jeudi 30 septembre 2021

Le champ des négations

Je connais mille gueules cassées qui, renversées comme un liquide épars, dégueulent un râle-en-rythme où se reconstitue la lune, le ciel et ses astres sereins. La poésie déborde de bouches édentées par un destin d'humain qui, voyant une ressource, enfonce ses outils, creuse jusqu'au noyau pour puiser un diamant. Tout cela forme des ruisseaux auxquels personne ne prête vraiment attention, à part les enfants sans projet qui construisent un radeau pour le voir s'éloigner, rêvant d'être à son bord et de fuir outre-monde. Nous avons l'âme au ras du sol, cherchant nos dents sur le pavé, tandis que s'écoule des plaies, l'hymne stellaire de notre nostalgie.

Je marche les pieds dedans: j'ai le poème comme enlacé aux chevilles, et des milliards de radicelles pendant de la plante de mes pieds -- et ceux qui savent regarder ne peuvent pas ne pas voir un arbre aux étoiles branché. Entre le ciel et la terre: les poètes, dont la sève est temporelle et ne s'attrape pas, tout comme les nuages que l'on aimerait saisir.

Peut-être qu'il existe plus d'espèces vivantes que l'on ne s'imagine, peut-être qu'à l'humanité se greffent quelques races d'espèces foraines et rebelles, qui marchent dans son ombre et recyclent les scories d'une croissance soudaine. Nous sommes les mange-douleur de la réalité en marche, d'une réalité, que vous pensez être la seule, et que certains nomment Réel... Fous que vous êtes. Que dire de nous qui vous suivons, synanthropes par défaut, suivant le fil humain dans un sillon de soufre, couturiers du tourment.

Hybrides et bicéphales êtres, deux visages pour être, deux cœurs pour soutenir les défaillances, deux néants, deux Touts, deux comme la division qui déchire et laisse une unité d'abîme écorchée vive, aiguë, brûlante comme la piqûre du monde.

Je reconnais mes semblables dans le délabrement de leur enveloppe, dans l'haleine avinée, dans cette tentative de tatouer sur son corps les signes du tourment, dans la beauté des ruines qui subsistent en rappel que le jaillissement d'un autre monde est bien toujours possible.

Sous les vilaines hardes qui forment le vaisseau sensible, j'entends bien malgré moi le cœur lumineux de vos âmes qui chante la présence des négations fertiles.

mardi 28 septembre 2021

Locataire du souffle suspendu

Il y a des vents sourds parfois, qui balayent au ras du sol une herbe tendre qui brûle au soleil. Ce soleil qui est toujours celui des autres, le grand soleil des mille obligations. Et l'herbe souffre et le vent qui la bat emporte au cieux si chaud la précieuse vapeur, la sève de cet élan.

Dans une plaine aux vents qui hurlent, la tige ploie et tient toujours, jaunie par l'astre qui assèche, inonde sous ses feux les choses alentours. Il y a des vents qui vous rossent, des astres qui vous tuent par leurs regards constamment allumés; qui referment sur vous une prison de solitude aux barreaux de lumière. Ce sont les yeux des autres qui dardent des lois vaines, et néanmoins cruelles; qui clouent le corps et l'âme en un circuit universel -- les systèmes ont des veines. Les systèmes, ont des veines...

Quand enfin l'émeraude mate des brindilles effritées n'est plus qu'un souvenir avalé par la Terre, que reste calciné dans les rets sidéraux le cadavre dressé de ce qui fut un jour naissant, alors la victoire est totale de ce qui, dans les cieux omniprésents, détache de notre être des qualités abstraites, alphabet minéral d'une langue abolie.

Entendez le silence de ces plaines, abîme entre les choses; ressentez la digestion du monde, qui brise toute altérité. C'est en ces terres désolées que je vis, tapi dans l'inétendue d'âme, anéanti durablement, fermement locataire d'un souffle suspendu.

lundi 27 septembre 2021

Électron serf

En me levant ce matin, contraint par le réveil, je sens, tout autour de mon être, l'étreinte familière de cette société que je subis depuis l'enfance. Les odeurs de cafés, le jour qui ne s'est pas encore levé, tandis que les humains s'énervent à colmater la fourmilière étincelante pour quelques rois et reines stériles. Tout ceci a un goût dont je me souviens avec une acuité étonnante. Cette contrainte inepte est incrustée dans ma chair, à tel point qu'elle suscite un ensemble de sensations et d'émotions qui se synthétisent en une sensation plus large, accord mineur de la résignation, sentiment subtile de la bête acheminée vers son lieu d'abattage.

Plus jeune (mais suffisamment pour vivre seul), il m'arrivait de ne pas me lever. Mais je vois qu'aujourd'hui, j'ai suffisamment intériorisé la contrainte pour qu'il me soit presque impossible de recommencer. Malgré tout mon élan anti-capitaliste, malgré tous mes bons sentiments, mes résolutions, je me fonds dans le circuit économique, électron borné qui file à toute vitesse sous la direction de lois implacables. Je nourris mon ennemi, jour après jour, éduque des enfants à faire de même tout en instillant, hypocritement, un semblant d'esprit critique pour me donner bonne conscience.

L'humain moderne est un être décidément pathétique.

jeudi 23 septembre 2021

L'étrange projet

C'est un sable dense que je creuse, trop dense pour mes bras. Mes jambes, sous le poids, flageolent et puis défaillent. Ce n'est que bien péniblement que je parviens à me tenir dressé, à chaque pelletée qui me propulse vers de nouveaux degrés de la souffrance. Mes muscles se contractent, je les sens qui me brûlent, et tout mon épiderme épileptique semble battu par un souffle de vie qui cherche à s'évanouir ailleurs.

Je creuse, consciencieusement, seconde après seconde, récolte dans la lame la substance des jours, que je rejette derrière mois, sur le monticule grandissant  des scories de cet indéfini projet de vivre. La vérité est dans l'abîme, je creuse à m'en rompre le dos, déchirer les tendons, jusqu'à n'en être qu'une larme immense d'inepte obstination. Chacune de ces douleurs constitue un écho que le réel consent à renvoyer à nos curieux appels. Et nos cris reviennent avec la même intensité, avec plus d'épaisseur et démultipliés.

lundi 20 septembre 2021

Play Stop Repeat

Arrive un stade où la vie ne semble plus rendre aucun son. On a beau marcher le long des jolis quais de la Garonne, avec le soleil étincelant sur l'épiderme fluviatile, tous ces éclats d'en haut nous sont des larmes qu'on n'a su pleurer...

Même le pas, qui pourtant porte par-delà l'instant, n'est que le métronome d'une musique qui ne veut pas commencer, qui s'est peut-être comme annihilée de bonheur dans la projection de sa fin.

La ville ne semble offrir que des docks, gris, couleurs de pierre sale, avec la rouille des containers incrustée dans chaque image. L'air a les odeurs de choux qu'ont certaines cantines le matin, et même les murs blêmes ont la mauvaise haleine.

Une baleine sortirait des flots de ce port fluvial, je n'en serais ému. Peut-être cela me divertirait-il, l'espace de quelques pas, dans la scansion de rien. Peut-être mes yeux avides de nouveauté iraient-ils boire le spectacle improbable avant de se rappeler tout ce qu'ils ont déjà vu, des centaines de fois, cinématographie du monde charriée par fibre optique, au goulot des prises murales.

Bordeaux maritime, ô combien sonne exotique ce nom à mes oreilles -- qui jouent les portes grinçantes entre l'enfer forain et l'intime Géhenne --, et néanmoins le claquement de ma semelle retentit dans l'espace vacant d'un quai de vieux pavés dégueulant la grisaille sur des bâtiments d'industrie. Même au soleil ces quais sont gris.

C'est tout de même pathétique, je veux dire: reléguer comme ça le monde à un décor de tragédie, la sienne, qui n'intéresse personne et que l'on visionne à longueur de journée parce que presque plus rien ne nous pousse à agir... Mais c'est ainsi. Les gens des accessoires pour des metteurs en scène tyranniques et sans espoir, qui ne savent agencer un espace qui parle de bonheur dompté. Le bonheur, est dans la dissolution des espaces ordonnés, des conventions, des files d'attente, des chemins tout tracés où tout un chacun s'engouffre prisonnier. Le bonheur dans l'éclatement de la scène, dans l'envers du décor -- pour peu que l'on parvienne à ignorer qu'il fait aussi partie du spectacle. Si l'on savait se contracter dans un présent absolu alors... Peut-être serions-nous heureux, puisque sans existence.

Je travaille, toute la journée, et quand je prends des pauses je ne sais plus me reposer. Je pense à la reprise, je suis déjà entièrement dans cet après. Il n'y a aucun répit: juste l'interminable répétition du même cycle dont l’interruption même n'offre aucun réconfort -- car elle n'en fait que trop partie. J'existe dans une distance impalpable où se délite tout entreprise: ma conscience s'étire, antérieure au Big-Bang et presque postérieure à l'univers en cours. Je gis, dans une durée si vaste qu'elle me réduit à un point sans surface, position jamais occupée, idée, concept, et puis que sais-je encore. La conscience ne fait que s'étirer, d'un bout à l'autre de la connaissance, elle est le monde, elle est le Tout qui manque le Réel.

Les couples, corsetés dans leur costume dominical, se tiennent la main en léchant les vitrines -- car les magasins ici ne ferment plus jamais. Ils continueront plus loin, peut-être jusqu'au pont, tout au bout de l'allée. Puis ils feront demi-tour, iront rentrer chez eux, préparer le repas, échanger quelques mots, visionner un feuilleton, faire l'amour, éteindre pour tout recommencer. En quoi cela constitue-t-il une alternative? Dimanche est déjà un Lundi, Lundi déjà toute la semaine: il faudrait qu'elle naufrage, idiote heptagonale, dans un oubli de soi pour que se détricote enfin cette route monotone. Je pense à tous ces étudiants, jeunes et moins jeunes, qui tapent contre les murs de leur cerveau, Vendredi et Samedi, à intervalles réguliers, réclamant, comme ils peuvent, à ce que leur ouvre un empathique geôlier. Ce ne sont que leurs mains qu'ils brisent par leurs coups répétés, et la porte vers l'Ailleurs demeure sous leurs yeux, grande ouverte, sans qu'ils n'osent regarder... Alors... Alors ils trouent leur cœur pour que le poison qu'ils y mettent puisse s'évacuer -- et tout recommencer.

Des pauses, dans un grand flux linéaire de vie: Clotho les a baisé sans qu'ils n'aient rien sentis.

Marcher est harassant, toujours plaquer un rythme décomposable à l'infini, en une suite ordonnée de gestes récurrents menant de rien à rien. S'arrêter, les coudes sur la rambarde en bois, faisant face à l'autre rive, lointaine et pourtant déjà là. Les bateaux vont bon train, découpent dans l'eau agitée leur sillage d'écume bien vite ravalé. Eux aussi scandent un seul rythme. Interrompu, bien sûr, par le roulis du sommeil nocturne, rythmé, lui aussi, par une inlassable houle -- du moins qu'on juge ainsi, peut-être injustement. On a peut-être cru, une seconde ou deux, qu'ils pouvaient être heureux, ces bateaux. Pourtant ils sont pareils à nous, attendant leur refrain dans l'éternelle rengaine de tout. Ces maudits refrains geignards, qui brisent le couplet unique, et nous ramènent à eux aussi sûrement qu'un ressac de grand coefficient. Ad nauseam. Si bien que nous sommes tous les sales refrains d'une chanson usée.

On a bien tenté de semer quelques idées dans l'alme flanc des eaux, mais rien ne demeure à flots, les songes coulent vers les fonds limoneux, épousent une vase incolore, ballottée mollement. Même les images n'ouvrent aucune brèche dans l'implacable réel monochrome... Pas moyen de suivre une histoire, de tisser sa toile sur l'écran des choses et d'y projeter l'Inconscient qui rêve d'autres temps.

Autres temps... À quoi bon. Un temps, un rythme. Un rythme, un cycle. Et tout cela s'enroule autour de soi en faisant du sur-place. On est peu différent à soixante ans qu'à vingt... On a simplement beaucoup trop de souvenirs pour s'émouvoir encore.

Heureusement qu'ailleurs, un doigt pressera le bouton stop. Dans la matrice à faire des mondes, une ligne instrumentale alors cessera. La bobine finira sa rotation, la bande magnétique sera rendue à son insignifiance -- et c'est tant mieux. Même les tubes finissent par ennuyer.

dimanche 19 septembre 2021

[ Madrudaga ] Honey Bee

Honey bee, ce n'est pas toujours comme on dit, les contes, les romans, n'ont pas toujours raison. Entre le mièvre paradis et l'insondable drame combien d'outrancières nuances? Vois l'arc-en-ciel des souffrances qui monte de la terre pour s'y replanter sûrement.

Tu sais rien ne remplace un arc-en-ciel lorsqu'il retombe dans la terre... Alors je pars au milieu de la nuit, avant l'aurore triste qui brûle nos étreintes dans un jour scialytique. Tu ne voudrais pas te réveiller avec un écho de mon feu dans un odieux linceul... Non ce n'est pas sérieux.

Honey bee, pars en même temps que la nuit. J'habite dans ta fièvre, elle ne doit pas s'éteindre, je circule en ta sève, gorgé de sensualité. L'aube n'est pas assez chaude, nous finirions piégés... Dans l'ambre d'une froide étreinte. Le jour est la Méduse qu'il ne faut regarder...

Viens cependant, chaque fois que s'éveillera ta corrosive passion. Ma fleur est sans saison, elle s'ouvre à ton appel. Viens honey bee, viens quand ton sang bouillonne, boire de ma vie le sel. C'est l'âme de mes nuitées blanches qui sur tes joues ruisselle.


Ce texte appartient à un recueil intitulé Madrugada, tiré du groupe éponyme dont il est la transcription poétique  de la chanson intitulée "Honey Bee". Ceci est ma tentative de traduire en ma propre temporalité la forme du temps que divers morceaux d'un groupe ont pu me faire être.


 

samedi 18 septembre 2021

[ Madrugada ] I'm no sun

 You better run hun, cause I'm no fun.

Courir à travers les cimetières, le long des pierres tombales, rectangles marbrés de chagrin, ô portes du silence.

N'essaie pas de marcher à travers la lumière, vois le soleil est froid, il a le teint d'abysse de mes yeux noirs. Reste au creux de ces ombres, vermine ventrue qui court à travers les tombeaux.

Je suis un cri, je suis un cri qu'on ne peut contenir. Un cri creux dans ton ventre lorsque tu crois dormir.

Rien ma jolie, rien jamais, non, ne me réveillera.

Ne marche pas dans la lumière, cours à travers les cimetières, des roses fanées sur le gris des cailloux, des portes closes pour jouir n'importe où.

You better run, hun, cause I'm no sun.


Ce texte appartient à un recueil intitulé Madrugada, tiré du groupe éponyme dont il est la transcription poétique  de la chanson intitulée "Vocal". Ceci est ma tentative de traduire en ma propre temporalité la forme du temps que divers morceaux d'un groupe ont pu me faire être.

 


 

vendredi 17 septembre 2021

[ MADRUGADA ] Le monde sous la terre


 

 

Savais-tu qu'il existe des bleus, oh des bleus infinis, dépourvus de noms et par là ignorés de nous?

Des bleus de la pluie aux bleus de la peau, tessiture de la nuit. Bleu cent mille volts à travers mes synapses, univers impossible, bleu jusque dans dans les fusibles, et quand tout cela pète, mauvais bleus sur la tête, tesson couleur marine.

Même les usines ont des ronrons de bruine entre un gris bleu de galets rond et l'anthracite des métaux. Bleu jusque dans les échos, le temps d'ici donne des coups, et le soir dans les bars, c'est l'âme en blue. On boit tous alignés dans des grands verres percés des gorgées d'âme en blue.

Blue note, en guise de parasol, cocktail enflammé pour brûler l'estomac, certains y voient le lieu de l'âme, passons ça au napalm.

La pluie battante emporte mes idées dans des affluents de grandeur qui lèchent un caniveau. C'est comme ça qu'on existe! Petit joueur de flûte... C'est comme ça qu'on charrie sa cohorte de rats, son petit paquet d'heures vers le rideau final. Radeau fatal en arpège mineur.

La Terre est bleue, partout, orbite aqueuse qui danse autour du feu, ma colonie de notes, bleues -- toujours ces notes ont été bleues; ma colonie honnie, je t'emmène à la mer, ouvre les yeux sous l'eau, contemple la lumière, avale tes prières, chuuut, C'est comme ça qu'on vit... Ou qu'on existe, ou qu'on dérive, ou qu'on erre sans air dans les bleus de l'amer; oh pourvu que soit bleu le monde sous la terre...


Ce texte appartient à un recueil intitulé Madrugada, tiré du groupe éponyme dont il est la transcription poétique d'une chanson intitulée "Vocal". Ceci est ma tentative de traduire en ma propre temporalité la forme du temps que divers morceaux d'un groupe ont pu me faire être.

 


 

samedi 11 septembre 2021

Aphorisme de la vertu

 Je suis une éponge à souffrance, partout je la ronge et l'absorbe, puis la dégorge en nuancier d'effroi.

jeudi 9 septembre 2021

Profil de liberté


 

 

Tu regardes le monde? De temps en temps; à tes heures perdues; ces heures, sais-tu, celles où s'élèvent de toi les devoirs forains, les chaînes, les liens. Ces heures, ma chère, où pétille ton âme qui s'ébroue, pétales de la contrainte ô ma fleur liberté...

Ô ma fleur, instilles ton venin, ma sève sans douleur est abreuvée de vin.

Tu n'es plus toute jeune, le monde, pourtant érectile, ne se tend plus vers toi. Dans des vaisseaux spatiaux, aux confins de l'éther, un genre d'humanité perpétuera l'amour. Mais tu n'en sauras rien. Tu ne seras pas là. Vois, déjà, comme encore présente, tu vis comme un fantôme...

Tu regardes le monde, je sais, j'ai appris tant de choses que j'aimerais oublier... Tu regardes le monde et toi aussi, tout comme moi, tu souhaiterais ne l'avoir jamais vu...

Ô ma fleur, ta sève est sans douleur, le temps est dans tes veines, comme un grand cru vieilli.

Tu regardes le monde? Et que vois-tu dis-moi. Je le regarde aussi, si bien que "le" devient un "un"... Tout est tellement trop simple car chaque instant est univers.

Ô ma fleur bois l'hiver, et sur mes nuits glacées répands donc ta lumière...

De temps en temps, à nos heures perdues, je dévisage en un néant, ce vain profil de liberté.

Tu regardes le monde? Ne réponds pas, je sais. Tu regardes le monde...

Ce qu'est le ciel

 Je me suis égaré dans les mots, sans savoir qu'y trouver. Je suis inconstant, jamais je ne fais que passer, j'entre avec tant d'intentions, puis aussitôt m'en vais. Je me demande à quel point je mérite le peu de mon succès...À quel point je suis inférieur à ce que les gens croient, combien ces fondations sont des sables mouvants où, quotidiennement, je m'enfonce et me noie.

Je ne sais donner à la vie les vives couleurs qu'elle mérite. Ma propre vie serait bien mieux usée par une âme nouvelle. Une âme qui en aimerait le goût, la saveur, dans son essentielle substance. À moi, je dois avouer, elle demeure indigeste. Il n'y a qu'indéfinis épices pour me la rendre heureuse, le sel m'est essentielle et la vie m'est cruelle.

Une souffrance qui se repose, en une conscience lucide, voilà tout le bien à attendre, voilà ce qu'est le ciel.

lundi 6 septembre 2021

Gods

Oh nous avons tout le temps du monde. Toute la consciente lucidité aussi brûlante que des étoiles folles. Que ferons-nous alors? Quelle qualité de l'être froisserons-nous dans la contemplation atone de l'instant? Et pour quel horizon? Quel idéal ardent de distance infrangible nous faudra-t-il convoiter enfin?

Nous avons tout le temps du monde.

Pieds suspendus sur la pointe de lune, avec les reflets mordorés de la mer en-dessous. Ligne de l'âme enfoncée sous les eaux: océan de la vie qui porte mes espoirs et ouvre ma prison sur l'indéterminé des nuits.

Nous avons tout le temps du monde.

Et se connaître est insensé. Nous avons tout le temps du monde, il ne faut pas surtout, surtout pas se presser.

Il y a, tu sais, dans l'écheveau des limbes, des notes amères et cruelles qui parent le silence de profondeurs d'abîme -- et ces limbes sont miennes. Et comme mon reflet, alors, obombre ma cellule et resserre les murs de ma durée-demeure. L'enfer est un fragment de soi. C'est pourquoi je m'enfuis dans tes dessous de soie.

Nous avons tout le temps du monde.

Pour mourir doucement. À l'ombre de feuilles éméchées.

Nous avons tout le temps, tout le temps, tout le temps!

Et des tonnes de souffrance pour ponctuer nos joies, l'existence est aphone sans la dissonance, il faut souffrir beaucoup pour s'extasier parfois.

Nous avons tout le temps, de cueillir le beau jour, ne presse pas tes doigts autour de cette gorge. Patiente et fouille un pot-pourri de tes durées, ouvre les yeux avale, liquide, l'immense ennui de vivre, l'absence d'absolu, le ciel est sans issue...

Nous avons tout le temps.

Mais il ne faudrait pas. Il faudrait bien courir, aller à sa recherche, pour écrire des livres sur celui loin perdu.

Nous avons tout le temps...

Impossible de vivre...


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