samedi 29 janvier 2022

Décombre

Du fond de ces étoiles auxquelles je suis apparenté, je puise, indécemment heureux, une énergie sans borne et par laquelle j'accède au cœur de mes cellules, au noyau de mon âme.

Ne cesse point, source vive, de forer creux la roche de mes anfractuosités. Que même le son de ton écho informe la matière de mon intime absurdité. Que ne puis-je, grâce à toi, m'effriter au-dedans, et qu'un fol univers jaillisse de mon décombre en feu.

J'ai peine à décider de quelle inanité doit se nourrir mon âme; et pourquoi fortifier ce dont je jouis de la dissolution...

jeudi 20 janvier 2022

Anti-virus

 Un jour banal consiste à combler de grands vides à l'aide d'imprécises poussières. Derrière de trop grands yeux qu'ont brûlé les lueurs d'indéfinis spectacles. Qu'ils brillent nos acteurs dans l'iridescence de leur si haute définition...

Ma fonction est modeste, j'alimente un feu mort, ranime chaque braise. J'apprivoise en dé-domestiquant. Je construis des échaffaudages en détruisant des forts.

Perché sur une estrade, invisible et factice, je jette à des pigeons, les miettes du savoir. J'empaquette du vent, j'explique les mensonges.

Ce monde qui m'élève, en me rapetissant, je lui dédie mon œuvre. Je libère l'algorithme, le code source de ce programme: réalité 2.0, postface d'une ancienne nation.

Ce monde que je désosse par paquet de deux heures, c'est celui que j'ai du démonter de mes propres structures, prothèses de nos âmes encore plus authentique que le mythe de nature.

Je suis payé pour ça, programme d'entretien, artisan d'une "république" qu'ils ont prostituée. Virus dans la matrice, j'injecte mon venin dans l'âtre refroidi, le souffle interdit des pirates qui franchit la cellule, injecte son programme dans l'orbe cellulaire.

vendredi 14 janvier 2022

Se tenir compagnie

 Sur le chemin d'Hadès, il est parfois quelques haltes propices à se donner de l'élan. Non parce qu'on serait investi d'un savoir soudain, capable de nous rassurer a priori sur les routes à choisir, l'issue de nos combats, mais une simple absence de peur, vaincue par la nécessité.

Il faut être salamandrin aujourd'hui pour construire sa galère tout au milieu des flammes. Le siècle brûle, les temps se précipitent vers la grandiose chute. Tout ne sera pas détruit et puis... Détruire est nécessaire à la vie, nous n'existons, nous individus, comme nos cellules, que par le tout que forme l'organisme, la société, la vie.

Voilà bien qui nous dépasse et qui peut regonfler le cœur malgré la tragédie.

Et si ce n'est pas le cas, au fond, qu'est-ce que cela changera?

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J'ai tout oublié. Une amnésie lustrale s'est emparé de moi et me fait regarder les êtres, les choses, et toute la fiction cinématographique de mon destin comme un projectionniste face à la bobine inconnue, qui déroule sur l'écran d'une autre dimension les images d'une autre vie.

J'ai du courage parce que je peux nier, allègrement, ce qui je fus autrefois. C'est toute la passion d'une foi aveugle qui est nécessaire pour remplir les abîmes qui séparent les instantanés de ma conscience empirique, les jours qui séparent les réveils, à tels points sans cohérence qu'ils forment des naissances successives. Il faut bien de la foi, et je n'ai foi en rien. Ni en moi-même, ni en la liberté, encore moins au déterminisme. Je n'ai pas même foi en mon propre doute qui s'effrite dès qu'on le gratte et laisse place, enfin, à l'ignorance atone, ineffable vérité, anti-proposition qui soigne tous les dogmes.

Il faut quelque courage pour fendre le Néant, sans nulle carte pour guide, nageur de l'infini ouvert. Je comprends ceux qui souhaitent plus que tout confondre carte et territoire. Qu'il est rassurant de vivre en sa propre demeure, qu'on a construite, presque, de ses mains. Mais si l'on y trouve un réconfort, c'est au prix de feindre, à tout instant, que cette carte est un réel qui se découvre nouveau à nos yeux, et non une représentation achevée que l'on tient dans sa poche. Voir cela et le réaliser, c'est devenir fou, c'est devenir lucide. Et préférer alors la grande errance à tanguer sur les flots de rien, qu'on ne peut même appeler flots...

Qu'il faut être capable d'être bien des choses pour devenir un monde. Et devenir à soi-même cette autre inaccessible.

Dieu n'est jamais qu'une ombre de nous-même -- et qui parvient à nous surprendre.

jeudi 13 janvier 2022

Aphorisme de l'auto-connaissance

 Il n'existe pas de connaissance de soi; aucun savoir préalable ne peut guider les pas d'un homme. Le chapelet de ses actions forme une indéductible vérité.

mercredi 12 janvier 2022

Parallèle


 

 

 Oh poison débilitant qui souffle sur les cris le baume émollient d'entropie. Disjoins les cellules, les neurones, les souvenirs. Qu'ils restent enclavés, comme un train désossé dont chaque wagon gît dans un pays différent; dont chaque rouage esseulé tourne dans la mécanique inepte d'un vide incandescent.

Partage mon âme en deux, en parties qui s'ignorent. Sape cette structure, fais de chaque élément le signe abscons d'un langage aboli. Que rien ne tienne ensemble dans le nouveau chaos, et que jusqu'aux échos de l'ancien système se perdent au bout des choses.

Qu'il est doux ce moment, où même un objet familier, n'est plus à rien relié: contempler le réseau de toile déchirée. Je me retrouve au bout de ton impasse, avec pour seul souvenir, l'idée trop persistante qu'un autre monde est là, de l'autre côté de ces murs, que tu dresses -- parois de mon tombeau faits pour me protéger. Je suis reconnaissant...

Peu à peu tu défais jusqu'à l'intelligence, jusqu'à ces facultés qui tissent un monde sans avoir la décence de demander si cela est séant. Car cela n'est pas séant n'est-ce pas? Ce n'est pas ce que nous voulons: exister?.. C'est bien là qu'est tapie la souffrance infinie, celle qui dans l'instant racole, les autres à venir. Pourquoi te faire si belle, te vouloir immortelle, tu passeras aussi, comme tous les naufrages, laissant derrière toi le tapis fleuri de mille vies nouvelles, qui sauront faire peau neuve de ton cadavre exquis.

Coule interminable conscience! Coule en vaine permanence! Tu sais si bien tenir en ton cadre indécis ce qui se résigne à passer, le présent qui se couche pour dresser l'avenir.

À présent je me couche, pour mieux te voir partir. C'est dans mes yeux ouverts qu'impudique tu touches le monde pur et forain, l'altérité des choses qu'inexplicablement tu veux rallier, souiller de ta vaine constance.

Je dois fermer les yeux, si ce ne sont les deux, au moins celui qui parle; et celui qui vomis en couleurs constellées l'invraisemblable féerie des ces cieux lointains, ceux-là même qui toisent, de leur nécessaire extranéité, la terre où crient des âmes ivres de leurs semblables, et qui s'entre-dévorent.

Pardonne-nous réel, nous sommes bien petits: de ta puissance illimitée, nous ne savons tirer que cette vile comédie, d'autant plus pathétique qu'elle est pour nous le parangon des tragédies.

Et je ne sais fermer les yeux. Seule une toxine émergée de ton art parvient à pétrifier en nos gorges acides ce souffle que nous insufflons jusque dans nos machines. Issue d'une vapeur létale, nous sommes les grouillantes vies, des formes rudérales sur les trottoirs souillés d'une intangible galaxie -- dimension parallèle.

Paradis parallèle, il faut sauter dans le vertige pour enfin te rejoindre, il faut franchir le Rubicon, boire l'eau noire du Styx, et faire de nos artères un fleuve du Néant.

Et, peut-être qu'alors, enfin, disparaîtra le symptôme infâme et dénué de rythme, qui glisse atone et seul dans l'Être tolérant: ô toi  féroce lucidité.

mardi 11 janvier 2022

Boomers

 Le siècle croupissant continue sa marche putride, rejeton dégénéré de boomers unis dans la démesure nihiliste. L'histoire moderne est un sillon sanieux sur lequel poussent de pathétiques orties qu'on ose encore appeler hommes. Moins que des esclaves en laisse, ensemencés par un syndrome de Stockholm plus vif que l'enfer et qui fait le supplicié plus vicieux qu'un démon. Frères! Nous sommes parvenus à jeter dans le monde une génération entière d'utopistes, à l'entendement et aux sens suffisamment atrophiés pour ne plus sentir le réel, et faire de son rêve informe un dogme naturalisé, mouvement vers le rien qui les couronnera enfin du titre honorifique de Derniers des Hommes.

Et toute cette engeance exécrable, qui mange ses enfants dans le siècle agonisant, s'injectant par litres entiers la douce hémoglobine d'une jeunesse éternelle, toute cette engeance liguée contre la vie même et refusant la mort de leur personne: seul dieu auquel ils savent encore vouer un culte. Cette engeance se passe au cou des médailles, se peint aux couleurs de l'honneur qu'ils sont incapables de sentir en eux et qui ne demeurera à jamais qu'une parure à arborer.

Voilà toute l'arrogance des enfants de la paix, toute leur terrifiante bienveillance qui pave patiemment sa voie d'or pour mener à l'enfer le reste de l'humanité, des vivants, tout en exécutant à tour de bras d'insensées anathèmes sur l'autel médiatique de leur Inquisition.

Pauvres fous qui ne voulez partir, dont la paix ressemble à la guerre, dont le bonheur est agonie, dont l'idéal est une impardonnable cécité...

Il vaudrait mieux pour vous que l'épilogue à vos tristes destins soit un néant total. Car il faudra bien du courage, à vous anges déchus, pour affronter le poids immensurable de votre inouï péché.

mercredi 5 janvier 2022

Sur mes croyances mortes

 J'ai du en ravaler, des borborygmes de ce petit sous-genre que je m'escrime à cultiver jusqu'à l'ennui du monde. Combien de cris résonnent dans ma gorge et pressent sur ma pomme -- d'Adam -- le poids de pleurs enfouis?

Petit sous-genre ô poésie... Écriture des gens qui n'ont le temps d'écrire. Écrit d'amusement, de passe-temps qu'on tue, étrangle dans le nœud coulant des lettres. Insensé passe-temps...

Me suis-je trop acharné? À voir dans tes si basses cimes, un horizon glorieux: une chose par moi créée et digne d'intérêt...

Chaque jour, pourtant, le monde est là pour détromper, cette si noble aspiration, qui gonfle un égo pneumatique rêvant de s'envoler. Serait-ce pour s'accrocher au ciel? Comme les "stars" de cinéma qu'on scrute avidement?

Que la société puisse faire de l'enfant mal aimé, un ornement décent et assez engagé pour qu'on se résigne à le garder au cou. À défaut de l'aimer beaucoup...

Petit passe-temps, ô rêve infatué...

Que je comprends maintenant pourquoi la musique des soirs ne sait plus me lever. Je reste dans mon lit hanté par les fantômes d'informes poésies.

Égo tissé d'illusion, ne partons plus suivre le vent. Restons ici, sur la cendre soyeuse de mes croyances mortes.