L'amour du possible; est-ce l'amour des formes sans contenu?
"Tout homme qui n'accepte pas les conditions de la vie, vend son âme." Baudelaire, Les paradis artificiels
"Nous sommes tous des lopins, et d'une contexture si informe et diverse, que chaque pièce, chaque moment, fait son jeu. Et se trouve autant de différence de nous à nous-mêmes, que de nous à autrui." Montaigne
Descartes à propos de ceux qui veulent paraître doctes en enveloppant leurs propos dans un voile d'obscurité: "Leur façon de philosopher, remarque Descartes, est fort commode pour ceux qui n'ont que des esprits fort médiocres; car l'obscurité des distinctions et des principes dont ils se servent est cause qu'ils peuvent parler de toutes choses aussi hardiment que s'ils les savaient, et soutenir tout ce qu'ils en disent contre les plus subtils et les plus habiles, sans qu'on ait le moyen de les convaincre".
Plus loin: "En quoi ils me semblent pareils à un aveugle qui, pour se battre sans désavantage contre un qui voit, l'aurait fait venir dans le fond de quelque cave fort obscure; et je puis dire que ceux-ci ont intérêt que je m'abstienne de publier les principes de la philosophie dont je me sers, car étant très simples et très évidents, comme ils sont, je ferais quasi le même, en les publiant, que si j'ouvrais quelques fenêtres, et faisais entrer du jour dans cette cave, où ils sont descendus pour se battre..."
"Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose" Léo Ferré
mercredi 25 décembre 2013
vendredi 13 décembre 2013
Funambule
J'ai perdu l'horizon de ces inspirations abruptes
Celles-là même qui m'emmenaient hier
Dans d'étranges vers aux saveurs de musc
Etalant sur le monde ma verve éphémère
J'avançais sur les sons sans doute ni instinct
Simplement porté par un sourd mouvement
Maître de ma raison, non de mes intestins
Funambule oublié, par delà les tourments
Je n'ai pas su saisir le lointain firmament
Que depuis tout petit je scrute obstinément
Pourtant je tends vers les cieux ma main
Qui sait:
Peut-être qu'un miracle arrivera demain
Simplement porté par un sourd mouvement
Maître de ma raison, non de mes intestins
Funambule oublié, par delà les tourments
Je n'ai pas su saisir le lointain firmament
Que depuis tout petit je scrute obstinément
Pourtant je tends vers les cieux ma main
Qui sait:
Peut-être qu'un miracle arrivera demain
Eclore
Il faut que la musique roule comme les tambours du coeur
Pour que les mots s'enroulent dans l'âme du lecteur;
Calligraphie, lettres se prenant la main
Et se pressent sublimes pour enlacer l'humain.
Certaines oeuvres émergent du destin,
Et comme les bourgeons éclosent au matin.
Ô infini du fini, subsistes-tu encore?
Dans les pétales froissés de quelque bouton d'or
Que de graciles doigts ont posé sur le temps,
Subtile délinéation esquissée lentement...
Pour que les mots s'enroulent dans l'âme du lecteur;
Calligraphie, lettres se prenant la main
Et se pressent sublimes pour enlacer l'humain.
Certaines oeuvres émergent du destin,
Et comme les bourgeons éclosent au matin.
Ô infini du fini, subsistes-tu encore?
Dans les pétales froissés de quelque bouton d'or
Que de graciles doigts ont posé sur le temps,
Subtile délinéation esquissée lentement...
mardi 10 décembre 2013
Echasses
Les échasses feuillues s'en sont allées par l'hiver ,
Offrir leurs cimes nues à ce froid délétère.
Par la fenêtre je les vois fuir face au jour
Immobiles silhouettes au pas de velours
Quand à terre ceux qui filent,
Ecrasent leurs fruits immobiles
C'est l'air glacé qui patiemment
Récolte en ses filets chaque craquement.
Quelque part alors, en un lieu sans position,
Une oreille curieuse goûte ces pas qui croustillent,
Un tapis de musique et le pas comme partition
L'âme se sent être: une suite de trilles
Offrir leurs cimes nues à ce froid délétère.
Par la fenêtre je les vois fuir face au jour
Immobiles silhouettes au pas de velours
Quand à terre ceux qui filent,
Ecrasent leurs fruits immobiles
C'est l'air glacé qui patiemment
Récolte en ses filets chaque craquement.
Quelque part alors, en un lieu sans position,
Une oreille curieuse goûte ces pas qui croustillent,
Un tapis de musique et le pas comme partition
L'âme se sent être: une suite de trilles
jeudi 21 novembre 2013
Les poupées russes
L'homme en bleu s'est retourné sur la rue silencieuse
Ses yeux et sa conscience se confondaient avec elle
Etrangère offerte à tous les vents, impudique et vicieuse
Mais la rue était pleine et l'humain plein de vide
Sons, images et odeurs s'écoulaient en lui
Tel un supplice de Danaïdes
Il reprit sa route et se fit horizon
L'air l'emplissait d'une fraîcheur fugace
Il avait froid en toutes saisons
Sous les pas une espèce de matière résistante
Qui s'insurgeait en écho contre le choc des semelles
Imposait à son corps sa présence insistante
Quelque chose était par lequel toute sensation provenait
Un commerce entre les lignes de démarcation
De ce monde où seuls les limites semblaient exister
Chaque limite enfermant sa citadelle imprenable
Et mystérieuse comme l'inexistant
Enveloppée sur soi et sa source ineffable
Partout des formes aux contours marqués
Se heurtant les unes aux autres
Partout des frontières et nulle intériorité
La silhouette longiligne s'avançait dans un balancement
L'air effleurant son enceinte
Et ses murailles molles autour d'un coeur qui ment
L'épiderme soutenu par une cathédrale squelettique
Dans la nef: des organes
Et toujours des formes dans d'autres formes mutiques
Des poupées russes, voilà toute la création divine
Choses séparées d'autres choses
Et toujours des vitrines en face d'autres vitrines
Les passants déambulent dans la rue de tous les mystères
Chaque serrure formule son interrogation
Jamais encore les magasins n'ont ouvert
Rideaux et portes demeurent à jamais closes
Tout juste quelques devantures faméliques
Certaines au contraire plus grandioses
Autant de visages figés dans une mine racoleuse
Que le passant mange des yeux
Engorgés de ces images fabuleuses
Le vieil homme observe la parfaite géométrie des corps
La glace si lisse et
Les arêtes si droites de tous les sémaphores
Aujourd'hui encore rien n'est ouvert
On se demande quand le jour viendra
En regardant ses rêves prendre la poussière
Le monde à l'intérieur résonne de sa vacuité
Il faudra bien que l'Autre ouvre sa porte
Nous dise un jour ce que l'on est
Ses yeux et sa conscience se confondaient avec elle
Etrangère offerte à tous les vents, impudique et vicieuse
Mais la rue était pleine et l'humain plein de vide
Sons, images et odeurs s'écoulaient en lui
Tel un supplice de Danaïdes
Il reprit sa route et se fit horizon
L'air l'emplissait d'une fraîcheur fugace
Il avait froid en toutes saisons
Sous les pas une espèce de matière résistante
Qui s'insurgeait en écho contre le choc des semelles
Imposait à son corps sa présence insistante
Quelque chose était par lequel toute sensation provenait
Un commerce entre les lignes de démarcation
De ce monde où seuls les limites semblaient exister
Chaque limite enfermant sa citadelle imprenable
Et mystérieuse comme l'inexistant
Enveloppée sur soi et sa source ineffable
Partout des formes aux contours marqués
Se heurtant les unes aux autres
Partout des frontières et nulle intériorité
La silhouette longiligne s'avançait dans un balancement
L'air effleurant son enceinte
Et ses murailles molles autour d'un coeur qui ment
L'épiderme soutenu par une cathédrale squelettique
Dans la nef: des organes
Et toujours des formes dans d'autres formes mutiques
Des poupées russes, voilà toute la création divine
Choses séparées d'autres choses
Et toujours des vitrines en face d'autres vitrines
Les passants déambulent dans la rue de tous les mystères
Chaque serrure formule son interrogation
Jamais encore les magasins n'ont ouvert
Rideaux et portes demeurent à jamais closes
Tout juste quelques devantures faméliques
Certaines au contraire plus grandioses
Autant de visages figés dans une mine racoleuse
Que le passant mange des yeux
Engorgés de ces images fabuleuses
Le vieil homme observe la parfaite géométrie des corps
La glace si lisse et
Les arêtes si droites de tous les sémaphores
Aujourd'hui encore rien n'est ouvert
On se demande quand le jour viendra
En regardant ses rêves prendre la poussière
Le monde à l'intérieur résonne de sa vacuité
Il faudra bien que l'Autre ouvre sa porte
Nous dise un jour ce que l'on est
jeudi 14 novembre 2013
Le corps
Si l'on me demandait à
quoi sert l'esprit, ou plutôt l'éducation de l'esprit, la culture,
la réflexion, la logique et toute autre faculté de l'âme que nous
apprenons et entretenons, je dirais : à se rendre plus libre.
La connaissance et l'intelligence rendent rendent l'homme libre (si
l'on comprend la sagesse, aussi abstrait que soit ce concept, dans la
notion d'intelligence). Elles le rendent libre en ce sens qu'elles
lui ouvrent un choix de possibilités toujours accrues, l'esprit,
acquiert de la puissance d'agir, il se forge ses outils qui sont
autant de moyens pour l'action.
Maintenant si l'on me
demandait à quoi sert le corps, ou plutôt la culture du corps,
l'entraînement, le conditionnement et toute autre pratique physique
visant à éduquer le corps, je dirais : à se rendre plus
libre. Qu'est-ce que s'entraîner et cultiver son corps si ce n'est
augmenter sa puissance d'agir ? On pousse le corps dans ses
ultimes limites, régulièrement, selon un plan défini, afin que ce
qui était auparavant la limite devienne désormais la norme. Par cet
exercice la limite est sans cesse repoussée. Ainsi l'on se dote de
moyens nouveaux pour l'action, le mouvement est plus libre, plus
délié, des gestes auparavant impensables sont aujourd'hui
possibles, nous pouvons faire bien plus de choses et cette puissance
se ressent, actualisée ou non, elle est là, à la base de notre
être, infuse dans chaque membre, jusque dans les poumons qui nous
font désormais bien mieux respirer.
La culture physique n'est
pas cette absurdité vaniteuse dont quelques envieux n'ayant pas la
volonté nécessaire la qualifient. Ce sont ces mêmes gens qui vont
passer leur temps à faire l'éloge de l'éducation spirituel, de la
culture, de l'entretien de la mémoire et j'en passe, et qui sont
incapables de s'apercevoir qu'ils sont aussi un corps, que peut-être
l'esprit lui-même est une émanation de ce corps, allez savoir... C'est de
toute façon par leur corps qu'ils nourrissent leur esprit, rien ne
vient à l'esprit qui ne soit passé par le corps. C'est donc
l'expérience qui délimite le champ de la pensée et plus l'étendue
de l'expérience est vaste, plus la pensée peut se nourrir de mets
différents et ainsi croître en proportion. Entretenir son corps
c'est donc rendre possible des expériences qui n'étaient auparavant
pas possibles.
La culture physique en
tant qu'expérience nourrit l'esprit, et l'esprit peut à son tour
nourrir l'expérience en la guidant. Il est fascinant de voir comme
après des années d'un même mouvement, on se met d'un coup à
comprendre quelque chose, comprendre la douleur que l'on ne reliait à
aucune cause et qui maintenant s'explique. On se familiarise avec son
corps et l'on apprend à se servir de ses capacités de manière
optimale. On apprend aussi à optimiser ses capacités en les
développant. Cela s'appelle se rendre plus libre. Car le corps en
tant que véhicule du mouvement est structuré selon un certain
schéma, il comporte des principes à respecter, et ce n'est qu'avec
une longue pratique réfléchie que l'on peut les intégrer et ainsi
augmenter la symbiose de l'âme et du corps. Nous apprenons à mieux
nous habiter nous-même.
Le corps entier est un
langage mais combien l'oublient ou ne l'ont jamais su ? Comment
peut-on reprocher à quelqu'un son amour pour une langue ou bien le
temps qu'il passe à s'y exercer ? Comment peut-on mépriser le
résultat d'un tel effort, visible dans la grâce, dans la précision,
dans l'efficacité accrue ? Il y a une manière d'utiliser son
corps et celui qui se vante de rester ignorant sur ce point, parce
que ses bribes de connaissances instinctives lui permettent
suffisamment de choses, se ment à lui-même. Pourquoi irait-il dans
ce cas se fatiguer à lire aussi souvent, à retenir des choses
inutiles, à se poser des questions ? Parce qu'être libre c'est
savoir dans un premier temps s'habiter, et qu'ensuite, s'habiter
permet d'habiter le monde. Nos corps parlent et nous ne les écoutons
pas. Apprenons leur langue et dialoguons autant avec l'esprit qu'avec
le corps, nous avons, me semble-t-il, tout à y gagner.
L'âme en chantier
Ecrire un journal ce
n'est pas raconter qui l'on est, ce n'est pas se peindre par les mots
et offrir une identité bien formée à d'éventuels lecteurs. Ecrire
un journal n'est rien d'autre que raconter ce qu'est l'homme qui
écrit ce journal. L'écriture diarique n'est pas une
autobiographie, elle nous plie à sa forme, et c'est cette adaptation
de nous-même à ce moule qui se dévoile alors dans les phrases
rédigées. Ce que vous lisez là n'est pas le reflet de mon âme
pure, telle qu'elle existe en son essence fantasmée, libre de toute
relation, de tout pâtir. Cette âme n'a jamais existé d'ailleurs,
du moins je ne la connais pas, et je ne sais s'il est quelque part une
telle chose. L'identité se forme par un jeu de relations, dans un
système de forces dont nous sommes le centre, modelés par ces
pressions qui nous taillent un être, une forme à habiter. Nous ne
sommes qu'un, et vous n'êtes que la place que tout l'univers vous a
laissé. Changez l'univers et votre place changera aussi. Chaque
action, chaque culture que l'on acquiert, chaque communauté ou
réseau dans lequel on s'insère et dont on se nourrit, fait de nous
quelque chose de déterminé. Finalement nous sommes peut-être la
somme ou plutôt le produit de toutes les déterminations qui nous
définissent. Nous sommes le produit de toutes ces relations
systématiques et de leur influence. Nous sommes au fond la manière
dont le monde s'adapte à nous et réciproquement. Quant à savoir ce
qui est à la base de tout cela, le sujet métaphysique qui est à
l'extrémité intime de ces échanges, tout au bout de nous même,
peut-être que cela excède notre connaissance. Non pas parce que nous
n'aurions pas les moyens de découvrir ce qu'il est, mais simplement
car c'est là la fin de notre être, notre limite intangible. Nous
sommes durée et distance à la fois, nous sommes mouvement et temps.
Il n'y a rien à chercher au-delà de tous ces moi empiriques, de
toutes ces représentations de nous-même déjà enfuies dans le
passé : le présent lui-même est une représentation qui vient
de s'enfuir. Mais il n'y a rien au-delà, nous advenons voilà tout,
nous advenons... Nous ne sommes rien de plus que ces sensations qui
sont les nôtres, ces images, ces sons, ces sentiments, ces pensées
qui créent le temps en liant l'espace. Nous ne sommes rien d'autre
que ce corps à différents instants, rien d'autre que la mémoire de
tout ça et ce qui advient est le fruit d'un système causal infini,
ou bien tellement immense que nous sommes, dieu merci, prémunis,
probablement pour toujours, d'en connaître tous les éléments. Si
les hommes passent leur temps à se chercher ailleurs, à courir
après ce moi transcendantal qui les hante autant, rien de plus
normal, c'est la preuve qu'ils sont vivants, pensants, qu'ils sont à
la fois cause et effet du temps qui les différencie sans cesse. Nous
ne sommes pas des éternités, nous sommes le temps qui passe, efface
puis crée de nouveau ; totalités successives. L'éternité
c'est la mort, c'est le néant dont nous avons fait notre religion.
Nous croyons en notre négation. Tant mieux, cela veut dire que nous
croyons en l'autre, donc en nous-même, en notre propre principe
temporel, en notre devenir. L'éternel c'est la fin du vide, le Tout
plein de lui-même, partout, et ainsi sans mouvement. Nous sommes
fascinés par lui car il est notre limite, il est ce que jamais nous
n'expérimenterons, alors nous y plaçons tous nos fantasmes.
L'éternel est une limite qui voudrait nous contenir et l'homme est
comme les papillons, prêt à mourir pour abreuver son désir.
L'éternel c'est tous les désirs comblés, plus aucun vide, plus
aucun espace pour se mouvoir, c'est l'esprit repu qui s'est mis au
repos, à la mort, l'esprit qui devient ce qu'il ne peut pas être ;
l'éternel c'est un fantasme, celui de l'impossible. En effet,
l'homme à qui tout est possible ne rêve que de trouver
l'impossible, c'est à dire ce qui n'est pas. Alors il perfore la
réalité, fait advenir l'impossible qui, devenu possible, n'est plus
impossible. Il a ainsi déplacé l'impossible qui est toujours là,
quelque part, dans un autre instant à venir. Il faut chercher,
continuer, creuser l'existence comme des mineurs infatigables.
L'impossible c'est la seconde à venir et nous l'adorons car elle
maintient le mouvement du monde, elle nous maintient en vie, sur la
cadence effrénée de l'existence.
L'âme en chantier
Il y a plusieurs
mensonges que j'aimerais me faire croire à moi-même et qui, je
pense, pourraient me rendre heureux. D'abord que je ne suis pas un
simple imitateur, que mon talent ne réside pas dans la seule
synthèse de ce que d'autres ont crée. Ensuite, j'aimerais penser
qu'un jour, viendra le bon moment, le moment où je me mettrais à
agir enfin, où je n'aurais plus peur que la création soit toujours
un train en retard de ma personne; elle le sera forcément, et tant
pis. J'aimerais aussi croire, que quelque part se trouvent
enregistrées, dans une énième dimension de la réalité, toutes
nos pensées ainsi que tous nos sentiments; tout ce bouillonnement de
la vie intérieure qui reste en-dedans, caché, privé de l'espace et
de l'existence. Sans cela, pour tout vous dire, ma vie restera un
échec. L'échec de celui qui restait à jamais prisonnier de
lui-même, englouti sous ses trésors personnels et privés, et qui
peut-être, ne lui appartiennent même pas. Je suis enfermé dans
cette imagination sublime, dans
ce monde où je me joue les plus belles musiques jamais entendues,
ce monde où ma puissance n'a nulle limite, et dans lequel toute
création est instantanée, et ne s’embarrasse d'aucune
construction préalable, d'aucune autre matière que les dociles
idées. Je suis maître des idées dans ma tête et je suis un
démiurge inspiré. Mais peut-être suis-je une impasse de la vie; la
vie qui à force de s'être retranchée derrière les murailles de
l'esprit ne sait plus avancer dans le monde, se scinde peu à peu en
deux entités qui n'ont plus rien à voir. Et l'homme est au milieu,
qui cherche à maintenir le tout en équilibre, mais le monde
matériel n'offre parfois que peu d'attraits comparée au
bouillonnement ininterrompu de l'imagination qui le modèle à son
gré, sous la forme d'images sublimes. Les artistes ne sont pas des
hommes de l'esprit, ce sont des hommes de la matière, et les vrais
génies sont ceux qui ont eu la patience de rassembler les deux
mondes en un, les seuls à avoir réalisé le mariage de l'âme et du
corps dans un acte créateur qui s'étire de l'immatériel fantasme à
l'étendue réalité. Mais peut-être leur mérite n'est-il pas si
grand, peut-être qu'enfermer en soi tant de trésors sans pouvoir
les partager, sans pouvoir les enregistrer dans les dimensions du
temps et de l'espace, est un supplice que nul humain ne peut endurer
bien longtemps. Tel est mon supplice aujourd'hui. La nécessité de
jeter dans la matière ces idées exquises est devenu vital car je me
ronge de l'intérieur; mais le temps ne cesse de filer, et les
excuses de s'accumuler. Je suis un consommateur, dans tous les sens
du terme, je consomme même ma propre puissance créatrice, jusqu’à
à l'étouffer dans l'oeuf. À peine un embryon d'oeuvre a-t-il
jailli que je suis rivé sur ce spectacle interne, les yeux dans le
vague, muré dans la passivité la plus totale, maintenant juste
assez de force pour que se projette en moi cette fiction
cinématographique de ma vie pensée. Je ne suis dès lors plus bon à
rien, je n'ai de cesse de pourchasser ce sentiment, tout en sachant
que toute tentative de le susciter de nouveau sera un échec :
le premier jet est le plus fort, celui qui vous emporte avec le plus
de vigueur. Circulez, il n'y a plus rien à chercher ici, le tour
s'est joué, le spectateur que je suis est pour un temps repu, repu
de ses propres talents, de sa propre beauté; a-t-elle seulement
existé pourtant?
J'aurais beau raconter
tout cela avec ce journal, comment pourrais-je rendre ces musiques
qui m'emportent tout au long de la journée, qui s'emparent même de
mes rêves et me font croire que mes propres créations sont celles
des autres. Je cherche au réveil l'auteur de ces paroles que j'ai
entendu chantées durant mon sommeil, mais ces paroles n'existent
pas. Jamais je ne pourrai entendre cette musique de nouveau, sauf en
la rejouant moi-même intérieurement, mais là seulement, l'esprit
est excédé par la puissance de la matière; cette matière qui est
de la même étoffe que lui, une énergie en somme, mais
cristallisée, concentrée à tel point qu'elle prend forme et
s'incruste dans l'espace des phénomènes. Je peux assourdir autant
que je veux mon âme par cette musique, jamais je ne ressentirai
autant de choses que lorsque je l'entends réellement, s'infiltrer
par mes oreilles, résonner dans mon corps qui transmet alors
l'énergie en vagues immenses à mon esprit drogué. Il y a bien des
choses que je ne peux vous rendre ; je dis bien rendre car il
s'agit de remettre dans le monde ce qu'il vous a permis de créer.
C'est vous qui donnez à mon imagination, à ma conscience, la
matière qu'elle va pétrir de ses formes. Je vous dois tout mais
jamais ne rend rien; tout juste ces quelques lignes, indignes et
impropres à reproduire en vous l'explosion mirifique d'harmonie
merveilleuse qui fait valser mon âme. Il est de mon devoir de vous
rendre quelque chose, un jour, d'une manière ou d'une autre. Il y a
des lignes, quelques phrases, par mes mains écrites, qui, lorsque je
les lit, me procurent à nouveau, avec force intensité, le sentiment
qui les a vu naître; mais je crois savoir qu'une même cause ne
produit par sur tous les mêmes effets, et mes vers comme ma prose
sont autant de coups d'épée dans l'eau, autant de ponts vers ma
féerie intime qui ne supportent pas vos pas. Nous restons
irrémédiablement l'un en face de l'autre, moi avec mes prétentions
au sublime, et vous avec votre seule croyance ou plutôt vos doutes
et votre réalisme. Et vous avez raison. Je n'accorderai ma confiance
à quelqu'un qui prétendrais les mêmes absurdités suffisantes que
parce que je sais ce qu'il en coûte d'être prisonnier de l'esprit.
Alors je l'écouterais, et je saurais que j'ai un frère, et que nous
sommes d'autres à demeurer demi-génies, complets néants, par
manque de volonté, par absence de courage et par flemme. Nous
sommes plusieurs à se consommer de l'intérieur, enfants du siècle
à l'esprit obèse, gras de spectacles, d'oeuvres en tous genres,
gavés d'images et de constructions humaines, rivés sur le siège de
la conscience, réduit à n'être plus qu'un oeil immense, des
oreilles, un nez ainsi que des membres, surexcités, à fleur de
peau, camés à toute sensation que nous transformons en un sentiment
que nous suçons jusqu'à la moelle, que nous consumons jusqu'au
bout, faisant brûler la vie comme des cheminées d'où nulle fumée ne s'échappe. Après ça il ne
reste que des cendres que nous gémissons dans vos oreilles en autant
de plaintes et de promesses de grandeur, dont la seule trace que vous
pouvez peut-être saisir, réside dans la chaleur de nos propos, dans
l'intensité de notre souffrance et dans le chaos qui nous habite et
nous dévaste en-dedans. Ces mots sont la musique qui s'échappe de
ma cellule intime, ils sont comme une petite mélodie que
laisseraient filtrer les murs de l'esprit, vous en saisissez quelques
notes mais elles sont tellement faibles que vous n'êtes pas vraiment
sûrs. Qu'entend-on? Est-ce beau? On ne saurait dire, c'est trop
lointain... Comme si la musique venait de chaque recoin de la cellule
pour se concentrer en son centre au lieu de s'échapper tout autour.
Voilà ce qu'est l'esprit de ma génération, un trou noir se
nourrissant de tout et surtout de lui-même. Peu à peu, se
concentrer en soi en un point de plus en plus infime, s'échapper
sans cesse vers l'infini, c'est devenir plus rien, c'est tendre vers
le vide. Je suis un précipice, un abysse, voilà pourquoi j'ai le
vertige, car chaque abîme est comme un point qui me ramène à moi,
qui m'appelle et m'ordonne de retourner là d'où je viens, de ces
trous sans fond que savent être les consciences d'aujourd'hui.
Comprenez-vous maintenant
pourquoi il me faut écrire? Car si l'un d'entre vous saisit mes mots
et parvient à reconstruire son propre reflet avec ceux-ci, alors
cela signifiera que je ne suis plus seul, qu'il y a un fond à mon
gouffre et que vous existez en-haut, pas aussi loin que je ne l'aurais
pensé. J'aimerais tellement que vous soyez là et que vous me
tendiez la main. Je me suis même mis sur mon trente et un pour vous:
je suis vêtu de mes plus belles paroles.
jeudi 31 octobre 2013
L'âme en chantier
Il y a, à la base de mon être, une volonté extrême qui semble être le première couche de subjectivation que mon entité fait subir à cet être pur dont je suis l'émanation, cet être indéterminé qui n'est que puissance et qui est la source d'où nous jaillissons tous. Je crois que mon caractère velléitaire est en partie causé par cette amour du possible en tant que lieu, ou temps, d'où toute chose peut naître. Je veux mais ne veux rien en particulier. Je veux vouloir, je veux tout, je veux moi-même devenir la source, la possibilité d'existence de toutes choses, je veux n'être rien qu'une forme de formes, condition de possibilité de tout étant. Cet accès à l'Être nous le partageons tous, il transcende et va bien au-delà de nos identités individuelles, c'est probablement ce qui explique cette attirance pour l'altérité, pour la dissolution des consciences dans cette force informe qui s'apparente à la nurserie de tous les mondes. J'aimerais ne plus être moi, ne plus être quelque chose. Il ne restera alors que l'être, la puissance, la possibilité d'exister.
Je crois que l'esprit humain n'est pas une entité particulière, pas une substance observable, il n'est qu'un effet à la cause inconnue, il est une force d'interaction comme ces interactions élémentaires liant les particules du monde. Nous lions les représentations, nous lions les éléments du monde physique et bâtissons des mondes. Cette force que nous sommes se cherche mais ne peut qu'observer ses propres traces sur le sol de l'altérité, jamais elle ne se saisit d'elle-même. Cette force est bel et bien dans l'espace et le temps, elle est une liaison entre les particules, elle est ce qui fait du monde un tout unifié, un même océan parcouru d'ondes en tous sens. Comme nous tendons à unifier les éléments que nous distinguons, nous tendons à détruire l'individualité, nous tendons à tout ramener sous une même unité informe et indifférenciée, voici notre idéal. Cet idéal nous fait osciller entre l'absolutisation de l'individualité en tant que totalité (on pense alors à la monade leibnizienne) et sa négation absolue en tant que partie d'un tout faussement isolée. Ces deux tendances sont en fait la même, toutes deux tendent à faire disparaître la diversité des entités en une seule, l'une en retrouvant l'illimité informe au coeur même de l'individu qui porte en lui la source de l'Être, autrement dit en retrouvant l'infini par le resserrement, dans l'avancée sans fin vers ce qu'on appelle l'infiniment petit; l'autre en s'ouvrant et en se dissolvant dans l'infiniment grand qui l'excède de toutes parts et l'éclate dans l'altérité. Le résultat est le même, dans chacun de ces processus, l'homme s'aperçoit que l'univers se surimpose de toute part, qu'il est contenu en lui car en premier lieu il le traverse dans chaque recoin de son être, aussi loin qu'il se plonge en lui-même il ne trouvera que lui; et en second lieu, il prend conscience qu'il est un point d'orgue, un lieu de l'univers maintenu dans sa forme par toute la force illimité qui s'exerce sur lui; il est, en quelque sorte, lié par l'univers entier.
D'ailleurs, toutes ces conceptions et ces propositions concernant l'homme et la forme de l'univers ne nous disent rien sur ce qui est réellement. Tout ce que je peux avancer n'est que le fruit d'intuitions qui ne sont probablement que le reflet de ce que je suis, de ma configuration particulière dans l'Être. Je suis un processus d'unification, de synthèse, et par là même, je ne conçois le monde que comme somme d'éléments (qui sont comme des totalités particulières et individuelles) qui se lient et s'unifient dans une totalité absolue. Si je vois le monde ainsi c'est avant tout parce que je ne peux voir que de la sorte, parce que je ne me conçois qu'ainsi, parce que je suis ce processus en action. Cette unification est ce qui maintient mon être, elle est ma condition d'existence dirait Kant, et je ne connais que ce qui est conditionné par moi, précisément parce que je suis moi. Quand bien même, cela ne m'empêche pas d'être fasciné par les autres conditionnements possibles de l'Être, par l'inconditionné même qui se perd pour moi dans le mystère le plus atroce et délicieux. Le monde est inépuisable, voilà de quoi réconforter les plus désespérés. Je remercie le temps qui est cette action qui impose à toute forme de se transformer en une autre, je le remercie pour me permettre de me faire plus vaste, toujours différent mais toujours conservant la mémoire de toutes mes identités passées; c'est grâce au temps que je comprends l'autre en moi, que je refuse de borner le monde aux conditions qui me le font connaître, c'est grâce à lui que je suis curieux et me déplace sans cesse dans l'existence.
Je repense à l'Être inconditionné et je me demande quelle peut être la cause du possible? La possibilité, en tant que puissance d'être a-t-elle une cause? Ce qui reviendrait à demander s'il existe autre chose que l'être, et le langage peut apporter son aide précieuse pour tenter de répondre à cette question: il ne peut, sous peine de contradiction, exister autre chose que l'être. Ainsi, il ne doit y avoir que de l'être, rien que de l'être. Voilà qui me replonge dans une pensée de mon enfance que j'aimais à laisser infuser dans mon esprit pour profiter de tout ce qu'elle faisait germer: tout existe, tous les possibles sont, en quelque lieu et en quelque temps, en train de vivre et de se développer dans leurs conditions propres. Il existe un monde où le temps remonte, il existe une infinité de vous: un vous étant né simplement vingt centimètres à gauche du lieu de votre naissance, et tous les évènements postérieurs en ont été bouleversé; un vous dont les choix sont de faire souffrir autrui; un vous vivant sur une planète où les arbres ont des feuilles noirs et où la Terre semble animée d'une vie qui semble pareille à une mort ici; un vous immense sur une planète de géants; un autre vous tout aussi immense mais parmi des gens à taille "normale"; un vous qui meurt jeune; un vous traversant l'espace dans une navette spatiale; un vous extra-terrestre, dans un cosmos aux lois exotiques; un vous qui vivrait dans un monde identique mais où l'argent n'aurait pas été inventé; un vous vivant dans un monde où ni Socrate ni Platon ni aucun des philosophes de l'Antiquité n'auraient existé; un vous enragé, possédé par des pouvoirs démesurés, faisant éclater des galaxies entières et dévorant le monde. Tout existe et nous ne sommes probablement qu'un développement possible de l'être, pas forcément contingent d'ailleurs, puisque tout doit arriver il fallait bien que tout cela arrive. Quel effet cela vous fait-il de vous imaginer dans un espace-temps parallèle, regardant par la même fenêtre qu'aujourd'hui un monde différent et désolé, où la nature est régie par d'autres dynamiques? Tout cela est assez grisant n'est-ce pas, de savoir que tout arrive, d'une manière ou d'une autre? On parvient même à éprouver de la compassion pour ces autres moi coincés dans des univers hostiles, souffrant, si loin de nous et pourtant si proches. Je ne sais pourquoi j'imagine toujours d'autres vies angoissantes et cela me rassure un peu, me fait voir cette vie et ce monde comme un agréable foyer et je me sens chanceux.
Je n'ai aucun désir alors, je me sens satisfait. J'ai la chance de pouvoir imaginer tout cela, de le vivre dans la tête en quelque sorte, et cette conscience augmentée qui me fait embrasser milles réalités différentes, tellement d'ailleurs, qu'il n'y aurait aucun choix possible, me fait aimer le "hasard" qui m'a jeté là, dans cet instant si important que je partage avec vous. Je vois alors toute philosophie et toute pensée comme le chemin médiat pour retrouver un immédiat enrichi de tous les moi que nous aurions traversé ainsi, un immédiat plus riche et dont l'épaisseur justifie qu'on y soit tel que nous sommes, sur notre couche de l'être.
Je crois que l'esprit humain n'est pas une entité particulière, pas une substance observable, il n'est qu'un effet à la cause inconnue, il est une force d'interaction comme ces interactions élémentaires liant les particules du monde. Nous lions les représentations, nous lions les éléments du monde physique et bâtissons des mondes. Cette force que nous sommes se cherche mais ne peut qu'observer ses propres traces sur le sol de l'altérité, jamais elle ne se saisit d'elle-même. Cette force est bel et bien dans l'espace et le temps, elle est une liaison entre les particules, elle est ce qui fait du monde un tout unifié, un même océan parcouru d'ondes en tous sens. Comme nous tendons à unifier les éléments que nous distinguons, nous tendons à détruire l'individualité, nous tendons à tout ramener sous une même unité informe et indifférenciée, voici notre idéal. Cet idéal nous fait osciller entre l'absolutisation de l'individualité en tant que totalité (on pense alors à la monade leibnizienne) et sa négation absolue en tant que partie d'un tout faussement isolée. Ces deux tendances sont en fait la même, toutes deux tendent à faire disparaître la diversité des entités en une seule, l'une en retrouvant l'illimité informe au coeur même de l'individu qui porte en lui la source de l'Être, autrement dit en retrouvant l'infini par le resserrement, dans l'avancée sans fin vers ce qu'on appelle l'infiniment petit; l'autre en s'ouvrant et en se dissolvant dans l'infiniment grand qui l'excède de toutes parts et l'éclate dans l'altérité. Le résultat est le même, dans chacun de ces processus, l'homme s'aperçoit que l'univers se surimpose de toute part, qu'il est contenu en lui car en premier lieu il le traverse dans chaque recoin de son être, aussi loin qu'il se plonge en lui-même il ne trouvera que lui; et en second lieu, il prend conscience qu'il est un point d'orgue, un lieu de l'univers maintenu dans sa forme par toute la force illimité qui s'exerce sur lui; il est, en quelque sorte, lié par l'univers entier.
D'ailleurs, toutes ces conceptions et ces propositions concernant l'homme et la forme de l'univers ne nous disent rien sur ce qui est réellement. Tout ce que je peux avancer n'est que le fruit d'intuitions qui ne sont probablement que le reflet de ce que je suis, de ma configuration particulière dans l'Être. Je suis un processus d'unification, de synthèse, et par là même, je ne conçois le monde que comme somme d'éléments (qui sont comme des totalités particulières et individuelles) qui se lient et s'unifient dans une totalité absolue. Si je vois le monde ainsi c'est avant tout parce que je ne peux voir que de la sorte, parce que je ne me conçois qu'ainsi, parce que je suis ce processus en action. Cette unification est ce qui maintient mon être, elle est ma condition d'existence dirait Kant, et je ne connais que ce qui est conditionné par moi, précisément parce que je suis moi. Quand bien même, cela ne m'empêche pas d'être fasciné par les autres conditionnements possibles de l'Être, par l'inconditionné même qui se perd pour moi dans le mystère le plus atroce et délicieux. Le monde est inépuisable, voilà de quoi réconforter les plus désespérés. Je remercie le temps qui est cette action qui impose à toute forme de se transformer en une autre, je le remercie pour me permettre de me faire plus vaste, toujours différent mais toujours conservant la mémoire de toutes mes identités passées; c'est grâce au temps que je comprends l'autre en moi, que je refuse de borner le monde aux conditions qui me le font connaître, c'est grâce à lui que je suis curieux et me déplace sans cesse dans l'existence.
Je repense à l'Être inconditionné et je me demande quelle peut être la cause du possible? La possibilité, en tant que puissance d'être a-t-elle une cause? Ce qui reviendrait à demander s'il existe autre chose que l'être, et le langage peut apporter son aide précieuse pour tenter de répondre à cette question: il ne peut, sous peine de contradiction, exister autre chose que l'être. Ainsi, il ne doit y avoir que de l'être, rien que de l'être. Voilà qui me replonge dans une pensée de mon enfance que j'aimais à laisser infuser dans mon esprit pour profiter de tout ce qu'elle faisait germer: tout existe, tous les possibles sont, en quelque lieu et en quelque temps, en train de vivre et de se développer dans leurs conditions propres. Il existe un monde où le temps remonte, il existe une infinité de vous: un vous étant né simplement vingt centimètres à gauche du lieu de votre naissance, et tous les évènements postérieurs en ont été bouleversé; un vous dont les choix sont de faire souffrir autrui; un vous vivant sur une planète où les arbres ont des feuilles noirs et où la Terre semble animée d'une vie qui semble pareille à une mort ici; un vous immense sur une planète de géants; un autre vous tout aussi immense mais parmi des gens à taille "normale"; un vous qui meurt jeune; un vous traversant l'espace dans une navette spatiale; un vous extra-terrestre, dans un cosmos aux lois exotiques; un vous qui vivrait dans un monde identique mais où l'argent n'aurait pas été inventé; un vous vivant dans un monde où ni Socrate ni Platon ni aucun des philosophes de l'Antiquité n'auraient existé; un vous enragé, possédé par des pouvoirs démesurés, faisant éclater des galaxies entières et dévorant le monde. Tout existe et nous ne sommes probablement qu'un développement possible de l'être, pas forcément contingent d'ailleurs, puisque tout doit arriver il fallait bien que tout cela arrive. Quel effet cela vous fait-il de vous imaginer dans un espace-temps parallèle, regardant par la même fenêtre qu'aujourd'hui un monde différent et désolé, où la nature est régie par d'autres dynamiques? Tout cela est assez grisant n'est-ce pas, de savoir que tout arrive, d'une manière ou d'une autre? On parvient même à éprouver de la compassion pour ces autres moi coincés dans des univers hostiles, souffrant, si loin de nous et pourtant si proches. Je ne sais pourquoi j'imagine toujours d'autres vies angoissantes et cela me rassure un peu, me fait voir cette vie et ce monde comme un agréable foyer et je me sens chanceux.
Je n'ai aucun désir alors, je me sens satisfait. J'ai la chance de pouvoir imaginer tout cela, de le vivre dans la tête en quelque sorte, et cette conscience augmentée qui me fait embrasser milles réalités différentes, tellement d'ailleurs, qu'il n'y aurait aucun choix possible, me fait aimer le "hasard" qui m'a jeté là, dans cet instant si important que je partage avec vous. Je vois alors toute philosophie et toute pensée comme le chemin médiat pour retrouver un immédiat enrichi de tous les moi que nous aurions traversé ainsi, un immédiat plus riche et dont l'épaisseur justifie qu'on y soit tel que nous sommes, sur notre couche de l'être.
mercredi 30 octobre 2013
L'attelage
Trois fois mort, je suis revenu cent fois,
Un peu moins vivant, dépourvu de moi
J'ai griffé mon âme aux mains effilées de l'autre
Qui l'a recousue à l'image de ses fautes
Il ne reste de moi qu'une mosaïque rafistolée
De rêves étrangers aux désirs bariolés
Je ne suis pas comme l'eau et
Qui sait ce qui demeure sous les formes changeantes
Je me tiens sur ton dos mais
N'accueille en mon âme que ton ombre fuyante.
Un peu moins vivant, dépourvu de moi
J'ai griffé mon âme aux mains effilées de l'autre
Qui l'a recousue à l'image de ses fautes
Il ne reste de moi qu'une mosaïque rafistolée
De rêves étrangers aux désirs bariolés
Je ne suis pas comme l'eau et
Qui sait ce qui demeure sous les formes changeantes
Je me tiens sur ton dos mais
N'accueille en mon âme que ton ombre fuyante.
mardi 29 octobre 2013
L'Une
Grands yeux verts, constellation sucrée, courbes idylliques
Ta forme dans l'espace, ondule et file comme fumée
Ramène tes grands airs, tes cimes pures dans un halo de brume
Perché sur ta pointe, je vois l'aurore venant défier la nuit
Chaleur qui te pénètre et fait battre tes tempes
Toi l'étrangère issue de quelque galaxie
Avec ses lois légères et fines comme l'esprit
Tes mains effilées qui retiennent l'espoir entre leurs doigts
Pulsations de flanelles et sourdes comme taffetas
Me rappellent un rythme éteint depuis longtemps:
Le battement de ma vie sur le pavé du temps.
Ta forme dans l'espace, ondule et file comme fumée
Ramène tes grands airs, tes cimes pures dans un halo de brume
Perché sur ta pointe, je vois l'aurore venant défier la nuit
Chaleur qui te pénètre et fait battre tes tempes
Toi l'étrangère issue de quelque galaxie
Avec ses lois légères et fines comme l'esprit
Tes mains effilées qui retiennent l'espoir entre leurs doigts
Pulsations de flanelles et sourdes comme taffetas
Me rappellent un rythme éteint depuis longtemps:
Le battement de ma vie sur le pavé du temps.
L'âme en chantier
J'ai décidé de toute écrire dorénavant; mes pensées, mes jugements, mes interrogations, tout.
Je ne veux plus rester en dedans comme une potentialité inactuelle, entretenir le mythe d'une toute puissance qui n'est en réalité que la prorogation continuelle du moment de l'expression, sous prétexte qu'il est trop tôt, que l'esprit change, que l'âme est en chantier, que l'on se fait plus vaste à mesure que le temps passe et que l'expérience grandit. Nul édifice ne fut achevé sans construction préalable, et, peut-être que le chantier d'une âme qui se libère continuellement, d'elle-même et de ses propres limites, pourra intéresser les architectes de l'esprit, les explorateurs de tous poils, les amoureux de la pensée.
Il se pourrait qu'on se moque, ou que l'on ne comprenne pas, mais je suis prêt à l'accepter. Je n'ai pas la prétention de savoir si l'on peut attribuer à l'individu une valeur, ni, par conséquent, si cette entreprise en a une pour quiconque; mais dans la mesure où tout esprit honnête envers lui-même m'intéresse, je choisis de dévoiler le mien pour ceux qui me ressembleraient un peu...
Il me semble comprendre des choses que d'autres ont plus de mal à intégrer, mais je n'en tire aucune gloire, aucun mérite car c'est là le fruit d'un renoncement. Par la pensée, j'ai remplacé mon monolithique et encombrant ego pour une froide logique qui coule et se répand tantôt légère et rapide, tantôt tumultueuse et torrentielle, emportant tout sur son passage. Grâce à elle, je dépasse les bornes étriquées du moi ainsi que ses hautes murailles hérissées de pointes. J'emprunte la logique et je sors de moi-même, des jugements, des points de vue qui se croient absolus et totalité parce qu'ils sont ignorants d'eux-mêmes et de leur propre finitude qui n'en fait, précisément, que des points de vue. Il faut parfois savoir être l'autre, être autre, pour comprendre les choses sans avoir besoin d'y croire ou d'y adhérer, sans en constituer le ciment de notre être. Pouvoir embrasser les différentes perspectives dans le cadre où elles s'inscrivent, dans leur système propre, devenir tour à tour chacune de ses pensées et tout leur epistémè pour s'en affranchir et ne s'attacher à rien, voilà le genre de nomadisme noétique qui caractérise à mon sens la pensée libre. Combien il est bon de savoir s'effacer au profit de l'autre et de son expression. L'ego est une barrière imperméable aux idées étrangères, aux idées neuves et à l'altérité qu'elles embarquent. Celui qui peut embrasser tous les points de vue car il ne prétend pas savoir qui il est lui-même (ou plutôt qu'il sait qu'il ne saisit jamais qu'un reflet fugace et déjà enfui de son être), celui-là peut comprendre et s'ouvrir à l'autre, au dialogue pris comme une interrogation commune.
Je ne crois en rien. Ou plutôt, ce que je crois est toujours marqué du sceau de la croyance ce qui me permet de ne pas confondre mes choix avec une nécessité universelle. C'est là, je crois, que réside ma force par rapport à ceux qui s'étouffent continuellement dans leurs propres convictions cristallisées, aussi nécessaire soient-elles, en tant que thérapie, sur celui sur qui elles agissent. L'homme qui guérit est centré sur lui-même, sur sa recherche d'équilibre, il tolère difficilement les raz-de-marée que la curiosité et le doute peuvent provoquer. Sur celui-là, l'indétermination est une souffrance insupportable qui doit se taire. Comme tout le monde, je place un sol sous mes pas, ce sol sont les croyances qui me semblent sur le moment le plus vraisemblables et suffisamment cohérentes pour que personne ne m'en proposent de plus solides et inébranlables. Parfois tout s'écroule. C'est le moment de tout reconstruire, patiemment et sans précipitation: on écoute d'autant mieux le monde qu'on a plus rien à défendre. Je n'ai pas l'esprit de pèlerinage, les pensées sont des moments de la vie comme les gestes et sont amenées à produire d'autres pensées l'instant d'après. Je ne fais que suivre le flux de la raison, et la raison m'ouvre aux raisonnements et donc à la possibilité de l'autre. Nous sommes tous des cartographes de l'expérience humaine, et nous partageons nos trouvailles comme s'il s'agissait de trésors. "Es-tu allé là bas toi aussi? Et qu'y as-tu donc vu? As-tu emprunté le même chemin que moi? Veux-tu me suivre?". Mais combien bornent l'univers à la carte qu'ils en on tracé de leur maigre expérience, définissent des valeurs aux expériences, des bornes à l'illimité, cherchent un moins et un plus et veulent se rendre la mesure de toutes choses?
La vérité qu'ils cherchent n'existe pas car elle signifie l'éclatement de tous les cadres, l'inconditionné par excellence. Ils ne trouvent que des vérités éphémères, fruits mûrs d'un temps et d'un lieu particulier, d'une abstraction qui tisse sa toile causale et porte une cohérence immanente qui n'a rien de transcendant. N'allons pas faire de ces moments de bonheur des vérités inconditionnelles qu'il faudrait inscrire hors du temps et de l'espace infini.
Ainsi j'arpente ce temps et cet espace, sans cesse me différenciant de moi-même, changeant les conditions de toute expérience possible, et plus je traverse les identités, plus je les abandonne, et plus je reconnais la validité de chacune, de chaque sillon de vie que ma connaissance peut embrasser. Chaque instant, chaque moi me place dans un système d'interactions causales que je n'aperçois que grossièrement et rétrospectivement; je suis déjà ailleurs et il me faut penser différemment, re-tisser ma toile, recréer le monde que j'habite.
L'autre? L'autre est ailleurs, pris nécessairement dans un ensemble de causes et d'effets différents du mien, précisément parce qu'il n'est pas moi. Il me faut percevoir l'horizon sous lequel il meut ses pensées, éprouver le sol qui soutient tous ses pas, sa façon d'avancer, sa démarche dans la science. J'aurais peut-être alors une chance d'observer le monde par le chemin qu'il emprunte, de retracer les liens qui maintiennent les éléments de sa vie dans une monde, un univers unique dont l'unité est probablement le fruit de notre imagination démesurée.
Combien de penseurs ont fait de leur univers une cathédrale de dogmes? Incapables d'accueillir la possibilité de l'autre sans que tout l'édifice ne vacille comme sous la menace d'un danger. Ils ne pensent pas, ils contredisent, ils ne s'interrogent pas, ils récusent, d'emblée rendent toute existence qui diverge de la leur suspecte et délétère. D'un raisonnement ils ne gardent qu'un point qu'ils isolent en l'isolant du reste du système qui en fait la cohérence et ils réfutent aussi sûrement qu'ils ont les yeux fermés.
L'identité me semble être le plus gros mensonge que l'homme se fait à lui-même, comme s'il fallait toujours être fidèle à une image de soi... Comme s'il était seulement possible de ne pas être soi-même, peu importe sous quels traits, peu importe sous quelles pensées. La connaissance de son passé n'implique aucunement la connaissance du futur, il y aura toujours une infinité de causes qui échapperont à l'homme parce que l'univers s'étire, illimité, dans un sens ou dans l'autre et par chacune de ses parties. Il est tellement plus simple de croire au hasard qu'en ses propres limites. Et je ne parle pas du temps qui multiplie sans cesse l'ignorance, forçant l'homme à opérer des calculs sur des unités changeantes; pauvre de lui... Nous ne sommes pas assez tout pour tout comprendre voilà tout. Peut-être cela changera-t-il, le jour où l'homme ne sera plus un homme.
Je ne veux plus rester en dedans comme une potentialité inactuelle, entretenir le mythe d'une toute puissance qui n'est en réalité que la prorogation continuelle du moment de l'expression, sous prétexte qu'il est trop tôt, que l'esprit change, que l'âme est en chantier, que l'on se fait plus vaste à mesure que le temps passe et que l'expérience grandit. Nul édifice ne fut achevé sans construction préalable, et, peut-être que le chantier d'une âme qui se libère continuellement, d'elle-même et de ses propres limites, pourra intéresser les architectes de l'esprit, les explorateurs de tous poils, les amoureux de la pensée.
Il se pourrait qu'on se moque, ou que l'on ne comprenne pas, mais je suis prêt à l'accepter. Je n'ai pas la prétention de savoir si l'on peut attribuer à l'individu une valeur, ni, par conséquent, si cette entreprise en a une pour quiconque; mais dans la mesure où tout esprit honnête envers lui-même m'intéresse, je choisis de dévoiler le mien pour ceux qui me ressembleraient un peu...
Il me semble comprendre des choses que d'autres ont plus de mal à intégrer, mais je n'en tire aucune gloire, aucun mérite car c'est là le fruit d'un renoncement. Par la pensée, j'ai remplacé mon monolithique et encombrant ego pour une froide logique qui coule et se répand tantôt légère et rapide, tantôt tumultueuse et torrentielle, emportant tout sur son passage. Grâce à elle, je dépasse les bornes étriquées du moi ainsi que ses hautes murailles hérissées de pointes. J'emprunte la logique et je sors de moi-même, des jugements, des points de vue qui se croient absolus et totalité parce qu'ils sont ignorants d'eux-mêmes et de leur propre finitude qui n'en fait, précisément, que des points de vue. Il faut parfois savoir être l'autre, être autre, pour comprendre les choses sans avoir besoin d'y croire ou d'y adhérer, sans en constituer le ciment de notre être. Pouvoir embrasser les différentes perspectives dans le cadre où elles s'inscrivent, dans leur système propre, devenir tour à tour chacune de ses pensées et tout leur epistémè pour s'en affranchir et ne s'attacher à rien, voilà le genre de nomadisme noétique qui caractérise à mon sens la pensée libre. Combien il est bon de savoir s'effacer au profit de l'autre et de son expression. L'ego est une barrière imperméable aux idées étrangères, aux idées neuves et à l'altérité qu'elles embarquent. Celui qui peut embrasser tous les points de vue car il ne prétend pas savoir qui il est lui-même (ou plutôt qu'il sait qu'il ne saisit jamais qu'un reflet fugace et déjà enfui de son être), celui-là peut comprendre et s'ouvrir à l'autre, au dialogue pris comme une interrogation commune.
Je ne crois en rien. Ou plutôt, ce que je crois est toujours marqué du sceau de la croyance ce qui me permet de ne pas confondre mes choix avec une nécessité universelle. C'est là, je crois, que réside ma force par rapport à ceux qui s'étouffent continuellement dans leurs propres convictions cristallisées, aussi nécessaire soient-elles, en tant que thérapie, sur celui sur qui elles agissent. L'homme qui guérit est centré sur lui-même, sur sa recherche d'équilibre, il tolère difficilement les raz-de-marée que la curiosité et le doute peuvent provoquer. Sur celui-là, l'indétermination est une souffrance insupportable qui doit se taire. Comme tout le monde, je place un sol sous mes pas, ce sol sont les croyances qui me semblent sur le moment le plus vraisemblables et suffisamment cohérentes pour que personne ne m'en proposent de plus solides et inébranlables. Parfois tout s'écroule. C'est le moment de tout reconstruire, patiemment et sans précipitation: on écoute d'autant mieux le monde qu'on a plus rien à défendre. Je n'ai pas l'esprit de pèlerinage, les pensées sont des moments de la vie comme les gestes et sont amenées à produire d'autres pensées l'instant d'après. Je ne fais que suivre le flux de la raison, et la raison m'ouvre aux raisonnements et donc à la possibilité de l'autre. Nous sommes tous des cartographes de l'expérience humaine, et nous partageons nos trouvailles comme s'il s'agissait de trésors. "Es-tu allé là bas toi aussi? Et qu'y as-tu donc vu? As-tu emprunté le même chemin que moi? Veux-tu me suivre?". Mais combien bornent l'univers à la carte qu'ils en on tracé de leur maigre expérience, définissent des valeurs aux expériences, des bornes à l'illimité, cherchent un moins et un plus et veulent se rendre la mesure de toutes choses?
La vérité qu'ils cherchent n'existe pas car elle signifie l'éclatement de tous les cadres, l'inconditionné par excellence. Ils ne trouvent que des vérités éphémères, fruits mûrs d'un temps et d'un lieu particulier, d'une abstraction qui tisse sa toile causale et porte une cohérence immanente qui n'a rien de transcendant. N'allons pas faire de ces moments de bonheur des vérités inconditionnelles qu'il faudrait inscrire hors du temps et de l'espace infini.
Ainsi j'arpente ce temps et cet espace, sans cesse me différenciant de moi-même, changeant les conditions de toute expérience possible, et plus je traverse les identités, plus je les abandonne, et plus je reconnais la validité de chacune, de chaque sillon de vie que ma connaissance peut embrasser. Chaque instant, chaque moi me place dans un système d'interactions causales que je n'aperçois que grossièrement et rétrospectivement; je suis déjà ailleurs et il me faut penser différemment, re-tisser ma toile, recréer le monde que j'habite.
L'autre? L'autre est ailleurs, pris nécessairement dans un ensemble de causes et d'effets différents du mien, précisément parce qu'il n'est pas moi. Il me faut percevoir l'horizon sous lequel il meut ses pensées, éprouver le sol qui soutient tous ses pas, sa façon d'avancer, sa démarche dans la science. J'aurais peut-être alors une chance d'observer le monde par le chemin qu'il emprunte, de retracer les liens qui maintiennent les éléments de sa vie dans une monde, un univers unique dont l'unité est probablement le fruit de notre imagination démesurée.
Combien de penseurs ont fait de leur univers une cathédrale de dogmes? Incapables d'accueillir la possibilité de l'autre sans que tout l'édifice ne vacille comme sous la menace d'un danger. Ils ne pensent pas, ils contredisent, ils ne s'interrogent pas, ils récusent, d'emblée rendent toute existence qui diverge de la leur suspecte et délétère. D'un raisonnement ils ne gardent qu'un point qu'ils isolent en l'isolant du reste du système qui en fait la cohérence et ils réfutent aussi sûrement qu'ils ont les yeux fermés.
L'identité me semble être le plus gros mensonge que l'homme se fait à lui-même, comme s'il fallait toujours être fidèle à une image de soi... Comme s'il était seulement possible de ne pas être soi-même, peu importe sous quels traits, peu importe sous quelles pensées. La connaissance de son passé n'implique aucunement la connaissance du futur, il y aura toujours une infinité de causes qui échapperont à l'homme parce que l'univers s'étire, illimité, dans un sens ou dans l'autre et par chacune de ses parties. Il est tellement plus simple de croire au hasard qu'en ses propres limites. Et je ne parle pas du temps qui multiplie sans cesse l'ignorance, forçant l'homme à opérer des calculs sur des unités changeantes; pauvre de lui... Nous ne sommes pas assez tout pour tout comprendre voilà tout. Peut-être cela changera-t-il, le jour où l'homme ne sera plus un homme.
samedi 21 septembre 2013
Aphorismes et réflexions
Le changement n'est pas absence de forme, il existe certainement une forme pour l'informité du changement. Le nomade a lui aussi son identité.
Les mots et les noms nous donnent l'impression que notre étant est quelque chose de figé, défini et pétrifié dans l'éternel; mais la source coule...
Le désir est une fusion du JE avec l'objet, le JE veut à la fois que l'objet devienne lui et devenir lui-même l'objet; la vie de l'homme oscille entre ces deux extrêmes.
samedi 7 septembre 2013
Aphorismes
L'artiste est une caricature.
L'homme est l'habitant des interstices, des durées qui s'intercalent entre des promesses et leur réalisation.
La vie du voyageur
Sans cesse tout s'agite, rien ne trouve le repos bien longtemps en l'homme. Et d'aucuns passent leur temps à se demander pourquoi, à tenter de comprendre ce qui se révèle être aujourd'hui une évidence pour moi: nous cherchons tous la mort. Nous, vivants à l'étant agité, cherchant le repos éternel de nos sentiments, nous cherchons la paix qui s'apparente au silence, à l'immobile portrait figé des choses éternelles. Certains parlent de Dieu, comme d'un être absolument parfait, d'une perfection pleine, en acte, à laquelle on ne peut rien ajouter, une totalité absolue; partout je n'entends que cette adoration des vivants pour la mort, elle est leur horizon qu'ils aspirent à toucher. Sortis d'une mort enfouie dans le passé et qu'on ne peut revivre, il nous faut aller vers la fin du voyage, vers ce naufrage dans lequel plus rien ne tangue, cette sérénité minérale, cet équilibre qui s'oppose tant à ce qu'est l'existence. Car enfin l'homme est un déséquilibre, ce déséquilibre est son essence même, la vie est une négation de l'entropie, de la paix, du repos, de l' homogénéité. La vie est chaos, chocs et luttes, elle est une tension perpétuelle, un déchirement qu'il nous faut traverser. Ô combien se trompent ceux qui croient aspirer à la vie éternelle car la vie n'a rien à voir avec l'éternité, et leur voeu n'est autre que d'apaiser les remous dans lesquels ils se noient, dans cette peur qui est déchirement, dans l'angoisse de l'anticipation, dans la hâte que l'on ressent face à tout vide, encore plus lorsqu'il s'agit du nôtre. Les humains veulent se traverser eux-mêmes, franchir une bonne fois pour toute cet espace qui les disperse, qui les étire et les force à se mouvoir dans le temps, à toujours devoir se regrouper pour maintenir une unité si distendue. La vie est un plongeon dans l'espace-temps et le nageur n'a de cesse de rejoindre l'autre bord.
Une fois que l'on accepte cela, la simple conscience que le sens de nos vies est la mort n'est d'aucun réconfort, car alors comment expliquer ce manque d'engouement pour le suicide, ou bien ce goût pour les morts lentes, quasi imperceptibles que nos sociétés savent si bien prodiguer? Tout simplement car la vie est une tension vers la mort mais jamais elle ne s'y confond pleinement, la vie est ce déchirement, ce chemin reliant un seul et même point à l'autre bout de lui-même, elle est une boucle qui sort tout droit du néant pour y retourner. Toi vivant tu dois contempler chaque jour cette vérité, cheminer sur ta route, naviguer sur ton Styx tout en sachant que l'amour du déséquilibre, de l'existence, est aussi fort en toi que ce désir de mort qui t'attires vers le repos. Et tu connais dorénavant qu'il n'y a pas d'objet à tes désirs et que ce à quoi tu aspires n'est pas une chose mais une durée entre les choses éteintes, un espace à parcourir sans fin. La source de tes désirs est un déchirement perpétuel que tu entretiens car il en va de ton essence et de ta vie, bien que tes illusions et ta souffrance te poussent à te hâter vers une sortie qui n'est autre que ta négation propre. Tel est le destin de l'homme, contraint de se plier à la fatigue, de s'offrir à l'inassouvissement, à la soif inextinguible d'un breuvage qui n'est autre que la soif elle-même, cette même soif qui le ronge et appelle à être éteinte. La vie est le passage de la souffrance qui vient déchirer le néant, elle s'apparente à une force toujours en acte, à une interminable fatigue.
Rassurez-vous pourtant, on peut aimer la souffrance; on peut l'aimer bien plus que tout, et alors tout s'illumine pour un temps. La vie est cet espace et ce temps que nous remplissons de nos doutes, de nos sentiments, et finalement de notre volonté. Ce vide sera assurément ce que nous voulons qu'il soit. Apprendre à bien vouloir est la première leçon essentielle pour bien vivre. Bien souvent c'est à se regarder vouloir que la frustration s'adoucit, puis il ne reste alors qu'une curiosité bienveillante pour soi-même, l'homme et enfin le monde. Celui qui a connu cette curiosité sait alors, bien qu'il ne puisse s'en faire le maître, ô combien enfer et paradis ne sont jamais que deux perspectives d'une seule et même chose, et que cette chose est l'existence même.
Une fois que l'on accepte cela, la simple conscience que le sens de nos vies est la mort n'est d'aucun réconfort, car alors comment expliquer ce manque d'engouement pour le suicide, ou bien ce goût pour les morts lentes, quasi imperceptibles que nos sociétés savent si bien prodiguer? Tout simplement car la vie est une tension vers la mort mais jamais elle ne s'y confond pleinement, la vie est ce déchirement, ce chemin reliant un seul et même point à l'autre bout de lui-même, elle est une boucle qui sort tout droit du néant pour y retourner. Toi vivant tu dois contempler chaque jour cette vérité, cheminer sur ta route, naviguer sur ton Styx tout en sachant que l'amour du déséquilibre, de l'existence, est aussi fort en toi que ce désir de mort qui t'attires vers le repos. Et tu connais dorénavant qu'il n'y a pas d'objet à tes désirs et que ce à quoi tu aspires n'est pas une chose mais une durée entre les choses éteintes, un espace à parcourir sans fin. La source de tes désirs est un déchirement perpétuel que tu entretiens car il en va de ton essence et de ta vie, bien que tes illusions et ta souffrance te poussent à te hâter vers une sortie qui n'est autre que ta négation propre. Tel est le destin de l'homme, contraint de se plier à la fatigue, de s'offrir à l'inassouvissement, à la soif inextinguible d'un breuvage qui n'est autre que la soif elle-même, cette même soif qui le ronge et appelle à être éteinte. La vie est le passage de la souffrance qui vient déchirer le néant, elle s'apparente à une force toujours en acte, à une interminable fatigue.
Rassurez-vous pourtant, on peut aimer la souffrance; on peut l'aimer bien plus que tout, et alors tout s'illumine pour un temps. La vie est cet espace et ce temps que nous remplissons de nos doutes, de nos sentiments, et finalement de notre volonté. Ce vide sera assurément ce que nous voulons qu'il soit. Apprendre à bien vouloir est la première leçon essentielle pour bien vivre. Bien souvent c'est à se regarder vouloir que la frustration s'adoucit, puis il ne reste alors qu'une curiosité bienveillante pour soi-même, l'homme et enfin le monde. Celui qui a connu cette curiosité sait alors, bien qu'il ne puisse s'en faire le maître, ô combien enfer et paradis ne sont jamais que deux perspectives d'une seule et même chose, et que cette chose est l'existence même.
dimanche 1 septembre 2013
Aphorismes
Le doute c'est la possibilité de l'autre.
À chaque âge de la vie il faut trouver un rythme à la mesure.
La solitude est un sentiment social, c'est pour cela que son terreau le plus fertile est l'extrême promiscuité.
Quelque chose se passe continuellement et qui s'appelle le monde.
La société a-t-elle une place pour des hommes sans qualités?
Le raffinement artistique consiste en l'attirance envers ce qui est le moins instinctif, spontané et le plus construit. Il coïncide ainsi avec ce que l'on n'apprécie qu'après avoir accompli un long et complexe travail sur sa nature, il est un nouveau standard et une nouvelle nature que l'on se crée.
Les pensées ont-elles un lieu?
"Des fragments de mélodie. La singularité d'un mouvement. Des parfums de parterres fleuris, jadis passés inaperçus à cause des paroles véhémentes qui montaient du profond trouble des âmes, survivant maintenant aux paroles oubliées. Un homme sur divers chemins, presque pénible à voir: lui-même, comme une file de poupées laissées pour compte et dont les ressorts sont brisés depuis longtemps." Robert Musil
Peut-être qu'un des moteurs de l'art est-il ce singulier sentiment qui envahit l'être humain dans son rapport au monde. L'artiste exprime la singularité de l'homme, l'homme lui-même ne sait qu'être artiste et le projet d'un homme industriel est un échec anticipé car quand bien même l'humain voudrait gommer en lui tout ce qu'il a d'original et d'unique, il ne pourrait y parvenir que d'une manière bien à lui, singulière et unique.
À chaque âge de la vie il faut trouver un rythme à la mesure.
La solitude est un sentiment social, c'est pour cela que son terreau le plus fertile est l'extrême promiscuité.
Quelque chose se passe continuellement et qui s'appelle le monde.
La société a-t-elle une place pour des hommes sans qualités?
Le raffinement artistique consiste en l'attirance envers ce qui est le moins instinctif, spontané et le plus construit. Il coïncide ainsi avec ce que l'on n'apprécie qu'après avoir accompli un long et complexe travail sur sa nature, il est un nouveau standard et une nouvelle nature que l'on se crée.
Les pensées ont-elles un lieu?
"Des fragments de mélodie. La singularité d'un mouvement. Des parfums de parterres fleuris, jadis passés inaperçus à cause des paroles véhémentes qui montaient du profond trouble des âmes, survivant maintenant aux paroles oubliées. Un homme sur divers chemins, presque pénible à voir: lui-même, comme une file de poupées laissées pour compte et dont les ressorts sont brisés depuis longtemps." Robert Musil
Peut-être qu'un des moteurs de l'art est-il ce singulier sentiment qui envahit l'être humain dans son rapport au monde. L'artiste exprime la singularité de l'homme, l'homme lui-même ne sait qu'être artiste et le projet d'un homme industriel est un échec anticipé car quand bien même l'humain voudrait gommer en lui tout ce qu'il a d'original et d'unique, il ne pourrait y parvenir que d'une manière bien à lui, singulière et unique.
samedi 22 juin 2013
D'autres appellent ça l'amour
On dit parfois que celui qui n'abandonne jamais fait preuve de persévérance, qu'il est courageux, patient et décidé. On dit aussi qu'il est insistant, téméraire et inconsidéré. Alors quand on ne sait pas quoi faire, on vous dit parfois qu'il faut écouter son coeur, ne pas hésiter ni se poser trop de questions. On vous dit aussi qu'il faut savoir être raisonnable, prudent et peser le pour et le contre. Vous finissez pas vous engager dans une de ces voies mais bientôt, pris de remord, vous faites volte-face et optez pour l'autre option. Mais là encore, au bout d'un certain temps vous ne savez plus trop et quelque chose en vous semble vous avertir que vous niez une part essentielle de votre "personnalité". Vous êtes alors perdu et désirez emprunter tous les chemins à la fois, ne rien laisser au hasard et vous faites comme tout le monde dans ce cas là: vous tournez en rond, hésitez, revenez sur vos pas, puis, finalement, tétanisé par la peur vous demeurez sur place, indécis et parcouru d'une agitation contenue qui renonce à se frayer un chemin dans la réalité physique.
Pourtant, là, au bout, tout près et si loin à la fois, réside ce que vous convoitez, votre souhait le plus cher, votre rêve le plus fou. Mais à peine croyez-vous faire un pas dans sa direction, tendre une main, le voyez-vous s'enfuir alors et vous tourner le dos. Malgré cela il vous appelle et semble vous attendre, espérer un mouvement de votre part, le "bon" choix qui vous réunirait. Mais votre maladresse et votre angoisse sont une armure trop lourde à porter, elle entrave vos mouvements, étouffe la volonté. La situation est si dérisoire, vous êtes là, tout embourbé, le rêve est ici, à portée de voeu, et reste à vous toiser.
Alors quelque chose comme la vie semble s'écouler de votre âme, lentement se sépare de vous, ravinant peu à peu ce qui fut jadis votre identité. Vous quittez votre peau mais il n'y a rien en dessous, rien d'autre que le souhait auquel vous aspirez et qui s'empare tellement de vous que peu à peu il vous remplace. Vous êtes bien surpris: si l'on peut formuler un souhait comment en devenir un soi-même, sans se détruire ni s'annuler? Le vent vous traverse de toutes parts, il vous emporte et se fait vous, vous devenez aussi inconsistant que lui.
Cette histoire est bien triste car vous l'aimez votre rêve, à tel point que vous en oubliez l'objet qui pourtant persiste malgré vous. Ne pouvez-vous l'aimer pour lui-même, dans votre coin, accompagné de votre éternelle solitude? Non vous n'y croyez plus, votre choix est fait et vous avez changé par lui, une part de vous non négligeable a épousée son objet. Vous êtes à sa merci, vous lui avez confié votre bonheur, et ce faisant pensiez ne plus jamais le quitter, cependant le bonheur fait son chemin ailleurs, porté par d'autres élans. Vous courez après lui mais dès que vous tentez de le saisir, il se mue en tristesse ou en colère, se loge dans votre poitrine le temps de quelques battements de coeur avant de repartir plus loin et redevenir bonheur. Peut-on, vous demandez-vous alors, garder le bonheur loin de soi?
Mais les questions comme celle-ci sont dépourvues de réponses, elles sont ancrées dans le silence de la vie, ne sont domptées que par le temps, et encore, seulement pour un temps. Cela ne vous empêche pas d'espérer, dans votre purgatoire, que le bonheur perdu, un jour, las de voyager sans vous, revienne se poser sur vos lèvres, vos yeux et vos soupirs. Et vous comptez le temps, vous vieillissez doucement à l'ombre de cet espoir qui emplit l'horizon. Vous ne renoncez jamais n'est-ce pas? Vous traversez les nuits et traquez l'aurore, en vous disant chaque matin que celle-ci est la bonne.
Certains appellent ça bêtise, d'autres appellent ça l'amour.
Pourtant, là, au bout, tout près et si loin à la fois, réside ce que vous convoitez, votre souhait le plus cher, votre rêve le plus fou. Mais à peine croyez-vous faire un pas dans sa direction, tendre une main, le voyez-vous s'enfuir alors et vous tourner le dos. Malgré cela il vous appelle et semble vous attendre, espérer un mouvement de votre part, le "bon" choix qui vous réunirait. Mais votre maladresse et votre angoisse sont une armure trop lourde à porter, elle entrave vos mouvements, étouffe la volonté. La situation est si dérisoire, vous êtes là, tout embourbé, le rêve est ici, à portée de voeu, et reste à vous toiser.
Alors quelque chose comme la vie semble s'écouler de votre âme, lentement se sépare de vous, ravinant peu à peu ce qui fut jadis votre identité. Vous quittez votre peau mais il n'y a rien en dessous, rien d'autre que le souhait auquel vous aspirez et qui s'empare tellement de vous que peu à peu il vous remplace. Vous êtes bien surpris: si l'on peut formuler un souhait comment en devenir un soi-même, sans se détruire ni s'annuler? Le vent vous traverse de toutes parts, il vous emporte et se fait vous, vous devenez aussi inconsistant que lui.
Cette histoire est bien triste car vous l'aimez votre rêve, à tel point que vous en oubliez l'objet qui pourtant persiste malgré vous. Ne pouvez-vous l'aimer pour lui-même, dans votre coin, accompagné de votre éternelle solitude? Non vous n'y croyez plus, votre choix est fait et vous avez changé par lui, une part de vous non négligeable a épousée son objet. Vous êtes à sa merci, vous lui avez confié votre bonheur, et ce faisant pensiez ne plus jamais le quitter, cependant le bonheur fait son chemin ailleurs, porté par d'autres élans. Vous courez après lui mais dès que vous tentez de le saisir, il se mue en tristesse ou en colère, se loge dans votre poitrine le temps de quelques battements de coeur avant de repartir plus loin et redevenir bonheur. Peut-on, vous demandez-vous alors, garder le bonheur loin de soi?
Mais les questions comme celle-ci sont dépourvues de réponses, elles sont ancrées dans le silence de la vie, ne sont domptées que par le temps, et encore, seulement pour un temps. Cela ne vous empêche pas d'espérer, dans votre purgatoire, que le bonheur perdu, un jour, las de voyager sans vous, revienne se poser sur vos lèvres, vos yeux et vos soupirs. Et vous comptez le temps, vous vieillissez doucement à l'ombre de cet espoir qui emplit l'horizon. Vous ne renoncez jamais n'est-ce pas? Vous traversez les nuits et traquez l'aurore, en vous disant chaque matin que celle-ci est la bonne.
Certains appellent ça bêtise, d'autres appellent ça l'amour.
jeudi 30 mai 2013
Aphorismes
Le naturel s'apparente à un équilibre entre plaisir et douleur; le culturel, quant à lui, est un effort pour faire pencher la balance en faveur du plaisir. Dans cette optique, la philosophie se heurte à la limite d'une apathie insurmontable: tout plaisir requiert sa contrepartie en douleur. Le subterfuge du philosophe est alors de métamorphoser la douleur en plaisir par anticipation du plaisir réel qui en résultera.
La musique, et de manière plus primitive le rythme, est la dimension temporelle de l'identité.
L'art, c'est mettre de l'homme dans les choses.
La musique, et de manière plus primitive le rythme, est la dimension temporelle de l'identité.
L'art, c'est mettre de l'homme dans les choses.
lundi 20 mai 2013
Sans qualité
C'est peut-être lorsque l'on s'aperçoit que tout est possible que l'on devient réellement un homme sans qualité, un homme du renoncement, se contentant de toucher de l'âme les formes que l'on n'incrustera jamais dans la matière du réel. C'est peut-être aussi savoir l'effort que coûte chaque accouchement, chaque entreprise, pour s'apercevoir que rien n'est aussi beau que dans l'esprit. Il faut se sentir un destin, une volonté d'être déterminé pour entreprendre et faire en sorte que ce qui hurle à l'intérieur puisse enfin sortir et se séparer de nous, de l'existence qui dure en nous. Placer tout son génie dans le présent est une chose douloureuse mais je ne connais pas de meilleur façon d'être avec les autres, porté par le temps qui se souvient de tout. Je suis dans le présent qui dévore tout, se séparant sans cesse de ce qu'il fut pour en faire autre chose, et ce présent est sans bagages. Au fond j'écris probablement pour faire comme tout le monde: pour conjurer le sentiment que le passé n'est rien dès lors qu'il n'est pas déroulé comme un fil derrière soi.
vendredi 10 mai 2013
D'une étoile
Que puis-je faire d'autre que continuer ma route,
Avec le rail parallèle, cloué à mon destin?
Et combien de rails s'acheminent dans cette direction,
Vers une humanité nouvelle qui se presse dans l'existence?
Je n'ai jamais vraiment su ce qu'était la vie
Et pourtant c'est bien l'activité que je ne cesse d'exercer depuis la naissance.
Je respire, puis expire, je m'insurge et admire,
J'aime et j'apprends à ne plus détester.
Mais qu'est cette chose qui respire et regarde le monde se faire sous ses yeux,
Observe sa propre présence advenir malgré elle, toujours en retard,
Le retard est une part de l'identité humaine,
Toujours tournée vers son passé, vers ce qui lui échappe par le futur.
Et tout se synchronise pourtant dans une sorte d'harmonie
Une harmonie de chaque instant, synchronique et qui s'étire dans l'histoire.
Quelle est donc cette histoire que nous écrivons malgré nous?
Quel est donc ce présent qui se crée sans cesse, immédiat et toujours absolu?
Malgré cette nouveauté incessante, se dessine un processus avec ses habitudes,
Ses routes favorites qui tracent un sillon dans la réalité, qui fondent la fiction d'une causalité.
Evoluons-nous sur un rythme trop serré, trop compact pour que chaque évènement impromptu
De cette narration immense, nous apparaisse enfin dans toute sa clarté, nous montre sa structure?
Que fait l'humain dans ses champs de béton, dans ses agglomérations d'empressement,
Toujours pressant de son prochain le jus nécessaire à la production du mouvement;
Si essentiel à tout semblant de liberté qui voudrait s'ériger contre l'entropie grandissante.
Les morts sont la règle, ils s'homogénéisent en elle, nous sommes les exceptions, la mesure de la vie.
De quel chaos peuvent naître ces pensées qui s'échappent de mes clôtures?
Et ces clôtures sont-elles réelles ou fictives, me protègent-elles du reste du monde?
Dans quel bouillonnement interne, de quel autre ordre surgit la règle que nous incarnons?
Nous sommes une modalité de l'être, peut-être une expression de lui, quelques éclats enfuis.
Lorsque je voudrais m'arrêter d'écrire, en moi les pensées continuent,
Il y a une régularité effrayante à la vie, à ce qui vient à être,
Mais peut-on imaginer autre chose, y a-t-il seulement de la place pour un néant possible?
Jamais la lumière ne s'éteint et de chaque fenêtre humaine s'échappe une certaine lueur, selon une certaine tonalité.
L'être est infini, sommes-nous conduit à croire, mais de quel droit parlons-nous de ce qui nous fait?
Je finis mon échappée, je sens l'agitation retomber, le verbe ralentir,
Je cherche, comme beaucoup, une fin, une chute à tout cela,
Et comme toujours c'est la ponctuation qui me l'offre, le langage qui se tait.
Pourtant, lorsque toute parole cesse, et toute lecture (qui n'est au fond qu'une parole subjective),
Quelque chose demeure, quelque chose qui n'est pas rien;
Au contraire, il semblerait que ce quelque chose soit tout ce qui ai jamais été et ce qui est.
Mais qu'en est-il de tout ce qui sera, y a-t-il une réalité présente pour le futur qui nous attend?
Pourquoi ne puis-je me taire, quelle est donc cette angoisse qui m'étreint lorsque je suis muet?
Quelle raison me pousse à désirer si fort vivre avec les mots?
Sont-ils, au fond, une manière privilégié d'être là, de se trouver ensemble dans nos solitudes?
Parlons encore, parlons toujours, s'il vous plaît, afin que le silence existe.
Je n'accepte d'être ici que parce que vous y êtes aussi,
Les mots que j'emploie sont votre présence, ils sont notre mémoire collective,
Et les aimer beaucoup, c'est aussi une façon de vous aimer un peu,
Timidement, peut-être un peu trop vite, du coeur de mon étoile filante.
Avec le rail parallèle, cloué à mon destin?
Et combien de rails s'acheminent dans cette direction,
Vers une humanité nouvelle qui se presse dans l'existence?
Je n'ai jamais vraiment su ce qu'était la vie
Et pourtant c'est bien l'activité que je ne cesse d'exercer depuis la naissance.
Je respire, puis expire, je m'insurge et admire,
J'aime et j'apprends à ne plus détester.
Mais qu'est cette chose qui respire et regarde le monde se faire sous ses yeux,
Observe sa propre présence advenir malgré elle, toujours en retard,
Le retard est une part de l'identité humaine,
Toujours tournée vers son passé, vers ce qui lui échappe par le futur.
Et tout se synchronise pourtant dans une sorte d'harmonie
Une harmonie de chaque instant, synchronique et qui s'étire dans l'histoire.
Quelle est donc cette histoire que nous écrivons malgré nous?
Quel est donc ce présent qui se crée sans cesse, immédiat et toujours absolu?
Malgré cette nouveauté incessante, se dessine un processus avec ses habitudes,
Ses routes favorites qui tracent un sillon dans la réalité, qui fondent la fiction d'une causalité.
Evoluons-nous sur un rythme trop serré, trop compact pour que chaque évènement impromptu
De cette narration immense, nous apparaisse enfin dans toute sa clarté, nous montre sa structure?
Que fait l'humain dans ses champs de béton, dans ses agglomérations d'empressement,
Toujours pressant de son prochain le jus nécessaire à la production du mouvement;
Si essentiel à tout semblant de liberté qui voudrait s'ériger contre l'entropie grandissante.
Les morts sont la règle, ils s'homogénéisent en elle, nous sommes les exceptions, la mesure de la vie.
De quel chaos peuvent naître ces pensées qui s'échappent de mes clôtures?
Et ces clôtures sont-elles réelles ou fictives, me protègent-elles du reste du monde?
Dans quel bouillonnement interne, de quel autre ordre surgit la règle que nous incarnons?
Nous sommes une modalité de l'être, peut-être une expression de lui, quelques éclats enfuis.
Lorsque je voudrais m'arrêter d'écrire, en moi les pensées continuent,
Il y a une régularité effrayante à la vie, à ce qui vient à être,
Mais peut-on imaginer autre chose, y a-t-il seulement de la place pour un néant possible?
Jamais la lumière ne s'éteint et de chaque fenêtre humaine s'échappe une certaine lueur, selon une certaine tonalité.
L'être est infini, sommes-nous conduit à croire, mais de quel droit parlons-nous de ce qui nous fait?
Je finis mon échappée, je sens l'agitation retomber, le verbe ralentir,
Je cherche, comme beaucoup, une fin, une chute à tout cela,
Et comme toujours c'est la ponctuation qui me l'offre, le langage qui se tait.
Pourtant, lorsque toute parole cesse, et toute lecture (qui n'est au fond qu'une parole subjective),
Quelque chose demeure, quelque chose qui n'est pas rien;
Au contraire, il semblerait que ce quelque chose soit tout ce qui ai jamais été et ce qui est.
Mais qu'en est-il de tout ce qui sera, y a-t-il une réalité présente pour le futur qui nous attend?
Pourquoi ne puis-je me taire, quelle est donc cette angoisse qui m'étreint lorsque je suis muet?
Quelle raison me pousse à désirer si fort vivre avec les mots?
Sont-ils, au fond, une manière privilégié d'être là, de se trouver ensemble dans nos solitudes?
Parlons encore, parlons toujours, s'il vous plaît, afin que le silence existe.
Je n'accepte d'être ici que parce que vous y êtes aussi,
Les mots que j'emploie sont votre présence, ils sont notre mémoire collective,
Et les aimer beaucoup, c'est aussi une façon de vous aimer un peu,
Timidement, peut-être un peu trop vite, du coeur de mon étoile filante.
mardi 7 mai 2013
Aphorismes
La philosophie est une manière comme une autre de construire des croyances qui nous permettent de supporter la vie.
Il me faudrait plusieurs coeurs pour aimer toutes mes vies.
Il me faudrait plusieurs coeurs pour aimer toutes mes vies.
Je connais un fantôme
Je connais un fantôme qui soulevait des poids entre quatre murs, qui haïssait sa faiblesse et la transformait en rage.
Des échos de ses vibrations en colère résonnent encore en moi, ils sonnent le glas d'un homme qu'un temps j'ai nommé "moi".
J'entends toujours des pensées qui traversent les temps passés comme des leçons capitales que la vie semble nous adresser.
Je me sens encore partir, de temps à autres, dans deux directions totalement opposées,
Tel celui qui veut mener deux vies sans plus savoir quelle espace habiter.
Il est des impressions que l'on se crée comme des fictions cinématographiques et face auxquelles on reste spectateur attristé.
Des douleurs que l'on sent après coup et que l'on sentira encore longtemps, longtemps après.
Le présent est plein de ces effets de causes anciennes, éteintes dans leur jaillissement spontané mais que le mouvement consume malgré tout, jusqu'au bout.
Je connais des illusions trépassées qui peuplent encore mon âme comme autant de récits tragiques, autant d'écueils funestes à éviter.
Je sais des peines qui ne s'éteignent que lentement telles des braises qui couvent sous les cendres et qu'il faut surveiller.
Je sais ce que cet homme a fait.
J'habite deux mondes: un qui s'est enfui dans les souvenirs glacés de nuits éternelles capables d'éteindre les amours brûlants.
L'autre qui voit chaque matin se couvrir d'une aurore luisante, et sait que la froideur des nuits n'a jamais su résister.
Je connais un homme aujourd'hui qui se lève de son cercueil, neuf et pourtant lourd de tout son passé.
Nous sommes, lui et moi, les témoins attentifs de ta vérité muette capable de donner consistance à une réalité hospitalière.
À travers lui je vois ce qu'un autre destin voulait ignorer: la perfection d'une humaine qui savait tant aimer.
Il me dit la force qui habite en elle, il me dit la foi qu'elle portait en celui qui ne croyait en rien.
J'aimerais construire des rêves pour elle et lui, des rêves qui sont des vies entières qu'elle pourrait éclairer.
J'ai un choix en moi qui s'est incarné dans mon coeur et qui susurre à mon esprit des propos insensées.
La vérité n'est pas un concept, elle n'est nullement une chose mais cette dynamique qui accompagne tes respirations, le doux nuage de tes pensées.
Il y a un homme courageux à l'intérieur de moi, qui partage mes cellules et qui connaît une vérité qui se transporte de ton coeur jusqu'à ses particules.
Il existe en moi le calme d'une paix si profonde qu'elle peut contenir toutes les furies momentanés de mes existences virtuelles.
Mes songes jouent chaque jour des représentations fabuleuses qui te voient franchir l'espace d'un mouvement gracieux.
Porter ta bonté sur les destins brisées, sur toutes ces vies avortées qui demeurent en sommeil, dans l'attente d'un seul de tes baisers.
Il y a des doutes qui se taisent lorsqu'ils sont face à toi.
Il y a des instants qui s'allongent en moments privilégiés et qui s'extraient du temps pour devenir des vies entières.
J'abrite des impressions qui sont le fruit mûr de tes regards capables de gonfler les voiles d'un voilier immobile.
Je cache des sentiments qui racontent ce que c'est que d'avoir un abri en tes yeux, un lieu que l'on découvre tout en l'ayant toujours aimé.
Ce je qui fus si fragile dans son isolement téméraire ne s'est construit que par l'action de ton amour.
Dans le kaléidoscope de mon identité, tu as su faire de mon reflet diffracté une unité bien tangible qui te regarde vivre.
Dans mes souffles se mêle ton haleine et je renferme en mes pores un trésor: les odeurs que tu exhales et que mon corps a capturé.
Ta peau répond à la mienne et l'océan tumultueux de tes longs cheveux ondulés, m'offre d'immenses vagues où je me laisse emporter.
Il existe un asile dans tout mon être pour la douceur de ta peau et tes yeux constellés.
La délinéation de ton corps est un prolongement du mien auquel je me suis adapté.
Il y a un homme en moi qui hurle de joie: "je ne suis plus un, je ne suis plus un!"
Et le fantôme de répondre: "Tu n'as jamais été seul, nous étions mille moi que tu pouvais revêtir!"
Et l'homme lui répond: "Mille moi, mille moi! Peut-on seulement vivre mille vies de front sans rester dans chacune un infime embryon!"
Je connais un fantôme qui se tait parce qu'il ne sait quoi dire
Et un homme qui murmure: "Enfin je t'ai trouvé...".
Des échos de ses vibrations en colère résonnent encore en moi, ils sonnent le glas d'un homme qu'un temps j'ai nommé "moi".
J'entends toujours des pensées qui traversent les temps passés comme des leçons capitales que la vie semble nous adresser.
Je me sens encore partir, de temps à autres, dans deux directions totalement opposées,
Tel celui qui veut mener deux vies sans plus savoir quelle espace habiter.
Il est des impressions que l'on se crée comme des fictions cinématographiques et face auxquelles on reste spectateur attristé.
Des douleurs que l'on sent après coup et que l'on sentira encore longtemps, longtemps après.
Le présent est plein de ces effets de causes anciennes, éteintes dans leur jaillissement spontané mais que le mouvement consume malgré tout, jusqu'au bout.
Je connais des illusions trépassées qui peuplent encore mon âme comme autant de récits tragiques, autant d'écueils funestes à éviter.
Je sais des peines qui ne s'éteignent que lentement telles des braises qui couvent sous les cendres et qu'il faut surveiller.
Je sais ce que cet homme a fait.
J'habite deux mondes: un qui s'est enfui dans les souvenirs glacés de nuits éternelles capables d'éteindre les amours brûlants.
L'autre qui voit chaque matin se couvrir d'une aurore luisante, et sait que la froideur des nuits n'a jamais su résister.
Je connais un homme aujourd'hui qui se lève de son cercueil, neuf et pourtant lourd de tout son passé.
Nous sommes, lui et moi, les témoins attentifs de ta vérité muette capable de donner consistance à une réalité hospitalière.
À travers lui je vois ce qu'un autre destin voulait ignorer: la perfection d'une humaine qui savait tant aimer.
Il me dit la force qui habite en elle, il me dit la foi qu'elle portait en celui qui ne croyait en rien.
J'aimerais construire des rêves pour elle et lui, des rêves qui sont des vies entières qu'elle pourrait éclairer.
J'ai un choix en moi qui s'est incarné dans mon coeur et qui susurre à mon esprit des propos insensées.
La vérité n'est pas un concept, elle n'est nullement une chose mais cette dynamique qui accompagne tes respirations, le doux nuage de tes pensées.
Il y a un homme courageux à l'intérieur de moi, qui partage mes cellules et qui connaît une vérité qui se transporte de ton coeur jusqu'à ses particules.
Il existe en moi le calme d'une paix si profonde qu'elle peut contenir toutes les furies momentanés de mes existences virtuelles.
Mes songes jouent chaque jour des représentations fabuleuses qui te voient franchir l'espace d'un mouvement gracieux.
Porter ta bonté sur les destins brisées, sur toutes ces vies avortées qui demeurent en sommeil, dans l'attente d'un seul de tes baisers.
Il y a des doutes qui se taisent lorsqu'ils sont face à toi.
Il y a des instants qui s'allongent en moments privilégiés et qui s'extraient du temps pour devenir des vies entières.
J'abrite des impressions qui sont le fruit mûr de tes regards capables de gonfler les voiles d'un voilier immobile.
Je cache des sentiments qui racontent ce que c'est que d'avoir un abri en tes yeux, un lieu que l'on découvre tout en l'ayant toujours aimé.
Ce je qui fus si fragile dans son isolement téméraire ne s'est construit que par l'action de ton amour.
Dans le kaléidoscope de mon identité, tu as su faire de mon reflet diffracté une unité bien tangible qui te regarde vivre.
Dans mes souffles se mêle ton haleine et je renferme en mes pores un trésor: les odeurs que tu exhales et que mon corps a capturé.
Ta peau répond à la mienne et l'océan tumultueux de tes longs cheveux ondulés, m'offre d'immenses vagues où je me laisse emporter.
Il existe un asile dans tout mon être pour la douceur de ta peau et tes yeux constellés.
La délinéation de ton corps est un prolongement du mien auquel je me suis adapté.
Il y a un homme en moi qui hurle de joie: "je ne suis plus un, je ne suis plus un!"
Et le fantôme de répondre: "Tu n'as jamais été seul, nous étions mille moi que tu pouvais revêtir!"
Et l'homme lui répond: "Mille moi, mille moi! Peut-on seulement vivre mille vies de front sans rester dans chacune un infime embryon!"
Je connais un fantôme qui se tait parce qu'il ne sait quoi dire
Et un homme qui murmure: "Enfin je t'ai trouvé...".
lundi 6 mai 2013
La corde
On a lancé la corde à ma place, ce n'étaient pas des mains, ce n'était pas humain
C'était un tout indicible qui a saisi ma vie, a jeté sur tes lèvres mon destin
Un masque, plus loin, beaucoup plus loin, à mille éternités de là
S'est terni tout d'un coup, au son puissant du glas
Ce n'était pas grand chose, tout juste quelques ratures sur un vieux manuscrit
Deux histoires parallèles qui se confondent, la dualité qui recouvre l'esprit
J'étais pourtant perdu, enclavé dans l'immense abîme
D'un refus obstiné, d'un monde ayant perdu ses rimes
Je n'ai plus aucun droit, je veux dès aujourd'hui n'exister que pour toi
Que les aurores foulent chaque matin le rêve dont j'étais le roi
Moi j'ai abandonné ma personne, je l'ai laissée pour toi
Je rôde désormais sur les bords de ton coeur, où s'est portée ma foi
Il y avait des vies avant, et toutes avaient pour ciel un désespoir funeste
J'y emmitouflais mon âme, comme on jetterait sur soi une vulgaire veste
Un sillon parmi le vide, la trace de mes pas sur le manteau du temps
Je ne rencontrais plus personne, je vivais sur un monde vierge d'habitants
Capuche sur la tête, sur les chemins célestes, et vacuité au coeur
J'allais droit au néant où chaque sentiment est un affluent de la peur
Et ce vertige sans aplomb, un vertige du milieu, d'un infini sans directions
L'angoisse qu'on ne sème jamais, qui bâtit sa maison sur le terreau de nos fictions
La vérité n'existait plus que comme une lueur lointaine
Dans les battements de coeur d'existences foraines
Je les ai chéri plus que le monde issu de mes mensonges
Jusqu'à ce que mon trou noir à coups d'indétermination les ronge
J'étais un fragment d'humain, une part de coeur, quelques cellules encore
Déclinant, refusant la vie et bien trop impuissant pour accepter la mort
Il n'y avait plus rien dans mon univers
Rien que les murs nus d'un doute solitaire
Navigateur de l'immobile, du non-être, j'ai voulu annuler l'existence
On m'a retourné une fin de non recevoir, les dieux m'ont jugé sans prestance
Mais j'ai jeté la corde à ta place, ce n'était pas le doute, ce n'était pas la crainte
C'était mon second choix, peut-être ma plus belle étreinte
Un masque, tout près de moi, collé à mon visage
S'est brisé en silence dans un heureux présage
C'était la liberté, ma vie retrouvée, le bonheur qui se grave dans l'ivoire des os
Je savais qui j'étais, je t'avais là tout près, pour me faire exister bien au-delà des mots
C'était un tout indicible qui a saisi ma vie, a jeté sur tes lèvres mon destin
Un masque, plus loin, beaucoup plus loin, à mille éternités de là
S'est terni tout d'un coup, au son puissant du glas
Ce n'était pas grand chose, tout juste quelques ratures sur un vieux manuscrit
Deux histoires parallèles qui se confondent, la dualité qui recouvre l'esprit
J'étais pourtant perdu, enclavé dans l'immense abîme
D'un refus obstiné, d'un monde ayant perdu ses rimes
Je n'ai plus aucun droit, je veux dès aujourd'hui n'exister que pour toi
Que les aurores foulent chaque matin le rêve dont j'étais le roi
Moi j'ai abandonné ma personne, je l'ai laissée pour toi
Je rôde désormais sur les bords de ton coeur, où s'est portée ma foi
Il y avait des vies avant, et toutes avaient pour ciel un désespoir funeste
J'y emmitouflais mon âme, comme on jetterait sur soi une vulgaire veste
Un sillon parmi le vide, la trace de mes pas sur le manteau du temps
Je ne rencontrais plus personne, je vivais sur un monde vierge d'habitants
Capuche sur la tête, sur les chemins célestes, et vacuité au coeur
J'allais droit au néant où chaque sentiment est un affluent de la peur
Et ce vertige sans aplomb, un vertige du milieu, d'un infini sans directions
L'angoisse qu'on ne sème jamais, qui bâtit sa maison sur le terreau de nos fictions
La vérité n'existait plus que comme une lueur lointaine
Dans les battements de coeur d'existences foraines
Je les ai chéri plus que le monde issu de mes mensonges
Jusqu'à ce que mon trou noir à coups d'indétermination les ronge
J'étais un fragment d'humain, une part de coeur, quelques cellules encore
Déclinant, refusant la vie et bien trop impuissant pour accepter la mort
Il n'y avait plus rien dans mon univers
Rien que les murs nus d'un doute solitaire
Navigateur de l'immobile, du non-être, j'ai voulu annuler l'existence
On m'a retourné une fin de non recevoir, les dieux m'ont jugé sans prestance
Mais j'ai jeté la corde à ta place, ce n'était pas le doute, ce n'était pas la crainte
C'était mon second choix, peut-être ma plus belle étreinte
Un masque, tout près de moi, collé à mon visage
S'est brisé en silence dans un heureux présage
C'était la liberté, ma vie retrouvée, le bonheur qui se grave dans l'ivoire des os
Je savais qui j'étais, je t'avais là tout près, pour me faire exister bien au-delà des mots
mardi 30 avril 2013
Aphorismes ferroviaires
Le monde du bienheureux est un tout fait de qualités incommensurables; l'homme heureux vit, il ne compare pas.
La lassitude de vivre naît de la lutte incessante de l'individu contre l'entropie.
Je renonce à vivre en homme, puissé-je retrouver le végétal qui est en moi.
Si l'âme était une chose, j'aimerais beaucoup voir son reflet, mais je crois qu'elle n'est rien, je crois qu'elle est voilà tout.
Il y a des nuits qu'il faut traverser de part en part, sans jamais fermer l'oeil; il y a des aurores que l'on ne saurait manquer.
Dans tous les mondes qui tournent autour de systèmes solaires, sur les bras de tant de galaxies, il a fallu que ce soit dans tes yeux que j'élise domicile.
Si aucun papier ne capturait mes pensées, aurais-je tout de même pensé?
Qui est ce "je" qui devance sans cesse ma conscience, quel est cet être dont je suis un effet?
La liberté est l'effet d'une rétroaction.
Dans tes cheveux, dans tes cheveux... Dans tes cheveux je veux m'endormir, l'espace d'une éternité et des poussières.
Qui respire pour moi, malgré moi?
La vie est si mal faite qu'elle est son propre esclave...
La compréhension est une certaine modalité de la croyance.
J'ai les ongles sales à force d'avoir gratté le monde; mais il n'y a rien derrière les choses, c'est toujours le monde qui se tient là.
J'aimerais écrire pour les autres, peut-être alors écrirais-je mieux? J'aimerais vivre pour les autres, peut-être alors vivrais-je mieux...
La lassitude de vivre naît de la lutte incessante de l'individu contre l'entropie.
Je renonce à vivre en homme, puissé-je retrouver le végétal qui est en moi.
Si l'âme était une chose, j'aimerais beaucoup voir son reflet, mais je crois qu'elle n'est rien, je crois qu'elle est voilà tout.
Il y a des nuits qu'il faut traverser de part en part, sans jamais fermer l'oeil; il y a des aurores que l'on ne saurait manquer.
Dans tous les mondes qui tournent autour de systèmes solaires, sur les bras de tant de galaxies, il a fallu que ce soit dans tes yeux que j'élise domicile.
Si aucun papier ne capturait mes pensées, aurais-je tout de même pensé?
Qui est ce "je" qui devance sans cesse ma conscience, quel est cet être dont je suis un effet?
La liberté est l'effet d'une rétroaction.
Dans tes cheveux, dans tes cheveux... Dans tes cheveux je veux m'endormir, l'espace d'une éternité et des poussières.
Qui respire pour moi, malgré moi?
La vie est si mal faite qu'elle est son propre esclave...
La compréhension est une certaine modalité de la croyance.
J'ai les ongles sales à force d'avoir gratté le monde; mais il n'y a rien derrière les choses, c'est toujours le monde qui se tient là.
J'aimerais écrire pour les autres, peut-être alors écrirais-je mieux? J'aimerais vivre pour les autres, peut-être alors vivrais-je mieux...
jeudi 18 avril 2013
Le port
Sors moi de ma prison et de ses murs qui sont mes horizons
Partout où je regarde, je ne vois que la longue platitude de ma solitude
Je marche dans un désert et ne m'avance jamais que vers moi-même
Sors-moi de cet enfer, de cette vacuité qui s'immisce partout
Laisse-moi percevoir autre chose, ta silhouette en volutes
L'amour dans tes yeux qui existe tellement plus qu'aucun de mes tourments
Je n'ai pas de nom, pas de maison, ni même aucun visage
Je suis un masque impersonnel sur lequel s'impriment des paysages
Accepterais-tu d'y incruster le tien, de devenir mon éternel ancrage
Partout où je regarde, je ne vois que la longue platitude de ma solitude
Je marche dans un désert et ne m'avance jamais que vers moi-même
Sors-moi de cet enfer, de cette vacuité qui s'immisce partout
Laisse-moi percevoir autre chose, ta silhouette en volutes
L'amour dans tes yeux qui existe tellement plus qu'aucun de mes tourments
Je n'ai pas de nom, pas de maison, ni même aucun visage
Je suis un masque impersonnel sur lequel s'impriment des paysages
Accepterais-tu d'y incruster le tien, de devenir mon éternel ancrage
mardi 16 avril 2013
Cet homme
La vie sans toi n'est qu'une mort qui se répète inlassablement
Je me désagrège petit à petit
Le monde, partout, est sans saveur
Je n'ai plus d'autre volonté que de récupérer ma vie
Je n'ai plus d'autre force que de rêver de toi
Il n'y a plus rien dans ma tête que nos souvenirs heureux
Il n'y a plus de monde pour moi, il n'y a plus rien
Comment pourrais-je vivre avec moi-même désormais
Moi qui ai laissé partir un amour qui ne s'échange pas
Je me regarde dans la glace et je me déteste
Je ne vois plus que l'homme qui t'as laissé partir
Je ne vois plus que l'animal qui se roule par terre
Se drape dans la douleur, ne sait plus avancer
S'invente un monde où tu serais partout
Ne me laisse pas vivre avec lui
Face à ses yeux tristes et fatigués
Face à cette humanité éthérée qu'un rien fait trembler
Ne me laisse pas seul avec ce fou
Qui ne sait pas quoi faire pour prolonger son rêve
Cet homme qui n'est pas moi
Qui n'est qu'un moi sans toi
Une vie en suspens
Je me désagrège petit à petit
Le monde, partout, est sans saveur
Je n'ai plus d'autre volonté que de récupérer ma vie
Je n'ai plus d'autre force que de rêver de toi
Il n'y a plus rien dans ma tête que nos souvenirs heureux
Il n'y a plus de monde pour moi, il n'y a plus rien
Comment pourrais-je vivre avec moi-même désormais
Moi qui ai laissé partir un amour qui ne s'échange pas
Je me regarde dans la glace et je me déteste
Je ne vois plus que l'homme qui t'as laissé partir
Je ne vois plus que l'animal qui se roule par terre
Se drape dans la douleur, ne sait plus avancer
S'invente un monde où tu serais partout
Ne me laisse pas vivre avec lui
Face à ses yeux tristes et fatigués
Face à cette humanité éthérée qu'un rien fait trembler
Ne me laisse pas seul avec ce fou
Qui ne sait pas quoi faire pour prolonger son rêve
Cet homme qui n'est pas moi
Qui n'est qu'un moi sans toi
Une vie en suspens
samedi 13 avril 2013
Alternatives
En combien de ruelles sombres la ville garde-t-elle des souvenirs de moi?
Combien de portes ont accroché sur leur verticalité des rêves de vies possibles?
Où me suis-je perdu dans ce monde, dans quel pays inconnu, gît un avenir probable?
Dans le coeur de combien de femmes dorment des rêves morts-nés dont on ne sait faire le deuil?
Les parcs urbains ont leur secrets, leurs lourds sentiments qui s'enfoncent sous la terre,
Des joies tout entières, qui dansent dans les allées, sur les carrés d'herbe fraîche,
Au-dessus des couloirs de métro remplis à ras bord d'une rance résignation.
Dans quelle enclave oubliée du système hiérarchique, implacable, se terre la liberté?
Où est donc passée la confiance et la valeur de l'autre que l'on veut voir briller?
Les brumes du monde entier, qui viennent étouffer la grande mangeuse dans son réveil douloureux
Sont autant de portes dérobées menant au-delà des journées ordinaires
Sont-ils nombreux à s'en saisir pour se parer d'un épais nuage opaque, sombre comme un mystère.
Sur chaque trottoir poussent des milliards d'ombres accrochées au pavé
Chaque pas pressé laisse derrière lui une réalité indéterminée ne demandant qu'à advenir.
Combien de mondes avons-nous ainsi renié et oublié dans l'antichambre de la réalité?
Les couloirs de nos immeubles sont pleins d'échos de déterminations fatiguées,
Plantées devant des portes fermées, donnant sur des boîtes où l'on range les humains:
La folie au 19, l'amour au rez de chaussée, un grain de misère dans l'embrasure de telle porte.
Pendant que l'organisation savante de chaque cités hurlantes impose sa grille de lecture
L'âme du monde sommeille quelque part, dans les caboches usés de travailleurs en retard;
Dans quelques regards vagues qui semblent vous traverser, sans horizon ni destination,
Dans quelques pensées clandestines qui osent encore s'insurger contre une nécessité sans coeur.
Combien de portes ont accroché sur leur verticalité des rêves de vies possibles?
Où me suis-je perdu dans ce monde, dans quel pays inconnu, gît un avenir probable?
Dans le coeur de combien de femmes dorment des rêves morts-nés dont on ne sait faire le deuil?
Les parcs urbains ont leur secrets, leurs lourds sentiments qui s'enfoncent sous la terre,
Des joies tout entières, qui dansent dans les allées, sur les carrés d'herbe fraîche,
Au-dessus des couloirs de métro remplis à ras bord d'une rance résignation.
Dans quelle enclave oubliée du système hiérarchique, implacable, se terre la liberté?
Où est donc passée la confiance et la valeur de l'autre que l'on veut voir briller?
Les brumes du monde entier, qui viennent étouffer la grande mangeuse dans son réveil douloureux
Sont autant de portes dérobées menant au-delà des journées ordinaires
Sont-ils nombreux à s'en saisir pour se parer d'un épais nuage opaque, sombre comme un mystère.
Sur chaque trottoir poussent des milliards d'ombres accrochées au pavé
Chaque pas pressé laisse derrière lui une réalité indéterminée ne demandant qu'à advenir.
Combien de mondes avons-nous ainsi renié et oublié dans l'antichambre de la réalité?
Les couloirs de nos immeubles sont pleins d'échos de déterminations fatiguées,
Plantées devant des portes fermées, donnant sur des boîtes où l'on range les humains:
La folie au 19, l'amour au rez de chaussée, un grain de misère dans l'embrasure de telle porte.
Pendant que l'organisation savante de chaque cités hurlantes impose sa grille de lecture
L'âme du monde sommeille quelque part, dans les caboches usés de travailleurs en retard;
Dans quelques regards vagues qui semblent vous traverser, sans horizon ni destination,
Dans quelques pensées clandestines qui osent encore s'insurger contre une nécessité sans coeur.
vendredi 12 avril 2013
Le voilier immobile
Je ne réfléchis plus aux images
Elles viennent toutes seules
Et tant pis si ce sont des naufrages
Le naufrage est encore synonyme d'existence
Que ne ferais-je pour être fait
Fait de toute heure et de chaque instance
Je végète seul, je vois la vie s'écouler loin de moi
Allergique aux vivants, je ne tolère plus leur bruit
Mon lac est silencieux, empli d'une faune endormie
Quelques échos de vous-même s'immiscent dans ma république
Je m'y balance comme à un rythme lent, une douce musique
Sur l'océan de vos murmures, je traîne mon cœur aphasique
Elles viennent toutes seules
Et tant pis si ce sont des naufrages
Le naufrage est encore synonyme d'existence
Que ne ferais-je pour être fait
Fait de toute heure et de chaque instance
Je végète seul, je vois la vie s'écouler loin de moi
Allergique aux vivants, je ne tolère plus leur bruit
Mon lac est silencieux, empli d'une faune endormie
Quelques échos de vous-même s'immiscent dans ma république
Je m'y balance comme à un rythme lent, une douce musique
Sur l'océan de vos murmures, je traîne mon cœur aphasique
mardi 9 avril 2013
Regarder vivre les autres
J'ai toujours aimé regarder vivre les autres , je me poste à la fenêtre la nuit tombée, j'observe les fenêtres éclairées comme autant d'univers possibles, avec de vraies personnes à l'intérieur, avec de vraies vies qui ne sont pas rêvées comme la mienne, mais vécues pour de bon. C'est tellement plus facile de se pencher sur le sillon des autres, en spectateur, en amateur, en amoureux averti. La lumière de vos pièces, se réfléchit jusqu'à mes yeux indiscrets, me permet de sortir de moi même, au moins partiellement. Je regarde ma jambe contre le radiateur en dessous de la fenêtre, elle me semble appartenir à un autre, tel un objet étranger; j'ai besoin de la toucher, de la frapper pour me sentir. Quelque chose me parvient, mais je ne saurais dire s'il s'agit bien de moi. J'ai toujours aimé les coups, la souffrance, pour me rappeler au moins que je suis en vie. Je n'ai jamais été autant en moi que lorsque je boxais. La possibilité de l'acte se confondant avec son actualité. Il n'y a pas de projection dans le combat, ou si peu, une projection d'un instant, un déchirement de l'être qui précède la plénitude du geste réellement esquissé. Boum! Le coup part, il s'agit de nous-même, de la pointe du pied jusqu'au centre de l'esprit. Redoutable machine que l'être humain en action, tout de muscles, de nerfs et de volonté affirmée. Je comprends les luttes, la violence des uns contre les autres, elle nous fait tellement exister. Parfois, je me surprend à regretter les moments de douleur, où l'on pose le genoux à terre, où l'on hésite à se lamenter sur son sort, à se penser, à se représenter sa propre souffrance pour en faire plus que ce qu'elle n'est. Une fraction de seconde seulement, puis on se met debout dans les hurlements intérieurs, la rage nous relie à nous-même, nous réintègre de force, on EST! De toute sa puissance... Je me souviens avec délectation, comme j'ai pu être destructeur, vicieux, à l'appel du sang, guidé par un instinct artificiel, façonné par des heures d'entraînement, de conditionnement. Le corps, instrument de perfection, fondu dans l'esprit, obéissant à la volonté dans un battement de cil, mieux, dans un éclat de l'être, il est déjà trop tard, le coup est parti, plus le temps d'y penser.
Suis-je capable de me posséder? Puis-je guider seul cette énergie? Le corps n'a que faire d'une volonté qui ne s'ajuste pas à lui.
Je regarde la fenêtre mais je ne me sens pas. Je suis ailleurs, dans les chambres éclairées, en train de peindre un monde empli de vies par procuration que je revêt comme un costume, le temps d'un viol, le temps d'une course à travers l'être. Je vibre mais ne me sens pas. Je m'éparpille sans cesse loin de moi. Je crois en tout sauf en moi-même, je suis mon propre apostat. Je regarde le ciel qui est, à quelques heures d'ici, le même que tu contemples peut-être, et je veux croire en toi. Si je dois choisir une croyance dans cette vie c'est toi. Je crois que tu es belle, je crois que tu es bonne, je crois que tu es douce, gracieuse, pleine d'égard, pleine de vie bien dosée, répartie harmonieusement à travers le corps que tu épouses. Tu portes ton âme dans chacun de tes membres. Je veux croire en toi, ne plus voir que ta vie, en devenir le spectateur, même en imagination, je me contente de l'imagination, elle est chez moi ce qu'il y a de plus beau. Le monde dans lequel tu aimerais vivre, je le bâtis en moi, virtuellement, avec mes zéros et mes uns, mes oui et mes non, tous mes ponts oniriques. Je n'ai plus rien où m'incarner. J'ai quelque difficulté à admettre que je m'incarnais si bien en machine à détruire. J'ai retrouvé ma rapidité d'antan, je la fais exploser quand bon me semble, je me souviens comment jeter une pluie de coups dans un instant brutal pour partir hors d'atteinte, et revenir plus fort, saper les fondations, faire tomber l'autre comme un arbre trop creux; je n'étais bon qu'à aspirer la vie. Je me rappelle la douleur comme un souvenir lointain, se répercutant d'un bout à l'autre de ma carcasse, enracinant mon âme dans chacune de mes cellules. Plus de pensée, plus de jeu, plus de masques, de déchirements et d'attentes, juste l'action désintégrante, le blietz de la violence.
Mais dehors tout est calme, tout semble rester en soi pour le mieux, chaque chose se satisfait de sa superficie. Je suis le seul à troubler la surface de cette nuit de mes vibrations en colère, de ma frustration que je peins si vaste et qui, finalement, s'enfuit de moi sans vagues, comme l'air d'une baudruche. On appelle cela l'entropie. Mon système clos sur lui-même est percé, mon énergie s'enfuit pour s'homogénéiser dans le reste de l'univers; je me dégonfle, je fais du bruit en moi-même, mais je ne gêne personne. Une pensée me fait sourire: je me suis figuré telle une comète trop statique, passant dans le ciel avec la lenteur des pachydermes, puis, d'un coup, s'élançant à une vitesse ahurissante pour une seconde seulement, avant de reprendre son rythme laborieux. C'est cela mon existence, tantôt fulgurante, tantôt annulée, bien trop souvent annulée.
Et vous? À quoi peut bien ressembler votre vie? Est-elle assortie à la tonalité chaleureuse de votre salon, à la teinte orangée de votre lumière? Et que voyez-vous de ma présence? Elle est filtrée par les rideaux de mon salon, que je n'ai pas choisis. Je n'ai rien choisi chez moi, je choisis de ne jamais rien choisir car je me sais incapable d'assumer un quelconque choix. Il y a même une femme que j'aime et que je n'ai pas su choisir. D'autres choisiront pour moi, et si personne ne le fait, je m'éteindrais doucement, sans un bruit, dans le hurlement de ma volonté brisée. Ecrire est une lâcheté de plus à laquelle je consens pour me donner consistance. En attendant, d'autres choisissent, et prennent pour destination mon ange aux cheveux sinueux. La nuit s'évanouit, elle disparaît dans la clarté, peut-être en a-t-elle assez, elle aussi, que je la dévisage. Le monde n'aime pas les voyageurs clandestins, qui embarquent sans payer, qui n'ont pas de fonction, qui vivent en parasites. Même la nuit veux divorcer de moi, comment pourrais-je t'en vouloir... Vous êtes tous fermes et décidés, et j'ai beau dire que je n'aime pas ça, au fond ce sont bien vos choix qui me maintiennent en vie. J'ai un voisin fou qui marche sous ma fenêtre, qui marche sous nos vies, mais peut-être que je marche bien plus bas encore. Lui va encore vers les autres, et passe le nez sous le voile de sa tristesse. Je me plains de ne pas avoir de quoi vivre mais qu'en ferais-je au final? Le monde est rempli de spectacles que personne ne veut voir. J'existe, peut-être, quelque part, derrière un rideau de vie, dans un envers du décor, d'une existence à rebours. Je suis né quelque chose et je deviens néant.
Mais je veux croire en toi, en la beauté, en tes mains et leur ligne de vie. Je veux me souvenir de toi à chaque instant, pouvoir me réfugier dans tes souvenirs, dans tes froissements de tissus, dans tes baisers, dans tes effluves de douceur, dans tes yeux si profonds, tes yeux qui sont pareils à mille nuits superposées. Je ne demande rien de plus, qu'un rêve auquel m'accrocher, un îlot d'assurance dans l'océan du doute infini. Je veux penser à toi et me transporter dans ta maison, dans tes habits, dans tes draps, dans ton désordre féminin et ses mystères qui n'en sont pas. Je te demande asile, au moins pour mon esprit, lui qu'aucune porte ne saurait empêcher d'entrer. Je veux être le fantôme qui hantera tes jours et tes nuits, pendu à ton sourire, pendu à tes songes; tapi dans l'ombre d'un amour que tu rappelle à toi juste pour être sûre qu'il est bien mort enfin.
Suis-je capable de me posséder? Puis-je guider seul cette énergie? Le corps n'a que faire d'une volonté qui ne s'ajuste pas à lui.
Je regarde la fenêtre mais je ne me sens pas. Je suis ailleurs, dans les chambres éclairées, en train de peindre un monde empli de vies par procuration que je revêt comme un costume, le temps d'un viol, le temps d'une course à travers l'être. Je vibre mais ne me sens pas. Je m'éparpille sans cesse loin de moi. Je crois en tout sauf en moi-même, je suis mon propre apostat. Je regarde le ciel qui est, à quelques heures d'ici, le même que tu contemples peut-être, et je veux croire en toi. Si je dois choisir une croyance dans cette vie c'est toi. Je crois que tu es belle, je crois que tu es bonne, je crois que tu es douce, gracieuse, pleine d'égard, pleine de vie bien dosée, répartie harmonieusement à travers le corps que tu épouses. Tu portes ton âme dans chacun de tes membres. Je veux croire en toi, ne plus voir que ta vie, en devenir le spectateur, même en imagination, je me contente de l'imagination, elle est chez moi ce qu'il y a de plus beau. Le monde dans lequel tu aimerais vivre, je le bâtis en moi, virtuellement, avec mes zéros et mes uns, mes oui et mes non, tous mes ponts oniriques. Je n'ai plus rien où m'incarner. J'ai quelque difficulté à admettre que je m'incarnais si bien en machine à détruire. J'ai retrouvé ma rapidité d'antan, je la fais exploser quand bon me semble, je me souviens comment jeter une pluie de coups dans un instant brutal pour partir hors d'atteinte, et revenir plus fort, saper les fondations, faire tomber l'autre comme un arbre trop creux; je n'étais bon qu'à aspirer la vie. Je me rappelle la douleur comme un souvenir lointain, se répercutant d'un bout à l'autre de ma carcasse, enracinant mon âme dans chacune de mes cellules. Plus de pensée, plus de jeu, plus de masques, de déchirements et d'attentes, juste l'action désintégrante, le blietz de la violence.
Mais dehors tout est calme, tout semble rester en soi pour le mieux, chaque chose se satisfait de sa superficie. Je suis le seul à troubler la surface de cette nuit de mes vibrations en colère, de ma frustration que je peins si vaste et qui, finalement, s'enfuit de moi sans vagues, comme l'air d'une baudruche. On appelle cela l'entropie. Mon système clos sur lui-même est percé, mon énergie s'enfuit pour s'homogénéiser dans le reste de l'univers; je me dégonfle, je fais du bruit en moi-même, mais je ne gêne personne. Une pensée me fait sourire: je me suis figuré telle une comète trop statique, passant dans le ciel avec la lenteur des pachydermes, puis, d'un coup, s'élançant à une vitesse ahurissante pour une seconde seulement, avant de reprendre son rythme laborieux. C'est cela mon existence, tantôt fulgurante, tantôt annulée, bien trop souvent annulée.
Et vous? À quoi peut bien ressembler votre vie? Est-elle assortie à la tonalité chaleureuse de votre salon, à la teinte orangée de votre lumière? Et que voyez-vous de ma présence? Elle est filtrée par les rideaux de mon salon, que je n'ai pas choisis. Je n'ai rien choisi chez moi, je choisis de ne jamais rien choisir car je me sais incapable d'assumer un quelconque choix. Il y a même une femme que j'aime et que je n'ai pas su choisir. D'autres choisiront pour moi, et si personne ne le fait, je m'éteindrais doucement, sans un bruit, dans le hurlement de ma volonté brisée. Ecrire est une lâcheté de plus à laquelle je consens pour me donner consistance. En attendant, d'autres choisissent, et prennent pour destination mon ange aux cheveux sinueux. La nuit s'évanouit, elle disparaît dans la clarté, peut-être en a-t-elle assez, elle aussi, que je la dévisage. Le monde n'aime pas les voyageurs clandestins, qui embarquent sans payer, qui n'ont pas de fonction, qui vivent en parasites. Même la nuit veux divorcer de moi, comment pourrais-je t'en vouloir... Vous êtes tous fermes et décidés, et j'ai beau dire que je n'aime pas ça, au fond ce sont bien vos choix qui me maintiennent en vie. J'ai un voisin fou qui marche sous ma fenêtre, qui marche sous nos vies, mais peut-être que je marche bien plus bas encore. Lui va encore vers les autres, et passe le nez sous le voile de sa tristesse. Je me plains de ne pas avoir de quoi vivre mais qu'en ferais-je au final? Le monde est rempli de spectacles que personne ne veut voir. J'existe, peut-être, quelque part, derrière un rideau de vie, dans un envers du décor, d'une existence à rebours. Je suis né quelque chose et je deviens néant.
Mais je veux croire en toi, en la beauté, en tes mains et leur ligne de vie. Je veux me souvenir de toi à chaque instant, pouvoir me réfugier dans tes souvenirs, dans tes froissements de tissus, dans tes baisers, dans tes effluves de douceur, dans tes yeux si profonds, tes yeux qui sont pareils à mille nuits superposées. Je ne demande rien de plus, qu'un rêve auquel m'accrocher, un îlot d'assurance dans l'océan du doute infini. Je veux penser à toi et me transporter dans ta maison, dans tes habits, dans tes draps, dans ton désordre féminin et ses mystères qui n'en sont pas. Je te demande asile, au moins pour mon esprit, lui qu'aucune porte ne saurait empêcher d'entrer. Je veux être le fantôme qui hantera tes jours et tes nuits, pendu à ton sourire, pendu à tes songes; tapi dans l'ombre d'un amour que tu rappelle à toi juste pour être sûre qu'il est bien mort enfin.
dimanche 7 avril 2013
Rien ne va plus
Je ne dois pas m'arrêter, pas même une seconde, ne comprenez-vous pas que sinon je n'existe pas?
Vous ne me voyez nulle part, je suis inétendu, inextensif, marié avec le temps, divorcé de l'espace;
Ma vie est intermittente, comme le curseur sur cet écran qui ne brille que pour céder la place au néant;
Au bout d'un moment il ne restera que les lettres, mêmes les souvenirs seront morts, ont-ils seulement vécu?
Je suis un faisceau d'instantanés prélevés sur le flux de l'instant, je n'existe que par fragment.
Le moi? C'est un effort d'imagination, d'empaquetage du passé dans un objet fictif.
Imaginez un monde où toutes les lois sont inversées, où vivre consiste à désapprendre.
Imaginez tout et n'importe quoi, tout est possible et chaque possible a une vie dans l'esprit.
Vient toujours un jour, car il en faut toujours un, où votre rêve heurte une parcelle de matière,
Vous rencontrez alors la dure réalité; son altérité rebelle et infidèle à la volonté;
Il faut tant de talent, et tant de temps aussi, pour parvenir enfin à la violer, moi je n'ai rien de tout ça.
Mais le souffle est là, jamais il ne tarit, je respire dans la pulsation des étoiles, j'ai le rêve intersidéral.
Dès que le vent souffle sur ma vie, mon château éthéré se disperse dans les voiles du temps
J'ai trop flirté avec l'indétermination, au point de m'en être rendu insaisissable, impossible à aimer.
On aime des qualités chez les autres, la dynamique nous échappe toujours un peu,
Chacune des miennes ne fut qu'un dépôt offert à l'oubli sur ma trajectoire de nomade.
Restera-t-il accroché à tes oreilles, le long de tes cheveux, quelques trilles de nos fou rires?
Quelque écho de ma voix qui avait su grâce à toi se fixer sur une tonalité particulière?
Les paroles me manquent, celles de cette histoire, de cette silhouette que tu peignais de moi.
J'ai mérité mon sort, je suis rangé dans un tiroir du temps
Comme un galet ramassé un jour au bord d'une rivière, et qu'on ne porte plus sur soi.
Toutes ces vies avortées, si toutes m'ont tournées le dos, moi je n'en ai renié aucune.
Je te porte dans mon coeur comme un soleil brun qui couve en lui plus de chaleur qu'une supernovae.
Tu es une phrase musicale, une atmosphère où mon bonheur reste pour toujours enveloppé.
C'est un certain parfum, des gestes esquissés, des mèches de cheveux bouclés qui fouettent l'air follement,
La démarche chaloupée d'une chatte charmeuse, la silhouette d'une gitane qui danse dans la fumée,
Une façon de contraindre l'univers à se pencher sur toi, une façon bien à toi de posséder offerte.
Quant à moi qui suis-je? Un règne ponctuel dans une danse de mâle, élu un peu par hasard et sûrement par erreur?
Je fais une pause vespérale en regardant dehors, la nuit est belle, pleine d'étoiles coruscantes,
Sa présence, lourde et légère en même temps, me rappelle un peu toi.
La Terre aujourd'hui est un paradis fermé, un enfer qui n'existe plus, un éternel purgatoire où je traîne mon ombre.
Tel un spectre, je déambule dans les rues bondées, arborant les masques de tant de personnes en moi.
Je croise le regard troublé des passants qui me scrutent, je vois leur rétine s'agrandir démesurément
Pour capter un éclat, celui de quelque chose, mais mon trou noir retient tous les photons, je suis abîme sans lumière.
Circulez, il n'y a rien à voir, ne vous donnez pas le vertige pour un rien, continuez votre chemin.
J'ai remarqué hier non sans quelque effroi, que ma poitrine est vide, aucun coeur n'y bat plus.
Je crois que le rythme de ma vie est parti lorsque tu l'as quittée.
Il n'y a plus de musique, je suis un instrument désaccordé.
Je reste une caisse de résonance silencieuse, la délinéation indéterminée d'une forme de forme.
J'ai trop déçu cet univers en refusant ses règles les plus élémentaires
Je m'exile de moi-même, je cherche ailleurs mes particules élémentaires,
D'autres saisons, d'autres révolutions, d'autres vies peut-être, encore à inventer...
Sur le vaisseau de mes jambes, je pars aux confins de l'univers, je cherche un autre espace;
Un monde sans mouvement, sans temporalité, une sorte de fixité minérale.
J'ai tellement honte d'habiter encore ici, d'y recevoir du courrier.
Je suis un gâchis de temps pour les autres, la société, tous ces braves gens.
Pourquoi ne pas laisser ma place me dis-je, c'est bien ce que j'essaye de faire.
Mais il me manque l'espoir d'un ailleurs, où je pourrais dormir, où le poids des lois physiques me clouerait sur place, me rendrait immobile.
J'inventerais bien ce monde mais je suis de cette planète et de ces galaxies qui dansent sur le temps.
Je ne suis pas assez dieu pour retourner l'étant et faire advenir un nouveau paradigme.
Je suis une somme d'utopies, voilà tout, un trop plein de volonté.
Il n'y a ni perte ni gain possible pour les gens comme moi, au jeu de la vie je reste le croupier.
J'offre des possibles, je vous vois perdre et gagner: faites vos jeux, rien ne va plus, je n'ai plus rien à perdre.
Vous ne me voyez nulle part, je suis inétendu, inextensif, marié avec le temps, divorcé de l'espace;
Ma vie est intermittente, comme le curseur sur cet écran qui ne brille que pour céder la place au néant;
Au bout d'un moment il ne restera que les lettres, mêmes les souvenirs seront morts, ont-ils seulement vécu?
Je suis un faisceau d'instantanés prélevés sur le flux de l'instant, je n'existe que par fragment.
Le moi? C'est un effort d'imagination, d'empaquetage du passé dans un objet fictif.
Imaginez un monde où toutes les lois sont inversées, où vivre consiste à désapprendre.
Imaginez tout et n'importe quoi, tout est possible et chaque possible a une vie dans l'esprit.
Vient toujours un jour, car il en faut toujours un, où votre rêve heurte une parcelle de matière,
Vous rencontrez alors la dure réalité; son altérité rebelle et infidèle à la volonté;
Il faut tant de talent, et tant de temps aussi, pour parvenir enfin à la violer, moi je n'ai rien de tout ça.
Mais le souffle est là, jamais il ne tarit, je respire dans la pulsation des étoiles, j'ai le rêve intersidéral.
Dès que le vent souffle sur ma vie, mon château éthéré se disperse dans les voiles du temps
J'ai trop flirté avec l'indétermination, au point de m'en être rendu insaisissable, impossible à aimer.
On aime des qualités chez les autres, la dynamique nous échappe toujours un peu,
Chacune des miennes ne fut qu'un dépôt offert à l'oubli sur ma trajectoire de nomade.
Restera-t-il accroché à tes oreilles, le long de tes cheveux, quelques trilles de nos fou rires?
Quelque écho de ma voix qui avait su grâce à toi se fixer sur une tonalité particulière?
Les paroles me manquent, celles de cette histoire, de cette silhouette que tu peignais de moi.
J'ai mérité mon sort, je suis rangé dans un tiroir du temps
Comme un galet ramassé un jour au bord d'une rivière, et qu'on ne porte plus sur soi.
Toutes ces vies avortées, si toutes m'ont tournées le dos, moi je n'en ai renié aucune.
Je te porte dans mon coeur comme un soleil brun qui couve en lui plus de chaleur qu'une supernovae.
Tu es une phrase musicale, une atmosphère où mon bonheur reste pour toujours enveloppé.
C'est un certain parfum, des gestes esquissés, des mèches de cheveux bouclés qui fouettent l'air follement,
La démarche chaloupée d'une chatte charmeuse, la silhouette d'une gitane qui danse dans la fumée,
Une façon de contraindre l'univers à se pencher sur toi, une façon bien à toi de posséder offerte.
Quant à moi qui suis-je? Un règne ponctuel dans une danse de mâle, élu un peu par hasard et sûrement par erreur?
Je fais une pause vespérale en regardant dehors, la nuit est belle, pleine d'étoiles coruscantes,
Sa présence, lourde et légère en même temps, me rappelle un peu toi.
La Terre aujourd'hui est un paradis fermé, un enfer qui n'existe plus, un éternel purgatoire où je traîne mon ombre.
Tel un spectre, je déambule dans les rues bondées, arborant les masques de tant de personnes en moi.
Je croise le regard troublé des passants qui me scrutent, je vois leur rétine s'agrandir démesurément
Pour capter un éclat, celui de quelque chose, mais mon trou noir retient tous les photons, je suis abîme sans lumière.
Circulez, il n'y a rien à voir, ne vous donnez pas le vertige pour un rien, continuez votre chemin.
J'ai remarqué hier non sans quelque effroi, que ma poitrine est vide, aucun coeur n'y bat plus.
Je crois que le rythme de ma vie est parti lorsque tu l'as quittée.
Il n'y a plus de musique, je suis un instrument désaccordé.
Je reste une caisse de résonance silencieuse, la délinéation indéterminée d'une forme de forme.
J'ai trop déçu cet univers en refusant ses règles les plus élémentaires
Je m'exile de moi-même, je cherche ailleurs mes particules élémentaires,
D'autres saisons, d'autres révolutions, d'autres vies peut-être, encore à inventer...
Sur le vaisseau de mes jambes, je pars aux confins de l'univers, je cherche un autre espace;
Un monde sans mouvement, sans temporalité, une sorte de fixité minérale.
J'ai tellement honte d'habiter encore ici, d'y recevoir du courrier.
Je suis un gâchis de temps pour les autres, la société, tous ces braves gens.
Pourquoi ne pas laisser ma place me dis-je, c'est bien ce que j'essaye de faire.
Mais il me manque l'espoir d'un ailleurs, où je pourrais dormir, où le poids des lois physiques me clouerait sur place, me rendrait immobile.
J'inventerais bien ce monde mais je suis de cette planète et de ces galaxies qui dansent sur le temps.
Je ne suis pas assez dieu pour retourner l'étant et faire advenir un nouveau paradigme.
Je suis une somme d'utopies, voilà tout, un trop plein de volonté.
Il n'y a ni perte ni gain possible pour les gens comme moi, au jeu de la vie je reste le croupier.
J'offre des possibles, je vous vois perdre et gagner: faites vos jeux, rien ne va plus, je n'ai plus rien à perdre.
lundi 1 avril 2013
Aphorismes
La finitude et la finalité, voilà ce que l'homme rajoute au monde.
C'est lorsque les gens n'essaient plus de se comprendre que la douleur s'exprime.
La conscience est l'âme déchirée.
Le monde collabore avec nous, il se marie à notre imagination pour être tel qu'il nous apparaît.
C'est lorsque les gens n'essaient plus de se comprendre que la douleur s'exprime.
La conscience est l'âme déchirée.
Le monde collabore avec nous, il se marie à notre imagination pour être tel qu'il nous apparaît.
dimanche 31 mars 2013
Contre une ontologie verticale
Plus je lis de philosophie et plus je suis contraint de placer cette "science" sur le même plan que les religions. L'ossature même de la philosophie est constituée de penseurs dogmatiques qui sont tous partis de principes a priori, en tentant de les noyer sous le raisonnement pour ceux qui en étaient conscients, ou en devenant dupes d'eux-mêmes pour les autres. Mêmes les grands philosophes sont tombés dans ce piège, bien qu'il y ait des exceptions. Ainsi le projet de la métaphysique, telle qu'elle a été entreprise au cours de l'histoire de la philosophie, a été d'atteindre "le réel le plus réel", les principes même de tout ce qui est. Non content de cela, les philosophes se sont persuadés que certains principes étaient primordiaux, absolus, et ont construit une ontologie verticale, partant du pur et de l'absolu, en descendant vers le secondaire et le non originaire. C'est ainsi que les épicuriens basent leur physique sur le principe de l'atome et du vide, faisant du temps un simple effet du mouvement des corps. Pour parler en terme plus modernes, on peut dire qu'ils fondent leur ontologie sur la matière comme premier principe fondamental (incluant le vide), puis le temps vient en second, relégué au rang "d'accident d'accidents". Bergson prendra le contre-pieds de cette ontologie en réduisant la réalité à la durée, faisant de la matière un certain rythme de durée. D'autres, érigent l'être en principe primordial et originaire. Mais parmi la relative diversité (relative car elle n'est pas si importante) de ces ontologies, ce qui frappe l'attention c'est l'aspect hiérarchique de l'organisation du réel par les philosophes. Il font toujours remonter leur métaphysique à un principe ontologique primordial, transcendantal, se plaçant au sommet de la pyramide de l'être.
Force nous est de constater qu'il est possible de réduire le réel à ces deux abstractions que sont la matière et le temps. Ils semblent être les principes par lesquels nous saisissons rationnellement ce qui est. L'être lui même étant le principe de ces principes. Cependant, il semblerait étonnant de faire de l'être un principe supérieur ou antécédent à la matière et au temps puisqu'il en est constitué. En effet, comment l'être existerait-il si, ni le temps ni la matière n'existait? Que pourrait-il alors bien être? On peut aussi s'interroger, sur la possibilité d'existence d'un temps pris séparément de la matière. Si l'on place la durée comme réalité ontologique première, il nous faut dès lors imaginer une durée sans matière, est-ce seulement possible? L'inverse est aussi vrai, peut-on raisonnablement envisager de la matière sans une durée? Le fait même de penser une matière et de se la représenter implique que la pensée et la représentation s'inscrivent dans une durée. Ainsi, il semble pertinent d'opposer à toutes ces ontologies verticales une ontologie horizontale, comme a pu le faire Spinoza avec la substance et les attributs de la Pensée et de l’Étendue Il apparaîtra alors que l'être se constitue à partir de la matière et du temps dans un système synchronique dont nous ne tenterons pas de faire la genèse. Cette synchronicité est importante puisque c'est elle qui supprime toute préséance d'un principe sur l'autre, il n'y aura plus alors de pertinence à penser un "premier principe". L'être naît de l'interaction entre la matière et le temps qui s'appuient l'un sur l'autre pour être. Chaque principe étant ainsi posé sur le même plan, on peut les voir comme des valeurs saussuriennes, se définissant par un rapport de chaque élément avec l'ensemble des éléments. Ainsi la totalité de l'être n'est définie qu'avec tous ses constituants dans un rapport d'immanence et de réciprocité.
Une telle ontologie aura pour mérite de s'affranchir des velléités absolutistes qui visent à trouver la Vérité du monde, le premier principe de toute chose, en instillant toujours la valeur dans ce qui n'apparaît au final que comme des qualités différentes dont nulle monnaie autre que notre propre jugement arbitraire ne peut exister. Il me semble ainsi possible de partir sur des bases plus saines qui ne consistent plus en une compétition entre philosophes pour savoir qui aura trouvé la réalité la plus transcendantale que les autres, mais de fonder une philosophie qui se veut un dialogue entre les pensées, une exploration de l'être dont les philosophes sont les cartographes qui arpentent une réalité infinie. Nul point sur cette réalité ne brille avec plus d'éclat qu'un autre et chaque lieu visité est une victoire de plus de l'homme sur lui-même, un dépassement de soi rendu accessible à tous.
Force nous est de constater qu'il est possible de réduire le réel à ces deux abstractions que sont la matière et le temps. Ils semblent être les principes par lesquels nous saisissons rationnellement ce qui est. L'être lui même étant le principe de ces principes. Cependant, il semblerait étonnant de faire de l'être un principe supérieur ou antécédent à la matière et au temps puisqu'il en est constitué. En effet, comment l'être existerait-il si, ni le temps ni la matière n'existait? Que pourrait-il alors bien être? On peut aussi s'interroger, sur la possibilité d'existence d'un temps pris séparément de la matière. Si l'on place la durée comme réalité ontologique première, il nous faut dès lors imaginer une durée sans matière, est-ce seulement possible? L'inverse est aussi vrai, peut-on raisonnablement envisager de la matière sans une durée? Le fait même de penser une matière et de se la représenter implique que la pensée et la représentation s'inscrivent dans une durée. Ainsi, il semble pertinent d'opposer à toutes ces ontologies verticales une ontologie horizontale, comme a pu le faire Spinoza avec la substance et les attributs de la Pensée et de l’Étendue Il apparaîtra alors que l'être se constitue à partir de la matière et du temps dans un système synchronique dont nous ne tenterons pas de faire la genèse. Cette synchronicité est importante puisque c'est elle qui supprime toute préséance d'un principe sur l'autre, il n'y aura plus alors de pertinence à penser un "premier principe". L'être naît de l'interaction entre la matière et le temps qui s'appuient l'un sur l'autre pour être. Chaque principe étant ainsi posé sur le même plan, on peut les voir comme des valeurs saussuriennes, se définissant par un rapport de chaque élément avec l'ensemble des éléments. Ainsi la totalité de l'être n'est définie qu'avec tous ses constituants dans un rapport d'immanence et de réciprocité.
Une telle ontologie aura pour mérite de s'affranchir des velléités absolutistes qui visent à trouver la Vérité du monde, le premier principe de toute chose, en instillant toujours la valeur dans ce qui n'apparaît au final que comme des qualités différentes dont nulle monnaie autre que notre propre jugement arbitraire ne peut exister. Il me semble ainsi possible de partir sur des bases plus saines qui ne consistent plus en une compétition entre philosophes pour savoir qui aura trouvé la réalité la plus transcendantale que les autres, mais de fonder une philosophie qui se veut un dialogue entre les pensées, une exploration de l'être dont les philosophes sont les cartographes qui arpentent une réalité infinie. Nul point sur cette réalité ne brille avec plus d'éclat qu'un autre et chaque lieu visité est une victoire de plus de l'homme sur lui-même, un dépassement de soi rendu accessible à tous.
Contre les religions
La religion ne devrait jamais se parer de la raison pour s'inventer une justification aux yeux des sceptiques. On peut facilement concevoir l'utilité d'une religion et de croyances solides sur lesquelles les pas mal assurés de l'homme peuvent se reposer, cependant vouloir mêler l'irrationnel au rationnel de manière voilée me semble une malhonnêteté intellectuelle impardonnable. Le meilleur service que l'on puisse rendre à l'homme qui regarde le monde à travers la lentille de ses croyances et qui en vient à les oublier, à les confondre avec la réalité même, c'est de l'amener fermement mais sans brusquerie à poser les mains sur son visage, afin de se rappeler que nos représentations passent malgré nous par le filtre de nos principes irrationnels, posés devant notre âme même.
Certes la réalité ne semble pas relever de la logique, l'existence, l'être, ne se laissent pas capturer par les mots, seuls quelques éclats fugaces restent retenus dans les mailles de notre langage. Cependant, nous avons les mots et la rationalité discursive afin de pouvoir explorer ensemble le territoire insondable de la réalité. Il nous faut poser des principes ou axiomes qui restent sans démonstration, les montrer comme tels, s'accorder sur eux, définir les concepts, et nous voilà engagés dans une discussion, voyant ensemble ce qu'est le monde vu de cette paire d'yeux. La logique de notre discours nous permet de déterminer ce qui est juste ou non dans nos propos respectifs, c'est pourquoi l'interlocuteur est indispensable et chacune de ses interventions constitue un barreau de l'échelle que nous montons ensemble. Les règles de la rationalité discursive définissent les règles communes d'un dialogue afin que, s'il nous arrive de trébucher sur le tapis de la pensée, l'autre soit là pour nous relever.
Il devrait donc être interdit à un Thomas d'Aquin d'utiliser la raison pour justifier l'existence d'un Bien et d'un Mal en soi, en voulant déguiser ces principes irrationnels sous les habits de la raison. Combien d'erreurs logiques dans son discours que d'aucuns s'efforceront de soutenir avec pour argument ultime, l'ineffable, l'irrationnel, avouant par là qu'ils nous abreuvent de leurs croyances en les enrobant d'une indigeste couche de ratiocination. Le Bien aurait engendré le Mal et les anges si parfaits, pourvus d'une connaissance des principes, sont libres de choisir entre le Bien ou le Mal à leur gré. On interrogerait alors comment, si le Bien est préférable au Mal, pourraient-ils ne pas le choisir du haut de cette connaissance des principes si parfaite? Ou encore, si Bien et Mal sont deux qualités différentes, sur quelle base se fonde leur valeur, quel troisième terme introduit-on pour déterminer quantitativement ce qui relève de l'ordre du qualitatif?
Le Bien et le Mal sont des notions qui n'ont de validité que dans un monde fini spatialement et temporellement. Pour juger d'une action, il faut ainsi juger du point de vue du monde comme totalité et seulement à la fin des temps. Dans le cas contraire, il n'existe que du relatif, à un contexte, à un moment, enfin à une subjectivité. En effet, qui peut dire et juger pour l'autre ce que l'effet de ses actes peut produire sur lui? Qui, en outre, peut prétendre comprendre et connaître tous les effets d'une action, ses répercussions sur la totalité de l'univers (à supposer un univers fini)? Pour une même personne, ce qui est bon dans un contexte donné peut ne pas l'être dans un autre. Chaque contexte constitue un système de données qui interagissent et qui, mises ensemble, donnent un sens à chaque élément du système. Ainsi, changer le moindre élément peut revenir à modifier radicalement le sens d'une action. C'est pourquoi l'amour peut être une force destructrice pour celui qui aime autant que pour l'être aimé. La haine peut donner à un homme l'énergie de défendre sa famille contre d'odieux crimes. La bonté, peut être ressentie comme une humiliation pour celui qui en fait l'objet. Un compliment peut faire basculer la vie d'un homme, le rendre hautain, instiller en lui l'esprit de compétition. Il est possible de multiplier les exemples à l'infini. Le Bien et le Mal apparaissent ainsi comme de grossières abstractions géométriques d'un réel à la richesse par trop insondable. Quelle présomption que de penser savoir ce qui est bien ou mal à l'égard d'une autre personne, à l'égard du monde. Combien de vanité faut-il à un homme pour se persuader que ce qu'il érige en absolu devrait s'appliquer à chacun, combien d'aveuglement? Les totalitarismes sont nés de telles illusions, de la négation de la richesse d'un monde que l'on voudrait juger au prisme d'une individualité généralisée, étendue à tous. Heureusement, les religions de nos jours n'ont plus la soif des conquêtes qui bouillonne en eux et les pousse à imposer aux autres les murs de leur monde. Mais combien exclusive est la pensée religieuse, qui se persuade que celui qui n'est pas croyant, est dans l'erreur, sera puni dans l'au-delà? Cette même pensée qui parle de communion et d'amour du prochain mais qui pourtant ne se décide à tendre la main qu'à condition que l'autre accepte de se convertir. Quelle vanité peut aveugler autant les hommes qu'ils se persuadent de détenir la vérité, qu'il y a un absolu correspondant à leur définition et que le reste n'est qu'illusion?
Un autre exemple révélateur est le cas de la prière, pratiquée par les religieux afin d'être guidés, afin que Dieu leur donne la force d'agir conformément à ce qui est Bon, c'est qu'ils ne perçoivent pas la contradiction qui existe entre leur interprétation de la prière et le sens immédiat de cet acte. Ils prétendent être libres mais n'avoir pas toujours la force d'agir conformément au Bien, ainsi la prière est le moyen qu'ils ont afin que Dieu intercède en leur faveur. Mais de ce rituel on peut tirer deux interprétations immédiates et évidentes: soit l'homme n'a effectivement pas la capacité d'agir conformément au Bien par lui-même, et il est contraint dans ce cas d'aller puiser la force nécessaire au sein de Dieu, et alors il n'était pas libre dès le départ, ou d'une étrange liberté analogue à celle du nouveau né "libre" de se nourrir tout seul. Ou bien il possède déjà la force en lui et la prière n'est qu'un rituel lui permettant de trouver en lui ce qu'il ne savait trouver sans cet intermédiaire. Mais alors il est assez évident que la prière est un rituel interchangeable, auquel on peut substituer tout autre rituel pourvu qu'on croit suffisamment en lui. On pourrait tout aussi bien avoir une pensée pour la planète Terre ou encore prendre sept grandes inspirations et parvenir par ce rituel à mobiliser la force qui est déjà en nous. La plupart vous répondront qu'ils sont libres et que Dieu n'est pas hors d'eux mais en eux: "tu étais plus intime que l'intime de moi-même", faisant pencher la balance pour l'interprétation de la prière comme rituel d'accès à soi. Cette phrase, dans toute sa contradiction montre encore comment on tente de justifier l'irrationnel par la raison, c'est à dire ce qui devrait être reconnu comme une croyance indémontrable par un discours se voulant rationnel. Probablement les religieux auraient tout à gagner s'ils se rendaient compte que c'est eux qui agissent au final, et que le rituel de la prière est une manière pour eux de balayer cette représentation d'eux-même comme être faible et incapable d'agir en vue du Bien. Par la prière, ils se croient plus forts et alors le deviennent effectivement. Combien libérés ils seraient s'ils pouvaient concevoir qu'ils sont eux-mêmes leur propre Dieu, et que ce dernier n'est qu'un prétexte remplaçable afin qu'ils s'envisagent tels qu'ils sont: infiniment puissants. À ce communautarisme qui divise l'humain en désirant le réunir par la prétention à juger du réel, à s'arroger le droit de définir l'être selon un concept ultime, primordial, etc.; à tout ce vocabulaire de la domination, il faudrait opposer la lucidité et l'humilité nécessaire à ce que l'homme cesse de s'attribuer une quelconque connaissance sur le réel; le droit à tous de s'émerveiller ou non sur le fait que le monde existe et qu'ils sont
Mais l'homme a peur de se retrouver seul au monde, face à ses responsabilités, face au néant que l'infini rejoint dans un mariage des contraires. L'homme a besoin de faire allégeance, de faire confiance, qu'on le guide dans ses actions, dans ses pensées même. Je ne nie pas que la conscience de la solitude face au "silence déraisonnable" du monde n'est pas un poids lourd à porter. Et Pascal de dire: "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie". Cependant l'homme a trouvé la force en extériorisant une part de lui-même, or c'est précisément en la réintégrant qu'il peut envisager sereinement l'existence dans sa liberté nouvelle (si tant est que l'homme puisse être dit libre). Ainsi dépouillé de toute autorité absolue, aliénante et qui plus est exclusive, l'homme peut alors s'appuyer sur ses semblables pour explorer le réel sans angoisse. Plus de communautés, plus de prétentions à la vérité, à des valeurs que l'on pose comme des universels afin de juger par leur prisme le reste des humains. Rien que des hommes qui cartographient le réel, l'être, et marchent d'un pas ferme parce qu'ils sont ensemble, au monde. Je crois, et il s'agit bien d'une croyance personnelle, que l'homme conscient d'être au sein d'une réalité dont il ne perçoit qu'une perspective sur ce qui s'avère être infini, peut alors se dépouiller de tout ego et voir en son prochain un allié, un refuge familier dont l'amour est à même d'ébranler les doutes les plus féroces. Il est temps de tomber les masques, d'abandonner les vieux mensonges qui ont pu servir un temps à élever une humanité encore jeune, mais qui doit désormais apprendre à marcher sans tuteur, ne se reposant que sur la force de sa fraternité. Voilà ma croyance.
Certes la réalité ne semble pas relever de la logique, l'existence, l'être, ne se laissent pas capturer par les mots, seuls quelques éclats fugaces restent retenus dans les mailles de notre langage. Cependant, nous avons les mots et la rationalité discursive afin de pouvoir explorer ensemble le territoire insondable de la réalité. Il nous faut poser des principes ou axiomes qui restent sans démonstration, les montrer comme tels, s'accorder sur eux, définir les concepts, et nous voilà engagés dans une discussion, voyant ensemble ce qu'est le monde vu de cette paire d'yeux. La logique de notre discours nous permet de déterminer ce qui est juste ou non dans nos propos respectifs, c'est pourquoi l'interlocuteur est indispensable et chacune de ses interventions constitue un barreau de l'échelle que nous montons ensemble. Les règles de la rationalité discursive définissent les règles communes d'un dialogue afin que, s'il nous arrive de trébucher sur le tapis de la pensée, l'autre soit là pour nous relever.
Il devrait donc être interdit à un Thomas d'Aquin d'utiliser la raison pour justifier l'existence d'un Bien et d'un Mal en soi, en voulant déguiser ces principes irrationnels sous les habits de la raison. Combien d'erreurs logiques dans son discours que d'aucuns s'efforceront de soutenir avec pour argument ultime, l'ineffable, l'irrationnel, avouant par là qu'ils nous abreuvent de leurs croyances en les enrobant d'une indigeste couche de ratiocination. Le Bien aurait engendré le Mal et les anges si parfaits, pourvus d'une connaissance des principes, sont libres de choisir entre le Bien ou le Mal à leur gré. On interrogerait alors comment, si le Bien est préférable au Mal, pourraient-ils ne pas le choisir du haut de cette connaissance des principes si parfaite? Ou encore, si Bien et Mal sont deux qualités différentes, sur quelle base se fonde leur valeur, quel troisième terme introduit-on pour déterminer quantitativement ce qui relève de l'ordre du qualitatif?
Le Bien et le Mal sont des notions qui n'ont de validité que dans un monde fini spatialement et temporellement. Pour juger d'une action, il faut ainsi juger du point de vue du monde comme totalité et seulement à la fin des temps. Dans le cas contraire, il n'existe que du relatif, à un contexte, à un moment, enfin à une subjectivité. En effet, qui peut dire et juger pour l'autre ce que l'effet de ses actes peut produire sur lui? Qui, en outre, peut prétendre comprendre et connaître tous les effets d'une action, ses répercussions sur la totalité de l'univers (à supposer un univers fini)? Pour une même personne, ce qui est bon dans un contexte donné peut ne pas l'être dans un autre. Chaque contexte constitue un système de données qui interagissent et qui, mises ensemble, donnent un sens à chaque élément du système. Ainsi, changer le moindre élément peut revenir à modifier radicalement le sens d'une action. C'est pourquoi l'amour peut être une force destructrice pour celui qui aime autant que pour l'être aimé. La haine peut donner à un homme l'énergie de défendre sa famille contre d'odieux crimes. La bonté, peut être ressentie comme une humiliation pour celui qui en fait l'objet. Un compliment peut faire basculer la vie d'un homme, le rendre hautain, instiller en lui l'esprit de compétition. Il est possible de multiplier les exemples à l'infini. Le Bien et le Mal apparaissent ainsi comme de grossières abstractions géométriques d'un réel à la richesse par trop insondable. Quelle présomption que de penser savoir ce qui est bien ou mal à l'égard d'une autre personne, à l'égard du monde. Combien de vanité faut-il à un homme pour se persuader que ce qu'il érige en absolu devrait s'appliquer à chacun, combien d'aveuglement? Les totalitarismes sont nés de telles illusions, de la négation de la richesse d'un monde que l'on voudrait juger au prisme d'une individualité généralisée, étendue à tous. Heureusement, les religions de nos jours n'ont plus la soif des conquêtes qui bouillonne en eux et les pousse à imposer aux autres les murs de leur monde. Mais combien exclusive est la pensée religieuse, qui se persuade que celui qui n'est pas croyant, est dans l'erreur, sera puni dans l'au-delà? Cette même pensée qui parle de communion et d'amour du prochain mais qui pourtant ne se décide à tendre la main qu'à condition que l'autre accepte de se convertir. Quelle vanité peut aveugler autant les hommes qu'ils se persuadent de détenir la vérité, qu'il y a un absolu correspondant à leur définition et que le reste n'est qu'illusion?
Un autre exemple révélateur est le cas de la prière, pratiquée par les religieux afin d'être guidés, afin que Dieu leur donne la force d'agir conformément à ce qui est Bon, c'est qu'ils ne perçoivent pas la contradiction qui existe entre leur interprétation de la prière et le sens immédiat de cet acte. Ils prétendent être libres mais n'avoir pas toujours la force d'agir conformément au Bien, ainsi la prière est le moyen qu'ils ont afin que Dieu intercède en leur faveur. Mais de ce rituel on peut tirer deux interprétations immédiates et évidentes: soit l'homme n'a effectivement pas la capacité d'agir conformément au Bien par lui-même, et il est contraint dans ce cas d'aller puiser la force nécessaire au sein de Dieu, et alors il n'était pas libre dès le départ, ou d'une étrange liberté analogue à celle du nouveau né "libre" de se nourrir tout seul. Ou bien il possède déjà la force en lui et la prière n'est qu'un rituel lui permettant de trouver en lui ce qu'il ne savait trouver sans cet intermédiaire. Mais alors il est assez évident que la prière est un rituel interchangeable, auquel on peut substituer tout autre rituel pourvu qu'on croit suffisamment en lui. On pourrait tout aussi bien avoir une pensée pour la planète Terre ou encore prendre sept grandes inspirations et parvenir par ce rituel à mobiliser la force qui est déjà en nous. La plupart vous répondront qu'ils sont libres et que Dieu n'est pas hors d'eux mais en eux: "tu étais plus intime que l'intime de moi-même", faisant pencher la balance pour l'interprétation de la prière comme rituel d'accès à soi. Cette phrase, dans toute sa contradiction montre encore comment on tente de justifier l'irrationnel par la raison, c'est à dire ce qui devrait être reconnu comme une croyance indémontrable par un discours se voulant rationnel. Probablement les religieux auraient tout à gagner s'ils se rendaient compte que c'est eux qui agissent au final, et que le rituel de la prière est une manière pour eux de balayer cette représentation d'eux-même comme être faible et incapable d'agir en vue du Bien. Par la prière, ils se croient plus forts et alors le deviennent effectivement. Combien libérés ils seraient s'ils pouvaient concevoir qu'ils sont eux-mêmes leur propre Dieu, et que ce dernier n'est qu'un prétexte remplaçable afin qu'ils s'envisagent tels qu'ils sont: infiniment puissants. À ce communautarisme qui divise l'humain en désirant le réunir par la prétention à juger du réel, à s'arroger le droit de définir l'être selon un concept ultime, primordial, etc.; à tout ce vocabulaire de la domination, il faudrait opposer la lucidité et l'humilité nécessaire à ce que l'homme cesse de s'attribuer une quelconque connaissance sur le réel; le droit à tous de s'émerveiller ou non sur le fait que le monde existe et qu'ils sont
Mais l'homme a peur de se retrouver seul au monde, face à ses responsabilités, face au néant que l'infini rejoint dans un mariage des contraires. L'homme a besoin de faire allégeance, de faire confiance, qu'on le guide dans ses actions, dans ses pensées même. Je ne nie pas que la conscience de la solitude face au "silence déraisonnable" du monde n'est pas un poids lourd à porter. Et Pascal de dire: "Le silence éternel de ces espaces infinis m'effraie". Cependant l'homme a trouvé la force en extériorisant une part de lui-même, or c'est précisément en la réintégrant qu'il peut envisager sereinement l'existence dans sa liberté nouvelle (si tant est que l'homme puisse être dit libre). Ainsi dépouillé de toute autorité absolue, aliénante et qui plus est exclusive, l'homme peut alors s'appuyer sur ses semblables pour explorer le réel sans angoisse. Plus de communautés, plus de prétentions à la vérité, à des valeurs que l'on pose comme des universels afin de juger par leur prisme le reste des humains. Rien que des hommes qui cartographient le réel, l'être, et marchent d'un pas ferme parce qu'ils sont ensemble, au monde. Je crois, et il s'agit bien d'une croyance personnelle, que l'homme conscient d'être au sein d'une réalité dont il ne perçoit qu'une perspective sur ce qui s'avère être infini, peut alors se dépouiller de tout ego et voir en son prochain un allié, un refuge familier dont l'amour est à même d'ébranler les doutes les plus féroces. Il est temps de tomber les masques, d'abandonner les vieux mensonges qui ont pu servir un temps à élever une humanité encore jeune, mais qui doit désormais apprendre à marcher sans tuteur, ne se reposant que sur la force de sa fraternité. Voilà ma croyance.
vendredi 29 mars 2013
Aphorismes
Si vous deviez avoir une croyance, croyez en vos semblables. C'est une croyance non dogmatique, vous misez sur l'indéfini, sur le mouvement imprévisible de la vie, la pulsation de l'être.
On ne peut pas toujours exiger des autres ce que l'on exige de soi. Vouloir redresser les torts c'est frapper un homme à terre: on souffre sur le moment, aveuglé par la colère, puis on souffre ensuite de voir l'autre tel qu'on aurait du le voir dès le départ: comme un être vulnérable.
Les compliments sont propres à chaque personne à qui on les profère et à chaque contexte; il n'y a pas de comparaisons possibles entre deux compliments, ni même entre la valeur du même compliment dit à deux moments différents ou à deux personnes différentes. On ne devrait jamais donner de notes aux gens et les compter comme des unités dont la qualité est quantitativement exprimable et comparable. Nous devrions plutôt voir chaque personne comme une couleur particulière.
Nous devrions réfléchir à deux fois avant de prétendre être quelque chose, avant de s'attribuer de quelconques qualités ou défauts. C'est ainsi que l'on taille soi-même le costume qui nous définira aux yeux de tous, quittez-le un seul instant et les gens vous chercheront partout, lors même qu'ils vous ont sous les yeux.
On ne peut pas toujours exiger des autres ce que l'on exige de soi. Vouloir redresser les torts c'est frapper un homme à terre: on souffre sur le moment, aveuglé par la colère, puis on souffre ensuite de voir l'autre tel qu'on aurait du le voir dès le départ: comme un être vulnérable.
Les compliments sont propres à chaque personne à qui on les profère et à chaque contexte; il n'y a pas de comparaisons possibles entre deux compliments, ni même entre la valeur du même compliment dit à deux moments différents ou à deux personnes différentes. On ne devrait jamais donner de notes aux gens et les compter comme des unités dont la qualité est quantitativement exprimable et comparable. Nous devrions plutôt voir chaque personne comme une couleur particulière.
Nous devrions réfléchir à deux fois avant de prétendre être quelque chose, avant de s'attribuer de quelconques qualités ou défauts. C'est ainsi que l'on taille soi-même le costume qui nous définira aux yeux de tous, quittez-le un seul instant et les gens vous chercheront partout, lors même qu'ils vous ont sous les yeux.
De la philosophie
Nous sommes tous; rendus à l'être; tantôt émerveillés, tantôt angoissés face au simple constat continu de notre existence comme de celui de toutes choses. "L'absurde naît de cette confrontation entre l'appel humain et le silence déraisonnable du monde". Pour ne pas se sentir seul, nous avons le langage, mieux, pour que tout le monde puisse se donner la main dans cette expérience de l'être, l'homme a inventé la philosophie. Nous posons quelques principes, puis à l'aide de la raison (et, par conséquent, de la logique), nous bâtissons une compréhension du monde, comme s'il s'agissait de cartographier sans relâche l'existence. À chaque principe une carte différente: certaines cartes donnent le relief d'un territoire, d'autres son climat, etc. Mais pour que tous puissent comprendre ce qui est dit, une légende est créée, tous peuvent s'y référer, vérifier le sens de chaque signe, emprunter le même chemin et observer les paysages de là où se tiennent leurs semblables. Ainsi, avec toutes ces règles bien en tête, il nous est possible de dire ce qui est juste ou faux, toujours selon des principes invérifiés (et jusqu'alors invériafiables), nous pouvons suivre le raisonnement discursif comme s'il s'agissait d'un calcul sur des variables dont la valeur a été définie arbitrairement. Qu'un autre use mal d'un signe, nous le savons au fait qu'il l'a employé pour une autre valeur que celle qui lui était initialement attribuée. Nombre de problèmes philosophiques naissent de ces malentendus, Wittgenstein l'a très bien dit, il nous faut, par la philosophie qui est un mouvement rationnel en acte, mettre à nu la densité touffue de nos énoncés, de nos concepts. La philosophie déconstruit les préjugés, met à nu l'écorce, l'ossature du discours et ainsi se dissipent les malentendus, nous voyons comment l'un utilise d'une manière inappropriée les signes de la langue, comment l'autre raisonne à partir de principes différents de ceux entendus au départ. Le malentendu naît de l'implicite, du non-dit, de cette "connaissance suppositive" dont parle Leibniz. Mais nous avons la philosophie, il ne faut pas perdre espoir, elle doit nous aider à observer bien en face les principes qui sous-tendent notre discours, à remonter jusqu'à eux.
Un principe, un monde. Mais les querelles s'installent dès lors que d'aucuns refusent de décomposer leur pensée, ne se laissent pas arraisonner. Ils prétendent marcher dans le même univers que vous mais font, en réalité, partie d'un autre. Vous pouvez essayer de dialoguer avec eux, d'élaguer un à un les malentendus, jusqu'à ce qu'il ne reste que les principes qui sous-tendent leur discours, ils refusent de se prêter au jeu. Ils ont perdu de vue ces principes mêmes, voulant s'en défaire comme d'un bagage honteux, ils ont voulu l'étouffer sous le poids de la ratiocination mais il n'est aucune ratiocination inextricable au philosophe patient. Cependant, même lui ne peut aller nulle part sans l'aide de son interlocuteur. Platon nous parle de l'importance du dialogue, de la réfutation, afin de ne pas rester cloîtré dans un univers imperméable, non parce qu'il serait inaccessible aux autres en droit, mais parce qu'on en a, de fait, fermé les portes irrémédiablement. Nous dansons tous sur du vide, le moi, le réel, la vérité, autant de fictions que l'on se joue et que la philosophie déconstruit dans un voyage sans fin dans l'être. Baissez les armes, acceptez vos axiomes et regardez les pour ce qu'ils sont, des choix que vous faites pour avancer, des outils dont vous usez dans votre exploration, mais d'autres ont les leurs et ils vivent dans le même monde que vous. Que la philosophie soit le recueil de ceux qui se sont dépouillés de leur ego, parce qu'ils ne savent plus ce qu'il est, parce qu'ils ne savent plus rien.
Un principe, un monde. Mais les querelles s'installent dès lors que d'aucuns refusent de décomposer leur pensée, ne se laissent pas arraisonner. Ils prétendent marcher dans le même univers que vous mais font, en réalité, partie d'un autre. Vous pouvez essayer de dialoguer avec eux, d'élaguer un à un les malentendus, jusqu'à ce qu'il ne reste que les principes qui sous-tendent leur discours, ils refusent de se prêter au jeu. Ils ont perdu de vue ces principes mêmes, voulant s'en défaire comme d'un bagage honteux, ils ont voulu l'étouffer sous le poids de la ratiocination mais il n'est aucune ratiocination inextricable au philosophe patient. Cependant, même lui ne peut aller nulle part sans l'aide de son interlocuteur. Platon nous parle de l'importance du dialogue, de la réfutation, afin de ne pas rester cloîtré dans un univers imperméable, non parce qu'il serait inaccessible aux autres en droit, mais parce qu'on en a, de fait, fermé les portes irrémédiablement. Nous dansons tous sur du vide, le moi, le réel, la vérité, autant de fictions que l'on se joue et que la philosophie déconstruit dans un voyage sans fin dans l'être. Baissez les armes, acceptez vos axiomes et regardez les pour ce qu'ils sont, des choix que vous faites pour avancer, des outils dont vous usez dans votre exploration, mais d'autres ont les leurs et ils vivent dans le même monde que vous. Que la philosophie soit le recueil de ceux qui se sont dépouillés de leur ego, parce qu'ils ne savent plus ce qu'il est, parce qu'ils ne savent plus rien.
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