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dimanche 30 mai 2021

Principe génétique de l'œuvre et morphogénèse phénoménale

 Il n'y a jamais inspiration d'une œuvre déjà formée, réalisée et exprimée. L'inspiration concerne plutôt un sentiment esthétique, une idée, une intuition ou une mélodie noétique qui entre en contact avec les formes idiosyncrasiques d'un individu, avec ses capacités.

Cela dit, l'artiste ne pourra intuitionner l'essence de son œuvre que de manière préformée, déjà en accord avec les modalités intuitives qui le constituent (et qu'il a développé à travers son histoire), ainsi que les formes expressives qu'il aura choisies (ou du moins celles qui lui sont le plus naturelles). On ne peut sentir la chose en soi, l'informe et l'indéterminé. Il faut nécessairement que l'intuition fournisse un matériau pré-moulé, un germe.

Ce germe, ce génome, se développera ensuite morphogénétiquement par la technique et le travail de l'artiste. C'est par le soin qu'il apporte à ce germe que va pouvoir naître et éclore, peu à peu, la forme réalisée de cette puissance dont l'artiste s'est fait le réceptacle. Une même idée, une même chose peut ainsi se développer d'une indéfinité de manière, au sein d'un même individu, en fonction des outils qu'il emploiera pour la faire naître au monde phénoménal, ou entre différentes personnes.

L'intuition artistique, de la même manière que toute intuition, est une rencontre avec la chose en soi traduite sous la forme d'un phénomène qui se déterminera de plus en plus à mesure du choix opéré par l'artiste d'un support ontique et d'une technique.

Contrairement au règne des perceptions et intuitions banales, qui font signes vers le reste du monde naturel, l'œuvre doit faire du phénomène par lequel elle s'incarne le signe transcendant d'une indétermination originaire (non totale puisqu'elle ne serait alors rien pour nous), suffisamment qualifiée cependant pour que l'on la perçoive et suffisamment générale pour qu'elle déborde le cadre de son domaine phénoménal et parle aux structures de l'individu percevant, en fonction de ses modalités intuitives propres.

Autrement dit, le morceau de musique ne doit pas être compris par autrui d'un point de vue purement musical. C'est pour cela qu'il peut faire naître en son auditeur toute une variété de réactions allant du sentiment émotionnel au mouvement corporel (la danse, la vision imaginative, l'impression poétique, le vertige, etc.). Il est apte, lorsqu'il est interprété par autrui, à reproduire un message, un signifié qui ré-installe le germe intuitionné initialement par l'artiste au sein du récepteur, dans son indétermination originaire, en laissant ainsi à ce dernier la possibilité de faire éclore à partir de ce noyau ontique, toute une variété de mondes qui porteront, dans la forme de leur écho, la signature ontologique du récepteur.

Par là, l'œuvre propose un véritable champ morphogénétique ouvert. Il n'est pas clôt par une définition mais institué par le principe génétique de l'œuvre.

jeudi 4 juin 2020

Être poète au 21ème siècle ( 2 )

Être poète est une bien étrange affaire. Lorsqu'il me faudrait prendre en main les enjeux de ma vie sociale, je me vois dans l'incapacité d'y répondre précisément parce que l'injonction poétique est plus forte que tout, elle prend le dessus sur le reste.

Au lieu de chercher un domicile, qui me fait défaut depuis plus d'un an, je reste attentif, vigie à l'écoute de cette sphère musicale où je pêche un entrelacement d'écailles diaprées qu'ici j'expose enfin.

Il m'est absolument impossible de faire autrement. Je ne saurais dire pourquoi. C'est au-dessus de mes forces de ne pas entendre cet appel, comme s'il n'y avait finalement rien, absolument rien, de plus important à faire que cela.

Je crois rester raisonnable en émettant l'hypothèse suivante: il en va certainement en partie de l'imprévisibilité de ces états d'inspiration où les cieux s'entrouvrent vers l'ailleurs poétique dans lequel il faut plonger. Ça ne se commande pas bien que l'on puisse reproduire par quelques rituels un ou des contextes que l'on a pu identifier comme propitiatoires à cette union sublime.

Il faut donner sa vie à ses moments d'inspiration. Rien d'autre ne compte vraiment. Être là, quand cela vient.

On pourrait, à observer mon inactivité apparente, se dire qu'il n'y pas là de quoi faire vocation, qu'en somme il s'agirait plus d'un passe-temps aléatoire que d'un véritable sacerdoce et pourtant... Il s'agit en fait d'un destin à plein-temps.

La réceptivité poétique doit être de tous les instants, tous les regards, elle transforme à son fondement la manière d'être au monde puisqu'elle est le prisme à travers lequel nous vivons chaque évènement. Dans les moments les plus anodins, nous sommes poétiques, dans l'inactivité, nous sommes poétiques, la psyché creuse, travail en soubassement. A lieu une constante exploration de soi et du monde, une recherche de portails menant vers cette dimension d'harmonie poétique. Ce monde est comme une immense gare où les trains sont des élans musicaux: vous en saisissez un bout et la suite devient évidente, se déroule sous vos yeux sans presque avoir besoin de vous. Nous sommes constamment à la recherche de, ou du moins disponible à, ces instants. Et ce service n'a pas d'horaires fixes, il est un état permanent qui a priorité sur tout le reste.

Lorsque nous sommes à l'écoute, nous travaillons, accumulons en nous la monnaie nécessaire à l'échange qui viendra, nous grappillons de ci de là quelques notes prises sur le vif, ourdissons quelques rimes, quelques idées qui peu à peu s'assemblent, prennent forme jusqu'au moment d'union finale.

Il n'y a aucun repos dans cette vie. Et le fait qu'on ne reconnaisse plus le destin des poètes comme un métier légitime sème beaucoup d'embûches et de difficulté sur cette route étoilée, mais la souffrance est une monnaie que je récolte sans crainte, je sais ce qu'elle permet d'acheter.

lundi 13 août 2018

L'inspiration s'en va, s'en vient, a toujours été là

Quelle musique devient-on une fois mort?

Les formes musicales m'ont toujours fascinées. Je crois que la plus fondamentale de mes identités est la musique, peut-être est-elle le substrat qui unifie par sa temporalité le flux d'une vie faites d'actions éparses, faisceaux désaccordés qu'un regard entrelace.

L'inspiration ne s'est jamais tarie, malgré les tornades et les raz-de-marée; même dans les ruines, toujours le renouveau s'en vient chanter. Les accents de ma mélopée sont semblables à ceux que j'ai toujours connu, ce jour où ma conscience est née. Je naît et renaît d'innombrables fois dans la matière imaginaire de la mélancolie. Cette géométrie qui dicte ma vision même est teintée de ses nuances et de ses profondeurs. Mon espace-temps est mélancolie même, mes bonheurs atones sont assis dedans.

Je crois que chacun de mes visages est un golem sans matière réelle, immatériellement triste et protéiformément singulier. C'est à dire que ma souffrance est capable de prendre tous les visages, elle peut devenir tous les sentiments même les plus (communément admis comme) antinomiques.

J'aimerais plus de vie, plus de secondes pour connaître mes possibles profils, donner à cette dunamis d'être, à ce lubrique conatus, la matière du réel à travers toutes les formes musicales pensables. Mais au fond, je sais que moins il y a de secondes à égrener, plus la métamorphose que représente un destin se fait vivace, plus elle brûle et donne à voir aux yeux des autres, les vives flammes d'une expression pressée.

Expression: action de se chercher au-dehors?

Au feu, en flammes tous mes voeux, ma maison de papier brûle et ce sont tous mes rêves, chacune de mes pensées qui s'en vont teinter les cieux de mon encre. Le sang bien noir se détache bien mieux sur les cieux clairs. Je parle pour et contre le jour, et la nuit me reconnait toujours comme un de ses enfants. Nyx est la mère de tous ceux qui rodent autour du Styx comme auprès de l'abîme; à la fois excités et terrorisés d'être mus par une force insurmontable qui précipite leur volonté dans l'insondable singularité, dans le fond du gouffre sans fond de cet abîme qui vous regarde aussi.

Retenir la musique est une entreprise insensée. Tout cela n'a pas été écrit par moi, ce sont vos propres histoires que vous lisez, ce personnage que vous imaginez n'est que le fruit de votre regard et votre jugement. Je suis le grand absent de ce non-lieu, tout ici ne parle que de vous. Vous êtes la sémantique de ma prose, l'interprétation de mes partitions littéraires.

Moi? Moi je suis déjà ailleurs, dans la seconde qui s'écoule et qui dès lors qu'elle existe, est déjà passée. Cette malle numérique est une chambre hantée par les fantômes de mon passé pensé. Tout n'est qu'intrication complexe d'empreintes, attendant qu'un détective passionné vienne créer pour lui-même les histoires que l'on se conte et qui nous mènent au bout de la nuit.

Nous avons tous besoin d'une histoire pour affronter l'aurore. L'humanité, sans doute existe, c'est à dire se tient debout, sur et par son histoire même.