constitue-t-il un crime
Si vil et destructeur que plus aucune rime
Ne saurait perdurer sans la chaleur intime

De mots tristes et désuets, trop chastes et peu limpides,
Auxquels la solitude concède quelques rides?

dimanche 24 avril 2011

Les gens qui nous ressemblent

Il y a des gens qui nous ressemblent. Tellement d'ailleurs que l'effet en est troublant, légèrement euphorisant au départ, puis quelque peu déroutant par la suite.

J'ai personnellement tendance à fuir les gens qui me ressemblent trop, bien que je n'en rencontre pas souvent. Jusqu'à présent, ces gens, ces âmes soeurs, je n'ai fait que les lire. Mais l'écriture, à ceux qui savent l'apprécier, est un vrai révélateur implicite de l'identité psychologique des gens. L'expression "lire quelqu'un" est plus polysémique qu'on ne le pense, elle illustre parfaitement cette persistance de l'âme qui s'ancre aux mots telle une ombre silencieuse.

J'ai donc rencontré parfois, des personnes me faisant furieusement penser à moi, à ce que je suis en mon for intime. Le dénouement systématique de ces rencontres est une impression de suffisance et d'arrogance. Ces gens qui se croient si intelligents, me dis-je en pensée, ils sont en réalité si banals, si dénués de sens, eux-aussi, dans leur quête de puissance. Si c'est ainsi, c'est certainement qu'au fond, c'est aussi l'impression que je donne de moi aux autres... Ce n'est pas une fatalité, j'apprends de mes semblables, j'en tire des leçons. Éventuellement, j'évoluerai. En tout cas, je n'ai aucune envie de rencontrer ces gens-là, je préfère me confiner dans mes illusions d'unicité (bien que je sache au fond être différent d'eux, ne serait-ce que dans quelques détails signifiants).

Si c'est ainsi, c'est peut-être que la nature est bien faite, elle nous éloigne de ce qui est trop semblable, pour provoquer le mariage des différences, pour qu'advienne l'inconnu, le changement.

Décidément, la nature est bien faite, si bien faite qu'elle sait me faire observer ma propre vanité à travers le reflet d'autres que moi. La nature, et ce sera peut-être là ma pensée profonde de la journée (pour ce que ça vaut), c'est peut-être au fond ce mouvement de la vie qui pousse à l'évolution par la rencontre des opposés...

jeudi 21 avril 2011

Notre voyage

On peut partir si tu veux, prendre un peu l'air et s'évader,
Par nos pieds volontaires se laisser guider...

Sac à dos sur les épaules, on pourrait s'en aller,
Les poches vides mais pleines de liberté...

Je nous vois marcher sans cesse à travers plateaux et puis plaines,
On sourirait, nos coeurs loin de la haine.

Tu dirais oui? Si un jour, fatigué de nous voir si pressé,
Je te propose une odyssée?

Tu quitterais tout? Maison, famille et puis amis?
Pour une pause ou le voyage d'une vie?

J'y ai pensé tu sais, et plus que de raison, à toutes ces contrées
Ces gens qui s'accordent aux saisons.

On pourrait tout brûler avant de s'en aller, et de nos chaînes faire un brasier géant.
Tes vêtements puis mes livres, qu'on jetterait au vent.

Ah, les départ... Je parle des vrais, ceux dont on ne revient pas,
Où le temps s'étire sous chacun de nos pas.

Dans notre joyeuse dépossession, on nous jugerait certes déraisonnables, voire utopiques,
Et tu penserais: "Seulement pour les esprits mathématiques..."

L'inconnu, mieux vaut aller à sa rencontre plutôt que d'en frôler les contours,
Et à son ombre faire un grand détour.

Nous, on préfère affronter poissons, guêpes et tiques et s'en aller aux cieux,
Pourvu qu'on soit deux.

Nous serons beaux, nous serons forts ma tendre et de nos mains tendues vers l'être humain,
On saisira l'amour sans penser à demain.

Je t'aime à chanter sous le ciel bleu de la Terre, on partagera notre voyage,
Pourvu que nos âmes cheminent sans ambages.

C'est notre Terre, c'est tout à nous, penserons-nous alors,
Réalisant l'idéal grec d'un temps qu'on croyait mort...

Tournant mes yeux vers toi, j'exprimerai alors sans l'aide d'aucun mot,
L'exquise douceur des tiens pareils à des joyaux.

lundi 18 avril 2011

Synchrones

Puissant et délicat, l'arôme de tes bras,
Que tu pends à mon cou dans un banal émoi.

Pourtant ce ne fut pas de tout répit que d'arracher ton coeur aux griffes de la nuit.

Le temps qui s'écoule nous jette à la figure
Cet écho du passé, notre ego, son reflet,
Qu'on s'acharne à fixer sur un instant figé,
Condamné que l'on est à parler au futur.

Lorsque nos coeurs se touchent, et que le temps se tait,
Le présent c'est ta bouche et mon éternité.

Passé, présent, futur, au final que des mots, qui s'enfuient une fois dits et nous parlent de haut...

Je frémis quand tu cueilles les fragments d'une vie
Qu'un temps s'alliant au vent me dérobe et puis sème.
Et que de ces lambeaux, qui s'enfuient dans mes nuits,
Tu vienne tresser des vers qui s'unissent en poème.

vendredi 15 avril 2011

Mondsee

À l'agonie du jour quand les morsures du soir
Tacheront de sang le crépuscule noir,
Et que la nuit déçue viendra pleurer si fort
Son amour interdit parti marier l'aurore.

À ce moment là seulement tu paraîtras:
Reflet d'une étincelle faisant feu de tout bois
Voguant trop près du ciel, le caressant des doigts,
Tu chercheras ton heure en éclairant les toits.

Et peut-être qu'alors, mes yeux cherchant ton or
Obliqueront vers toi mon regard triste et las.
Tu jetteras sur moi dans un dernier effort,
Un peu de cet éclat qui veille sur les morts.

jeudi 14 avril 2011

Utopie

-"Dis papa?" s'exclame l'enfant accroché à son père,
"Est-ce qu'il y aura le marchand de rêve?" d'interroger...
-"Aussi longtemps que tu fermeras les yeux la nuit,"
"Pour toi et tous les autres, les rêves seront gratuits."
Et ils marchaient dans les avenues du vent, s'en allaient,
Leurs pas semblant danser sur le pavé, portés par l'air et la gaîté...
-"Papa? Est-ce qu'il existe vraiment un lieu où les rêves se réalisent?"
Murmure le petit homme, levant la tête, croquant sa pomme.
-"Bien sûr, ils vivent ici, dans ton esprit, et partout là parmi les hommes."
L'idée faisait son chemin dans la tête blonde et puis soudain:
-"Mais alors, pourquoi est-ce qu'on ne vole pas hein?"
Le vieil homme sourit, humant la terre tout en parfums:
-"Si tu le veux assez, tu pourras t'élever..."
"Tes rêves petit, il te faudra les incruster"
"Dans cette vie que tu écris de ta jeunesse et tes cris."
Leurs pas, ayant quittés la route, craquaient maintenant sur les graviers,
Leurs âmes enchantées, pareilles à des oiseaux piaillaient.
Un pacte avec le temps signé à l'azur du présent.
-"Tu sais, avant qu'on fasse le tour du monde, un homme l'avait rêvé..."
-"Alors un jour notre univers, ne sera qu'amour charme et bonté!"
S'écria l'enfant conquis par la puissance d'une utopie.
-"Si tu le veux assez, le monde tu sauras lever"
"Et avec toi porter l'humain en son entièreté."
-"Il me faudrait donc effacer le mal ainsi que les erreurs passées?"
-"Bien sûr que non mon fils, elles sont la base de l'édifice."
"Tu devras t'élever au-dessus de tes fautes,"
"Côtoyer les mensonges, la peur et puis les doutes."
"Mais sans perdre de vue qu'il y a toujours une route"
"Que tes pieds foulent vierge, sillon du lendemain."
C'est alors que l'enfant sourit, ayant enfin compris
Qu'à l'homme il est permis d'aimer aussi la nuit
Parce qu'elle promet le jour et enseigne l'esprit.
-"J'irais parmi les hommes décidant de ma vie"
"Chérissant le pardon qui soulage et libère."
"À ceux qui n'osent plus, j'exposerais mes torts,"
"Soignant les coeurs figés par l'angoisse du remord."
"J'ai bien compris papa où m'ont mené tes pas,"
"Et crois-moi à jamais, j'irais le coeur léger."

mardi 12 avril 2011

Le jour d'après

D'une douceur éphémère
S'est repue ma colère,
Générant vagues et chaos
À la surface des mots.

Depuis, tout s'est retiré dans les profondeurs abyssales
D'une nuit sans lune où seule l'obscurité se fait jour.
Témoin d'un passé sinueux où se mourrait l'amour
Dans des regards absents au silence infernal.

Sous des salles combles le diable paradait,
Jetant aux flammes la vertu qu'on perdait,
Vendant nos femmes et puis nos âmes,
Banal spectacle de nos drames...

Aujourd'hui ils se drapent de silence,
Leur troupe morne sans répit avance,
Fouillant leur victime dans le fol espoir
Que malgré leur crime elle revive un soir.

Et je pleure bien sûr,
Notre mort programmée par leur ignorante armée.
Le néant au moins sera pur...
Dit le jour se fermant sur la terre condamnée.

L'intelligence

Le foisonnement des définitions subjectives de l'intelligence était trop intolérable à la science pour qu'elle ne décide pas d'établir son acception du terme, acception devant forcément faire office de vérité universelle. Puisque la science est aussi dépourvue de capacité d'analyse qu'un télescope, il ne fallait pas s'attendre à un bouleversement de l'interprétation de cette notion à travers la recherche audacieuse d'un sens demeurant jusqu'à présent muet. La science accoucha encore une fois d'une unité de mesure: le quotient intellectuel. Sorte d'échelle pour mesurer les performances du cerveau humain sur un plan purement fonctionnel et quantitatif, sur un plan dépourvu d'imagination et de toutes les qualités faisant de l'être humain une 'machine' plus merveilleuse que tous les super-calculateurs du monde entier.

L'humain, ne perdant aucune occasion de se mépriser, tentant de s'affranchir de tout ce qui le définit et constitue son originalité, se mit à vouloir observer le monde par l'oeil sans conscience de la science. Faisant fi du sens, jugé trop arbitraire, il décide ainsi de se perdre dans la description sans cesse plus précise du monde phénoménal, accumulant des données sans jamais être capable de leur donner un sens à travers la synthèse et l'interprétation. Le sens? à quoi bon, trop risqué! S'écrit-il. Pas assez fiable. Si la fiabilité signifie l'observation d'un monde devenant sans cesse étranger puisque jamais apprivoisé par l'interprétation, notre méthode d'investigation s'avère effectivement très efficace. L'humain est plus que jamais perdu, lâché au milieu d'un univers qu'il n'ose plus comprendre, craignant bien trop d'user de sa liberté à travers le choix et le sens. Patiemment il observe, voyant s'ouvrir à lui les multiples chemins de l'interprétation métaphysique, mais préférant tourner en rond, tournant la tête en tout sens sans jamais mettre un pied devant l'autre...

Au risque de me mouiller un peu trop, d'être à côté du sujet ou de me contredire ultérieurement, c'est une interprétation très personnelle de l'intelligence que je m'efforcerai de fournir ici. Je choisis délibérément la subjectivité d'une définition de l'intelligence qui la subordonne à une direction voulue. Il me semble que ce concept abstrait qui se nourrit de l'identité, est inextricablement attaché à la conscience et donc à la subjectivité des individus possédant cette qualité. Qui est intelligent pour l'un ne l'est pas obligatoirement pour l'autre, loin s'en faut. C'est précisément en cela que le concept d'intelligence s'érige en utopie, il est un idéal propre à chacun bien que ses traits caractéristiques puissent être, dans une plus ou moins large mesure, partagés.

C'est donc ici mon idéal que j'expose, en tout cas celui qui fait sens en moi.

Le royaume des représentations: siège de l'intelligence

Nous l'avons vu en parlant des sentiments: l'homme est un être qui réside dans la plus pur virtualité de représentations mentales subjectives qu'il s'est construit (et se construira tout du long de sa vie) par l'acquisition du langage, de l'éducation, de son expérience personnelle. Ceci peut s'expliquer assez simplement par le fait que l'être humain ne possède aucun moyen conscient d'appréhender la réalité brute. En effet, tout ce qui lui parvient est le fruit d'une analyse, d'une interprétation de la conscience. Il est intéressant de détailler le processus d'appréhension de la réalité par l'humain.

L'homme perçoit le monde phénoménal par l'intermédiaire de ses organes sensoriels. Ces organes reçoivent les stimulii du monde physique pour les envoyer au cerveau qui, par l'intermédiaire de la conscience, va les interpréter en les intégrant dans l'univers des représentations mentales.

À aucun moment il n'est donné à l'homme de connaître la "chose en soi" puisque l'acte même de cognition suppose une conscience (qui ne saurait exister sans son alter ego: l'inconscient). Afin d'expérimenter une réalité physique sans intermédiaire, l'homme ne possède que son corps. Cependant, même ici, il lui faut taire la conscience afin de pouvoir vivre dans une sorte d'instantanéité figée, muant l'écoulement du temps dans une éternité d'où est forcément exclue tout témoignage de la conscience basée essentiellement sur le souvenir. Il doit donc perdre temporairement son identité s'il veut être. Etant passablement admis le fait que nous ne sommes vraiment nous-mêmes qu'en phase consciente, nous n'avons pas accès à la véritable nature d'un monde que l'on est voué à sans cesse interpréter pour en combler les vides. De toute façon, la conscience et donc l'intelligence en sont à jamais bannies...

L'intelligence commence donc là, dans l'ébullition de la conscience. Mais si l'on peut assimiler la conscience au royaume des représentations lui-même, l'intelligence serait plutôt l'architecte qui prélude à toute construction psychologique. Elle correspond donc avant tout à un chef d'orchestre, à une manière particulière d'intégrer les données du monde pour en créer des représentations, à la façon de les agencer mais surtout de les relier entre elles dans une unité fondamentale qui s'apparente au sens.

Ce que l'homme appelle le sens, c'est cette faculté de mettre en relation ses représentations dans une apparente union. En cela, je reprendrais la thèse de Piaget selon laquelle l'intelligence est la réunion de moyens (les stimulii extérieurs transformés en représentations) en vue d'accéder à une fin (le sens qui est la forme que l'on va donner à nos représentations).

Cette fonction de lien discursif, la capacité d'accoucher du sens à partir de données de départ est sous-tendue par le raisonnement et plus précisément par la logique.

Un pont nommé logique


Si l'on accepte le fait que l'apport de sens est une fonction fondamentale de l'intelligence alors la logique s'érige en pierre angulaire de cette dernière. La logique est précisément la réunion de moyens pour accéder à une fin (comme dit précédemment). En effet, pour raisonner, l'esprit a besoin de plusieurs pré-requis:

    • D'abord la présence d'un horizon ou d'un cadre de la pensée, propre à contenir le raisonnement et à le fixer sur des bases suffisamment solides pour ne pas qu'il s'effrite. Etonnamment donc, pour que l'intelligence puisse oeuvrer sans limites, il lui faut des bornes. Ce paradoxe apparent, ne l'est en fait pas du tout et l'on peut se référer au langage pour s'en rendre compte. Les possibilités d'expression de ce dernier sont infinies et pourtant, il s'appuie sur un nombre bien fini d'unités, ordonnées selon des règles sémantiques relativement fixes que l'on nomme code. Ce code est indispensable à l'expression. Il en va exactement de même pour le raisonnement qui outre le fait de se baser sur le langage pour opérer, nécessite la définition d'un cadre strict qui soit partagé par tous: récepteurs comme émetteurs. Prenons un exemple simple: parlerons-nous de la même manière s'il nous faut analyser le principe de causalité en sciences humaines ou en sciences physiques? Nous devons auparavant poser un certain nombre d'axiomes, délimiter un terrain de jeu. Il est par exemple impossible pour l'homme d'élaborer une logique ou un raisonnement s'il se place dans un absolu. Aucune pensée, ni aucune représentation ne saurait exister (chez l'homme) lorsqu'on veut se placer dans l'absolu. Il est le lieu de l'abolition, de la dissolution de toute identité et donc le domaine exclusif de l'être.
    • En outre, la logique requiert un véhicule matérialisé pour nous en langage. Toute logique est forcément discursive et tout raisonnement ne peut exister que par les mots. Ils sont là encore l'encre qui imprime les pensées, leur permet d'exister dans le temps et ainsi de créer la possibilité d'un retour en arrière, d'une boucle réflexive. Le langage est bel et bien le terreau de la conscience.
    • On l'a vu précédemment, des données sont nécessaires puisqu'on ne traite pas le néant. L'esprit les trouve dans ses représentations, à travers le souvenir des stimulii cristallisés.
    • Le temps est nécessaire à toute logique car le raisonnement s'inscrit naturellement dans celui-ci. On ne dessine absolument rien avec un crayon dont l'encre s'effacerait presque instantanément. La mémoire est le fondement même du raisonnement puisqu'il est ce qui permet aux données d'exister, le temps est le mode d'existence de toute donnée.
Tout est maintenant prêt à accueillir la si mystérieuse logique, mystérieuse en cela qu'elle possède un caractère universel qui la rend troublante à plusieurs égards. Qu'est-ce qui peut justifier le fait que les hommes à travers les âges et l'espace, reconnaissent implicitement l'existence d'une logique universelle, indiscutable? C'est de manière très intuitive que l'on s'exclame: "ça semble logique!". Et pourtant, d'où peut bien provenir cette intuition? Je ne m'avancerais pas sur ce terrain mais je me permettrais seulement d'ériger une hypothèse. Peut-être toutes les langues humaines partagent effectivement une sorte de structure commune, comme s'en réclame Chomsky, et que cette structure, ce méta-langage prête à l'homme ses caractéristiques discursives d'assemblages d'unités logiques, de production de schèmes porteurs de sens.

Toujours est-il que la logique est primordiale à l'intelligence, elle est le ciment qui relie les représentations entre elles, elle est le stylo reliant des points séparés et qui dessine lentement une figure. La logique crée des chemins d'un point à un autre, va organiser les représentations, effectuer une taxinomie, faire des parallèles et élaborer des règles générales. Elle est pure capacité d'abstraction basée sur les rapports de causalité qui permettent de dégager des règles, d'anticiper, de créer des données qui n'ont pas encore été rencontrées dans le monde réel. Plus qu'un pont jeté entre les représentations, elle agit comme un mariage entre celles-ci, mariage qui a tout loisir de mener à l'enfantement. La logique crée donc à partir de l'existant de nouvelles représentations dont l'apparition est expliquée, mémorisée par un rapport de causalité qu'emprunte le raisonnement. On peut la comparer à la force vitale des êtres vivants.

Changement de paradigme: l'abstraction de la conscience


Il existe des degrés de conscience que l'homme va traverser au cours de sa vie. Certains sont induits naturellement, d'autres peuvent l'être de manière artificielle (c'est le cas des drogues par exemple). Cepedant, plus la conscience a la capacité de modifier son propre état, c'est à dire de s'amplifier en prenant de la hauteur, s'extrayant toujours plus d'elle même, ou bien de s'atténuer, laissant à l'action la part belle, plus l'intelligence s'en trouvera lubrifiée et augmentée. Cependant, c'est la capacité d'abstraction de la conscience qui va déterminer le degré d'intelligence, en effet, plus la conscience peut nous élever au-dessus des choses, au-delà d'elle même, plus elle génère de chemins logiques à travers de nouvelles perspectives. On l'a vu, l'intelligence est fortement lié à la faculté d'esprit critique induit par la possibilité d'observer d'une perspective toujours plus neuve et surtout toujours plus lointaine afin d'extraire les schèmes fondamentaux de toute chose. Il est bien plus simple de cartographier la Terre d'un satellite plutôt que d'un avion, le summum restant de combiner ces deux voies d'observation.

La conscience apporte la lucidité, elle ouvre l'esprit à l'assimilation d'informations et à leur traitement. C'est par là même qu'elle s'avère propitiatoire à l'intelligence, en la rendant alerte, en éveil et en la nourrissant de fraîches représentations. On ne connait jamais mieux une chose que lorsque l'on sait multiplier les chemins qui y mènent. La conscience, agissant telle une fenêtre sur le monde, crée la distance nécessaire à l'observation. Elle permet à l'information d'opérer cette boucle précieuse de l'information entre l'observé et l'observateur. Mieux, elle nous donne la possibilité d'observer le mécanisme d'observation afin de s'en détacher, d'en débusquer les forces et faiblesses et d'en renouveler les angles d'interrogation. En bref, elle nous éloigne sans cesse du territoire pour mieux en élaborer la carte (pour reprendre et paraphraser Korzybski).

On peut effectivement dire que la conscience agit comme un miroir nous laissant observer aussi bien notre propre personne que ce qui entre dans notre champ de vision. Elle nous donne à voir l'envers des choses, elle est une voie détournée vers elles. La conscience est le détachement de l'expérience concrète, cédant la place à cette inquisition de l'esprit qui se refuse à être acteur pour devenir spectateur dans une sorte d'homothétie qui l'ôte de l'éternité de l'instant. La conscience est le témoin de l'individualité embarquée sur le navire du temps et qui la dérobe à l'expérience directe de l'être. Par elle, on vit donc le temps comme une succession d'états figé mais dont la rapidité d'enchaînement nous donne l'illusion d'une continuité. C'est dans cette course qui nous extrait à chaque fois d'un état présent sans cesse défunt, que l'on peut s'observer à travers la mémoire et par là même devenir conscient de sa propre durée (qui est je le rappelle le témoin de l'existence). La conscience est ce précieux don (qui peut aussi pour certains être le plus lourd fardeau) qui fait de nous, êtres humains, des entités perpétuellement confrontées à cet écho du passé les privant de l'instant présent, figeant ainsi le monde comme une rangées de diapositives que nous viendrions projeter. Nous regardons le souvenir des choses qui persiste, et plus nous augmentons cette mémoire, plus nous parcourons ces ruines, plus nous élaborons les règles d'un monde dont l'éternité nous échappe à travers la reconstruction subjective de représentations qui voudraient fixer une fois pour toute ce présent interdit.

La créativité: liberté, chaos et une dose de folie