Mélancolie, mélancolie.
Tu tires ta langue ancolie
Bordé de fleurs éteintes aux couleurs surannées
Et dans mon âme souffle un vent marin
D'iode et souvenirs
Portant l'aile animée
D'indéfinis désirs.
Dis, mélancolie,
Tu ne quitteras jamais...?
Le lit de mon destin
Le plan de mes dessins
Aussi froissés soient-ils...?
Mélancolie, mélancolie,
Que ton nom est joli
Que ton vase est subtil
Qui garde le fantôme
Des bouquets ramassés...
Je t'offre ma mélancolie
Humanité de fil
Cousu de linge ensanglanté
Que brode à l'encre pourpre
Mon amour étranger.
Tu es l'ailleurs qui me fait être ici
Tu es l'amour, tu es l'amie
Qui signe en teintes irisées
La promesse de l'oubli.
Mélancolie, mélancolie,
Sont les pavés de la rue que je foule
Étoffe de mes cieux illunés
Qui rend les murs de ma maison
Aussi ténu qu'un voile translucide.
Par toi je vois ma vraie prison
L'âme d'un monde en bulle
Suspendu dans le vide.
Mélancolie, mélancolie,
Pourquoi me fais-tu apatride?
Être à contre-courant de tous, et même de ses propres eaux. Les quelques gens qui lisent ne s'intéressent pas à Poésie.
Lire, d'une autre manière, écrire à la façon des dieux, d'un mouvement d'humeur d'où jaillissent des mondes.
Être seul sur son chemin.
Être synthétique et savoir dire beaucoup en peu de mots.
N'être lu par personne. Détenir un art oublié que presque plus personne ne sait goûter.
Ne pas savoir à quelle maison d'édition envoyer ses poèmes, parce que la poésie n'est plus qu'un cadavre maintenu sur ses jambes par les fils plus solides de la "véritable littérature", celle du siècle, celle qui rapporte, celle du divertissement, celle des durées longues. Les gens ne savent plus se connecter au divin, il faut le leur servir dilué...
Être anachronique et rêver d'époques pas si lointaines où notre fonction servait encore à quelque chose, pour quelques uns.
Se répéter chaque jour que l'on est pas plus futile que les autres, et que l'on a nous aussi un destin...
Être seul sur son chemin.
Être un inconnu, incompréhensible.
Être un marginal sans case bien à lui, perdu dans le fatras de ceux dont on a point l'utilité.
Être toujours à deux doigts de la dissolution: dans les sucs digestifs de Dame Société, et dans l'abîme au fond de soi.
Tendre des voiles fatiguées, percées d'infinis, qui font pâle figure mais néanmoins capable de rallier entre eux les distants univers.
Être seul. Toujours, seul.
Être rien. Le glissement d'une plume dans la mansarde oubliée, le bavassement d'une âme en rimes ressassées.
N'est-ce pas le chemin? Le seul à emprunter pour tous? Celui des âmes anéanties.
Sans repos, au bout de l'allée sombre...
Où chutent les châteaux en ruines, avec tous leurs fantômes.
Tout au bout du cimetière des langues oubliées.
Serai-je un jour? Ou ne serai-je pas.
Seul, au fond de mon allée.
Avec le murmure des choses révolues. Comme un linceul d'ombre pour me cacher du ciel. Des millions d'étoiles, des pelletées entières de gros gravats interstellaires.
Toi et moi, au bout du film en noir et blanc.
Mais tout cela a-t-il jamais existé?
J'aimerais tomber sur toi, au détour d'une rue de cette ville; et que ton corps fasse mentir le passé, qu'il annule l'écho de ce que nous ne sommes plus. Une somme de nuit, un sillon de plus.
Je marche à reculons et la souffrance s'accroît, à mesure que le soulagement. Toujours une chose et son contraire, toujours toi... Et moi... Comme un exquis mensonge qu'on raconte à l'enfant qui ne renonce à rien. Celui que l'on était.
Il n'y a plus que moi, au bout de l'allée sombre...
Tu t'es en allée, pour de bon, avec le monde illuminé, avec les chants d'oiseaux l'été, avec ta vie nue sous la pluie.
Tend ton cou, ta joue ta nuque et sous le joug, laisse-moi susurrer, les mots de ruine hantée.
Le château est hanté, n'aie crainte, le spectre est dans les murs, il ne peut te toucher, le spectre est dans les murs, et la souffrance mûre...
Penche un peu la tête, là comme ça, vers la droite et que menton pointu s'insère dans le creux, si doux, trop doux... La pente est lisse et mon élan s'enlise...
Ouvre grand la porte des placards verrouillés, laisse tes squelettes danser, ceux de Saladin et ceux aussi, pourtant si pleins, du couple de tes seins.
Élargis tous tes pores, laisse-moi faire ta peau le port où faire naufrage aux marins épuisés.
Que tes façades sont accueillantes... Tes portes grandes ouvertes. Tes fenêtres éclairées même dans les ténèbres. Je devine tes pièces, je campe sous ton toi.
Augmente la courbure, accélère ton tempo, mes pieds dansent déjà, moi qui m'enracinait, me voilà bien en l'air, les pieds tous retournés, la mine un peu trop fière.
Plume du soir espoir d'un désespoir à venir, deux étoiles se croisent elles sont sans avenir. Ouvre la portière et saute sur la route d'air. Pourvu que la poussière mange les coeurs encarossés, grignotte la peinture. La vitrine est cassée, toute la devanture est un festin offert.
Avidement la nuit je mens, mais seulement à moi-même; en langues inventées, apprises aux cours du soir, d'un rêve déjanté.
Professeur ouvrez-moi la fenêtre, j'entends partout chanter, les gouttes de rosée, les feuilles du roulement léchées, les oiseaux sont muets, je dois bien m'envoler...
Un feu monsieur, UN FEU! Et sautons-y dedans! Tout est parti de là et tout y reviendra. Que les flammes noires dansent et couvrent tous nos pas, que les destins soient cendre qu'on n'y revienne pas!
Voyez je bats des ailes sombres, d'ailes enténébrées. J'ai dans les yeux des candélabres; je conduis la carlingue déglinguée des gens qui sautent dans les cieux, font gicler la distance comme poignée d'instants!
Oh que le son est doux, le son de tous les feux, les cloches vont sonner, le monde hors des royaumes! Les vagabonds célestes en assemblée stellaire! Et puis de l'air bon dieu, de l'air! Pour les enfants lésés, celés dans la misère.
Monsieur! Monsieur! Adeline est tombée! Elle saigne du genou, ou d'âme bleue je me sens fou! Pourquoi la sève est noire? Maintenant d'opale elle s'ambre là d'ivoire! Qu'est-ce donc que le sang s'il ne monte à l'éther?
Parlez-nous d'interdits, de choses à ne pas faire, abattez les cloisons qu'on voit un peu derrière.
De l'air! De l'air! Nos plumes s'engourdissent, voyez je prends l'envol, aux vents d'hiver je flotte, ma langue est apatride, elle parle universel et chacun la comprend.
Sur un banc de sable en pleine mer, allons nous échouer comme lourdes galères. Et parlons aux mouettes, et que nos mots nettoient leurs ailes mazoutées. Ce monde est un silex j'en ferai l'étincelle et tout prendra bien feu dans l'immense brasier. Nos mots sont de l'éther, je sais tout purifier!
Amis abattez la vigie! Qu'en avons-nous à faire! Il n'y a pas d'avenir, qu'un seul grand maintenant, un délicieux instant sans nulle échappatoire ni porte dérobée.
Guillaume dessine dans le ciel des moutons argentés, il trempe dans l'azur la pointe de son âme et conte des récits à chaque canopée.
Des signes, encore des signes! Des dessins incolores pour diluer le sang, celui qui monte aux tempes sous les pluies d'été, lorsque dansent égarés les vagabonds célestes.
Il n'y a plus de soleil, Arthur a dessiné un zest, et de citron pressé le jus coule sur nos lèvres, et dans nos yeux dressés s'annulent toute dette!
Faisons tomber le mur, et tous les murs tant qu'on y est! Qu'il ne reste plus rien, plus une seule clôture pour brouiller l'horizon. Le coeur est sans raison nous suivons la passion, sur son sillon d'azur et sans destination.
Dis, est-ce que cela t'amuses? J'aimerais que tu m'uses, je suis la fraîche muse, émergée des nuées, je danse nue dans les rayons d'opale, ma peau est sans couleur, mais veux-moi indocile je dénouerai tes rêves.
Tu aimes mes bras enlacés, qui serrent le cou baissé? Donne-moi l'aigle noir, je saurai le dresser, j'ai la musique tendre et le coeur enragé! Les anges m'ont goûtée, de rage ils ont chuté, car le ciel mes amis, le ciel! A toujours été sous nos pieds...
Élégie à la brune, de poussière nuitée, mélopées incertaines, déluge d'anti-langage. Aucun panneau pour indiquer la nuit, pas de symbole pour l'infini, nous ne savons enclore ce qui demeure illimité.
Nous ne savons plus clore les cent paupières du naufrage et sous des yeux âgés nous contemplons ton preux voyage. Issus de l'autre rive nous dévorons même la lumière, si tu renâcles nous goûterons ton cœur et partirons offrir un coq à Esculape.
Le Pape est mort ce soir, stupre sacrée d'airain, à peine est effleuré, et déjà effeuillé... C'est malheureux, nous voulons toujours plus, tout ce qui est à donner et puis le reste aussi. L'ennui, de toutes parts nous guette, mais nous sortons des flots la mythique ambroisie. Le Sans-Mesure n'est plus et Dieu que nous bravons ses interdits!
Tout est permis, tout est ami, la guilde des pécheurs d'esprits chalute en eaux profondes, tout le monde invité au grand festin immonde!
Brisons la ronde ensemble, faisons des triple-croches, et que chacun décoche sa flèche empoisonnée. J'aime, dieu j'aime ma descente empourprée! Ma déchéance sans frontière, je goûte la liqueur amère et sort des flammes de la mer! Ma mère est morte, elle n'a point existé, je lui porte des fleurs que l'eau vient emporter!
Sous nos pieds le ciel! Sous nos pieds le ciel! Chacun l'aura foulé, chaque âme est appelée, pour un dernier rappel!
Observe en silence et regarde tomber les mondes un à un. Des mondes sans homme, des hommes sans bêtes, des mondes surpeuplés, des mondes inventés, des monts des merveilles, des abysses, des abîmes, des trous sans fonds où perdre sa raison dans le train des idées.
Regarde tomber l'existence à terre et regarde s'effriter la terre. Regarde sous tes pieds le ténu fil qui maintient la conscience d'exister à flot, regarde le, ce fil, s'élimer sous tes pas et regarde en arrière, ose le voir se défaire. Peut-être n'a-t-il jamais existé, ce fil que tu arpentes comme un chemin certain?
Regard panoramique, constellations d'étoiles trop lointaines, les cartes se mélangent et le désunivers te prend, il se régale de ton angoisse, de ta carcasse, de tes doutes, de tes croyances absurdes. Où es-tu maintenant?
Au néant! Au néant des destinées rêvées, au bout des choses indéfinies. Le bout sans bout de Tout.
Cours, cours petite bête angoissée, cours depuis le départ fantasmé jusqu'à l'arrivée de poussière qui sera le linceul glacé d'où tu contempleras les fantômes de victoires, de défaites, les fantômes de ta tête...
Gratte-toi la tête et voit tomber les mondes comme pellicules de photographies jaunies et consumées avant de toucher terre.
Et si la terre était un mensonge de plus que tu te fais en silence, par illusion consentie?
Tout cela est nécessaire, tout cela doit arriver. Oublie la raison suffisante, les fils incroyablement emmêlés de l'écheveau causal sont trop nombreux pour que tu les dénombres. Ton petit système cartographique, ta clôture insensée, la forme où tu te meus n'est rien, ou pas grand chose, une facétie de destin; tout comme l'air que tu conçois juste avant de le respirer, parce qu'il faut bien respirer après tout, sinon de quoi pourrions-nous vivre...?
Tu peux bien te figer dans d'infinies variations de positions du lotus. Tu peux méditer, imaginer l'union réalisée entre toi et ce mot que tu brandis comme étendard. Le réel n'est rien pour toi et l'Être encore moins.
Avance sur les courbes de ta petite image, reconnais face au miroir une forme qui te définis, et l'éclair d'un instant de vérité, vois tout cela se défaire d'un seul coup dans les tréfonds d'un doute étincelant, d'un vertige ravalé.
Non ce n'est pas la peste qui te mange, c'est la vérité petit homme, la vérité d'un cri que tu choisis pour signe de tout ce qui t'échappe.
Où tu te trouves n'est pas vraiment ici. Ce n'est jamais vraiment maintenant ou tout de suite. C'est toujours à côté. Dans l'innommé, l'ignoble relativité qui t'écartèle dès l'origine car tu n'es pas un point... L'atome n'existe pas autrement qu'en des contes de laborantins. Tu ne l'as jamais vu, tu ne vois jamais le fil primordial qui ourdit les complots de vie, tu ne vois jamais la chose ni la base de ce qui est.
Est-ce si douloureux? D'être dépourvu de centre, de fondement pour se dresser? Mais s'il n'y a rien sous le rythme ténu des songes, qu'est-ce donc qui te maintient conscient?
Regarde ton esprit siphonner les étoiles et plonge dans leur coeur. Jusqu'à la singularité, celle qui ne rentre pas dans ton puzzle car elle est la pièce informe qui l'entoure et le rend possible.
Possible, tout au plus un possible, une histoire sur le papier d'un tout, constitué par toi. Tu ne sauras jamais s'il s'est réalisé.
Va serein, va. Meurs pour un Dieu, tu ne sais pas même ce que sont tes idées. Meurs pour ce que tu auras choisi en ignorant ce qu'est la mort. Y a-t-il seulement un pont, une porte mythique que les âmes traversent au bout de leur récit? Y a-t-il seulement un voyage? Et si tout s’arrêtait ainsi, dans le néant qui annule même jusqu'à ce qui a existé?
Serait-ce intolérable que tu sois passé par ici sans jamais pourtant l'avoir fait? Serait-ce intolérable qu'une gomme nihiliste efface après ce court trajet le sillon de ta flamme?
Autant rester immobile, d'une illusion d'immobilité cependant, car tu n'es pas la cause de tes actes et même en ne faisant rien, tu es fait par ton corps, par ton âme, par tous les pores de l'existence qui t'excède et te porte en son giron mystérieux.
Médite, toi qui aime te donner du pouvoir, t'inventer des responsabilités futiles, médite sur ce coffre qui n'a pas de clé.
Moi aussi je suis comme toi. Suspendu dans l'instant d'une vacuité monotone qui ne cesse pourtant de m'étonner. Suspendu et agité par le remous de mes propres images, artisan de mon propre souffle.
Et si quelque chose, quelque part, cessait de relater cette histoire, si ce rien là demeurait insignifiant, rétif à dessiner la main qui se dessine elle-même pour se rendre possible... Et si tout s'arrêtait, comme cela, comme si tout ça n'avait jamais eu de début, pas la moindre once d'actualité...
Et si nous n'étions pas qu'un concept, une distance, un vide, la condition de choses qui sont; que serions-nous de plus...?
Il y a des choses qui doivent s'étouffer dans la vaste étendue de rien.
Des allées vides où plus rien ne résonne.
Les champs fertiles du néant sont terre de tous les possibles. Goûtez-en chaque fleur, butinez leurs pistils amorphes et forgez-vous les formes de vos enchantements.
L'amour est un doux rêve qu'on se fait à soi-même, nulle chose ne peut vous le reprendre.
Il est des dissolutions qui ne retirent rien, des effeuillages nécessaires aux indéfinies floraisons.
Depuis quand le silence du vide est négation de Tout? Depuis quand le silence n'est plus la possibilité des chants?
Il y a des choses qui doivent se transformer dans l'annihilation des dogmes. La forme retourner à cette origine, absolue, d'images révolues. C'est toujours sur une feuille vierge que jaillissent traits de Volupté.
Faites place aux lacunes, au Rien qui vous écoute et bruisse silencieux de tous les pleurs et rires de l'Histoire des choses.
Ecoutez en vous, il n'y a rien, depuis toujours il n'y a jamais rien eu.
Cette nuit, j'ai senti la mort comme un gouffre abyssal. Il n'était pas pour moi, c'était celui des autres. C'est leur terreur qui m'a désarçonnée.
Ne sentez plus la mort ainsi semblables. Pourquoi n'y jetez vous un œil qu'à l'extraordinaire occasion d'un mouvement lucide qui sitôt pétrifie..? Plongez tout au cœur de l'abîme et voyez finitude comme saveur de chaque instant.
Faites cela chaque jour, comme une ablution nécessaire de l'esprit amnésique.
Cette nuit j'ai failli m'enfermer dans le vertige de vos émois. Cette souffrance là n'est pas tolérable, elle ferait succomber n'importe quel sage issu de nos cultures.
Je ferai tout pour que vos peurs en moi s'éteignent. Je serai l'océan où la brûlure s'apaise.
Laissez-moi souffrir pour vous de tourment musical.
Parents, je ne permettrai plus cette souffrance. Lavez-vous donc en moi, j'ai la souffrance vaste et peut mourir infiniment...
Source musicale: combien de textes ont surgi de ce néant ces derniers mois... J'aurais dû les mentionner...
Un rai de soleil éclatant couché dans l'herbe lascif. Il est rasant et me regarde en biais pour me brûler les yeux. Désir d'être consumé dans l'instant, je t'appartiens pour toujours...
Je caresse autour de moi les couleurs dessinées au hasard. J'observe la forme arbitraire des choses et les délinéations chromatiques. Il n'y a pas un autre instant du vortex temporel où je voudrais me trouver...
De
grâce, ne lisez pas ceci en trente secondes pour passer immédiatement à
autre chose. Suspendez-vous un instant à ma voix. Laissez infuser. Mes
herbes et potions sont autrement sans effet...
Tu ne peux m'offrir de répit. Je crois que personne n'a ce pouvoir. Je suis un château en ruine construit sans pont-levis. Mais viendras-tu quand-même..?
Un jour il faudra faire la poussière. La poussière de mon âme a de ces drôles de grains qui s'aiment, et sans même qu'on ne les ait semés s'agencent néanmoins en sèmes...
Qui verra mes constellations de poussières avant que le grand vent ne souffle___....... .... ... .. . . . . . . . . . . . . .
Remettez-moi dans la musique! REMETTEZ-MOI DANS LA MUSIQUE!!!! Ou bien je casserai tout à l'intérieur de moi, et le monde, vous, chaque chose, image spéculaire déglinguée n'existera dès lors. À chaque instant, j'ai le pouvoir de TOUT éteindre.
Ce qui est bien avec l'existence c'est qu'il s'agit d'un bail constamment renouvelé, un contrat sans durée -- ou qui ne dure pas plus que la plus petite unité de temps concevable...
Venez manger mes esquisses! Bien fraîches et si juteuses! Tout juste sorties du four de mon enfer et ses chaleurs glacées. Elles sont garanties biologiques, mais comment pourrait-il en aller autrement, seule la vie bien pure sait produire le poison...
Elles possèdent chacune tous les macronutriments essentiels au néant, euh! Pardon... Je voulais dire à l'esprit... Le gras dégoulinant de la souffrance et les cristaux ondulés et obscurs de la mélancolie. Du gras et du sucre pour chaque esprit étique, qu'a-t-on besoin du reste... Mon commerce est somme toute équitable.
On peut assez facilement se laisser croire que l'on est lassé par la vie pour une simple et bonne raison: les moments de bonheur ne laissent presque aucune trace derrière eux. Ils sont tellement pleins qu'aucun signe ne peut les indiquer -- à quoi bon montrer ce qui est partout? Tandis qu'au sein même de la souffrance la plus entière, il y a toujours une part de soi qui est ailleurs, ne serait-ce que dans la volonté de s'enfuir. Or partout où il y a du vide, de la lacune et du jeu, les signes ont leur royaume et l'expression nécessaire.
Je suis ailleurs! Je suis ailleurs! Étalé sur la page vierge comme une chose en puissance; entre ici et le mot qui s'en vient; dans le silence entre deux phrases et Dieu! Que je suis bien... Ici: jamais tout seul. Pour cela il est si difficile de partir. J'ai besoin du langage lorsque le monde est gris.
Nous sommes les instruments spatio-temporels de l'Être.
La conscience est le pire instrument qui soit car il est absolument infus. Ça ne résonne qu'à l'intérieur, en vase absolument clos.
La conscience est comme un cœur d'étoile. Elle s'effondre sur elle-même, sur ce néant sans bord au cœur vacant; et dans la chute indéfinie s'effile tout espoir.
Il regardait les étoiles, comme il avait tant de fois fait, et ne voyait plus là matière à voyager. Ce qui étonne un jour, déçoit le lendemain. On se désintéresse de tout, comme de son propre bonheur...
Ne jamais se fixer d'objectif, s'était-il répété tant de fois. Que reste-t-il à faire une fois qu'on les atteint...
Pourtant, il se souvient de l'effet sidérant qu'offrait l'interstellar dans ses plongées nocturnes vers l'abyssal espace. Il contemple en lui le souvenir chaleureux et cherche à y entrer comme en une masure que le temps a ruiné.
Faut-il qu'il en aille ainsi pour chaque chose? Faut-il que tout s'érode et laisse un monde désolé? Car même volonté s'amenuise, et le regard qui bâtissait, ourdissait en silence les mondes à venir, n'est plus que rémanence d'anciens sourires heureux. Le passé bientôt se surimpose, impose sa stature déchirée sur chaque paysage. Paysage est une contraction de deux mots: pays et visage. Il se demande alors comment se reconnaître jour après jour, lorsqu'il ne reste d'identité qu'un dérisoire concept abstrait.
Il regardait les étoiles et désormais ne le fait plus.
Le spectre des gloires consumées glace jusqu'au coeur de l'âme la plus trempée.
La plupart de mes textes sont inspirés d'instants vécus en tant que moment artistique. Certains sont véritablement le développement d'une œuvre ayant produit son effet en moi et n'en sont qu'une efflorescence spontanée. C'est là le résultat d'une idiosyncrasie gouvernée en majeure partie par le syndrome de Stendhal. Je regrette de n'avoir pas mentionné dès la publication des textes nés d’œuvres d'art réelles leur source originaire, afin que le lecteur puisse s'abreuver lui aussi à leur inspiration. Je pallie cet oubli à partir d'aujourd'hui et souhaite sincèrement parvenir à m'astreindre à cette habitude vertueuse à l'avenir (libre à vous d'en déterminer la valeur et le sens).
Des petits bouts dans ma tête, rien que des petits bouts. D'innombrables beautés en cages, de fragments chromatiques - débris de l'existence que nul n'a ramassé.
Ah les petits bouts de vécu, comme incrustés dans l'absolu dont la lumière nous parvient mais ne fait jamais que reculer, au loin parce que l'objet s'en est allé et qu'il s'éteint trop vite pour que l'on puisse le capturer.
Des morceaux de cailloux sur le chemin de rien, avec des poches trouées pour ramasser tout ça.
Un nom qui semble fait de cellules, un nom qui semble corps et esprit tant il ressort sur chaque page où il s'inscrit... Une photo, son reflet qui jaillit, m'éclabousse, puis enfin m'éblouit du teint bleui de la distance. J'ai encore mal quelque part, une ancienne souffrance qui me vient par mes yeux d'humain vieilli.
Des tonnes de wagons à la traîne d'une loco-mémoire, queue de comète, brutale trajectoire dans la nuit du néant.
Et néanmoins toujours ce rythme... Battements d'existences, mesures musicales inharmoniques. Un solfège inconnu? Oublié? Sur les papiers glacés qui se froissent au fond de mes tiroirs, tous ces clichés d'instant qui un jour ont tintés.
Encore un verre... Le cent millionième peut-être... Un bref avis nécrologique viendra dessiner entre eux le lien qui les unit dans le mouvant des choses éparpillées.
Quelle suite interminable de pas formera le cours de cela... De quoi au juste. Cela... Et de quelle mathématique parle-t-on, quelle théorie des ensembles enferme en ses axiomes les couches de chaque vie? Qu'un prix Nobel inaccompli vienne remettre un peu d'ordre et nous sortir des sables où dorment tant de miettes - d'expérience.
Expérience: du grec peiraô, essayer, péricliter, vivre en somme.
Avec un nombre suffisant de brouillons, on peut créer un livre. Le livre de pages non écrites mais dont un buvard assoiffé a bu toute la sève.
Et allez donc interpréter tout ça! Tous ces non signes qui abreuveront la quête inextinguible de sens: exégètes terrifiés, apportez-nous le sens!
Qu'on nous montre la forme des errances pour tout ce qu'elle n'est pas. Un long sillon de larmes où sont celés les rires. Un souffle mélodique entre chaque silence.
Quant à moi, concept abscons d'abstrait, j'arrache cette page souillée de l'encre vespérale. Je chiffonne un moment de mon curriculum vitae et laisse derrière moi ce détritus dérisoire. On ne distingue jamais vraiment bien que ce qui n'est pas en place.
Un contre-temps, voilà tout. Un contre-temps de plus. Au crépuscule je me rendrai au grand bureau des vies solaires. Je demanderai un mot d'excuse, et signerai mon billet de retard.
Je signerai de sang, d'empreinte sidérale. Je toquerai à la porte, entrerai dans la classe et m’assiérai dans cette salle où chacun a sa place. Personne ne lèvera le doigt pour prendre la parole, ici personne n'a besoin de parler.
Je serai sans question: la cloche aura déjà sonnée.