samedi 8 février 2020

Sur la petite scène

Plus grande entrée dans le journal. C'est que ma vie n'a rien à dire de neuf. J'ai bien compris que je n'étais rien, rien que le monde qui s'apparaît par mon interface singulière. Je ne suis qu'un outil commode qui trace des symboles sur l'indétermination primordiale.

Je suis le paradoxe de l'infime fragment qui veut redessiner le tout et le comprendre en soi comme chose donnée par lui.

Maintenant, je n'ai plus grande attente. Je me laisse prendre indolent. J'écris les impressions qui me traversent, les fulgurances de vérité qui n'en seront pourtant jamais. C'est le théorème d'une conscience enclavée qui produit ses propositions littéraires enflammées, lettres d'amour au monde jusque dans la haine qui consume.

Se consumer c'est bien. Ça fait passer le temps qui de toute façon doit passer. Et ça passe, ça passe en ajoutant ses unités au grand compteur d'années. Unités-symboles de rien, de tout, d'une différenciation dans le grand écoulement égal des choses. La société construit ses petits ensembles qu'elle ordonne en continuité pour se conter le récit d'exister. Je suis un sous-ensemble de l'ensemble, unité d'innombrables unités qui se défont en sèmes.

Un rythme, une esthétique ontologique, une métaphysique en être.

Les actes seront oubliées. La seule chose qui compte est l'éternité de l'instant vécu, le reste... Finira érodé par l'entropie, l'oscillation deviendra droite, la note aura été jouée.

Je passe emporté au hasard du destin sur un vélo d'enfant, avec des carillons tout plein qui sonnent dans les vents.

Le moment d'avant la question est la formule universelle des réponses.

Je suis d'entre deux lourds silences, comme un bruit nécessaire à son humble existence.

Les choses se taisent même à l'intérieur des sons. Chaque son est entrecoupé de silences entrecoupés de sons.

Je vais me taire plus souvent désormais. Je n'ai plus grand chose à me dire. J'attraperai mon âme instrument capricieux et je jouerai la musique de mon propre espace-temps. Je jouerai encore et encore avant que la lumière s'éteigne.

J'aurai fini ma tâche quand rien n'apparaîtra sur ma petite scène.

vendredi 7 février 2020

Ce que les autres semblent

Honnêtement? Je ne me souviens plus à quel âge je l'ai perdue...

C'était peut-être en quittant le pays, oui... Ça doit être à ce moment là. Je me souviens comme les journées ressemblaient à la nuit là-bas. Je me souviens ce que cela fait d'être étranger à sa culture d'accueil, de n'en pas comprendre les coutumes, de n'en pas apprécier les goûts, et de scinder son âme en deux parties. Il est vital qu'une part de soi continue à vivre...

Honnêtement, je ne me souviens plus de l'âge mais néanmoins de chaque instant, de chaque seconde, de chaque atome de temps écoulé.

Ça me fait toujours un peu sourire les gens qui prennent une mine contrite lorsqu'ils évoquent un passé douloureux, j'ai toujours eu l'impression qu'ils jouaient un rôle, faisaient marcher les neurones miroirs qui font que l'on singe les comportements collectifs jusqu'à ne plus s'en rendre compte. Eh quoi, le passé est révolu, si vous racontez cela depuis le lit d'une humeur équanime quel besoin de jouer la tristesse...

Je me souviens donc de tout cela: du froid de glace qui couvrait la chaleur survivante, des jours gris qui rendaient chaque mur, chaque angle, toute forme sale et angoissante. Je me souviens des forêts sombres qui m'isolaient dans le présent insulaire, comme un naufragé de l'exil qui s'échoue sur un rivage malvenu.

Je n'avais que des shorts et des bermudas dans ma garde-robe qui ne servaient à rien ici. Avec mon look de surfeur au teint hâlé, j'entrais sur la scène comme un arlequin dans un film en noir et blanc. Un film dans une langue originale, qui n'était pas la mienne bien qu'elle en empruntât les mots et les phonèmes. Mon accent se dissolvait au contact de ce bain linguistique forain et hostile, ridicule et comme arriéré.

Il fallait se déshabiller de soi, ce soi qui n'est au fond qu'un tas de fringues que l'on enfile depuis tellement longtemps qu'on ne l'identifie plus comme tel, qu'il est devenu peau. Il fallait enfiler le nouveau costume, apprendre son texte comme on dit et porter haut le masque. Y a-t-il seulement quelque chose de neuf dans ce processus? La vie sociale n'est-elle pas invariablement ce même cheminement d'intégration forcée qui mène chaque humain à se faire un reflet, quand bien même anamorphique, de tous ceux qui l'entourent?

À un moment donné on ne se donne même plus la peine d'enlever ses habits pour dormir. On se couche ainsi, on devient peu à peu ce que les autres semblent et ce qu'au fond jamais nul n'est.

lundi 3 février 2020

[ Terres Brûlées ] Égrégore

Sous-titre: l'obsolescence de l'homme





AAAAaaaaAAAAAaahhh!
Ça gueule et grogne au fond du tambour sec
Ça casse sable et crisse pour un morceau de sexe

Et ça cherche, ça cherche
Au fond de tous les coins
Sait-on jamais si dans un trou le point
Qui nous annule est là

Ça crache en pluie de mille bruits
L'amour en vains débris
Et puis les cris...
Des cris qui glacent les atomes
Dans leur gangue d'éther

L'alcool dans les artères
Le tourment qu'on déterre
À coups de pelles cyclopéennes
Ça viole sec dans les sous-sols!

Un lourd froissement de tôles
L'esprit se révolte en sourdine
Écrin de l'inconscience
Où gît le joyau silencieux
D'impudiques souffrances

Tu souffres il souffre
Nous souffrons vous souffrez
Mais le monde s'en fout
Avale la fumée

J'explose en mille épaves blanches
Écume des grands larges
Et mousse au bord des lèvres
La haine dans la glace
Reflet que je déteste

Rupture de flux vital
Épuisement des stocks
La joie? Comment!?
Vous y croyez encore!?

Pétales silencieux
Ternes et mats
Comme une ecchymose
Aux couleurs écarlates

Patate brute
Sur peau de face tendue
Poings de sculpture
Qu'on se lance en ratures

Eh quoi! C'est mieux qu'user de fil
Pour se coudre une image!

Neuve s'il vous plaît!
Refaîtes-moi nouveau!
Quelques fếlures en moins
Quelques options utiles

Que plus jamais ne manque à mon vilain tableau
D'amendements concrets pour souffrir l'existence

Pelote brouillée de peurs
De souffrance aurorale
Vous prendrez bien de la démence
Pour saupoudrer le mal?!

Qui ronge comme un ver
Le long tuyau de selles
Parce que la merde digère la merde
Sans reculer d'autant

Étincelles mutines
Giclant de vif éclat
Sur le tapis bien sale
De la conscience en larmes

En flammes l'attention!
C'est le présent qui brûle
Du sillon d'Attila
Et saigne incandescent

Lumière?
Oui, charriée par les bûchers
Qui tout autour démarrent
Les idées en croisière ont jeté les amarres
Et tout part à veau l'eau
S'éteindre au fond des mers

Des mères amères de voir
Tous leurs vains sacrifices
Servir de torche-cul
Aux machos qu'elles ont fait

Mon fils est fou!
S'affolent-elles ineptes
Hurlant des mots hideux
Dans leurs cris sales de chiennes!

Elles savent
Qu'un jour pas si lointain
Elles fleuriront les tombes
Avec des chrysanthèmes

Les mères les femmes et les chiennes
Hululant à la lune
Pour le retour des mâles
Qui dorment sous la dune

Mais là-bas l'air est bon
On suffoque on étouffe
De douleur enragée
On dégorge le vice
En souffrance outragée

On s'y badigeonne de néant
Pour se cacher de cieux méfiants

Que crève cette engeance
Et tous ceux qui, méchants,
Cultivent les beaux rêves
Pour violer leurs enfants

L'estomac qui éclate
Ça dénouera le nœud
Mais la gorge renâcle
C'est ça de boire le feu!

La semence divine
Dans tous les orifices
L'âme percée vomit
L'infâme lueur de rien

On nous a trop menti
Bercés de songes sales
L'univers est un mur
Qu'on s'empresse de repeindre

Tous les symboles
Du fond de tous les âges
N'ont pourtant rien à dire
Et rien à nous apprendre

La fange culturelle
Pourrit même les pupilles
Pirate nos neurones
Liquéfie les organes

Et presse! Presse!
Les gens comme des oranges
L'humain c'est pas grand-chose
Ça fane vite un peu comme les roses

Ça travaille plutôt bien
Fait la guerre assez mal
Mais bientôt c'est plus rien
De la poudre d'étoiles...

De toute façon...

De toute façon
Plus rien n'est vénérable!
Chaque atome lointain
Ourdit des plans minables
Pour contrer un destin
De distance insécable

Avale donc le rêve totalitaire
Étouffe-toi dedans
De rage militaire
C'est ça l'amour enfin

Une étreinte forcée
À ton corps qui s'éteint

Mais le dégoût déteint
Jusqu'au tissu des Moires
Ce fil tressé de noir
Doit être ici coupé

Les têtes de chacun doivent enfin chuter
Aux pieds d'une nature qui s'est faite rouler

Un coup de pieds dans les étoiles
Et l'univers restructuré
Programmation du spectacle AN-NU-LÉE
Pour cause de grève sidérale

Les dieux sont sidérés
On veut refondre le tissu ontique
Gratter dans tous les coins
Arracher tous les tiques!

Et qu'on y perde des litres
De sang souillé de tourbe
Parce que la force ultime
Surgira des grands fonds

La reine habile est là
Puissante dans l'arène
Les gladiateurs se figent
Et retiennent l'orage

Elle est ici! Enfin!
La mère d'indéfinis récits
La bouche des plaisirs
Langage universel
Ô cercle de l'Histoire

Les armes chutent au sol
Les cadavres se couchent
L'enfant dévore sa mère
Les hommes inquiets écoutent:

Chut! Chuuuut!
S'indignent les plus viles
Ceux des sources taries
Qui n'ont bu que la lie

Alors enfin
L'éternité s'élance
Et les souffles refluent
Tant le Réel est noir

La grande histoire des hommes
Remonte son long cours
De l'unisson des cœurs
A jailli l'égrégore

Ils ont été nombreux
À désirer ce monde
Qui bientôt fait de l'ombre
Au grand royaume ancien

Là regarde comme c'est beau
Ils rêvent d'un cosmos
Tout plein de leur absence
Et dépourvu de cause

Vierge, nu
Fait d'astres illettrés
Car le temps est venu
L'obsolescence programmée

Demain? D'accord,
Mais sans l'humanité