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mardi 17 août 2021

Le rien qu'on dérange

 Je ne sais si l'on on peut peindre des formes vraiment pures, qui ne font le contours de rien, d'aucun contenu,de nulle matière pour les remplir. Je ne sais et j'essaie, pourtant, portant de mes doigts nus les sèmes qu'aussitôt je viendrai délaisser... Quel étrange morse crypte mon tempo? Quel message sous-jacent, fruit d'une intention préalable fonde le jaillissement de ma prose, un peu comme le vomissement des roses qui parlerait de graine enfouie... Je tisse, grammaire des intestins, un interstice entre les choses, une brève de silence entre de vains destins. Et que contiennent mes mélopées? Que valent ces quelques méga-octets d'ordre binaire, serrés et alignés comme des rangs de militaires? Et quelle guerre annonce l'armée de mes mots jetés sur le tapis blanc, comme un drapeau, de mes batailles immatérielles?

Toute cette mathématique ne présage-t-elle, au fond, qu'un chaos de plus inavoué. On ne peut jamais parler des choses. Le monde qu'on bâtit s'érige sur un sable de sons, dressant des murs de lois, et tout notre discours ne noue qu'un lien factice entre deux absolus d'indétermination... Qu'est-ce que peut bien vouloir unir la relativité? Que cherche donc à figer la vaine vérité?

Dans les veines bleues du monde où poudroient les étoiles de la Voie Lactée fusent les particules élémentaires de Tout, ubiques comme toute chose réelle, jamais uniques ni singulières, comme le crut l'humanité trop fière... Pas un atome ne possède identité, à la racine (connue) de toute réalité, ne gît qu'indétermination et brève écume de ces champs que notre vie vient perturber.

Et moi, élément fait d'indocile élémentarité, j'ordonne le possible, articule le vide autour de ma personne inepte; badigeonne de couleurs l'obscure monture du monde, et dans la moindre page blanche et dénuée de signes, fusionnent toutes teintes et des nuances exquises que mon âme étriquée ne sait comment penser.

Tout, je dis bien Tout, était déjà contenu dans le rien qu'on dérange.

C'est tout le nœud des formes qu'il s'agit de défaire, pour que les qualités que l'on croit distinguer, se réimpliquent enfin dans la pelote brouillée de rien, inexorablement fondues dans le néant de l'Unité.

Car sous les formes le Réel infini.

samedi 7 septembre 2019

La galaxie fantôme

Pour qui me connaîtra-t-on? Je lis ces derniers temps la biographie de cet homme dont je suis le double. Je me rassure en jugeant ma propre vie à l'aune de la sienne dont je cultive les similitudes bien qu'elles advinrent sans consentement préalable et même sans conscience. Il semble que rien, jusqu'à mon style, n'échappe à l'emprise de cet ancêtre qui semble parfois être la totalité de ce que je suis ou crois être. Il est peut-être la personne sous le masque que je suis.

Cependant, quelques différences existent et dans cette différence gît une forme de singularité qui me définit. Non comme chose déterminée, non comme suite ordonnée et finie mais bien plutôt comme principe ou dynamique, une manière de produire de l'existant. Une manière de produire des manières de produire...

Ces derniers jours je me suis pris à donner de la valeur à l'oeuvre de ma vie. Ces continents de poésie que je parcours afin d'en tailler des coupes et d'ordonner un bouquet à la mode d'aujourd'hui m'apportent une certaine satisfaction et l'illusion - probablement - d'avancer dans une direction donnée qui prête aux gesticulations de mon destin un sens qu'il n'a peut-être pas, ou seulement dans un esprit qui se soigne d'espoir. Ces mêmes textes qui autrefois me dégoûtaient d'écrire trouvent aujourd'hui grâce à mes yeux. Peut-être que tout cela n'existe pas en vain...

Je suis depuis des lustres l'équilibre ou le déséquilibre entre ces deux consciences: celle qui sait sans l'ombre d'un doute, parce qu'aucun doute n'existe pour cette forme de savoir absolu, que toute cette entreprise est chose exceptionnelle et précieuse, et celle qui ne voit en cette dernière que médiocrité redondante et juge la première conscience de la plus haute et insignifiante vanité.

Dans l'instant: il n'y a qu'ignorance et doute. Je ne sais si je m'éteindrai avec ma propre galaxie littéraire, comme si tout cela n'avait jamais existé, ou bien seulement comme un lopin de terre que rien ne distingue des autres, sans identité, château de sable d'un enfant qui s'imaginait roi...

L'humanité même, lorsqu'elle disparaîtra, aura-t-elle été quelque chose pour quelque être forain perdurant quelque part?

Je n'ai rien accompli de ma vie si l'on supprime mes constellations musicales. Ô combien cet "accomplissement" est fragile... Ô combien il n'est même presque rien puisque personne n'en goûte la valeur - et si rien ni personne ne procure à cette chose de la valeur, n'en appert-il pas qu'elle n'est précisément d'aucune valeur? La valeur n'est jamais intrinsèque, elle est le regard porté sur la chose. Par conséquent je ne sais si tout cela vaut pour quelque chose où si ce ne sont là que les empreintes d'une respiration de l'âme, traces que rien ne distingue vraiment des autres traces, sillon semblable à tous les sillons de la vie...

Je n'ai pas d'autres choix que d'habiter l'incertitude. Pas d'autre destin possible que cette traversée du désert, de mon propre désert, sans témoin et sans allié, sans autre commentaire que le témoignage muet et abscons des étoiles et de tous les murs de toutes les prisons. Si je renonce à cela il me semble alors que je meurs et que tout le poids de la vie m'encombre comme une armure posée sur du vide. Je n'ai pas d'autres choix que de poser mes pas sur le palimpseste du temps, d'imprimer mon sillon et de l'appeler un sillon, afin qu'on puisse le croire uni, comme une droite ayant origine et destination précises.

C'est cela ou la folie.

mercredi 7 mars 2018

D'où vient l'évidence?

Il est tellement complexe d'analyser l'évident qu'on préfère englober cette complexité sous l'unité simplificatrice de l'évidence. Ce qui est évident est une brique de base, un atome cognitif fondamental. Mais une telle chose existe-t-elle? N'accède-t-elle pas à ce statut parce que nous choisissons précisément de ne pas fournir l'effort nécessaire à son analyse? Si nous entreprenions ce travail, à quels résultats pourrions-nous parvenir? Quel degré de décomposition sceptique pourrait-on atteindre? Pensée vertigineuse.

Dans le syllogisme: Socrate est un homme, tous les hommes sont mortels donc Socrate est mortel, quels abîmes se cachent sous l'apparente simplicité? Et cette évidence qui par un lien de transitivité lie les prémisses à la conclusion, d'où vient-elle? D'où tirons-nous son critère de vérité?

La meilleure explication est: dans la sensibilité, dans l'intuition spatiale qui nous fait entrevoir la surface où celles formées par les deux prémisses se chevauchent (la conclusion). Mais est-ce que tous les syllogismes peuvent être représentés sous forme d'intuition spatiale? L'évidence est-elle seulement une histoire d'inclusion-exclusion? Le raisonnement un calcul sur des ensembles?

lundi 20 novembre 2017

Point final



L'ordinateur déconne je crois, il ne me donne plus les bonnes réponses à ces questions qui dans mon crâne tambourinent comme des coups de semonce. J'ai voulu croire que l'écran noir saurait un peu de l'avenir. Après tout, lui et moi on se connaît, on a traversé tant et pire. Mais rien n'y fait, tout est muet, même les chansons n'ont rien à dire. Sur l'encre des photos, sont incrustés nos vieux sourires, en les reliant des plus anciennes aux plus récentes, j'arrive à voir un avenir. Mais depuis bien longtemps personne n'a tenu l'appareil, et dessiné sur mon silence quelques espoirs et trois merveilles. Sans aucun phare, je fend le brouillard et le noir de la nuit qui peint sur sa peau des constellations d'espoirs trop lointains - qui me narguent là-haut. Qu'à cela ne tienne, je n'ai plus peur, j'avance et vogue sur les eaux, s'il n'y a nul ici pour moi, je poursuivrai tous les ailleurs. Alors j'emmène tous mes bagages, depuis peu ils n'ont plus de poids, je les porte avec moi, sans susciter aucun émoi. Et les bateaux que je croise parfois, n'ont plus l'attrait d'autrefois. Même à l'abordage, ils ne harponnent que des ombres, je vogue vite et loin sur des eaux bien trop sombres.

Puisque les radios se sont tues, puisque l'assentiment est suspendu, je m'en vais tout là-bas, où vont les volontés perdues. Je donne ma langue aux chattes et ne rechigne pas. Je n'entend que ma voix, mon propre vent dans les voiles me fait filer aux nues, me parle de tous ces arbres dont j'ai les graines en moi. Il existerait une radio qui viendrait de ma tête, et d'infinis tableaux au fond de ma musette. On me dit à l'instant même que les réponses sont des créations artistiques et que l'avenir que je quête est une esquisse solipsiste. Je ne sais plus que faire, je marche sans un guide. Je peins à même l'atmosphère, je suis mon propre oracle, je me prends à faire moi-même, malgré tous les obstacles. Et la sombre nuit s'allume des feux de mon génie, plus chauds que le soleil et sa lumière jaunie. Je parle et la vérité sors de ma bouche, mes soliloques sont des philosophies dansant sur le cadavre des métaphysiques.

J'ai trouvé des amis, d'autres radeaux perdus, nous sommes détendus maintenant tout est permis. Le temps nouveau est sceptique, tolère les extatiques et les introvertis. Chaque croyance est phénix, renaissant de ses cendres, détruite et reconstruite, incluse dans le cycle causal d'une nature qui vit. Ils avaient décidé, il y a de cela l'antiquité, que les idées demeurent immaculées, de viles instantanés piégés dans les rets d'une gloutonne éternité. D'un voeu performatif, j'ai modifié cela, les idées naissent, meurent, s'altèrent désormais; et tout immuable est souvenir ancien: traînée de rien sur le champ des mémoires. L'unité n'existant plus, les mathématiques ont disparues. Que nul n'entre ici s'il a un maître. Idem pour les poètes, ceux qui mesurent le vers, comptent les syllabes, infusent dans le fluide l'inertie de leurs lois, ceux-là ne sont plus rois. C'est que les goûts changent, au gré de mes humeurs, ce qui était en bas est en haut désormais. Et tout changera encore, et encore et encore. Les maîtres deviendront élèves puis les contraires s'uniront dans une fusion simultanée, on se rendra bien compte que tout est unité, même les vieux opposés. Chaud, froid: des degrés de la chaleur. Moins, plus: des échelons de mesure. Tout en fait s'illuminera d'un noir obscur, le monde fera l'amour, les choses entreront en orgie.

Il aura suffi d'un rien, d'un changement de perspective, d'un regard moins ancien, d'un homme à la dérive, pour que les questions se suffisent à elles-mêmes et que l'élan là se brise, enfin résorbé en ce final dérisoire: ce ténu fil et cet infime point noir.

samedi 9 septembre 2017

L'unité





Attrape-moi, enserre-moi, conserve-moi. Détache-toi, désenlace-nous, défais tout ça. Ton souffle en moi, ta peau la mienne, tes pleurs ma peine. Dénoue le noeud, détruit le sol, troue l'édifice, croule en néant, souffle les signes, tue les racines. Ton regard mon regard, ton haleine mon haleine, ton passé mon histoire, ton amour est ma haine.

L'amour est la mort du Je et le jeu la naissance du nous, ainsi aimer serait-ce jouer à mourir?


Dessin d'Amine Felk, texte de moi-même.