mardi 31 mars 2015

Aphorismes sur la science

Dans chaque champs de ce qu'on nomme communément savoir, circulent tels des fourmis industrieuses, une écrasante majorité d'esprits obèses qui n'ont pour seul mérite que de porter en eux la mémoire d'une somme immense de propositions et de jugements qui les ont précédés. Coexistant avec eux, existent, une poignée de créateurs qui produisent quelques unes de ces propositions dont se nourrit l'humanité. Je suis heureux de pouvoir compter parmi les physiciens, quelques uns de ces créateurs qui ont ressenti, malgré l'assourdissante cacophonie des croyances furieuses, l'omniprésence du doute et de l'incertitude. Ces hommes, qui ont su l'apprivoiser et s'en faire un compagnon de route, n'ont heureusement pas produit de ces amers fruits de la peur que la cohorte des autres suppurent à longueur de temps.

Science ou art, c'est de créations dont jouissent les esprits. Nul ne fait autorité en ce domaine, car tous nous possédons ce pouvoir.

Ces citations sont un hommage rendu aux autres démiurges.

"Ce que nous appelons aujourd'hui connaissance scientifique, est un corpus d'énoncés à des degrés variables de certitude. Certains d'entre eux sont très sûrs; d'autres sont presque sûrs; mais rien n'est absolument certain. Les scientifiques en ont l'habitude. Nous savons qu'il est possible de vivre sans savoir." Richard Feynman

"Je peux vivre dans le doute et l'incertitude, sans savoir. Je pense que c'est bien plus intéressant de vivre sans savoir que d'avoir une réponse susceptible d'être erronée. J'ai des réponses approximatives et des croyances à différents niveaux de certitude sur bien des choses, mais je ne suis absolument sûr de rien... Je n'ai pas peur d'ignorer quelque chose, d'être perdu dans un univers mystérieux sans aucun but, ce qui correspond, d'après ce que j'en sais, à la réalité. Cela  ne me fait pas peur." Richard Feynman

samedi 28 mars 2015

Logique et épistémologie (0.3) [ BROUILLON ]

Préambule: troisième ébauche de cette réflexion. Je fais le choix de multiplier les esquisses afin de garder trace de chaque état d'avancement de la réflexion. Je m'avance a priori vers une conception "en strates" de ce travail, partant du fondement précédent pour apporter modifications et évolutions, jusqu'à obtenir un véritable plan définitif pour la rédaction de l'essai. Je n'ai donc aucune idée du nombre d'esquisses final. Je proroge ainsi l'entreprise de rédaction puisque celle-ci me pose encore quelques problèmes significatifs de pure forme. Par ailleurs, ces esquisses ne sont qu'un plan purement subjectif et déroulent ma réflexion sans enchaînement logique explicite (bien que celui-ci existe pour moi), d'où l'obscurité potentielle de mes propos. Tout cela, je l'espère, s'éclaircira lors d'une version 1.0 qui sera vouée au partage didactique.

La logique vient du terme grec  λόγος (lógos) qui peut signifier langage, parole, discours (sur l'être?). Le langage est une réalité qui fait signe vers une autre réalité, mais elle se veut plus qu'une simple nomenclature par son aspect analytique et synthétique. L'analyse permet au langage de décomposer un objet en ses parties constitutives et la synthèse de lier entre elles, par des règles logiques (identité, différence, causalité, etc.) des entités réelles représentées par des objets (ce qui revient à dire: des objets)(à développer dans un article indépendant). L'analyse casse ce qui est cohérent et uni, au moins en apparence, alors que la synthèse agit comme une force élémentaire en liant des objets entre eux par des règles, des lois qui les maintiennent en un système unifié.



Définitions


Objet: un objet désigne toute représentation constituant une unité dans notre esprit. Par exemple une bouteille en verre est un objet, au même titre que l'est n'importe quel morceau (arbitrairement choisi) de verre de cette bouteille que l'on isole et pense en tant qu'unité. Toute pensée ou sentiment est un objet, en bref, tout ce qui peut être constitué par l'esprit comme une chose propre à être réfléchie et avec laquelle il peut interagir au sein d'un système d'observation. L'objet est une donnée de l'esprit , formant une unité abstraite. On peut aussi confondre le terme d'objet avec celui de signe puisque toute donnée consciente et présente à l'esprit est un produit des sens et consiste en une sensation qui fait signe vers une éventuelle objectité. Jamais une image ou une sensation ne peut être prise pour une chose en soi puisqu'elle est toujours une interprétation à partir de formes a priori d'une relation entre soi et le réel. Même lorsque l'objet conscient est sa propre douleur physique par exemple, la douleur ne peut être confondue avec la chose en soi et l'on peut prendre une variété indéfinie de points de vue qui formeront une relation différente, un système soi-réalité singulier et irréductible. Pour ces raisons la douleur peut-être vue par exemple comme une impulsion nerveuse, comme un mouvement moléculaire, comme un plaisir, etc.

Classe d'objet: c'est une collection d'objets regroupés ensembles sous un même concept et donc unis par une loi de constitution. La classe d'objet est un synonyme du concept.

Concept: un concept est une forme représentationnelle déterminée par une loi de constitution.

Loi de constitution: une loi de constitution est une méthode de représentation et de classification d'objets, elle est la forme sous laquelle de possibles objets peuvent être subsumés et unis selon une définition ou un schème. Par exemple la loi de constitution du concept de "définition" est: "une proposition qui analyse la compréhension d'un concept, qui affirme l'égalité logique du défini et du définissant[...]" (encyclopédie Quillet, 1977). Autrement dit il s'agit de l'expression linguistique d'un concept, chargée d'en tracer les contours. Il s'agit aussi d'une méthode de subsomption. Par exemple le concept de parité en arithmétique définit une méthode d'arraisonnement d'objets mathématiques que sont les nombres, permettant d'en vérifier la conformité ou l'inclusion dans l'espace représentationnel défini par le concept (en l'occurrence un nombre est pair s'il est divisible par 2). Ainsi la loi de constitution est similaire à une fonction informatique qui attend un certain type d'objets en entrée et donne un résultat prédéfini attestant de la réussite (validité dans le cas de la loi de constitution) de l'opération sur les données. Dans l'exemple de la parité mathématique, on attend comme objet des entiers relatifs et en sortie un entier (dans le cas de la parité attestée) ou un rationnel (non parité). Je nomme ce processus loi de constitution car il s'agit bel et bien d'une loi qui, par son application va permettre de constituer l'appartenance ou non appartenance d'un objet à une classe.

Forme représentationnelle:  correspond à la structure formelle d'un objet ou d'une classe d'objet, il en est la condition de possibilité, il est le fondement sur lequel ils sont instanciés. Si la notion reste abstraite, c'est parce que son concept l'est: la forme représentationnelle est la zone d'existence de toutes les représentations. On a vu avec Kant comment l'espace et le temps étaient les deux formes essentielles et transcendantales de la sensibilité, la forme représentationnelle détermine précisément un morceau d'espace-temps (les deux étant des formes rendant possible la représentation d'objets). On peut faire un parallèle informatique pour illustrer cela: la forme représentationnelle est comparable à la zone mémoire allouée à une variable venant d'être déclarée dans un programme informatique, mémoire qui fait préexister la variable de manière indéterminée, c'est à dire avant qu'on la détermine par une valeur. La forme représentationnelle est donc cette zone, cette forme pure d'espace-temps, que l'on pré-alloue (en nous car il est impossible de préjuger d'une existence réelle de l'espace et du temps pour le moment) à l'objet ou à la classe d'objets que l'on va y instancier. Autrement dit, et pour schématiser, il s'agit d'un espace que l'on réserve, dans notre esprit, à la représentation d'une chose ou d'un concept, censé référer à un phénomène du sens externe ou interne (au sens kantien), et ultimement à une chose en soi. Il faut préciser toutefois qu'à aucun moment une forme représentationnelle n'est pure et indéterminée (ces deux propriétés demeurant des concepts-horizons) et lorsqu'on dit d'une telle forme qu'elle est encore indéterminée, il faut là encore penser à la variable informatique qui contient de toute façon et a priori une valeur (nulle ou autre) avant d'être déterminée précisément par l'acte de définition. Ainsi penser le temps et l'espace indéterminés, c'est déjà avoir en tête un objet déterminé (comme un mouvement dans une zone spatiale ou l'écoulement d'une substance, ou bien seulement le mot lui-même, etc.).

Signifié: Forme représentationnelle déterminée par une valeur, c'est à dire la représentation d'un objet ou d'une classe d'objet ou d'un concept, indexée par une loi de constitution (ou définition).

Le signifié n'est pas le référent, donc il n'est pas l'image que l'on associe au concept. Il définit la forme représentationnelle propre à constituer une série d'images adéquates. Il est donc un calque négatif, sans contenu, mais il constitue en cela la possibilité d'un contenu et donc de l'image, de l'objet. Le signifié est donc un type de variable défini par la loi de constitution de l'objet ou de la classe et qui, par des déterminations plus ou moins précises, va permettre à une image ou une valeur d'être instanciée, c'est à dire représentée.

En l'occurrence, pour l'être humain, la détermination consiste en une image synesthésique (en ce sens qu'elle peut ne pas être exclusivement visuelle, bien que cela semble être quasiment tout le temps le cas) constituée à partir des sensations. J'insiste sur ce caractère concret du signifié, voire matériel ou du moins sensible, puisque même lorsque nous pensons des concepts abstraits tels que l'infini par exemple, une sensation et un sentiment sont associés, ce sont précisément eux, l'image sensible du concept, qui sont le vécu psychophysique de celui-ci et donc son signifié (au sens où l'individu parlant interprète). Il est assez remarquable à cet égard que lorsqu'on lit par exemple une langue dont on ne connaît pas l'alphabet, aucune image acoustique ne vient accompagner la lecture d'un mot (bien que nous ayons tendance à plaquer de toute façon un son sur le mot lu en acceptant d'être dans l'erreur) et le sens reste absent, la mémoire ayant même tendance à oublier très rapidement la lecture de cet objet non identifié ne sachant qu'en faire. Il suffit qu'un non mathématicien lise des équations mathématiques complexes pour expérimenter cela, il sera incapable de reformuler les équations même faussement puisqu'il aura perdu trace (n'ayant nulle image) de certains caractères lus. Il semble donc prudent d'affirmer que tout énoncé ne suscitant aucune image demeure perdu et comme non avenu.



Raisonnement


Hypothèse: Les mots ou signes linguistiques délimitent des espaces représentationnels que sont les signifiés. C'est à dire qu'ils sont des pointeurs vers un espace représentationnel déterminé par une valeur qui peut varier au cours du temps et dont le contenu n'est jamais défini que négativement ([ À développer ]: un signifié est un contours, son essence n'est jamais donné probablement car son essence n'est qu'une forme spatio-temporel).

Par conséquent le langage est une sorte de théorie des ensembles (fait écho à Hobbes) sans laquelle les mots définissent des espaces représentationnels qui s'incluent ou s'excluent les uns les autres. Le mot semble délimiter ou circonscrire un espace représentationnel afférant à une classe d'objets. En ce sens, le mot "être", compris comme un substantif, semble subsumer sous lui la totalité des objets concevables, il est donc l'ensemble de tous les ensembles (même lorsqu'on parle de non-être, si une quelconque représentation est déterminée alors on ne pense jamais que de l'être. D'ailleurs un  non-être absolu est impensable car il est un concept sans forme, il n'est que le non dicible que le discours détruit).

Comme le définit Saussure, le mot ou le signe linguistique semble être une entité à double face, chacune des faces habitant un plan ontologique différent: le signifiant est une forme physique ou matérielle (reposant donc sur un objectivité et, in fine, sur une objectité. [ À développer: l'objectité n'est que l'être en soi, support énergétique de toute chose, cf texte sur l'objectité] et le signifié est une valeur dans l'espace représentationnel. Cette distinction est primordiale puisqu'elle confère au langage la propriété fondamentale de pouvoir convoyer les représentations singulières des individus sur la base de formes matérielles objectives finies et pouvant subsumer en classes des séries infinies de représentation selon une loi de constitution.

Corollaire: Ainsi la logique est elle aussi pareille à une théorie des ensembles puisqu'elle est un méta-ensemble: un discours sur le discours. Donc ses signes définissent des ensembles dont les signifiés sont les lois de vérité du langage. Autrement dit, la logique définit des concepts sous lesquels sont subsumées les règles d'usage du langage lorsqu'on l'utilise pour raisonner, c'est à dire pour calculer, inférer, déduire, etc. En cela la logique est une règle ou une méthode de découverte d'inclusion ou d'exclusion entre des signifiés dont le rapport qui les unit n'est pas contenu analytiquement dans l'un des deux. La logique est donc la théorie des ensembles qui permet les jugements synthétiques a priori dont parle Kant.

La logique est un jeu de signes de signes. C'est pour cela qu'on a été amené à dire (Wittgenstein, tractatus) qu'elle est tautologique: elle dit ce qu'il est loisible de dire de l'être si l'on veut respecter ce critère d'évidence qui semble intrinsèque à l'homme et à son expérience ([ À développer ]quelle est l'origine de la logique?). Le signe étant un support (signifiant) de la représentation (signifié), il faut, pour que le langage puisse être compris, que les signifiants eux-mêmes puissent être pensés dans l'espace représentationnel afin de leur conférer une loi de construction immanente et implicite (implicite dans le cas où ils ne sont pas pris comme objets de pensée mais comme supports). Il n'y a véritablement de langage que lorsque ces règles sémantiques sont fixées et que le langage (dans sa dimension signifiant) est pensé comme objet conceptuel, c'est à dire que les signifiants sont conçus en tant que signifiés, afin de devenir des objets et non plus des supports objectifs. (distinction grammaire-logique: l'un pour le sens, l'autre pour la vérité?) ([ À revoir ] Cette scission signifiant-signifié est-elle claire? Le signe est à la fois signifiant et signifié, les deux étant indissolublement liés donc le paragraphe ci-dessus n'est pas clair: à revoir).

Question: éclaircit-elle pour autant les choses et le discours lui-même?

Hypothèse: elle ordonne le langage qui permet d'ordonner les choses (il les subsume dans des ensembles). Autrement dit elle permet de comprendre la manière dont le langage s'articule aux choses, aux objets. En effet, le langage est contraint, pour ne pas être vide, de se soumettre à des règles par lesquelles il s'applique aux objets, ce sont précisément ces règles que la logique énonce (en tout cas en ce qui concerne le raisonnement judicatoire - comprenant le raisonnement apodictique et dialectique).

Question: ne fait-on que penser des grandeurs (les ensembles étant assimilables à des grandeurs, représentables par des ronds d'une étendue déterminée sur une surface plane)? Lorsque je pense une qualité (comme la couleur verte par exemple), comment en rendre compte sous la forme d'une grandeur, d'un ensemble?

Hypothèse: car toute qualité s'insère (dans le langage) dans une collection de qualités, celle-ci formant un ensemble ordonnable en sous-ensembles (ce qui constitue précisément la définition d'un universel ou d'un concept). C'est en ce sens que l'on peut parler de grandeur, bien que le terme forme semble plus approprié.

En fait, chaque forme est remplie par une ou des qualité(s), qui sont des sensations ou impressions vécues.

Question: si ce sont des grandeurs alors elles sont mesurables et comparables entre elles? Ainsi il serait possible de comparer la forme "couleur" à la forme "justice"?

Hypothèse: Non: deux concepts ne sont comparables entre eux, en terme de grandeur, que s'ils subsument les mêmes unités. Par exemple le concept de couleur primaire subsume des couleurs, tout comme celui de couleurs secondaires. Puisqu'ils subsument le même type d'unité (des couleurs), il est possible de calculer le nombre d'unités que renferme l'un et l'autre et de faire une comparaison. Cependant, si deux concepts ne subsument pas le même type d'unité (comme la justice et la couleur), alors ils ne sont absolument pas comparables en terme de grandeurs, le terme de grandeur semble même plutôt déplacé dans un tel cas.

Ainsi, les ensembles, moins que des grandeurs, devraient être appelés formes car un ensemble n'est mesurable que par le nombre d'unités qu'il renferme. Or si l'on s'arrêtait là, cela supposerait que chaque ensemble est mesurables en terme d'unités qu'il contient et que l'on peut comparer deux ensembles en proportion du nombre d'unités qu'ils renferment ce qui impliquerait une équivalence des valeurs de chaque unités dans les différents ensembles. Ce n'est pas le cas. Une unité n'a pas de valeur étalon universelle, on ne peut comparer un centimètre avec un décibel par exemple.

Par conséquent, l'idée de grandeur pour qualifier les ensembles peut être trompeuse parce que chaque ensemble est unique et ne peut être comparé à un autre. Ainsi on dira désormais d'un ensemble qu'il est une forme de formes.

Corollaire: Nous avons définit, au sein de la forme couleur, une couleur définie (par exemple le rouge), comme une unité. Le terme unité suppose l'indivisibilité ce qui ferait du concept de couleur non une forme de forme mais une forme ou un ensemble d'unités, et cela contredirait la démonstration précédente. C'est donc que le terme unité pour qualifier ce qui est subsumé sous un concept n'est pas approprié ou du moins l'est seulement dans un certain contexte. Ainsi, nous dirons qu'une unité est fixée par l'abstraction dans laquelle on pense. Donc l'unité est un attribut que l'on fixe "arbitrairement" sur le niveau d'élément que l'on considère le plus bas d'un ensemble.

Par conséquent, les unités peuvent, dans une autre abstraction, devenir des ensembles.





Un ensemble est potentiellement une unité et une unité potentiellement un ensemble excepté pour l'ensemble de tous les ensembles et l'unité de toutes les unités (à supposer que de telles choses existent réellement, auquel cas elles sont limités par autre choses, etc.; par conséquent ces concepts ne peuvent qu'être des limites de la raison, des horizons virtuels).

L'idée d'unité n'est donc qu'un concept dépendant du niveau d'abstraction dans lequel il est pensé (comme le montre la figure ci-dessus)  et il sert à marquer qu'un type de forme déterminée est le plus bas degré que l'on pense au sein d'un concept, constituant ainsi ce qu'on peut nommer unité.

N.B.:  une forme n'est pas une grandeur car le rapport de subsomption n'est pas défini par une surface ou une étendue:
  • L'inclusion est spatiale et donc étendue.
  • La subsomption est conceptuelle.
Question: quel lien entretiennent donc les formes avec le réel?

Hypothèse: les formes sont l'interprétation du réel dans le système de la conscience, elles sont des valeurs (comparables à des notes de musique) dans la mélodie de la conscience. Il semble que les formes soient une méthode de représentation du réel, elles définissent des patrons ou modèles porteurs de propriétés générales selon lesquelles les représentations singulières peuvent être interprétées. La forme peut être vue comme un concept qui est la synthèse d'autres concepts, permettant la division des sensations, leur analyse en différentes classes générales correspondant aux structures cognitives de la conscience ([ À développer ]ces structures sont-elles dynamiques et acquises ou bien figées et innées?). La forme est avant tout une méthode de division en unités. La conscience est une constructrice, une bâtisseuse, elle ne perçoit du monde et de l'objectité que ce qu'elle peut en recréer selon ses formes a priori (temps, espace, ?). Ainsi, l'objectité est un matériau, une cause par laquelle la conscience conçoit un monde et les formes dont elle se sert sont pareilles à des briques voire à des matières qui lui permettent de représenter un monde selon des principes connus et reposant in fine sur sa propre nature. Ainsi, la forme est pareille à la note, au concept générique de note en tant qu'il définit par exemple une noire. N'importe quel fréquence peut être subsumée sous le concept de noire, mais le concept est là qui distingue et définit, qui place dans un système et organise la sensation dans un ensemble constitué de règles.

N.B: Les formes ne sont pas totalement arbitraires car la conscience a une certaine manière objective (au sens kantien donc propre à l'espèce humaine) d'interpréter, de lire le réel; elle est donc soumise à une certaine loi naturelle. Par exemple, il n'est pas en mon pouvoir de ne pas voir en couleurs. Il semble donc bien exister une base psycho-physique correspondant au formes de la sensibilité kantiennes, en ce qui concerne les catégories il faudra déterminer si ces dernières sont acquises ou innées (ou bien les deux).

On pourrait donc parler de prolepses propres, dans une certaine mesure, à l'espèce humaine (couleurs, sons, toucher, formes visuelles, saveurs, etc.).

Question: qu'apporte le langage à cette base naturelle? En effet, l'homme perçoit des couleurs et ce quand bien même il n'aurait pas de mot pour le concept?

Hypothèse: Certes, mais le langage ajoute à ces formes,  les formes de formes, la subsistance de formes virtuelles, indépendantes de l'expérience et échappant à l’évanescence grâce au mot et à son support physique qui réduit la série d'une famille de sensation en une étiquette, en un signe facile à conserver en mémoire. On peut comparer cela à la création d'un monde, ou plutôt d'un sur-monde ou d'une légende (méta-monde? Les bases de la métaphysique ne sont-elles que les bases de notre conscience et de notre rapport au monde?).

Question: pour quoi faire? Pourquoi avons-nous besoin de cette carte que l'on surimpose aux sensations?

Hypothèse: ces formes de formes sont nécessaires pour alléger le travail de l'esprit et naissent effectivement en partie pour des raisons pratiques de survie. L'homme sans ce sur-monde qui simplifie, regroupe en ensembles synthétiques le nombre infini des singularités, serait plongé dans une hébétude perpétuelle, pareille à cet étonnement philosophique propre à la recherche spéculative; or la survie n'a pas ce luxe.

Ensuite, c'est pour répondre à ce besoin de totalité et d'unité qu'est la raison. La raison crée des séries ordonnées par une loi d'unification, ainsi elle subsume le pluriel dans le singulier jusqu'à créer cet ensemble de tous les ensembles qu'est la conscience.

La subsomption permet à la raison de manipuler des formes très abstraites (c'est à dire contenant de nombreuses formes) qu'il est possible (même nécessaire à certains moments) de développer analytiquement.

Question: Donc tout est analytique? La connaissance n'est jamais synthétique (réfutation de Kant)?

Hypothèse: il semble, a priori, que la connaissance puisse être synthétique. Une connaissance ne devient analytique qu'une fois que les formes liées synthétiquement sont subsumées sous une nouvelle forme (définie par une loi). Il faut donc la naissance du nouveau concept qui va lier deux autres concepts auparavant étrangers l'un à l'autre pour que la connaissance devienne analytique.

En fait, il semble que l'association des formes entre elles soit synthétique, elle est une tentative de création d'un système régi par des lois définissant les rapports des formes entre elles. Ce système se construit à la fois a priori, dans une tentative d'anticiper l'expérience, et a posteriori, dans une perpétuelle correction et vérification de l'effectivité du modèle conçu.

Ainsi la dimension analytique n'est que le résultat de la synthèse, une fois cette dernière réalisée ([ À développer ] pas si simple, Kant montre bien que le chiffre 12 n'est pas compris dans l'addition de 7 et 5 mais que la somme des angles d'un triangle est compris analytiquement dans le concept de trois droites sécantes )

Question: comment les jugements synthétiques a priori sont-ils possibles?

Hypothèse: voir Kant :-)

Mais la solution kantienne suppose que par les catégories et les formes de la sensibilité, nous avons en nous la loi de constitution de toutes les formes, c'est à dire la forme de toutes les formes.

La loi de constitution est l'imagination, seule capable de lier sensibilité et catégorie en simulant l'expérience (c'est l'exemple de la géométrie où l'esprit construit les figures par application des catégories dans les formes de la sensibilité et découvre ainsi a priori des synthèses de formes).

Encore faut-il avoir identifié quelles formes a priori sont réellement effectives, c'est à dire correspondent à l'expérience (ou rendent possible l'expérience pour paraphraser Kant). Et là, visiblement, les catégories kantiennes semblent un fondement solide...

Question: la logique tétravalente modifie-t-elle les catégories?

Hypothèse: il semble que oui.

Notons tout de même que les catégories n'obéissent pas à une logique bivalente mais trivalente. Prenons l'exemple de la table des catégories correspondant à la quantité.

Chez Kant la quantité se décompose en trois catégories:
  • Unité
  • Pluralité
  • Totalité (réunion des deux autres -> équivaut au OUI et NON logique)

    En logique tétravalente nous aurions l'ajout d'une quatrième catégorie:
    • Unité (équivaut à OUI)
    • Pluralité (équivaut à NON)
    • Totalité (correspond à la synthèse des deux précédentes -> OUI et NON)
    • Altérité (correspond à la négation des trois catégories précédentes -> NI OUI NI NON; notez que l'emploi du nom 'altérité' pour qualifier cette catégorie n'engage que moi, mais il reflète bien la spécificité de cette valeur possible en logique tétravalente: ici nous n'avons affaire qu'à des quantités, et pourtant, la dernière catégorie est intitulée 'altérité', propriété plus qualitative que quantitative, ce qui souligne bien le caractère étranger de cette dernière valeur)
    Question: cette catégorie qui est l'opposé de la totalité (= union de la pluralité et de l'unité), c'est à dire ni unité, ni pluralité, existe-t-elle? En a-t-on besoin?

    Est-ce que [oui et non] est équivalent à [ni oui ni non]?

    Hypothèse: non: les deux ensembles ne sont pas équivalents.

    Ni oui ni non suppose l'existence d'une autre objectivité qui serait toutefois prise en compte (conçue négativement) par notre objectivité et grâce à la tétravalence.

    Par conséquent la logique tétravalente permet de penser un autre monde (négativement). Elle peut s'apparenter à la formalisation du noumène kantien: il s'agit d'une limite, une frontière qui permet de penser notre totalité (objectivité) comme n'étant pas la totalité réelle, mais intégrant tout de même cet au-delà impensable au sein du système langagier.

    mercredi 25 mars 2015

    Ecosystème et artesystème

    Faut-il condamner la science expérimentale?

    Cette question apparait totalement légitime dès lors qu'on  fait le triste constat de l'inconnaissance humaine et des effets désastreux de certaines inventions. En supposant un monde constitué d'éléments en nombre infini, ou tendant vers l'infini, on est amené à relativiser la visée de la science dans sa prétention anticipative et prédictive des phénomènes. Certes, en simplifiant à l'extrême il est possible de créer des systèmes artificiellement clos et finis (dans les deux dimensions à savoir: infiniment petit et infiniment grand) au sein desquels la connaissance de l'état d'un certain nombre d'éléments suffisant permettra la prédiction d'un état futur. Autrement dit, la connaissance des effets produits par un concours synergique de causes est une abstraction produite par la science, de par la modélisation grossière qu'elle applique à un réel insondable à travers des modèles (thème qui sera traitée dans une prochaine épistémologie). Cela semble fonctionner dans certains cas...

    Cependant, lorsqu'on considère que le moindre évènement et donc le moindre état de chose au sein du monde phénoménal est produit par un concours infini (au moins indéfini pour le moment) de causes, alors il est hasardeux de penser pouvoir anticiper le nombre indéfini d'effets que peuvent produire les causes que nous manipulons et mettons en oeuvre dans nos expériences. Cela, la science le sait bien et prévoit d'ailleurs, en théorie, un certain temps d'essai durant lequel les inventions sont cloîtrées dans un environnement clos au sein duquel il est loisible d'observer leurs effets au sein d'un certain système de choses. Mais qui peut dire si ce laps de temps est réellement suffisant... Cela reviendrait à affirmer connaître non seulement l'ensemble des causes concourant à un phénomène, mais en plus à prétendre pouvoir isoler des chaînes causales dans un intervalle de temps (action qui revient à couper les effets de leurs causes), ce qui n'est jamais le cas.


    Un écosystème est un système de choses possédant chacune un état, effet de la chaîne causale des interactions de chaque élément du système au cours de son histoire. L'écosystème renferme donc des éléments ou individus (peu importe que ces éléments ou individus soient en fait divisibles, les abstractions telles que ces concepts sont loisibles en ce sens qu'elles représentent un point de vue pris sur le système, point de vue nécessaire et inévitable) mus par une histoire et qui interagissent entre eux dans un jeu de forces. L'entropie de tout système nous dit que ce dernier tend à équilibrer ces rapports de force, ainsi chaque élément isolé du système exerce son action sur les autres éléments qui à leur tour exercent leur influence sur celui-ci, le tout tendant à créer un équilibre (qu'il soit statique, cyclique ou autre). L'équilibre est le point de subsistance optimum de chaque élément au sein du système. Puisque l'énergie d'un système est limitée à une certaine quantité, plus un élément du système exerce une force importante, moins les autres éléments disposeront de force. Ainsi plus il existe d'éléments dans un système et plus ceux-ci tendent à exercer des forces faibles les uns sur les autres (un peu comme un peuple en régime démocratique). Attention, ce n'est pas le cas pour un système artificiellement clos et donc contenu au sein d'un autre système qui l'englobe. Dans un tel cas, l'accumulation de force par un ou plusieurs éléments du sous-système peut outrepasser la quantité d'énergie du sous-système initial, cette force étant alors puisée dans le métasystème englobant. Notons d'ailleurs que c'est, dans une moindre mesure, toujours le cas dans la nature, aucun système ne semblant pouvoir être totalement isolé du système total de l'univers.

    Les écosystèmes naturels que nous pouvons observer, et plus particulièrement celui de la Terre semblent, en comparaison de notre proche voisinage (pensons par exemple aux planètes du système solaire), posséder un grand nombre d'éléments. Ainsi, il nous semble un idéal que l'écosystème atteigne un équilibre optimum avec le plus grand nombre d'éléments possibles, ce que nous nommerons richesse ou complexité du système. Celle-ci est une valeur communément admise aujourd'hui par la communauté des scientifiques, car plus il y a d'éléments, plus la science dispose de terreau, d'aliments à fournir à ses théories et expériences. Plus le nombre d'informations est grand, plus il est possible d'imaginer de combinaisons différentes et variées, donc plus il est possible de faire de choses (en terme de production ou reproduction de phénomènes).

    Or l'homme, dans son aventure culturelle est venu bouleverser cet équilibre en exerçant par l'entremise de ses divers artefacts une force toujours plus accrue, au détriment des autres dynamiques à l'oeuvre au sein du système. Ce processus peut mener à la disparition pure et simple d'une partie des éléments systémiques et donc à un appauvrissement global de la complexité. Il peut s'avèrer d'autant plus dangereux que l'humain est le produit, l'effet de la synergie des forces de chaque élément du système qui l'a vu naître et se développer. Ainsi, le changement radical qu'il impose à l'équilibre systémique en un court laps de temps, provoque des métamorphoses potentiellement brutales qui mettent en péril l'écosystème même d'où il est issu. En d'autres termes, l'homme scie la branche sur laquelle il est assis.

    Mais alors, faut-il renoncer à la culture pour revenir à une vie animale caractérisée par un rapport immédiat au réel et à la nature? La culture pouvant être vue comme le péché originel dont s'est rendu coupable l'homme en ayant voulu se faire à l'image du créateur: démiurge omnipotent car omniscient. Si cette conclusion est valable, il en existe au moins une autre, moins évidente et qui pose de nombreux problèmes à résoudre, et qui le demeureront probablement éternellement (pour autant qu'un tel adverbe puisse avoir du sens). Pour bien saisir la nature de l'autre voie à envisager, il est nécessaire de comprendre ce que sont les artefacts humains et comment ceux-ci ont-ils pu inclure un déséquilibre dans le système.

    L'humain a la capacité, acquise grâce à la technique et au savoir, de modifier l'équilibre écosystémique en le perturbant de l'intérieur. Il réalise cela en se faisant un "empire dans l'empire", autrement dit en créant au sein même de l'écosystème ce que nous nommerons des artesystèmes. Un artesystème est la propriété d'un ou de plusieurs éléments de s'aggréger en un système de manière quasi autonome (du fait de la vitesse de transition), produisant ainsi un nouveau type d'élément encore non intégré au système dont il est issu, et n'ayant donc pas encore libéré sa force dans la totalité du système. Par conséquent l'apparition d'artesystèmes produit des sortes d'éruptions énergétiques au sein du système dont les répercussions se font parfois attendre longtemps, mais qui, bien souvent, remodèlent fortement les équilibres de force à l'oeuvre dans l'écosystème.

    Nous avons dit plus tôt que ces artesystèmes provenaient de deux dimensions de la vie humaine: le savoir et la technique. Une première illustration de cette genèse au sein de la dimension scientifique est l'émergence de la culture qui a permis à un élément du système de concentrer en lui la puissance scientifique d'autres éléments, grâce à la transmission et à la mémoire. Ce premier processus a permis de faire d'un seul élément du système un artesystème à lui tout seul, l'individu renfermant désormais la puissances de plusieurs individus. La conséquence d'un tel acte est la modification virtuelle mais effective du nombre d'éléments présents au sein du système. Désormais, un individu peut valoir plus que lui-même, c'est pourquoi on parlera d'artesystème pour le qualifier: il est devenu lui-même une synergie de forces qui habituellement n'existaient que dans un état divisé (temporellement parlant dans le cas de la conservation du savoir). On sera bien avisé de faire remarquer que la nature elle-même, et donc l'écosystème, produit des artesystèmes, on pense par exemple aux structures sociales animales comme les meutes, qui agglomèrent les énergies d'individus isolés au sein d'un même système (une infinité d'exemples sont possibles dans de nombreuses dimensions écologiques). La particularité des artesystèmes humains est précisément de pouvoir réaliser cette opération sur une échelle immense et en très peu de temps: combien de mémoires d'hommes a-t-il fallu concentrer pour parvenir à l'état actuel de nos sciences? Rares sont les évènements dans la nature qui provoquent ce genre de bouleversement, l'homme en est, au contraire, une source perpétuelle.

    La seconde dimension, technique, s'illustre d'abord dans l'invention de l'outil. Celui-ci est la capacité humaine à lier divers éléments systémiques auparavant séparés (séparation relative puisqu'ils entretenaient des rapports de force au sein de l'écosystème...) au sein d'un nouveau système, créant ainsi une synergie inédite. Mieux, le terme de technologie illustre la réunion des dimensions scientifiques et techniques au sein d'un outil qui, non content de lier des éléments entre eux, lie au sein même des ces conglomérats une dimension scientifique. En effet, inventer un outil efficient (prenons l'exemple des ondes radios) nécessite non seulement de savoir comment faire cohabiter divers éléments disparates du système mais en plus de comprendre comment manipuler leurs forces respectives afin qu'elles rentrent en synergie selon un but défini. Ainsi, par cette réalisation, l'homme concentre au sein d'artesystèmes une énergie auparavant diffuse et équilibrée, ces nouveaux éléments étant potentiellement hautement perturbateurs de par leur puissance inédite.

    C'est ce qui est précisément à l'oeuvre lorsque l'écosystème s'appauvrit du fait de la présence humaine: l'homme, par sa culture et son action technologique se sur-représente lui-même au sein de l'écosystème en concentrant la puissance de plusieurs individus au sein d'un même individu, créant ainsi des individus virtuels et surnuméraires dont l'action devra être normalisée par le système. Pour cela, nous voyons des espèces disparaître, n'ayant plus leur place dans le jeu des forces concurrentes, déséquilibrées et éjectées sans ménagement de la place qu'elles occupaient auparavant et qui n'existe plus. Il est loisible de voir l'écosystème de la même manière que Saussure représente le système de la langue: un puzzle. La modification d'une des pièces implique nécessairement la modification d'une ou de plusieurs pièces adjacentes, et potentiellement de maintes autres pièces du système.

    Ainsi, la deuxième voie à envisager pour l'homme qui ne souhaite pas renoncer à la culture, est une intense et longue (indéfinie) réflexion sur sa capacité à créer des artesystèmes, c'est à dire à concentrer de l'énergie par la création virtuelle d'éléments au sein d'un ou de plusieurs éléments existants. Par la mémoire et la science, l'homme se multiplie lui-même, puis par son action technologique peut multiplier d'autres éléments, comme le montre par exemple la réchauffement climatique imputable à une sur-représentation des gaz à effet de serre (certains éléments, artefacts, venant concentrer en eux une grande partie des gaz auparavant disséminés dans un repos et un éloignement relatifs).

    Il est, je pense, nécessaire de regarder tout cela d'un oeil calme et réfléchi. Nul besoin de crier au loup en stigmatisant la culture, tout comme il serait aussi idiot et précipité d'encenser la culture au nom d'un statut d'exception de l'humanité, le distinguant des animaux. Les artesystèmes ne sont ni négatifs ni positifs en eux-mêmes, leur action, comme celle de toute chose, doit être comprise au sein d'un contexte et reste donc relative à ce contexte d'observation. Il existe bien des cas où la multiplication des forces au sein d'un artesystème permet à l'homme de réaliser des accomplissements qui permettent à l'écosystème de conserver sa richesse. Je tiens d'ailleurs à répéter encore une fois, que l'artesystème est un processus naturel et que l'histoire de l'évolution de l'écosystème terrestre en est l'illustration parfaite: certaines espèces disparaissent, d'autres demeurent, et d'autres naissent. Des bouleversements profonds peuvent avoir lieu, refaçonnant radicalement l'équilibre des forces (pensons à la disparition des dinosaures). Ainsi les défenseurs d'un farouche statu quo du système, qui bien souvent se réclament du naturalisme, tombent dans les mailles d'un filet bien humain. La nature telle que nous la connaissons, loin d'être un système figé dont la richesse n'évolue pas, est au contraire une destruction-création permanente.

    Il semble cependant intéressant de comprendre le plus finement possible l'écosystème afin de pouvoir mesurer au mieux les impacts des artesystèmes sur celui-ci. Ceci est le travail indéfini et sans limite de la science: processus d'échec perpétuel dans lequel l'erreur est capitalisée dans l'escarcelle du savoir humain et sert à pallier les erreurs passées, comme celles encore à venir. Il n'existe pas de savoir positif, sa nature est fondamentalement négative, c'est à dire qu'il ne procède que par rapports, par mesure de différences. Ainsi, il semble que jamais nous ne puissions atteindre, dans un monde infini ou indéfini, la maîtrise exhaustive des éléments en jeu dans le système, le savoir se réduisant alors à un interminable rééquilibrage des forces mises en oeuvre, par tâtonnements successifs, par erreurs fatales et réussites grandioses.

    PS: il est possible, afin d'être encore plus abstrait que cela, de réduire la capacité intensificatrice des artesystèmes à la concentration de durées au sein d'une durée. Les artefacts n'étant plus alors que des objets concentrant dans leur durée une durée qui les surpasse, amassée par la science et déposée en eux afin de s'y déployer. Ainsi la voiture concentre en un voyage, la durée de plusieurs voyages à cheval, elle concentre donc de la durée au sein d'une durée plus courte. Mais ce point devra être traité dans un autre article concernant les concepts de médiation et d'immédiation.

    mardi 24 mars 2015

    L'arbitraire et le nécessaire

    Ecrire est une manière de mourir, pour moi, qui s'accorde mal avec le retour des jours de douceur où lentement cuisent les désirs, attisés par les langues voluptueuses d'un soleil licencieux. En ces jours, je n'écris pas, je vis. J'aime vivre bien plus qu'écrire. Tout comme j'aime écrire bien plus que vivre. Chaque saison, chaque seconde, son désir et sa complexion, chaque instant sa vérité qui n'en est pas une.

    Toutefois, dans cette oisiveté lénifiante où je m'ébats, se tapie une envie de créer qui semble être issue d'un désir de mort inaltérable et ne connaissant, comme la flamme éternelle, que des soubresauts et des vacillements incessants, qui font de l'homme une chose aussi évanescente que le vent. Je me remets doucement à lire quelques ouvrages scientifiques, à mon rythme du moment, c'est à dire pas plus qu'une poignée de pages par semaine. J'ai toujours été lent, je dois dormir sur les choses pour qu'elles s'assemblent avec cohérence dans l'immense dédale qu'est le système de ma conscience. J'ai donc savouré ces pages, et j'ai compris quelque chose, un chemin se dessine doucement, que les années et les informations confirment. Je dois écrire quelque chose sur la science, et cela me prendra certainement du temps (la procrastination n'aidant pas).

    Je garde tout cela dans les rayonnages infernaux de ma volonté diffractée, j'y reviendrai peut-être un jour, ou peut-être pas... J'ai toujours vu plus de vanité dans cette poursuite du vent qu'est la science (en terme général), que je ne m'éreinte plus à courir après les édifices intellectuels. Tout cela sera balayé d'une manière ou d'une autre, que ce soit par une altération physique irrémédiable ou bien par une infirmation d'un temps à venir. Si cela demeure, ce ne sera de toute façon que sous la forme d'une belle histoire, une fiction de plus peinte sur les murs de nos cavernes, un dessin animé de plus sur l'écran de nos vies, en lequel on peut avoir envie de croire ou non.

    Pour tout cela, je reste calme, chevauchant le présent sur la planche de mon corps, sentant la vague du présent me faire glisser sur son épaule, dépassant toutes les digues et autres constructions de mes semblables; tout cela disparaîtra de toute façon, tous ces artifices pour retenir le présent et le fixer en un point déterminé... Je ne retiens rien dans ma main et mon troisième oeil ne s'arrête jamais sur un lieu particulier, je n'ai que la pulsation de l'instant pour me retenir, le battement de mes pas lorsque je marche, le sillon plus ou moins harmonieux de mes pensées se concentrant sur la note de mon présent. Je n'écris pas de partition de tout cela, je ne fais que vivre la musique, celle que ce moi-instrument égrène en dilettante sous la caresse du temps-réalité.

    Je ne veux rien laisser derrière moi, nulle trace, nulle petite maculature de vanité, aucun désir de gloire, je veux être englouti par le temps et poursuivre la grande métamorphose de l'énergie, devenir autre, véritablement autre, sans retour en arrière.

    Peut-être, à cause de cela, n'écrirais-je jamais ces sommes philosophiques qui dorment dans ma tête, me contentant de chanter à tout va ma sombre poésie, comme un choeur accompagnant le chant des choses qui s'en vont. Le monde chante et le bruissement subtil de sa mélodie me parvient aux oreilles à chaque instant de solitude, instant qui me ramène immanquablement face à mes faiblesses d'humain, face aux désirs de gloire et cette dérisoire envie d'admiration. Je suis mon propre censeur, saccageant par avance toutes mes entreprises. Je me contente de ces simples complaintes à la musicalité discutable mais qui me procurent toutefois le sentiment d'accompagner un peu la vie dans son concert, car voyez-vous, je ne peux me départir de cette indéracinable sentiment que tout ici n'est que musique.

    Alors je renonce à dire quelque chose du réel, tout juste consens-je à déposer ça et là, dans ce monde virtuel qui ressemble tant à l'esprit, quelques chansons qui sont miennes, les quelques notes qu'aura su tirer de moi ce vieux monde insondable. Et tant mieux si d'autres écoutent cette musique en chantant, tant mieux si parfois les larmes ainsi que le sourire se meuvent sur leur visage, tandis que le long filet de mes mots coule lentement comme en sourdine, pour leur parler de ces moments où j'étais là, partie prenante d'une symphonie gigantesque et totale où chaque son est à la fois purement arbitraire et tellement nécessaire

    dimanche 1 mars 2015

    Les fragments des confins

    Encore une nuit passée sous les projecteurs du silence,
    Ivre danse ensablée sans un projet d'existence
    Au petit matin j'entends l'écho de fossoyeurs lointains
    Ils creusent sans relâche sous le lit de ma tombe
    Ramassent sous mes cadavres des étoiles à la pelle

    Depuis le temps que je les observe dans leur demeure céleste
    Avec mes yeux d'enfant perdu qui sent au loin la proximité qui lui manque
    Je savais bien au fond, depuis que je vous regarde fasciné
    qu'un jour je vous retrouverai: faubourgs si proches où je suis né

    Il est de ces matins trop gris pareils à une vie de marin
    Qui font de chaque chose l'écho d'un langage forain
    Et chaque terre aperçue n'est plus qu'un rivage incertain
    Où tous les ponts traversés s'éteignent en souvenirs lointains

    Être présent n'est jamais qu'une manière d'être absent
    Me dis-je en regardant le vide
    Tandis que pleuvent sur ma tête tant d'étoiles calcinées

    Un pas en succédant à un autre
    Une main qui se lève
    Un objet qu'on ramasse
    Un regard bref au reflet sur la glace
    Voilà la vie dans ses gestes futiles
    C'est là tout ce que ma sombre sève
    Aura su faire murir de fruits

    Et j'entends les coups de pelle
    Le crissement laiteux des étoiles ramassées
    Je sens leur feux qui m'appelle
    La spirale de mes bras, les secondes amassées

    Je sens le souffle, le vent stellaire des confins
    Tout le ciel entassé qui se meut dans ma main
    Mon sang qui étouffe, solaire et sans fin
    Le sel du passé qui repose à demain

    Nous sommes robots de chair aux maîtres minéraux
    Issus d'une mélodie claire aux chanteurs sidéraux
    Celle-là même que dit le ruban de mes mots
    Céleste prosodie qui soumet mon tempo

    Les heures se suivent comme un chapelet d'actions
    Et vivre est un programme en cours d'exécution
    Sur l'écran de l'espace apparaissent des phénomènes
    Où la conscience incarne une vague ombre humaine

    J'ai toujours été un passager curieux
    Quelqu'un d'un peu léger au plaisir très sérieux

    Toutes ces étoiles au creux de la terre
    Vomies sur ma tête et chacun de ses frères
    Nous ne nous sommes touchés qu'une fois
    C'était tout à la fin, en un futur d'autrefois

    Mon véhicule-matin qui m'emmène à l'ennui
    A une énorme fenêtre par laquelle je m'enfuis
    J'ai regardé dehors plus que de raison
    Il n'y a pas un jour où je ne fus saison

    Une matinée grise où s'écoule l'écho de la veille
    Comme la nausée heureuse d'une horrible merveille
    C'est cela que le présent: une déportation sans fin
    Où je recherche dans le vent les fragments des confins