samedi 16 décembre 2017

Passé présent




Souffle des lueurs lointaines, moi qui t'ai recherché depuis mes premiers pas. Maintenant que je t'ai je te quitte, j'ai volé ta chaleur que je brûle en moi. Dis m'en veux-tu, d'être un voleur sans lois, un traînard sans visage qui sème derrière lui de sombres masques et des lambeaux de vie? Comment te voir encore quand je suis différent, aussi lointain et intangible qu'un monde parallèle... Il me faut déposer la dépouille qu'un jour tu as illuminé pour continuer à aller, persister autre part, pour exister, tout simplement. Coeur nomade cherche une terre qui ne saura le retenir, et celle qui le pourrait ne peut que faire souffrir...

Mais ceux qui vivent sur le rivage ancien, y penses-tu? Coeur sans amarre a planté l'ancre dans bien des souvenirs et tes aubes d'orange et de mauve sont à jamais peut-être un horizon lointain sur lequel se posent mes pas bien incertains. Que je sois pardonné, pour ces peurs anciennes qui se sont incrustées tout au fond de mon coeur. Il faut partir, il faut partir est ce que me murmurent les nuits infinies et les crépuscules qui montrent le chemin bien immense qui s'en va aux étoiles et leurs poignées de mondes. J'ai longtemps cru que l'on pourrait bien vivre à vingt milliards d'années-lumières, avec pour seul témoin de l'existence enfuie la direction que fixe le regard et qui se noie finalement dans l'océan-mémoire. Car c'est dans la distance que se tissent les destins des Moires. C'est mon seul bagage, la seule babiole que j'ai gardé de toi: une vaste mémoire que mon présent éclaire. Parfois, lorsque je dépoussière au hasard un rayon de mes étagères, je tombe sur le chapitre ouvert d'un livre de chez toi, je m'y perd un instant - ou bien je m'y retrouve - et le sourire me prend, s'accroche à mon visage comme une liane tenace.

Sont-ce tes lueurs dans ces moments là qui font de ma figure un signe du bonheur? Être présent au passé dans une esthétique du temps qui fuit, voilà le sens de ma mélancolie. Passé présent, présent passé, je ne suis plus de ton espace, tes rayons ne m'atteignent, mais tu es bien du temps qui passe les plus belles notes, si vivaces en mon présent.

jeudi 14 décembre 2017

Harmonisation du processus créatif

La dimension laborieuse de la vie, et je comprends dans cette catégorie la création artistique, me semble pouvoir être surmontée par le rythme. Face à l'achèvement d'un projet il existe deux attitudes (parmi d'autres certainement) distinctes: la première consiste à ne pas reprendre son souffle et continuer ainsi sur la même lancée, sans un regard en arrière, sans goûter le fruit de son travail, de peur peut-être de l'enlisement, de la stase. La seconde attitude consiste au contraire dans le repos qui s'étire, dans le regard satisfait sur l'oeuvre, le chemin parcouru, jusqu'à s'y laisser absorber et enfin perdre le rythme. Plus un conditionnement est récent, plus il se perd bien vite.

Comme en musique, un rythme possède sa structure, ses temps de silences et ses temps forts. Il m'est personnellement utile d'être attentif au rythme qui m'a mené au bout d'un chemin, car si j'en respecte la structure, je suis à même de le reprendre au bon moment, presque sans effort au lieu de lutter et de me trouver bien inconfortablement sans cesse à contretemps. Mais tout rythme a aussi son méta-rythme, il faut alors observer l'ordre des transitions rythmiques, comprendre là où elles se passent de manière heureuse et là où ce n'est pas le cas. Savoir bien suivre un rythme et savoir bien en sortir, sans briser l'unité mélodique du flux créateur, voilà qui constitue un défi passionnant.

Le goût des réductions

Je me faufile sans cesse entre d'étranges gouttes d'encre qui cherchent à colorer les diaprures d'êtres vivants à la couleur de leur propre sentiment. Les crachins depuis longtemps jamais ne m'atteignent, je suis passé maître dans l'art de filer entre les trajectoires rectilignes de ces cracheurs de vérité qui cherchent à réduire un monde à leur monochromie, ou bien à leur polychromie particulière. Je m'étonnerais toujours de voir avec quelle vigueur et force de créativité ces gens là rabrouent autrui, le récusent, en font le mauvais exemple à ne surtout pas suivre. Comme si la nature avait choisi la réduction et l'uniformité, comme si elle n'avait pu perdurer qu'au prix de la simplification et de l’appauvrissement.

Mais les persiflages de ces oiseaux là ont un rythme que j'aime à emprunter pour y improviser mes propres schèmes, et voir un peu comment les éclairer de l'intérieur, comme la flamme des lithophanies. Crier, incruster son goût dans la chair blanche des livres ne donne pas plus de poids à celui-ci qu'à celui, silencieux, des autres... Réduire le divers, le rendre à l'unité parfaite d'un principe, ou quasi-parfaite d'une poignée de principes, voilà qui occupa bien des heures de philosophes et autres gourous.

Mais, je dois ici me confesser, j'aime toutes les émotions de l'âme humaine, je trouve un sens dans toutes ses expressions, et je ne pense pas que certaines soient à éviter plus que d'autres. Tout sentiment est un souffle qui peut produire d'indéfinies variations et formes. Chacun puise sa force où il le peut, mais il est inutile de tirer la langue et de montrer du doigt celui qui s'alimente de nos rejets et nos terreurs. Celui-là, un jour, pourrait s'avérer bien utile...

Et si quelque chose vous dérange dans l'expressivité d'un autre, demandez-vous: quel reflet de moi-même suis-je en train de condamner à travers celle-ci?

lundi 11 décembre 2017

La loi




Pour tout objet acquis
Tu en paieras le prix
L'objet ainsi cédé
Ne peut être repris

Ceci est ma loi
Ceci est mon cri
Son de ma voix
Qui bâtit ta maison

Sème les moissons
Fais se tenir ensemble
La mort imperturbable
Et puis la vie qui tremble

Pour tout choix que tu fais
D'infinis toi défaits
Petits tas de rien
Sur le sol qui te tient

Ceci est ma loi
Ceci est mon prix
Que tu payes de ta vie
Qui dessines ta voie

Tu ne peux qu'avancer
L'arrière n'est qu'un tracé
D'images actuelles
Que tu colles à ton ciel

Le signe n'est plus la chose
Et la chose n'est plus
Qu'une ombre sans distance
D'un objet sans instance

Tout est Un, tout est multiple
Tout est lié dans ton périple
Tes souvenirs sont la musique
Tes choix le long flux mélodique

Ceci est ma loi
Ceci est mon prix
Meurs ou bien vis
Mais qui choisit périt

Acrasie




C'est pour les coeurs fendus
Ceux qui sont pourfendus
Par un tyran désir

Et tous ces yeux qui pleurent
Embués des lueurs
D'une aube en eux qui meurent

Ceux-là qui s'échauffent et filent
Le long des flammes qui s'effilent
Et se consument dans l'obscure nuit

Destins qu'on dévide
Comme se vide l'intestin
Craché sur un présent livide

À qui l'on prête des couleurs
En ravalant ses pleurs
D'un seul trait - Garçon la même!

(Et le comptoir écoute
Et le comptoir attend
Que sur lui l'âme goutte)

Ce n'est pas l'ambroisie
Qui nous sert d'aiguillon
Voyons c'est la douce acrasie

Trinquons pour les nuits éveillées
Au bruit des âmes éraillées
Prenant de tous les trains ceux qui déraillent

Pour les amours trop endeuillés
Conscients que l'union nous défait
Complice d'un temps qui méfait

C'est pour les coeurs fendus
Les curriculum vitae pourfendus
Ceux qui du ciel sont descendus

Pour éponger tous les tourments
Avec un destin serpillière
Qui frotte les étoiles au creux du firmament

Pour ceux qui boivent solitude et font de l'aurore un enfer