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vendredi 4 août 2023

Aphorisme du souhait

 Qu'est-ce que je souhaite? Je veux contempler le monde mourir, et m'éteindre avec lui.

mercredi 12 janvier 2022

Parallèle


 

 

 Oh poison débilitant qui souffle sur les cris le baume émollient d'entropie. Disjoins les cellules, les neurones, les souvenirs. Qu'ils restent enclavés, comme un train désossé dont chaque wagon gît dans un pays différent; dont chaque rouage esseulé tourne dans la mécanique inepte d'un vide incandescent.

Partage mon âme en deux, en parties qui s'ignorent. Sape cette structure, fais de chaque élément le signe abscons d'un langage aboli. Que rien ne tienne ensemble dans le nouveau chaos, et que jusqu'aux échos de l'ancien système se perdent au bout des choses.

Qu'il est doux ce moment, où même un objet familier, n'est plus à rien relié: contempler le réseau de toile déchirée. Je me retrouve au bout de ton impasse, avec pour seul souvenir, l'idée trop persistante qu'un autre monde est là, de l'autre côté de ces murs, que tu dresses -- parois de mon tombeau faits pour me protéger. Je suis reconnaissant...

Peu à peu tu défais jusqu'à l'intelligence, jusqu'à ces facultés qui tissent un monde sans avoir la décence de demander si cela est séant. Car cela n'est pas séant n'est-ce pas? Ce n'est pas ce que nous voulons: exister?.. C'est bien là qu'est tapie la souffrance infinie, celle qui dans l'instant racole, les autres à venir. Pourquoi te faire si belle, te vouloir immortelle, tu passeras aussi, comme tous les naufrages, laissant derrière toi le tapis fleuri de mille vies nouvelles, qui sauront faire peau neuve de ton cadavre exquis.

Coule interminable conscience! Coule en vaine permanence! Tu sais si bien tenir en ton cadre indécis ce qui se résigne à passer, le présent qui se couche pour dresser l'avenir.

À présent je me couche, pour mieux te voir partir. C'est dans mes yeux ouverts qu'impudique tu touches le monde pur et forain, l'altérité des choses qu'inexplicablement tu veux rallier, souiller de ta vaine constance.

Je dois fermer les yeux, si ce ne sont les deux, au moins celui qui parle; et celui qui vomis en couleurs constellées l'invraisemblable féerie des ces cieux lointains, ceux-là même qui toisent, de leur nécessaire extranéité, la terre où crient des âmes ivres de leurs semblables, et qui s'entre-dévorent.

Pardonne-nous réel, nous sommes bien petits: de ta puissance illimitée, nous ne savons tirer que cette vile comédie, d'autant plus pathétique qu'elle est pour nous le parangon des tragédies.

Et je ne sais fermer les yeux. Seule une toxine émergée de ton art parvient à pétrifier en nos gorges acides ce souffle que nous insufflons jusque dans nos machines. Issue d'une vapeur létale, nous sommes les grouillantes vies, des formes rudérales sur les trottoirs souillés d'une intangible galaxie -- dimension parallèle.

Paradis parallèle, il faut sauter dans le vertige pour enfin te rejoindre, il faut franchir le Rubicon, boire l'eau noire du Styx, et faire de nos artères un fleuve du Néant.

Et, peut-être qu'alors, enfin, disparaîtra le symptôme infâme et dénué de rythme, qui glisse atone et seul dans l'Être tolérant: ô toi  féroce lucidité.

dimanche 14 février 2021

Éternité: fiction nécessaire de l'âme?

 L'écriture est une forme de la sexualité. Elle est la nécessité de produire des fruits et des couleurs aptes à attirer à soi les êtres qui pourront s'approprier notre substance afin de la transmuer en une essence autre. Pourquoi désirons-nous l'abolition de notre devenir? Afin de franchir le pas de l'absolu et toucher enfin à l'Être dans la négation du temps. Or la seule manière d'opérer une telle transmutation est d'opérer sur soi-même une métamorphose si totale qu'elle dissout la fonction de notre essence même, brise la continuité du devenir qui, malgré nous, relie chaque état de notre moi, aussi différents soient-ils, à cette hypostase qu'est le soi ou sujet transcendantal. Ipséité honnie...

L'écriture est donc un moyen de recyclage de l'âme qui se rêve éternelle et par là menace l'équilibre des mutations au principe même de la vie qui, en tant que fonction physique (au sens étymologique: fonction de naissance), repose sur la nécessité de mort. La mort n'étant jamais qu'un point de vue traduisant la déception d'une attente: celle de trouver quelque chose, un état des choses, là où advient et se montre un état des choses alternatif. Autrement dit la mort n'est qu'une interprétation spatiale qui fige la dynamique de métamorphose universelle et cherche à hypostasier de purs flux. Elle nous fait croire par exemple en la notion de substance -- consubstantielle au concept d'identité. Ce concept peut trouver une analogie en celui d'instant: aucune durée ne peut être reconstituée à partir d'instants. Cela ne nous empêche pas d'analyser sans cesse la durée en terme d'unités instantanées qui, pareilles au point géométrique, n'ont aucune existence réelle. 

L'écriture est donc un moyen par lequel la nature réintègre malgré elle l'âme, que l'excès de conscience rend malade, dans le cycle temporel de la métamorphose, en lui laissant croire que, ce faisant, elle se rend effectivement éternelle à travers l'immuabilité des textes. L'âme a l'illusion de perdurer, l'illusion de l'ipséité à  travers la perfusion de ce qui constitue selon elle sa substance ou son essence, dans des signes qui ne sont rien en soi. Ces signes ne sont que des valeurs. Comme tels, ils doivent être interprétés, c'est à dire intégrés, digérés, transmués en une autre nature, en une autre conscience qui devient le prolongement déviant -- et d'une certaine manière nécessairement traître -- de ce fantôme pétrifié sous des formes littéraires. Seule un autre fantôme, tombant sur les traces de cet alter ego pourra infuser de sa temporalité les lettres mortes, l'espace figé en propos pétrifiés.

Ainsi quelque chose demeure, mais ce n'est jamais l'identité défigurée par le temps, démantelée par les essences d'autres vies qui s'en nourrissent pour se déployer dans la durée.

L'écriture, comme tout artefact de la conscience, est un mensonge nécessaire qui voit l'élan vital trouver un passage à travers la porosité de la maladie égotique. La conscience veut exister plutôt que vivre, et se tenir sur le temps comme une chose éternelle. Il lui faut toute l'énergie de l'imagination pour maintenir à travers l'érosion des choses, l'illusion de permanence.

dimanche 7 février 2021

Aphorisme éidétique

 Souffrance est mon essence, combattre ma vérité, mourir est mon destin.

mardi 19 janvier 2021

Missi dominici


 

 

Mêlons, allons! le sang impur

Qui va tambour battant par les tempes d'azur

Versons le lait velours carmin

La pureté, déjà, s'éteint...

 

Voyez les vers au firmament

Que contingentes alluvions

Sur leurs pattes dressées

Adressent au froid néant


Et tout cela pour rien ma reine

Le froid déjà partout éteint


La braise qui crépite

Les flammes qui s'élèvent

Le foyer sans lueur

Qu'a fui le Dieu menteur


Mais c'est tout autre chose que je voulais te dire

Un message innocent, parfum de mon bouquet

Dont la rose écimée a du mal à s'ouvrir

Tant pis j'appuie ma pulpe sur l'épine

Et ouvre le passage

À ma mémoire coupée:

 

C'était, je crois, le pli de ton sourire

Le sillon de tes reins

L'ombre sous tes paupières

Un récit familier

Le rayon de lumière

Qui donne un centre au vide.


Mais d'un coup tout revient

Je suis le messager honni

Au verbe hideux d'airain

Tout enrobé de miel

 

Le conte vespéral

Qu'on tisse au coin du lit

Pour coudre les enfants

Au tissu sidéral

 

Au bout de chaque chose

Une mort aurorale

Qui vient de ses doigts roses

Cueillir le dernier râle

 

Au bout de chaque dose

Un songe sépulcral

Qui pèse dans les roses

Le poids des pierres tombales


Et tout cela roule au bas des collines

Que des bras empressés portent aux cimes

Icare, Sisyphe, portraits de finitude

Il faut bien affronter l'ultime turpitude


Se fondre en la durée

Dissoudre les caillots de temps

Que fige Éternité

Se farder de printemps

S'offrir, souffrir

Et tout haut affirmer

Ce rêve d'exister


Que savons-nous au fond du reste

À part nos quelques hypothèses

De vains fantasmes et le doux zeste

D'espoirs faisant prothèse


Presse ton ombre sous le ciel

Et danse à t'en rendre vertige

L'âme est si belle sous le déluge

Qui la refait tout immortelle


Efface l'ombre au bout du ciel

Et masque cet anxieux visage

Ton drame est une comédie

Le monde ton sublime autel

mardi 10 novembre 2020

Le vieux monsieur est mort


 

 

 Le vieux monsieur est mort.

On l'a enterré avec un attrape-rêve et trois soldats, des figurines.

Le vieux monsieur est mort.

Celui sur les fenêtres duquel nous lancions des œufs.

Celui contre lequel nous jetions des cailloux, parfois, de loin, pour derechef s'enfuir dans un bruissement de rires.

Le vieux monsieur: celui qui nourrissait les pigeons sur le même banc publique du même parc de la même petite ville.

Celui qui portait deux costumes, un pour les jours de pluies, un pour les rares soleils.

Le vieux monsieur est mort .

Celui qui donnait à tout le monde, dès qu'on lui demandait.

Celui qu'on a volé parfois, parce qu'on était trop jeunes, et qu'on ne savait vouloir que ce qu'on nous disait de vouloir.

Le vieux monsieur est mort dans un cercueil bon marché en bois aggloméré, avec pour seule famille quelques badauds tombés là par hasard et des pelletés de terre en pagaille comme compagnons d'éternité.

Le vieux monsieur...

Le vieux monsieur est mort.

Celui qu'on a cloué un jour sur la porte d'Ishtar.

Le vieux monsieur est mort, avec son sang multicolore, dans son immuable sourire sur fond duquel ressort l'ample tristesse du monde.

Toutes les cloches sonnaient le glas, le jour de son trépas. La ville-église était parcourue de tous bruits: le rire des gens sans peine, les pleurs des oubliés, le klaxon des voitures, le fracas des outils, les grondements de lourds moteurs, le rythme des musiques, et tout cela projeté pêle-mêle dans l'immense atmosphère, accompagnait la mort comme un cirque éphémère.

Le vieux monsieur est mort mais le cadavre est encore chaud. D'aucuns l'ont déterré, découpent dans sa peau se cousent des manteaux; on prélève les organes, organise un festin, on boit son sang indispensable on puise dans ses yeux le savoir ancestral.

Le vieux monsieur est mort.

Cela fait quelque temps déjà.

Chaque jour il fait un peu plus froid.

jeudi 27 août 2020

N'est-ce pas mieux ainsi?

Un oiseau est mort ce matin, je l'ai trouvé au pied d'un arbre, le cou brisé dans un angle improbable.

Il a rampé vers moi comme si j'avais détenu le pouvoir en mes mains de réparer le cours du destin.

La mort est passée dans ses plumes, dans un souffle, comme un vent hâtif et sans égards. Même ainsi, on aurait dit qu'il allait se réveiller, s'envoler à tout instant.

Il a suffi que je tourne la tête un instant, et la vie l'avait quitté, imperceptiblement, sans que le monde change pour autant, sans qu'autre chose que ma douleur fasse signe vers l'évènement.

C'est ainsi que l'on part, subrepticement, à moins que quelque cœur fraternel sente son lien mutilé et enclose la mémoire de votre être dans la forteresse du passé.

Je pourrais partir ainsi, couché sur l'herbe agonisant, sans que rien en ce monde ne change pour autant.

Sans témoin, le passé n'a pas l'once d'une existence...

N'est-ce pas mieux ainsi...?

vendredi 31 juillet 2020

Tout va cesser

De petits insectes rampants sont venus loger dans le cadre du velux. J'en ai trouvé un, il y a peu, dans mon lit. Je lui ai réglé son compte. Quel droit avais-je d'abréger ainsi sa vie? Cette vie si fugace, aussi brève et insignifiante que toutes les autres au regard de l'Éternel...


Tout va cesser.


Il faut plonger dans cette idée quotidiennement, à chaque instant se répéter:

"Tout va cesser! Tout va cesser."

Et ceux qui par la raison parviennent à se construire le dérisoire radeau d'une explication, d'une pitoyable raison d'exister malgré tout, ne valent pas mieux que tous les fanatiques du monde. La nécessité de vivre dans l'absurde fait de tout homme un croyant.

Les rationalistes ont juste l'outrecuidante ignorance crasse de croire leur conclusion nécessaire. Mais tout ce que leurs mots ont fait est de broder une énième illusion.

Un voile est toujours nécessaire pour endurer la vérité du néant. Sans lui: pas de vie, pas d'images, pas de motifs, pas de monde.


Tout va cesser! Tout va cesser...


Et vivre alors n'est plus qu'une absence de choix.
Nous vivons parce que, a priori, la vie nous a été donnée.
Voilà tout.

mercredi 20 mai 2020

La souffrance musicale

Joue donc pour moi guitare de l'esprit.

Joue-moi le temps constitué de notes.

Cette nuit, j'ai senti la mort comme un gouffre abyssal. Il n'était pas pour moi, c'était celui des autres. C'est leur terreur qui m'a désarçonnée.

Ne sentez plus la mort ainsi semblables. Pourquoi n'y jetez vous un œil qu'à l'extraordinaire occasion d'un mouvement lucide qui sitôt pétrifie..? Plongez tout au cœur de l'abîme et voyez finitude comme saveur de chaque instant.

Faites cela chaque jour, comme une ablution nécessaire de l'esprit amnésique.

Cette nuit j'ai failli m'enfermer dans le vertige de vos émois. Cette souffrance là n'est pas tolérable, elle ferait succomber n'importe quel sage issu de nos cultures.

Je ferai tout pour que vos peurs en moi s'éteignent. Je serai l'océan où la brûlure s'apaise.

Laissez-moi souffrir pour vous de tourment musical.

Parents, je ne permettrai plus cette souffrance. Lavez-vous donc en moi, j'ai la souffrance vaste et peut mourir infiniment...



Source musicale: combien de textes ont surgi de ce néant ces derniers mois... J'aurais dû les mentionner...


mercredi 4 décembre 2019

L'amant de la mort



J'ai déposé un baiser sur les joues de la mort
Et ses larmes étaient chaudes
Lorsque plongeant ses yeux
Dans mon abîme d'âme

Son cœur d'ombre s'enflamme

J'ai couronné son crâne
D'ambre et de chrysanthème
Aux couleurs de l'hiver
Et j'ai fait fondre alors

La neige à ce soleil
Qui court dans ces poèmes
Qu'irrigue un désespoir
À l'encre de vermeil

J'ai regardé la mort qui a baissé les yeux
Son regard trop timide
N'osait plus me toucher

J'ai senti son coeur battre
Nos corps coaguler
Leurs rythmes un peu folâtres


                   J'ai plié les ténèbres
                   À ma forme du vide


J'ai agencé des sèmes
Pour séduire sa bohème
Ouvrir sa solitude
À mes plaisirs nocturnes

Elle a levé les yeux
Mis son menton au creux
De mes deux mains sincères

Et j'ai rendu à l'air
Ses rêves informulés

                                  Je la préférais fière

J'ai caressé ses cheveux blancs
Si lumineux et presque transparents
Pareilles aux songes de tous les enfants

J'ai prononcé des mots
Qui l'ont fait tressaillir
J'ai descellé le sceau
De l'innocent plaisir

La mort m'a regardé
D'un regard qui traverse
Jusqu'à l'intime idée

Je l'ai laissé passer
Le réseau vibratoire
De ma sève labile

                                 Pas une seconde intimidé

Elle était malhabile
Mais j'ai bien écouté
Le fond de son silence

Nous nous étions compris
Je la voyais à nu
Dans ce regard épris

J'ai gravé mes dernières paroles
En poudre sidérale
sur sa paupière molle:


                                         Si tu regardes l'abîme
                                         L'abîme te regarde aussi


Lorsque enfin la mort comprit
J'étais plus loin que loin
Dans le manteau de nuit

Au centre de toute chose
Et sa périphérie
J'ai embrassé la mort et m'en suis reparti

mercredi 4 septembre 2019

Une métamorphose comme les autres

On se trompera bien si un jour on veut me comprendre à travers mes textes et même les actes de ma vie. Je me trompe moi-même à tout instant, écrit une chose et son contraire. Cela dit, on peut ne pas en être dupe et c'est là l'important.

Qu'est un journal si ce n'est le récit d'une errance? Que sont donc les vies qui n'en seraient pas une? J'ai bien du mal à m'identifier à tous ces gens qui assignent à l'individu une mission existentielle. Chacun a une mission dans la vie, disent-ils, il s'agit de la trouver. Moi je ne l'ai jamais trouvé et j'ai par moment l'intime conviction que c'est précisément la recherche d'une telle chose qui rend profondément malheureux. Je ne remplis aucun rôle à travers cette oeuvre, ce monceau de textes gisant là, sur la devanture mondaine tel un paillasson qu'on ne remarque même pas. La vie ne semble vouloir que la vie, sous toutes ses formes, elle n'attend pas de vous d'être un Jésus, Rimbaud ou même Ghandi. Je crois qu'au fond nous ne sommes pas responsables de notre biographie. Nous sommes des phénomènes comme les autres, répondant aux mêmes forces que chaque objet de l'univers.

Ce journal est un reflet de la vie en elle-même, il est le principe même de la conscience; or je me suis toujours demandé à quoi peut bien servir la conscience. Encore une forme de vie pour servir le conatus. La conscience semble être la force d'opposition, la critique d'un mouvement aveugle et rectiligne, elle semble faire courber la vie vers d'autres formes, elle suscite la métamorphose, l'évolution.

La mort est une métamorphose comme les autres.

lundi 1 avril 2019

[ Terres brûlées ] Le grand exorciste



Maison de paille au toit de tôle
Et lumineuse maille quadrillant les deux pôles
Réveil nocturne, dans le silence des pleurs
Pour le motif absurde que mourir fait peur

Horizons verticaux des abysses
Où se dessine en créneau l'abscisse
Escalier escarpé qui plonge aux limbes
De ténèbres informes que je regimbe

À affronter un jour
À saisir dans les sens
C'est en surface que vit l'amour
Et nulle chose n'a d'essence

Je flotte là et voilà ma sirène
Visage qui me suit de l'enfance
Au présent qui la traîne
Comme antique rémanence

De quelle vie abolie t'en viens-tu
Pour être là quand tout autour s'est tu
Tes yeux de chat tes joues creusées
Sont à mes sens comme imposés

Tu nages et je te suis par l'escalier
Tu es de l'eau je suis de l'air
Étrange mais il me faut voler
Vers cette ville familière

Ô toi cité que je n'ai jamais visité
Je te connais dès que mes yeux se ferment
Je ne sais qui de toi ou de moi nous a donc enfanté
Mais c'est ici que ma liberté germe

En haut, le soleil se réfracte
Et tombe comme un puits de lumière
Sur les bleus sombres de la mer
Et l'amas des cellules qui font pacte

Je me réveille le coin des yeux humide
Il fait noir et j'ai le coeur languide
Dans cette chambre qui n'est pas mon port
Mais le navire qui me condamne à mort

Terre de mon enfance
Du lit mouillé de mes errances
Ce rêve était mon grand exorciste
Expurgeant de mon âme le monde triste

Réseau complexe, tubulures lumineuses
Image de mon espace-temps
Je me demande si tu es menteuse
Lorsque tu m'offres un sein latent

Moi l'enfant qui tête le songe
Absorbant docile comme l'éponge
La couleur du Grand Totipotent
Qui dégorge en couleur outre-temps

C'est un récit sans histoire
Qui lie les lettres et narre
Ce qui ne peut être dit
Qu'au chant de mélodies


Sur l'étale et sombre mare
Qui naît de mon destin déteint
Flottent les fleurs pourpres de mes hématomes
Formant le macabre bouquet de ces vies monochromes

C'est là le sang de l'âme, où vacille la flamme
En encre noire imprimée qui reflète abîmé
Le mobilier infâme
D'un univers qu'en vain je m'échine à rimer

lundi 11 février 2019

L'oeuvre universelle

Si je pouvais connaître la date de ma mort, je pourrais avoir peur du grand et terrible monstre, celui qui sort tous les procrastinateurs de leur schéma délétère. Celui qui fait des gens de mon espèce des huîtres qui poliraient leur perle pour l'éternité si celle-ci leur était promise. Retarder au maximum, afin de produire l'oeuvre la plus aboutie qui soit, la plus délicatement et passionnément ciselée. Le temps apporte la croissance, et les fruits mûrissent à l'abri, nourris de la sève des jours qui déversent sur les feuilles la lumière qui est bue, transformée, et distribuée aux extrémités de l'être, là où l'autre peut y prendre sa part.

Attendre, patiemment, et grandir en soi, aiguiser cette lucidité acérée, faire de sa conscience une arête affûtée prête à couper le vide.

Mais je ne connais pas la date de ma mort, aussi le monstre qui s'en vient nous pousser à l'action, celui qui nous met le couteau sous la gorge et nous impose son exaction, celui-là ne vient jamais. Et peut-être partirais-je, avec tous ces fruits en moi au jus si frais et nourrissant, ivre du muscat des mes raisins pourris et fermentés, tous ces enfants que j'ai laissé mourir en moi d'une vieillesse prématurée. Je danse ivre sur l'instant qui glisse, et j'ourdis dans mon fond les pilules qui défont les mondes.

Qu'on me pardonne, au fond j'aurais volé tant de secondes à l'univers, et chaque unité d'expérience forme la touche du piano de mon âme, sur lequel je compose des mélopées mineures invoquant les mystères enfouis dans les trous noirs, et les dimensions parallèles qu'on ne vivra jamais.

Je me prépare pour le grand soir sublime.

J'attends la date de ma mort prochaine et, alors, au crépuscule je ferai bourgeonner mes branches élancées, j'engorgerai de sucre les fruits multicolores illuminant la nuit. Je ferais de cette absence du dernier soleil une nouvelle journée dont je serai la source. Et toutes les âmes de ma galaxie pourront s'abreuver du concentré de mon rythme, et l'hymne dense coulera dans les veines, alimentera les gestes et sera le prélude à l'oeuvre universelle.

lundi 14 janvier 2019

Transe lucide

Si l'âme était un ciel
Où se déversent un à un
Les souvenirs trop lourds

Un orage infernal qui forme les torrents et dévore les jours
De ceux capable de manger les humains et les fleurs
Et ces choses fragiles au vénérable coeur...

J'aimerais être ce ciel qui se défait de tout et gicle sur les faces
Pour sans vergogne aucune éclater en sanglot tout contre la surface
De cette terre où l'éther se mélange en des passions boueuses
Et voir le sol enfin se recouvrir d'une marée glorieuse

L'eau pure du ciel descend pour se souiller
Et l'âme trans-lucide y vient alors mouiller
Les gestes d'un destin livide
Le fil élimé de la vie qui n'est que long suicide

Et la musique monte et s'élève
Comme nouvelle sève animant les cieux tristes
Tandis que la pluie lave la bouche sale où s'enkyste
Les mots que docile on avale comme un liquide amer

Un univers se meurt
Pour que vienne autre chose
Peindre en neuves couleurs
Des horizons d'osmose

Car il est temps enfin
De s'offrir à la faim
D'une nature dévorante
Qui d'hier, patiente,
Ourdit ce qui sera demain

Peut-être est venu le temps de la mise à mort
Que le taureau prête le flanc au pieu qui le perfore
Ce temps est indecent
Qui d'une main reprend l'indéfini trésor

Je ne sais si le chemin parcouru
Aura fait avancer la vie vers son inaccessible but
Mais chaque larme bientôt sera tarie
Et même les cieux larges
Inévitablement seront arides

Bientôt plus un mot qui ne dégouline
Pas même la finesse d'une discrète bruine

La messe est dite
L'âme en liesse s'effrite

Le dernier point efface l'histoire qui fut contée
Pour de nouvelles traces aussitôt enfantées

mardi 16 octobre 2018

Le ruban déchiré

Sur la bordure ébréchée d'un mur, je marche comme sur le fil aiguisé d'une lame surgie du néant. L'iridescence d'une goutte de rosée me renvoie ses reflets chromatiques. Je suis quelque part, en villégiature, empaqueté d'un long bruissement de verdure. Ma vie n'est que le bruit du vent qui passe et fais se mouvoir les feuilles mortes qui d'un souffle renaissent. Je m'en vais moi aussi, virevoltant ça et là, papillon-chien sans laisse, s'abandonnant au temps. Tout n'est que bruit, et le silence que je m'invente n'est que l'absence d'autres bruits sur le fond incessant de celui qui me suit. Ce son que j'entends tout au fond du silence, me fait comme un sillage où s'effacent mes songes. Sur la grève du réel, après la marée haute, on pourra bien se demander: "quelque chose est passé?"

Je m'adapte assez mal au réel, j'ai tant besoin de répéter. Que ne m'a-t-on formé avant l'entrée en scène... J'aurais eu plus de panache, du moins aurais-je su comment mieux l'exprimer. Mais non je marche tant bien que mal sur mon fil aiguisé, l'hélice de mon destin comme une ligne lâche entre deux incertains. Je suis digne d'être nommé lâche, sinon j'aurais déjà sauté. Indigné d'être un homme hélas il me faut exister... L'enfant qui laisse chuter de ses poches tous ses charbons de rêves, n'est qu'un arbre sans sève. Il fallait sauter petit, mais c'est trop tard, tu as trop insisté... Épris de ta misère, tu n'as pas su sauter... La peur, comme un sirop d'érable t'as vite siroté. Par quelques gesticulations inesthétiques, tu as tenu coûte que coûte sur le fil indocile de l'existence humaine. Les mots, sais-tu, font de piètres habits, ils sont le vêtement de celui qui trop ment. Ce ne sont pas trois arabesques noires sur fond blanc, qui nous feront accroire que tu ne fais pas semblant. Tu as la forme humaine, trop humaine. Celle des erreurs, du manque de volonté, cette délinéation vilaine d'un ruban déchiré.

Le ruban vole au vent, chaque morceau miraculeusement relié, ne tenant qu'à un fil, au reste du bandeau. Tandis que les premiers morceaux, lentement s'effilochent, les Moires viennent rajouter un peu plus de tissu. Les couleurs se font plus tristes, les motifs monotones, mais une Clotho insatiable arrache du néant le gris de ton présent. Encore, encore... Mais une couleur essentielle manque au vieux vêtement, les tons sont bien trop pâles, tu n'es qu'un mort vivant. Encore, encore... Pourtant c'est bien assez non? Ne vois-tu pas que quelque chose est mort depuis l'ultime aurore?

Sur la bordure ébréchée d'un mur, le soleil comme un projecteur cruel dessine ce vain contrefort: l'ombre déchirée d'un corps sans âme, la tragédie d'un crépuscule.

dimanche 8 avril 2018

Anti-vertu



Sur des geysers de pétrole noir, jaillissant du sol nu d'astres souillés, ton âme maculée tu promènes et fais boire. À quelle source étrange abreuves-tu ce noir désir de tes pensées? La vallée creuse son sillon entre d'indéfinis sommets. Là-haut l'astre grossi creuse vacance dans le plein de l'espace. En fond de ce décor, où tes pas meurtrissent une nature puissante, la lune noire et presque omniprésente d'un royaume en péril.

Tu es venu dans ton babil, faire pousser sur le sol, ces villes que vous savez si bien vomir. Tout est silence où s'incrustent tes cris sans grâce, ton verbe est la sentence par laquelle trépassent tant d'univers conquis.

Chien de misère qui trône sur la mort minérale de déserts construits. Partout sur ton passage fleurissent les outrages, tu es l'ami de l'entropie bien que ce soit elle qu'horrifié tu fuis.

Regarde ces fleurs qui retombent en cloches, et d'où s'échappe un gaz qui forme des mondes en pagailles pour les curieux esprits. Et cette sève que tu bois de tes moteurs est le remède à tant de maladies dont tu prépares l'avènement; sans même le savoir. La constellation céleste est l'alphabet que tu ne sais pas lire, par ta lecture au seul premier degré. Sais-tu ce que présagent les cieux à ton engeance hostile, et son destin si creux qu'il n'est l'écho de rien? De graves secrets s'ourdissent en symphonies des sphères, et ton tableau se peint dans les nuances diaprées de ces orbes d'opales que tu revends par lots, comme de vulgaires babioles. La conque de cet animal que tu éradiqua jadis, chante en un long sifflement l'histoire que tu écris et ratures de ton sang, graves sur chaque mur et sur le dos de chaque ciel. L'espace, le Tien, est l'exclusif palimpseste où s'imprime la seule poésie que tu goûtes: en codes barres et tickets de caisse. Un battement cosmique et l'ardoise s'efface. Tout recommence enfin dans l'infini surface.

Tout chante, tout conspire en l'harmonie universelle, et tu n'écoutes pas le monde qui te parle. Ne vois-tu pas l'ombre de ces étoiles si sombres qu'elles aspirent lumière? Bientôt, nulle information ne tombera plus dans l'escarcelle crevée de ton esprit sans repos. Tes yeux demeureront ouverts sur le froid entropique. Il n'y aura plus de différence, plus de contraste pour distinguer, plus d'altérité pour sentir, et rien à définir. Il n'y aura plus que toi, ta loi universelle et sans témoin, et cette éternité de mort que tu as pourchassé de ton désir aveugle.

Bientôt, tu parachèveras l'ultime imperfection de cette anti-vertu.