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vendredi 12 février 2021

Quanta ontiques

 J'ai de toute évidence -- mais n'est-ce pas le cas de tout un chacun? -- plusieurs personnalités en moi. Mais peut-être devrais-je plutôt parler de couleurs ou d'harmoniques puisqu'il s'agit bien de notes présentes en mon accord du moment... Cela dit, il m'arrive d'agencer tout cela de telle manière que la fondamentale change, et c'est alors toute la résonance de mon être qui varie, et je deviens comme enfermé dans une de ces notes qui, pour n'en être pas moins présente auparavant, demeurait alors récessive. Je suis parfois terrifié de cet exil à moi-même, non parce que je m'y perdrais -- je reconnais tout profil possible comme le mien -- mais pour la violence et l'incompréhension de cette soudaine perte chez ceux avec qui j'ai eu la faiblesse et l'irresponsabilité de tisser des liens d'amour. Car alors, comment comprendraient-ils l'apparition de ce nouvel individu, ce nouvel équilibre, qu'ils n'avaient jamais perçu auparavant...

Je suis comme la lumière blanche: la somme de toutes les couleurs qu'une âme peut revêtir. Mais il faut préciser ceci: certaines teintes ne me sont pas naturelles et je ne peux les maintenir dominantes que pour un temps limité et par un effort continu. Tel un électron, j'ai moi aussi mes niveaux d'énergie, mes quanta loisibles, autour de cet abîme de noyau.

samedi 18 avril 2020

D'un autre vers lui-même

Le travail?

Mais il n'y a pas de travail. Ecrire est un acte d'inspiration, c'est arpenter un chemin qui existe, déjà, quelque part, en quelque temps. Je n'ai jamais eu à travailler pour me brancher sur ces sphères. Je n'ai jamais rien créé, rien inventé, rien bâti qui  ne soit déjà là. La beauté est sous nos yeux, sa structure en chaque chose et son chant est partout à traduire par les mots trop humains du commun. Cette chanson qui m'emporte à rebrousse-chemin, vers le passé qui trace ses figures et synthétise en ses courbes la grammaire d'un destin: voilà ma clef de sol.

Donnez-moi la note juste, donnez-moi le bon air, et je m'embarque en sillon littéraire vers la lucidité des sombres sages, solitaires, qui écrivent poèmes pour la lune et l'espace indifférent. Mais peut-être qu'il ne l'est pas, au fond... Peut-être que les étoiles écoutent comme une Juliette le chant du Roméo esseulé qui hurle en sa mansarde de misère. Peut-être que chaque élément de nature est un appel sans péremption vers le fond de toute âme. C'est en ce point silencieux que je vis, heureux, accompli de n'être rien, passager du vent, instrument de tout.

Ne cherche pas à créer: rien de nouveau sous le soleil, pas d'arc-en-ciel qui ne soit déjà peint, en quelque langue insensée qu'il faut pourtant bien traduire du vécu qui l'enserre. Sous la prison des mots la liberté se dessine et prend ses silhouettes bleutées des tréfonds de la nuit. Lumière vient limiter mon âme et lui donner la forme des flammes, changeante, métamorphe un peu dingue avec ses chutes et courbes folles. Fais du Dieu la chose, du sujet cet objet esthétique qu'aucun dévoilement n'épuise et qu'un autre regard, bref ou durable, indétermine. Car l'art n'est rien d'autre que ça. Une écoute obstinée, fanatique que le coeur-instrument brisé s'accapare en écho, le temps d'une danse privilégiée. Oh tu sais comme je suis chanceux d'entendre partout tes gammes chromatiques, tes fondamentales enchaînées que j'accorde à ma lyre...

C'est n'avoir aucun maître qu'écrire, c'est n'être jamais auteur mais toujours interprète. Nous ne sommes que les transformeurs d'indicible en voies lactées de phonèmes. On bricole avec ce qu'on a, voilà tout. Et ce tout est le plus grand des plaisirs mais le plus condamné aussi. Car on est seul en son sein. On y réside à jamais dans l'isolement d'une connexion au Réel que forme le cordon d'un vécu singulier. Et pourtant tous s'y reconnaissent, un jour, d'une manière ou d'une autre. Et c'est ainsi que lève la malédiction...

Parce qu'un instant comme celui-ci peut être un pont d'un autre vers lui-même.