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mercredi 19 mars 2025

Croque-mort

Qu'est-ce que cela fait donc

D'être de l'autre côté?

Celui dont on saisit les pieds?

 

Qu'on dépose en silence

En un contreplaqué,

Sans plus voir autour de soi

Les larmes des vivants

(Qui jonchent les cimetières

De liquides monades) ?

 

Oh la dégringolade

Des années qui se pressent

Se chevauchent et s'entremêlent

Dans un regard, une odeur, un regret.

 

Il faut combattre seul

(Avec d'autres),

Le mal dévorant de ce siècle.

 

À quoi servent les croyances?

Pourquoi se détourner du doute?

Que tout cela n'aura été pour rien,

Un interlude musicale et gratuit

Entre deux colosses, invincibles.

 

Et si vous pouvez contempler

D'une hauteur fantasmée

L'écheveau des destins

Que nos déroutes composent,

 

Quelle curieuse poésie alors

Que cette improbable prose.

 

Il faut bien mettre des cloisons

À l'infini sans direction

Donner un sens

Et feindre qu'il fût là

Déposé par le temps.

 

Quelle aventure tout de même...

Et apprend-on de ces erreurs

Où il n'y a plus de vérité?

Est-il encore possible d'éprouver

Un sentiment tel le regret?

 

Oh non, ce  ne doit être

Qu'une errance des vivants,

De ceux qui cherchent encore

Un principe à ce qui s'y dérobe,

Et s'acharnent à enclore

Ce qui n'a pas de forme;

Et qui hurle en tous sens

Une essence dynamique.

 

Il y eût tout de même quelques joies

Mais aussi tant de peines...

Et la somme était nulle

Bien qu'il soit toujours possible

À tout un chacun

De se dire le contraire.

 

Nous continuerons de mentir

À travers un souvenir

Déraisonnablement enjolivé

Qui permet aux carcasses

De réduire la distance

Entre là et Ailleurs.

 

Tout ici, de toute façon

N'aura été qu'un songe

Alors ne pleurons pas tant

Ceux qui sont réveillés.

 

La vieille église sonne les cloches

Et dans un drap bon marché

Vous avez levé le voile

Évohé! Évohé!

Origines abolies,

J'aimerais tant savoir

Ce qui dès aujourd'hui

Est pour vous être là.

vendredi 14 mars 2025

Dévitalisation

 Je ne sais plus contenir ce désir d'abolition qui mûrit en moi. De pulsatile la présence s'est désormais faite constance, permanence vibratoire d'une nécessité évidente d'abolir le processus d'eccéité jusqu'à la moindre radicelle. Qu'il ne reste plus rien de moi que ces contingents effets, leur esthétique délinéation dans le mouvant des choses. Et que tout cela n'appartienne à personne, que tout existe d'une appartenance holiste qui est le contraire de l'exclusivité d'un lien d'autorité. Je ne veux d'autorité ni sur toi, ni sur mon œuvre. Puissiez-vous contenir bien plus encore que ce que mon infime conscience aura voulu figer de sa perspective étriquée. Puissiez-vous transcender infiniment l'inane instrument qui produisit un jour ces vibrations d'amour, et qu'enfin seule la musique résonne dans le vacarme des humains affairés.

Que la vie, transitoire, passe de mon principe aux vôtres; et si mon œuvre vit, je pourrais dire alors que, véritablement, j'ai créé quelque chose qui vaille pour des hommes.

jeudi 13 mars 2025

Rien qui vaille

 D'où vient cette irréstible séduction de la métaphysique bouddhiste? Comment cette originale représentation de l'Être peut-elle tant faire écho à certains développements plus tardifs de la philosophie, et, même, s'accorder si bien avec la crise de la physique contemporaine?

Voilà une croyance qui ne me répugne, et, penser qu'il soit possible de quitter son corps et les fers de l'existence égotique sans laisser autre trace que la conque exsangue d'un signifant abandonné derrière soi constitue un délice auquel je succombe par moments. Je n'ai jamais été aussi prêt à déserter ce lieu, ce destin, cette matrice où je m'encastre comme une donnée quantitative traitée par l'ordonnancement administratif de nos sociétés sans âme.

Si je pouvais être suffisamment égoïste, ou bien ne même plus croire que l'égoïsme soit possible, j'emprunterais la route qui m'éloigne du soi. Mais faire cela est aussi détacher d'autres dont l'équilibre repose en partie sur cette fiction que l'on est. Un tel risque ne peut s'entreprendre que dans la foi la plus totale or ma foi est plus humble que toute métaphysique complexe, aussi séduisante et vraisemblable soit-elle. Ma seule métaphysique est qu'il existe une transcendance: cela ne justifie en rien la souffrance des autres. 

Toutefois, au terme naturel de ma vie, qu'il me soit donné l'occasion d'illustrer, par mon acceptation et mon absence de regret, qu'il ne demeure en moi nul désir de recommencer autrement. Je n'ai nulle volonté d'habiter un autre corps, d'inscrire un destin différent, aucun fantasme ne saurait m'emprisonner dans sa force d'attraction pour autrui. Quand mon histoire sera achevée, je ne ressentirai pas le désir que les choses eussent été différentes et d'être, enfin, les rêves qui ont bien pu me traverser dans cette vie, mais qui sont aujourd'hui si loin que je ne porte sur eux rien d'autre qu'un regard attendri.

Je veux partir comme toi: parce qu'il n'y a plus rien d'autre à accomplir -- parce que je n'attends plus rien de la vie et que le bonheur même ne me dit rien qui vaille.

Aphorisme du songe

 On est bien surpris par ses propres rêves; alors qu'est-ce qui nous assure que tout n'est pas un songe extrêmement précis, que toute l'existence n'est pas un archétype de nos pâles vécus oniriques?

mercredi 12 février 2025

Orphelinat

 La fatigue creuse à l'intérieur de l'homme; à tel point que l'intime subjectivité n'est plus que gouffre, anfractuosité. La douleur de l'effort d'avoir à demeurer simplement au repos fore et perce la substance qui est, à tout autre, le combustible de la joie et de l'accomplissement. L'homme épuisé, malade, souffreteux, est une cave de vacuité où résonne l'écho d'un passé virulent dont il ne reste rien de tangible, que toute la cruelle existence a fini par ronger.

Cette fatigue dont je parle est tel un accident ischémique constitué, elle cèle l'âme en un tombeau d'inertie, de chairs, de sensations algiques, elle tisse par nociception le pandémonium atopique où se débat un homme que les ombres habitent. Plus de matériau pour créer, plus de pétrole pour que le moteur à explosion des désirs et des rêves puisse encore acheminer dans les choses la volonté qui enrage.

Personne ne sait ce qui se passe à l'intérieur de la conque où semblent résonner tous les sons de la vie ordinaire, en sourdine, certes, mais tout de même audibles... Mais cette musique de malheur qu'un cœur en fusion psalmodie, n'est qu'un risible filet qui affleure à la surface d'un univers limbique, empli d'éruptions furieuses, de hurlements et de coups qu'aucun lieu de l'espace ne consent à tenir.

Abandonné dans le temps qui s'écoule, tourbillon de vie syphonné par la bonde d'une maladie inconnue, l'homme dévasté s'en va vers l'entropie, comme une marée trop hardie que l'océan rappelle -- et qui s'accroche encore, dérisoirement faible, aux sables du présent...

En peu de temps, des milliards d'astres étincelants sècheront de la grève la mémoire de la houle qui soulevait, il y a peu, des montagnes de vie de la surface aqueuse.

On peut mourir à l'intérieur de soi, sans que personne ne le remarque, sans faire l'ombre d'une différence, d'une maladie sans nom qui n'a pas d'existence. Le monde, ainsi guéri, pourra bien sacrifier un coq au grandiose Esculape. La vie ne connaît qu'elle-même et renie ses enfants.

mardi 11 février 2025

Pierre tombale

 Peut-on porter une œuvre en sa poitrine

Dont les racines sont les veines

Et qui s'étiole de n'être point expectorée

En mille éclats diaprés de bruine?

 

Tout ici ravale en moi

Ce qui devrait dégueuler de mes doigts

Je ne sais être libre

Et je m'encombre de la moindre chose

Comme d'un fardeau d'éternité.

 

Le mont de mes désirs

Est une nécropole éclose

Au sein de l'abandon

Qu'un astre inauthentique

Éclaire de névrose


Cesser ou poursuivre...?

Quelle importance pour des os

Qui, depuis si longtemps,

Ont bien cessé de vivre.

 

Il faut de la longueur

Au poète éreinté

Pour contrer la langueur

De ne rien inventer

 

C'est ainsi qu'on poursuit

Le sinueux destin

Dont, à contre-courant des autres,

On prie le dénouement

 

Être suisse apatride

Au bout de l'intestin

Et prier que la mort

Ne soit commencement

 

Partout couvrir

Les traces de sa vie

En bon technicien

De surfaces ontiques

Effacer pieusement

De flatteurs immondices

La nature de son être

 

Et faire de son profil

Un reflet scriptural

Bien plus inamovible

Que tant de pierres tombales

mardi 21 janvier 2025

Des néants sans image

Il est un Dieu

Dans la musique au fond de soi

Un dieu sans pouvoir ni loi

Qui, d'un geste, liquéfie les âmes

Invoque des trous noirs

Comme de vains concepts apotropaïques

Pour contrer l'univers

 

Celui qui lie les hommes

À sa dérive autoritaire

Et les fait suffoquer

Sous des flux de durée

 

Mauvaise marée

J'avale des goulées

D'eau-de-vie avortée

De styx empaquetés

Pour démarrer l'incendie cellulaire

 

Le dragon pyrophobe

Disent-ils en riant

Et tout ce feu grégeois

Qui coule en mes artères

Tient son homme bien droit

Son cœur est un cimetière

 

Cimeterre de vers égosillés

S'élèvent à l'éther

Et parlent d'horizons

À ceux qui rampent au sol

Pourquoi ne coucherions-nous pas

Tous ensemble dans la boue

Nos corps extatiques

Pour refluer élémentaires

En des parties sans tout

 

Que cette force

Qui maintient les celulles

Et nous tient en son joug

S'épuise et se récrée

 

Car de quel droit la vie

Se bâtit des palais

De chairs anéanties

Un temple abandonné

 

Refais-moi coquillage

Sur la grève stellaire

Et que nul Dieu moqueur

Ne sorte plus jamais de moi

Un son sur son oreille

 

Que l'on nous laisse enfin

Des néants sans image

lundi 23 décembre 2024

Pourquoi?

J'espère, ô combien... que ce n'est pas toi en moi, qui es de nouveau là; à nouveau dans le cercle, des choses, et puis de la douleur. J'espère que nous ne nous sommes pas, encore une fois, trouvés ici, pour y accomplir encore un tour; avec de menus amendements: une femme, un enfant, un emploi peu ou prou reconnu, pour apprendre, encore, ce que nous avons toujours su: que cela est mensonge.

Et la seule chose que tu aies possédée, dans cette vie tu la veux: l'œuvre capable de justifer l'exhumation dans quelque Panthéon malnommé...

Mais quel cruel tour de t'avoir jeté là, de nouveau, avec tout ce superflu auquel, sublimement, tu avais su renoncer; tout ce tissu d'illusions que tu as tordu de tes rêves en formes poétiques, et qui m'ont dévoilé, trop impermanentement, la transcendance du Vide. Quel cruel tour que de t'avoir donné ce que tu n'as fait qu'effleurer de ton vouloir, prenant bien soin de l'éviter, comme on ferait se brûler volontairement celui qui regardait craintivement les flammes...

Si tu es moi, ou plutôt je suis toi, je ne pardonnerai jamais à l'univers un si tragique affront.

lundi 2 septembre 2024

Tri sélectif

On n'est rien sans les autres. Chaque jour se remettre à l'ouvrage est une vaine compulsion de broder sur le rien le fin fil d'un récit capable de tisser de sens un enchaînement de phénomènes aussi vains que ceux d'un lieu sans visiteurs -- et cet enchaînement c'est ce soi qu'on tricote laborieusement, à coups de radio-réveils et de cafés, de sucres sur la langue et d'espoirs à peine avoués; peut-on passer sa vie à se sauver soi-même?

Même à avoir amassé les fragments d'une œuvre grandiose, seul dans sa mansarde, il faudra bien qu'autrui daigne y accorder du crédit, ourdisse la valeur à partir d'un regard, puis qu'enfin ces regards s'entrecroisent et se nouent pour forger l'étoffe de quelque chose qui s'insère dans le réseau d'une culture. Sans cela, rien, pas plus d'œuvre que de vie aux confins d'un espace qui s'étend plus vite que nos moyens de le traverser. Tout l'écheveau d'une existence à tresser des fils élimés de vie malade n'aura pas même été une virgule dans l'Histoire, ne pas exister aurait au moins eu l'élégance d'une économie de ressource et de souffrance qu'on peut largement qualifier d'écologique.

Mais non, bien sûr, il aura fallu produire un déchet de plus qu'il faudra recycler...

dimanche 1 septembre 2024

L'oxymore

Il faut se forcer à maintenir une structure quotidienne, voire hebdomadaire, capable de mailler l'informe vide qui nous sert de milieu naturel. Il faut le faire avec acharnement et sans jamais attendre de savoir si cela mène quelque part; car alors le délitement de nos choix, la disjonction de nos désirs, la fragmentation de notre mémoire finit par faire de chaque instant cet absolu sans origine et sans destination -- il n'y a plus un chemin à même de mener l'instant à un quelconque passé ni à quelque avenir... Hors du suicide ou de la destruction de soi, il ne reste qu'à poursuivre les mêmes rituels qui nous servent de jalons et de haltes dans la course vers nulle part qu'est l'existence humaine. Nous devons construire avec, sous les yeux, la dévastation permanente d'une entropie principielle; nous devons aimer avec, dans le cœur, le sentiment de la désunion; se tenir droit avec, dans chaque membre, l'effondrement gravitationnel. C'est toute cette antithèse aux lois de la physique qui constitue au fond notre seule nature d'âme pulsatile. D'un côté la promesse des confins, de l'autre l'angoisse de la poussière. Et voilà qu'entre cela se déroule un destin, dont, d'ailleurs, la nature de destin dépend de cet abrupt couperet que constitue la mort.

Oxymorique est l'existence humaine, voilà pourquoi la haine est si proche de l'amour.

samedi 24 août 2024

Le Job

Le job consiste en une et une seule chose, si tu l'acceptes: faire éclater la forme en la surchargeant de l'intérieur, la laisser devenir peau afin que ton cœur pulsatile et ivre la tende juste assez pour qu'elle ne se déchire point mais garde à jamais les stigmates de ton indéfinie puissance.

Mais pourtant le but serait qu'elle se déchire non? Qu'elle laisse enfin couler l'âme infinie hors de sa conque?

Bien sûr, c'est ce que tu désireras de toutes tes tripes mais cela tu ne pourras jamais l'atteindre et c'est bien là l'aspect tragique de la chose. Pour cette raison je te pose une dernière fois la question âme: veux-tu toujours être humain?

Vivre dans un échec? Exister par la frustration? Arpenter l'innacomplissement? Devenir le point de rupture d'une nature duale? Qui voudrait cela?

Des milliards avant toi ont désiré ce sort, parmi eux quelques-uns sont parvenus à surcharger d'infini les finis phénomènes, mais je vais t'avouer quelque chose: ils ne l'ont jamais su: ils n'ont connu d'illimitée que la souffrance.

lundi 12 août 2024

La vérité du coq

Rien ne saurait assurer la valeur d'une entreprise artistique. Tout cela pourrait bien être aussi vain qu'un emploi dans la publicité ou la mercatique: aucun critère transcendant, aucune certitude pour celui qui existe. D'ailleurs ce terme même d'exister est fort intéressant par sa nature fallacieuse car au final on se tient sur quoi? si ce n'est sur la propre croyance qu'il y a bien quelque chose sur quoi l'on se tient pour être... Toutes les galaxies littéraires, des plus sublimes aux plus ignobles, sont fondées sur cette illusion primordiale qui est la condition même de l'existence. Il faut croire à la valeur de ses propres valeurs, il faut transmuer le vide en concrétion substantielle et s'y hisser tel un coq annonçant, sans douter d'un iota, que le soleil de la vie se lève -- et tout cela est avant tout fait pour soi-même, ne nous y trompons pas, dans l'unique but de se persuader que: vite! il faut tenter de vivre!

dimanche 17 septembre 2023

Agonie au néant

 Le sens d'une vie tient à peu de choses: il réside parfois dans l'ineptie la plus totale et insoupçonnable pour un éventuel observateur extérieur; il gît, en ce qui me concerne, dans ce journal et ses polymorphies.

Pourtant, je n'écris plus. Écrire cela, c'est avouer que ma vie se disloque dans la souffrance physique, psychique, sociale et métaphysique. Me lever me coûte de plus en plus, va jusqu'à arracher des larmes de mes yeux qui souhaiteraient demeurer clos... éternellement clos.

S'il reste des plaisirs dans cette vie bien rangée et socialement épanouie, il n'y existe nulle joie. Le plaisir de créer se tarit peu à peu dans les obligations infinies, dans l'orchestration tonitruante du temps, dans l'hémorragie de toute liberté au sein des innombrables moules sociaux. Le travail n'a pas de sens, la parentalité non plus, d'autres feraient tout cela bien mieux que moi, à n'en pas douter.

Ce journal demeurera inconnu du monde, tout comme l'âme en chantier qui lui sert de fondement. Ce chantier, d'ailleurs, est désormais naufrage, celui d'une âme-en-crépuscule... Impossible de savoir la valeur qu'il aura dans l'histoire des hommes. Et si ma sensibilité aiguisée, qui me porte vers la littérature classique et rend mon goût sûr de son acuité, m'assure parfois que quelques joyaux littéraires se cachent en ces ruines et échaffaudages -- tels des promesses de civilisations futures --, il m'est impossible d'en avoir le cœur net. La vérité commence à deux, elle est un consensus, et l'on ne peut avoir raison contre les autres, si tous l'ignorent...

De toute façon ma vie ne me permet plus d'écrire. La maladie ronge mon corps, rouille la coque de ce bateau de Thésée presque méconnaissable. La douleur de vivre parmi les hommes enfin déchire mon âme, brûle mes sentiments, calcine mes pensées.

Une vie... cela pourrait être autre chose, n'aurais-je eu de cesse de me dire tout au long de cet étrange parcours. Tout m'est tellement étranger et inésthétique, que la seule curiosité qui me reste est pour outre-monde, pour le repos éternel et l'abolition de mon principe. Je ne crois pas qu'il existe un autre lieu pour les âmes humaines, pas d'autres existences, pas d'espoir.

J'aurais eu, tout de même, une âme intéressante, rationnellement puissante, avec une force de déduction et d'abstraction qui parfois m'étonne moi-même... Mais cette qualité aura contribué à m'éloigner sûrement de mes semblables, encore et toujours plus. Incompris, moqué, encore et toujours plus... Jusqu'en ma profession... ce qui révèle ô combien ce monde est sans âme aujourd'hui.

J'aurais pu faire quelque chose de beau, dans une autre société, lors d'une autre époque, dans d'autres civilisations. Mon endurance et mon obsession pour la vérité aurait pu alimenter tant de découvertes. Mon amour pour la beauté, et ma compassion pour tout ce qui souffre, auait pu sublimer tant de laideur, créer tant d'oasis fécondes pour d'autres âmes assoifées...

Tant pis, tout cela ne fut pas. Peut-être aurais-je le privilège absurde de relater encore un peu la dissolution de mon être, dans de rares sursauts d'énergie vitale; continuant de faire ce que j'ai presque toujours fait: m'adresser au néant.

vendredi 11 août 2023

Pour aller où?

 Qu'aurons-nous à nous dire, lorsque tu sortiras de tes babils; du décalage insurmontable de nos deux temporalités? Car nos deux présents ne coïncideront, pour ainsi dire, jamais, il ne peut y avoir de réelle égalité entre la profondeur de mon présent -- toujours se creusant -- et la surface du tien. À moins qu'en un présent ne se tiennent pas nécessairement tout le passé, et qu'il en aille avec le temps comme avec ces régions de l'espace inexorablement trop lointaines pour interagir de nouveau avec notre lieu...

De toute façon qu'aurais-tu à penser d'une âme inadaptée à l'existence? une âme qui croit savoir quelque secret sur la vacuité de la vie que l'écrasante majorité ne veut pas voir dans cette irrépressible obstination de vivre néanmoins?

Je n'ai probablement pas l'étoffe d'un tuteur, et resterai à jamais trop étranger à la joie d'être pour t'insuffler le goût de croître et de vivre en ce décor. J'ai cherché, longtemps, l'envers de tout cela... et me suis lassé de ne rien trouver. Ou plutôt de trouver quelque chose que j'aurais préféré ne pas avoir à voir.

Je ferai de mon mieux pour que tu restes à cette échelle de la nature où se meuvent les êtres, et que point tu ne t'élances en ces pérégrinations ontologiques par lesquelles l'âme ivre d'ailleurs se fourvoie pour toujours en un changement irrécusable de paradigme, à la recherche de ce référent absolu qui fait l'étoffe de toutes les œuvres, de tous les chants et de tous les sublimes.

Quitter la finitude... mais pour diable aller où?

dimanche 6 août 2023

Sept milliards de Pythies

 À quoi aura bien servi l'éclosion laborieuse de ce style? nouvelle forme biologique dans la symphonie du vivant. À quoi bon? Cette aisance avec laquelle je peux rédiger ces complaintes, à quoi servira-t-elle? Je peux dire "j'ai vécu", par elle j'ai véritablement vécu: c'est-à-dire que je suis devenu. C'est peut-être la plus haute valeur possible au fond...

Pourtant, c'est toujours la société qui ourdit les valeurs, en garantit le cours. Or nulle société n'a jamais prêté attention à cette petite animalerie pathético-poétique, cirque ambulant d'un solipsisme ubique et éternel. Pour que j'ai réellement existé, pour que ce en quoi j'ai mis toute mon obstination et ma persévérance, tout mon plaisir aussi, pour que toute cette sublimation de souffrance ait une quelconque valeur il faudrait que le monde s'en aperçoive, qu'il s'y abreuve et goûte l'ambroisie venimeuse de mes mots; et qu'il prononce enfin son verdict.

Sans cela, tout ceci n'a pas existé autrement qu'en tant que rêve récursif d'une conscience totalitaire et impérialiste. Le réel n'aura pas eu lieu voilà tout.

Est-il posible que ma vie soit étrangère au réel..? Est-il possible aussi que tout cela ne soit qu'illusion de beauté pour une âme immature?

Sept milliards de Pythies doivent désormais répondre, maintenant que se disloque ma créativité.

vendredi 4 août 2023

naissance sociale, mort astrale

 Tous ces chants dévastés méritent bien mon silence. Autant de bruit doit bien enfin ressortir sur un fond de néant approprié. Voici mon silence monde... Inécouté... comme le reste de cette errance musicale.

Une concession suffit à faire s'effondrer l'édifice branlant d'une vie. Me voilà donc éparpillé, sur le sol des conventions sociales, rangé dans une boîte orthogonale, pareille à des millions d'autres adjacentes. Une femme, un travail, une maison, un crédit, un enfant, un foyer donc, et tout cela qui aspire le suc de ma vie, de cette chimère qu'est mon temps.

Les fruits intemporels qui un jour sont sortis de moi, et que je hante désormais -- mi-émerveillé, mi-honteux --, n'ont plus le temps de pousser, de s'extraire du monde et de ses cycles récurrents. Je n'ai plus d'énergie pour chanter, plus d'énergie pour voir et mordre le réel pour en ramener les formes épiphaniques. Plus d'énergie pour la joie. Plus de création. Plus de verbe.

Et tout ce qui consolidait le fondement de ma vie n'est plus qu'un souvenir brumeux tapi dans l'ombre du présent étique: la sensation d'un membre fantôme. J'ai abdiqué face à la vie, j'ai fini par me fondre dans le courant des hommes -- et chaque jour je souffre de ressembler un peu plus à chacun.

Pour cela la poésie m'a désertée. Je ne suis l'élu d'aucuns vents, d'aucun souffle, d'aucune tragédie. Je vais passer mes jours à vivre pour les autres, à me fondre dans la race, dans cette continuité biologique qui réclame son dû depuis les premiers jours.

Il n'y aura plus de création. Je n'en ai plus la force. Je m'éteins à demi dans ce destin en série, désintégré pour de bon dans la matrice sociale de la convenance. La joie enfuie est remboursée sous la forme d'un salaire mensuel qui me permet d'être dans tous mes objets, dans tous les projets de vie qui saignent le présent pour irriguer l'aérien avenir.

Je n'ai plus la force d'écrire. tant pis, cela aurait fait belle histoire...

mardi 15 mars 2022

Cube de vie

 Il nous faut poursuivre, malgré le souffle qui manque et les halètements qui vident la poitrine de cet élan vital si nécessaire à continuer. Il faut, malgré cette noirceur du ciel qui nous menace, s'avancer patiemment sous cette frondaison houleuse, à travers laquelle nulle acuité ne perce un horizon possible. Dans le moutonnement de l'instant, s'étire, pleine et entière, la forme complète de nos vies modernes.

C'est que tout le passé, et l'avenir aussi, tient entre les quatre murs de ces studios en série qui font les geôles de toute existence. Tout converge et se resserre et celui qui s'avance par-dessus le muret des jours, passant une tête curieuse, emplie d'espoir pour l'avenir, ne peut que peindre aux couleurs du passé, en trompe-l'œil, le mur embétonné de l'ère du temps -- imperméable frontière.

Mais enfin Adeline; il faut vite vivre, quand même le souffle nous manque.

vendredi 19 novembre 2021

Cadavre de ma vie

 Il y a trois jours, j'ai eu en m'endormant, une idée littéraire. C'était à ce moment où la conscience se relâche enfin et laisse s'écouler de sa synthèse tous les instants de vie qu'elle contracte autrement. C'est toujours en ces moments que me viennent les plus belles phrases, les plus beaux vers, les idées les plus vraies, comme tomberaient de soi les écailles les plus intimes et sincères.

Combien de fois est-ce arrivé... Malgré la fatigue, l'idée s'empare de l'esprit, l'esprit la fait tourner, la pétrit un peu, mais point trop -- le joyau brut semble déjà poli. La phrase, musicale, résonne dans la tête entière et semble animée d'une vie qui trépigne d'être enfermée, prisonnière d'une vacuité intime qui mâche et digère dans l'oubli tout ce qui pourrait pourtant être.

Combien de fois ai-je réitéré ce choix de ne pas me lever, d'entendre cette vie en moi bruisser de tant d'ardeur, peu à peu étouffée par l'indifférence du temps qui se referme sur l'avènement d'autre chose.

À vrai dire, cela fait bien longtemps que je ne me suis plus levé pour ma vie d'écrivain... Me lèverai-je un jour? Ou faudra-t-il que je noie moi-même encore et encore, par inertie dévastatrice, ces portées de chatons dont les échos fantômes hantent mon âme aujourd'hui? Combien d'hypogées mon cœur abritera-t-il en sa crypte funèbre?

Mais surtout: est-ce qu'un jour viendra où les Muses ne chanteront plus dans mon âme, pour me punir de ne m'être pas levé pour ma vie, mon destin?

Et la nuit sera sombre et silencieuse, ô combien je pourrai dormir alors, dans le cadavre de ma vie.

mardi 12 octobre 2021

Le lacet de couleur


 

 

Un poème chute -- de mes yeux sur le monde: il éclabousse mes chaussures.

Je lemme à en dégouliner sur moi, mes fringues empestent, sales hardes embarbouillées de ton odeur ô douce poésie -- ambroisie d'âmes sourdes qui ne connaissent rythme qu'entrelacs de tes courbes.

La mélodie se brise, à mes pieds froids de bise que tu me donnes à volonté, moi qui me meurt de ne plus rien vouloir... Envoie donc tes baisers, entre là de tes courbes.

Sur un pétale de rose signe-moi des billets de mots d'amour en feu -- ma langue, houleuse prosodie, saigne à noyer ma bouche sous une sève intempestive qui fait pâlir de jalousie ce modeste crachin de ma salive. Ça live, ça vit dans des palais, de frottements grossiers, vulgaires friction d'épaves amarrées qui ne prendront jamais la mer, et la lancent en poèmes. Poème pagode enflammée, crémation de ce rêve d'enfin sortir de soi, d'enfin se rencontrer, et devenir tes yeux, ta flamme, ton con qui tangue sobre et fait dans la rue fluviatile, tous ces gens chavirer...

La muse ivre brésille, au vent du soir d'interminables trilles où s'ébruite harmonieux le voile de la souffrance. Il m'a fallu convaincre tous ces gens du bien-fondé de mon errance et maintenant voilà, je fends les flots de rien comme une voile à l'horizon sur les rebords de ton regard, sur les abords de ton royaume: j'irai me déverser le soir tout au bout de ton monde, et tout à mon vertige, j'irai me hâter dans la nuit, trouver aux pâleurs des tréfonds, l'éternelle tombe au... Cœur qui bat encore comme si la destructrice vie n'avait pas emporté dans son rouleau de lave, les restes de ma joie, brûlé mes horizons, me laissant là sans ligne, celle du destin qui conduit les humains à l'ourlet d'un linceul. Au lieu de ça j'existe, vain, seul, et me prend à rêver de bien devenir toi, confins de ta banlieue, frontière de tes lèvres, gorgées du soleil de ma vie qu'on m'a volé dès la naissance, Incurable conscience -- implacable Érinye.

Au cœur de mes atomes emprisonne un baiser, peut-être que la peur alors me pousserait, à prendre soin de moi, à recoudre mes plaies, enrouler la bobine de ces lambeaux de soi qui, sous mon regard complice, s'incrustent dans les pages d'un livre interminable.

Vois, je me défais en faisant ce récit. Mais c'est bien à tes pieds que je m'effile enfin soigné, je serai le lacet qui nouera de couleurs, ces quelques jours où tu m'as recueilli...

jeudi 9 septembre 2021

Ce qu'est le ciel

 Je me suis égaré dans les mots, sans savoir qu'y trouver. Je suis inconstant, jamais je ne fais que passer, j'entre avec tant d'intentions, puis aussitôt m'en vais. Je me demande à quel point je mérite le peu de mon succès...À quel point je suis inférieur à ce que les gens croient, combien ces fondations sont des sables mouvants où, quotidiennement, je m'enfonce et me noie.

Je ne sais donner à la vie les vives couleurs qu'elle mérite. Ma propre vie serait bien mieux usée par une âme nouvelle. Une âme qui en aimerait le goût, la saveur, dans son essentielle substance. À moi, je dois avouer, elle demeure indigeste. Il n'y a qu'indéfinis épices pour me la rendre heureuse, le sel m'est essentielle et la vie m'est cruelle.

Une souffrance qui se repose, en une conscience lucide, voilà tout le bien à attendre, voilà ce qu'est le ciel.