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mercredi 9 octobre 2024

Comme il ne faut pas écrire

L'écriture contemporaine est uniment médiocre: elle est le juste milieu entre tous les styles (familier, soutenu, etc.), c'est-à-dire qu'elle est précisément absence de style. On y donne les informations de manière immédiate, sans la médiation d'un monde, d'une temporalité qui s'impose à vous comme une loi physique. Il faut tout dire, et vite. On distingue les rouages de l'intrigue car on voit à travers cette écriture qui n'a plus d'épaisseur et de substance. Lire une ligne de cette littérature c'est connaître l'ensemble des œuvres à la mode. La narration s'étale, monotone, sur la surface plane du récit qui ne constuit aucun sommet difficile, aucun abîme insondable. Le roman d'aujourd'hui est une surface pure, une apparence qui ne fait signe vers rien, vers aucune transcendance véritable car la signification se donne tout entière, à chaque instant, sans besoin de dévoilement.

Probablement, un jour, quand les choses ici-bas iront mieux, une autre époque se penchera sur la nôtre et se dira: c'est comme cela qu'il ne faut pas écrire.

On n'écrit pas un roman comme on ferait visiter son âme à un psychiatre, par de maladroites et infantiles allégories.

mardi 19 septembre 2023

Faire surface

 Petit coin isolé dans le vaste univers, assorti d'ombres folles ô souvenirs de jamais; pourquoi donc, ô pourquoi chaque épreuve pointe vers toi..? Ordre que j'invente aussi loin que possible de vous; juste un coin de la nuit, sans photons pour obscurcir le grand ciel, pour cacher la vérité des abîmes, ô ma joie... Ma joie... Ma joie... informe obscurité, chose sans-fond, voyelles sans consonnes: 

ÉVOHÉ!!

Je voyage dans les jungles de mon imagination, au sein de paysages lunaires, chaos granitiques, surfaces lisses où le regard porte au loin. L'amour des océans c'est le désir des images simples qu'on peut parcourir, indéfinitivement. Dans le nu, dans l'apparence sobre épurée gisent les possibles de ma joie, celle qui me fuit dans le monde saturé de vos élans, de vos pulsions, d'images criardes, d'informations encodées, des plates nourritures du siècle sans psyché.

Je regarde les moutons qui font face au mouton que je suis, assis dans la résignation et moi debout sur le promontoire érodé d'un statut qui se ment. Je regarde ces reflets de moi possibles, et je méprise, trop souvent, ce que j'ai néanmoins été. Combien d'âmes seront sauvés de ce siècle..? Par moi? probablement aucune. Qui sait... Considérations vaines de l'égo qui inspire, se gonfle dans l'angoisse, survit lui-aussi, comme une chose existante et prise au piège.

Je regarde vos yeux qui regardent les peintures rupestres de ces contemporaines cavernes, nomades cavernes, dont les ombres si puissantes font regretter d'être là, dans l'entrelacs d'un réel ininterrogé -- vieux mur croulant sous les plaisirs immédiats qui séduisent parce qu'ils se donnent aisément. Que fais-je ici à gagner ma vie, à remplir une mission ô si haute et noble: ourdir le nouvel Ordre d'adeptes forcenés, sans envergure, sans même le concept de porte de sortie?

Je voyage en mon for intérieur, parle aux étoiles qui peuplent mes pensées souterraines. Je parle en vain mais je vis, mes mots mordorés brillent d'une énergie qu'un moi mondain n'a plus -- caricature anonyme et impersonnelle dans de publiques structures qui moulent infiniment des masses.

Petit coin isolé que je suis, que je vise, d'un regard porté vers l'extérieur et qui retourne tout de même le monde à l'envers, pour y voir, perpendiculaire, l'âme qui se plante en la glèbe des choses, reliant la surface du monde à une dimension supplémentaire et superfétatoire.

La société est merveilleuse, il suffit pour y être heureux, de s'aplatir enfin totalement: il n'y a qu'ainsi qu'on fait surface.

On s'aplatit... écrasés de bonheur.