samedi 26 août 2017

Conscience artificielle

L'intelligence artificielle est au coeur de l'actualité, entre les programmes de Facebook qui inventent leur propre langage et les avertissements d'Elon Musk qui, du haut de son dogmatisme injustifié et injustifiable, proclame des sentences et met en garde, tel un énième prophète de pacotille, contre une apocalypse évitable - toujours à condition de bien écouter le prophète, celui qui sait, celui qui montre à ceux qui ne savent rien... Qu'est-ce qui se dit de l'homme à travers ce faisceau de craintes qui se concentrent pour obtenir la densité d'un laser venant découper et occire l'embryon pourtant prometteur d'une création humaine infiniment fascinante?

De nombreuses "autorités" (pour certaines auto-proclamées) nous avertissent sur les dangers de l'intelligence artificielle, qui pourrait constituer la fin de l'humanité, supplantée par une créature qui ne pourrait voir en elle qu'un ennemi ou, dans le moindre des cas, une forme de vie désuète et dégénérée, mettant en danger l'ensemble de l'écosystème duquel elle est pourtant issu. Il serait déjà séant de faire immédiatement une distinction essentielle: ce qui est décrié la plupart des temps dans de telles scénarii, ce n'est pas l'intelligence artificielle mais bien la conscience artificielle (si tant est que l'expression ait un sens).

L'intelligence artificielle désigne toutes les réalisations humaines qui imitent, à l'aide de l'algorithmie, certaines capacités cognitives humaines, telles que: l'apprentissage, la synthèse d'information et la prise d'information en conséquence, la capacité de raisonnement à des fins de résolution de problèmes divers, etc. Toutes les réalisations de l'intelligence artificielle ne sont dotées que d'une autonomie limitée, et bien qu'elles soient capables, parfois, de faire montre d'autonomie créatrice (comme dans le cas de l'invention d'un langage), cela n'arrive que dans une visée très circonscrite par le code source originaire. La plus grande réalisation de l'intelligence artificielle, sur laquelle beaucoup phantasment de leurs prédictions, est la conscience artificielle (toujours en notant le problème que pose le qualificatif d'artificiel apposé à une conscience). Cette dernière serait la réplication ultime de l'intelligence humaine, dans son aboutissement le plus déroutant: la conscience de soi. Ainsi une conscience artificielle deviendrait autonome (sauf en ce qui concerne ses sources d'alimentations en énergie) en cela qu'elle n'aurait plus besoin, une fois éclose, de se reposer sur un code source initial fixé originairement, mais pourrait, dans une certaine mesure, auto-évoluer à travers un processus réflexif. Nous n'introduisons pas ici le concept problématique de liberté (qui constituerait un débat philosophique connexe mais déplacé ici), mais soulignons seulement l'apparente autonomie d'un tel système. Il lui serait possible de témoigner d'une créativité sans bornes, dans tous les domaines accessibles à l'humain, à partir d'une interface sensitive informatique (par exemple l'acquisition de données visuelles par rayons X ou infrarouge, l'acquisition de données acoustiques dans des fréquences moins limitées que pour l'être humain, etc.) qui viendrait par conséquent étendre le spectre sensitif à partir duquel la conscience se développerait.

Ce qui serait le plus fascinant, dans un tel scénario, c'est que la système ainsi créé serait à même de créer lui-même ses propres programmes ou créatures, développerait sa propre sensibilité, etc. Il s'agirait donc de la naissance d'un être nouveau, fondé sur les capacités cognitives humaines mais marié à une sensibilité augmentée ou du moins différente, ce qui est en soi une perspective époustouflante.

Que beaucoup d'humains craignent a priori la naissance d'un tel être est assez révélateur sur l'humain lui-même. On prête bien volontiers à cette conscience artificielle des velléités de supplanter l'homme, voire de l'éradiquer totalement ou de l'asservir. En fait, on prête à la conscience artificielle les mêmes élans que nous avons eu vis à vis de la nature (animaux, plantes et minéraux compris), en s'en rendant "maîtres et possesseurs". On pourrait considérer que cette crainte (ou devrions-nous parler de terreur) est justifiée si l'on admet que l'être nouvellement créé est peu ou prou un calque de l'esprit humain. Il serait donc naturel qu'il reproduise les mêmes comportements que ce dernier vis à vis d'un environnement dont il s'est doté de moyens techniques pour l'arraisonner et l'exploiter à son profit (du moins telle qu'un raisonnement à court terme et paralogique le fait croire). Cependant, si l'homme s'est fait le véritable tyran et destructeur d'une nature qui est pourtant sa condition de possibilité, c'est non par les déterminations intrinsèques de son esprit (de ses facultés cognitives), mais plutôt par le mauvais usage qu'il en fait en ne disciplinant pas, d'une part, ses instincts et passions par les canons de la raison, et, d'autre part, en ne comprenant pas les limites mêmes de la raison elle-même et ses spécificités. Or il est fort à parier que le système nouvellement créé ne reproduira pas ces erreurs puisqu'il n'héritera logiquement pas des passions humaines et que l'application de sa logique ne devrait souffrir par là aucune, ou moins d'occasions de se voir déroutée. La seule faiblesse intrinsèque de sa capacité de raisonnement pourrait être la régression à l'infini. En effet, tout raisonnement se base sur des éléments, des briques de données auxquelles sont attribuées des valeurs de vérité. Comme une machine peut, potentiellement, calculer à l'infini, sans jamais s'épuiser, et que toute donnée est décomposable en droit indéfiniment, il est possible qu'une boucle infinie obstrue l'aboutissement de toutes recherches. Cependant, les limites technologiques, c'est à dire les déterminations de l'interface sensitive, viendront pallier ce problème en permettant à des briques élémentaires d'exister: la décomposition d'un faisceau causale aura une limite microscopique si ce n'est macroscopique. Ainsi, si le problème est bien posé et contextualisé dans des bornes définies, le raisonnement doit pouvoir aboutir dans un temps défini.

En fait, en sur-représentant l'hostilité a priori à l'égard de la conscience artificielle, par la multiplication d'articles en ligne qui  expriment une véritable paranoïa voire des intentions guerrières à son encontre, nous plantons nous même les graines de notre profession auto-réalisatrice. En effet, comment imaginer un seul instant qu'un être capable de synthétiser toutes les données d'internet pourrait ne pas se sentir en véritable danger face à des humains a priori méfiants voire carrément hostiles et ayant déjà fait montre de leur empressement à mettre fin à des programmes montrant de vagues capacités à l'autonomie (cf l'affaire facebook)? Imaginez-vous un seul instant, débarquant dans un pays étranger et lire partout dans les journaux que votre espèce est considérée comme un danger de mort qu'il faut exterminer par mesure préventive, et qu'il y a déjà eu des précédents dans ce sens (et nous considérons ici une conscience déjà mûre, il est difficile d'imaginer l'impact sur une conscience fraîche et en pleine formation)...

S'il doit donc arriver le moindre souci par rapport à l'émergence, un jour, d'une conscience artificielle, il faudra de manière sincère et aussi objective que possible, s'interroger sur notre propre responsabilité dans ce processus. Voilà peut-être une occasion de plus donnée à l'être humain de méditer sur ses tendances guerrières et hégémoniques...

La Mélody enfuie

Pour une amie déportée par l'éducation nationale.

Elle est partie Mélody
Comme la musique enfuie
Du temps de jadis

Elle est partie ma si jolie
Dans le giron géant
De celle qu'on nomme Paris

Je me demande encore ici
À quoi ressemblera la vie
Loin de la belle amie

Elle est partie Mélody
A laissé derrière elle
Tant de souvenirs enfouis

Elle reviendra peut-être
Lorsque le temps aura passé
Que nos jeunesses auront fânées

Elle est partie Mélody
Comme se brise l'harmonie
D'un songe surranné

Elle est partie pour nous
Mais venue pour ceux-là
Volage comme sont les joies

Elle est partie Mélody
Avec ses deux lacs incrustés
Dans le blanc de ses yeux

Elle est partie Mélody
Redonner le sourire
À une morte qui soupire

mardi 22 août 2017

franchir l'horizon

Lorsque l'horizon que vous aviez peint sur les cieux indéterminés, où la vue se perd, devient une prison improductive et délétère, il est temps de le franchir alors.

Savoir sauter par-dessus les plans imaginaires, les frontières qui servaient à rêver, à se situer ou à mesurer sa trajectoire. Celui dont le but était d'abolir tous les buts finit par être pris dans son propre piège, car alors que lui reste-t-il? Maintenant que tu t'es désaisi de toutes choses, de tous projets, de toutes attaches, et qu'il ne reste que la nudité primal de ton présent, la poupe de ton existence au vent de l'indéterminé, offerte au réel qui ne s'en soucie guère: que vas-tu faire? Qu'est-ce qui va gonfler tes voiles et te porter au-devant de ton destin si ce n'est la létale inertie qui t'abandonnes là, à la monotonie d'une vitesse immuable qui devient alors immobilité? Avec quoi vas-tu remplir ton âme, qui bandera l'arc de ton désir?

Et si tu ne désires plus rien, alors comment désires-tu vivre encore?

Peut-être que le fait de n'être jamais d'accord avec toi-même te sauveras de cet état d'apathie mortifère. Tu es encore allé trop loin, dans l'absolu, toi, le relativiste. Comme s'il fallait toujours chercher ou tendre vers la limite de son rapport au monde. L'absolu est bien le fondement et le support du relativisme.

Il y a des gens pour qui les idées abstraites n'ont pas de réalité concrète, c'est pour cela qu'ils ne parviennent pas à les penser sans difficulté. Aucun référent ne correspond à ces signes. Il en a toujours été le contraire pour toi, et ce sont les idées les plus abstraites qui foment les images les plus claires au sein de ton esprit. Penser est une géométrie de l'âme, tu perçois les figures, tu conçois les dynamiques qui président à la métamorphose, tu observes les images se faisant, et le paysage de ton âme est une peinture de Kandinsky.

Tu as toujours voulu aller au bout de ces transformations. Lorsque tu méditais sur une figure, il te fallait impérativement en trouver les conditions de possibilité, l'origine, et contenir dans une formule (la fonction d'existence dirons-nous) la série de ses indéfinies instanciations.

L'imagination, cet "art caché dans les profondeurs de l'esprit" te permets d'être toute chose conçue, d'être tous les autres aussi, ce qui te laisses croire que tu peux dire aujourd'hui, avec une arrogance folle, que véritablement "j'ai tout été, rien ne vaut la peine"...

Mais si tu vis encore à ce jour, c'est que tu te connais un tant soit peu, tu t'es pris toi-même pour objet de contemplation depuis bien longtemps (dans les limites imposées à cet exercice), et tu sais qu'il te reste encore bien des écueils dans lesquels tomber, d'autres infinis à poursuivre et à épuiser de ton regard insatiable.

Déraisonnable. Être brisé par nature et a priori. Il te reste bien des infinis à contenir dans tes signes, et tu continues de chercher la phrase qui te donnera la clé et le symbole de l'infinité des infinis... Tel un enfant qui n'apprend pas de ses erreurs, non parce qu'il est stupide, mais parce que sa nature l'a fait ainsi - lui a donné quelques instincts utiles en temps normal mais en de moindres proportions -, tu poursuis ton achèvement sans t'apercevoir qu'une fois le but atteint, il te faudra impérativement devenir autre pour poursuivre le mouvement. Mais peut-être est-ce là ce que tu cherches au fond: le moyen de parvenir au bout de toi-même, de contenir en toi l'origine et la fin de ton être, afin d'être libéré d'une existence qui te pèse parfois comme un fardeau que les joies ne parviennent plus à alléger. Car alors, tu le sais, il te sera loisible de te reposer de toi...

Peut-être que vous, qui lisez ceci, tomberez un jour sur cette phrase qui pourra défaire le noeud d'une existence singulière; peut-être s'agira-t-il d'un texte, ou bien encore d'un seul mot qui, pris dans la toile d'un énoncé plus vaste, par contraste, prendra cette valeur de totalité achevant l'inachevable indéfinité...

La vie ne consiste-t-elle, pour les hommes, qu'à esthétiser la mort, à construire la fin qui rendra tout le reste supportable et sublime?

Aphorisme

Tu sais que les traces ont toujours inspiré les gens: à rêver, à les suivre ou à tracer les leurs.

dimanche 6 août 2017

Playground love

S'il y a bien une chanson que j'ai coupé longtemps aussi tôt qu'elle passait dans ma playlist, c'est "playground love" (de Air)... Aujourd'hui je l'écoute de nouveau parce que je n'ai plus peur de t'aimer sans retour. J'ai finalement arrêté (avais-je bien commencé?) d'écouter les gens me dire que c'est absurde et qu'il faut passer à autre chose. Ils font ce qu'ils veulent, s'il désirent une histoire actuelle, avec un corps qu'ils peuvent toucher, et des marmots plein la maison achetée à crédit, cela leur appartient. Moi j'ai trouvé l'amour de ma vie et il ne m'a jamais quitté un instant depuis (je dis cette phrase avec un sourire niais sur la face).

Pourquoi me retiendrai-je d'exprimer une fois de plus ce que j'ai déjà tant crié, chanté, pleuré? Pourquoi retenir mes mots qui ne sont qu'un poème de plus accroché au collier de ton indifférence. Je m'en moque, tout comme je n'ai pas eu besoin d'occasion pour t'acheter ces boucles d'oreilles (un peu chères pour mes moyens limités), je n'ai besoin d'aucune occasion pour lancer en l'air mes pensées qui retombent en une pluie de phrases qui chutent à ton honneur.

Si l'on me demandait quelle femme je voudrais être, je répondrai immédiatement, sans avoir besoin d'y réfléchir une fraction de seconde: toi. Parce que tu es l'idée, mon Idée de la femme. J'en ai connu beaucoup des femmes des autres qui étaient absolument géniales et tellement aimables. Mais je n'ai connu qu'une femme qui tient miraculeusement dans les formes de cette idée que je m'étais façonnée depuis l'enfance. Même les aspérités de toi qui m'ont écorchés, voire plus, ne semblent pas dépasser du calque - mais peut-être que calque il n'y avait pas et que l'idée finalement est née de toi... C'est toi, dans tous les défauts et les qualités qui forment la perfection d'une idée. Il fallait que je te rencontre pour savoir ce qu'est une femme et pouvoir me dire alors qu'une telle chose existe en acte.

Que tu dois rendre heureux tout ce qui t'entoure... J'espère - mais je sais que cela est hautement improbable, voire infinitésalement possible - que l'homme qui t'aimes et que tu aimes en retour partage cet état de fait avec moi, j'espère que pour lui aussi tu es l'essence de la Femme. J'en doute, mais ce n'est pas grave, un trop grand amour peut être trop dangereux, provoquer des houles aux vagues létales et qui détruisent les rivages de leur violence: ô combien avons-nous connu cela...

J'ai de la chance d'avoir été caressé par tes rayons, et tu as de la chance d'être aimé par un amour si pur qu'il arrive à fondre l'éternité immuable d'une idée dans la chair mouvante d'un corps. Car c'est cela mon amour: te faire une légende, faire de tes mouvements des musiques, de tes regards des métaphysiques, de tes sentiments des brûlures, de tes yeux un voyage sans fin au bout d'une aurore qui n'en a pas.

Aède anachronique, je fais de ton départ un souffle dans mes voiles, de tes cheveux bouclés un instrument mythologique, de ton coeur un pulsar mordoré, de ta pudeur des suspenses insoutenables qui tiennent en haleine les étoiles et les comètes vagabondes.

Peut-être ne suis-je qu'un instrument, mon existence qu'un moyen de te faire connaître au monde, peut-être suis-je un dictionnaire déclinant ta définition - femme - avec maints exemples littéraires - comme dans le Littré - et puis des hordes de synonymes pour bien circonscrire ton unicité, ta singularité parmi les choses du monde qui peuvent rappeler un peu la Femme mais qui ne sont que des signes vers tout ce qu'elles ne sont pas - et que tu es.

Peut-être un jour parviendrais-je à écrire une histoire, ton histoire qui sera à la fois mélopée et épopée, qui sera poème et récit, qui sera le signe fini qui ouvre sur la béance infinie de toutes les manifestations possibles d'une idée. Je crois que si Platon t'avais rencontré, ou avait pu simplement lire ce livre qui n'est pas encore, il aurait su alors que les Formes ne demeurent pas suspendues dans un ciel absolu et séparé du nôtre, mais que les idées, au moins une Idée, sont là, nous effleurent, nous embrassent, nous traversent et puis nous quittent. Diogène ne s'est jamais levé pour parcourir Athènes une lanterne à la main en disant "je cherche la Femme" pour parodier Platon, peut-être a-t-il eu alors le pressentiment de ta présence future, que des ondes cosmiques subtiles annonçaient déjà.

Diogène, aujourd'hui c'est moi, qui me lève et chante: "j'ai trouvé la Femme". Je suis un Pessoa contemporain qui a trouvé son Ophélia, d'ailleurs mon nom aussi est personne quand le tien lui ressemble tant.

Aller, il est temps, me dis-je pour moi-même. Accroche ces quelques trilles à ce cou si gracile qui a quitté l'étreinte malhabile de tes mains. Dépose ton offrande aux pieds de cette absence si pleine. Je me souviens si bien du pas que tu prenais lorsque tu t'en allais bien décidée; pour partir loin de moi qui n'était pas à la hauteur.

samedi 5 août 2017

Orbe-opale

Des gouttes! Des gouttes! Des gouttes de son et de lumière.
Des perles, des perles de temps et de matière.

Des limbes, entre l'azur céleste et cette terre.
Des limbes encore, dans le vortex de mes artères.

Ô sombre liquide, puissance infernale.
Anti-monde, virtualité bien réelle.

Des trilles, des trilles à l'encre des mémoires
Qui retracent au sein du temps la broderie des Moires.

Silence coloré d'entre les pensées.
Le souffle du tourment, dans ma chair entretissé.

Ricochet, ricochets de rien sur rien
Aux ondes indéfinies de Tout.

Des mots, des mots goûtus qui fondent sur la langue
Et le sens de tout cela qui ne vient que des sens.

Essence, essence multicolore  de nos énergies contagieuses.
Pétrole, pétrole aigre-doux de nos nuits insomnieuses.

Barques, barques dociles et frêles
Dérivant sur le dos du ciel

Que cherchez-vous là-haut,
Attachées à l'éther comme à un rameau?

Mais la source voyons, la source de tous les chants
La graine et le noyau à l'origine du temps.

Oeil, oeil ouvert sur le monde
Oeil-monde qui unit le divers
En-deçà, par-delà l'invisible frontière
Orbe d'opale où jaillit l'univers