Je livre ici le prologue d'un projet de roman entamé en 2018 (et que je retrouve en mes archives). J'aimerais, si vivement, parvenir à achever cette œuvre suspendue un jour... Je la conçois comme un conte pour adultes. Dès que la motivation reviendra, je retravaillerai la suite qui ne me convient plus aujourd'hui. J'ai bien quelques idées mais qui se téléscopent encore trop et dont la liaison ne forme aucune évidence en mon esprit. Cette partie limiaire que je dépose ici me semble suffisamment achevée toutefois pour ne pas faire l'objet d'un remaniement ultérieur (conséquent du moins). Une fois n'est pas coutume, je suis satisfait de ce premier chapitre. Il reste désormais à accorder les autres et former l'euphonie d'une œuvre.
"Le bonheur c'est pas grand chose, c'est juste du chagrin qui se repose" Léo Ferré
vendredi 8 juillet 2022
Les belles-de-jour de nuit sont belles [ Chapitre 1 ]
samedi 10 juillet 2021
Incipit d'un livre fantôme anonyme
Brouillon du 29 Janvier 2019. Un projet avorté, comme les coulisses de cette scène burlesque en sont allègrement jonchés. Sur le cadavre de mes volontés poussent les quelques poèmes que vous lisez. C'est toujours sur un cimetière que s'élève la vie.
La sonnerie du téléphone retentit dans l'air cloîtré de mon studio, brutale et laniaire pour ma tête brumeuse. Je sens la vibration contre le haut de ma cuisse, l'appareil est resté dans ma poche. Je l'y laisse toujours lorsque je sors et que j'ai peur de perdre mes affaires. Je tente de l'extirper du jean qui le compresse et y parvient tant bien que mal. Le mal de crâne est absolu, terrible, l'effort intolérable. Je maudis celui qui m'appelle ainsi un Samedi matin - matin? Quelle heure est-il d'ailleurs? J'ouvre difficilement les yeux dans une lutte odieuse contre la douleur et contemple l'écran du smartphone qui porte mal son nom. Parents, affiche l'écran luminescent dont les lueurs semblent perforer mon crâne. Putain, tout mais pas ça, hors de question que je réponde dans cet état, impossible de faire bonne figure. Pourtant je sais qu'ils vont s'inquiéter, cela fait deux semaines que je n'ai pas appelé. Ma mère va sûrement passer en revue tous les scénarii catastrophes possibles: l'agression par balle, le suicide ou la prise d'otage... Néanmoins je ne répondrai pas. Je laisse le téléphone sonner, attendant amer que le combiné s'éteigne et cesse de brailler. Super réveil, je me sens déjà coupable, comme si la douleur n'était pas suffisante, comme si le fait que chacune de mes cellules me transmettent le message d'un équilibre biologique bafoué ne soit pas déjà une punition pour mes péchés de la veille... Je les rappellerai plus tard, lorsque j'aurai récupéré, bien que cela puisse parfois prendre la journée complète, jusque tard le soir. Je crois que la dernière chose dont j'ai besoin c'est d'une discussion parentale aujourd'hui. Je suis à des années lumière de leur monde, de leurs préoccupations, et j'aimerais être encore plus loin de cette inquiétude dégoulinante, de cette forme d'amour qui s'apparente à du chantage et vous pèse sur les épaules probablement jusqu'à la mort des deux parents. Ce n'est pas que je ne les aime pas, mais leur attitude est une blessure permanente ordonnant le repli des troupes pour panser les plaies, le poids de la culpabilité de ne pas correspondre à leurs rêves, à tout ce qu'ils projettent de gré ou de force en vous de leurs propres aspirations, de leurs propres valeurs, fussent-elles un poison pour vous.
Je jette le téléphone sur le bureau à distance de bras et me tourne sur le côté en position fœtale. Comment diable poser ma tête sur l'oreiller pour que la pression diminue, comment trouver le sommeil... Il faut que je dorme, il faut que le temps lave les toxines, que le corps se débarrasse des scories du bonheur passé, intense et jaculatoire. Dormir au plus vite. Tiens je n'ai pas regardé l'heure qu'il est. Pas grave, il y a urgence, il faut éteindre la douleur, la chasser au plus loin. Le sommeil est capricieux, pourvu qu'il s'en vienne, qu'il déverse son sable pour enterrer ces sentiments qui m'étreignent trop fort dès l'aurore -- l'aurore? non l'astre est déjà bien haut dans le ciel illuminé. Le monde, une fois n'est pas coutume, s'est levé avant moi.
Chapitre 2
Quelle heure est-il. J'ai l'impression d'avoir cent vingt ans. Une fatigue presque osseuse s'est installée à la source de mon être. Un simple coup de vent pourrait me faire chuter. J'attrape le téléphone sur le bureau: 18h42. J'ai raté quelques tours de manège...il va falloir que j'aille sous la douche, une longue douche pour laver les restes de la veille. Quelle soirée! Je ne me souviens pas de grand chose à partir de deux heures du matin mais tout de même. Je crois qu'on a fait danser la vie hier.
Je ressors de la douche un peu mieux luné, la gueule de bois n'est pas trop forte, la descente de MDMA et de cocaïne me laisse toutefois un peu plus déprimé qu'une simple gueule de bois. Il faut que j'appelle mes parents. Je me prépare mentalement en regardant le téléphone posé sur le bureau. Aller c'est parti! La sonnerie retentit cinq fois puis ma mère décroche:
-"Allo?"
-Salut m'man c'est moi, Anthony.
-Ah, tout va bien? s'exclame-t-elle paniquée. Je me faisais du souci, on a pas de nouvelles depuis deux semaines avec ton père..." Ça y est, je croule déjà sous le poids de la culpabilité, je n'ai qu'une envie c'est raccrocher, qu'on me laisse être tranquille, comme je suis, sans jugement, sans notation.
-"Ouais, désolé j'étais occupé, tu sais les études tout ça, pas mal de révision" mentis-je. Cela faisait presque six mois maintenant que j'avais déserté les cours de médecine. Je ne peux plus supporter ce formatage, encore moins les gueules de tous ces petits cons ambitieux, tous prêts à s'écraser les uns les autres pour empocher le ticket d'une vie bourgeoise avec grosse maison et piscine. Tu parles d'une vocation la médecine aujourd'hui... Hippocrate doit se retourner dans sa tombe.
-"C'est pas trop dur, tu travailles bien?" m'interroge-t-elle, sincère, désarmante.
-"C'est pas facile, on nous assomme à coup de connaissances à ingurgiter, un petit peu comme des oies qu'on gave mais bon rien de nouveau sous le soleil.
-Tu es bientôt en vacances non?"
À vrai dire je n'en savais rien, j'étais tellement déconnecté de cette réalité, de ce monde insipide des études médecine, avec ses rythmes imposés, cette routine presque carcérale. Quelle est la date d'aujourd'hui? Je suis contraint de vérifier sur le téléphone. Ah oui, dans deux semaines c'est les vacances de Pâques tiens.
-"Dans deux semaines oui.
-Tu pourrais peut-être venir nous voir? Te reposer un peu à la maison..." me demande-t-elle un peu mielleuse. Je n'ai aucune envie d'y aller. Dans cette campagne chiante où la vie est sans relief. J'ai envie de rester avec mes potes, de faire la fête jusqu'à plus soif, que les choses vibrent un peu, de voir des nanas, d'évoluer dans d'autres sphères.
-"Oui je vais passer une semaine, je pense que le mieux c'est la première, ça me laissera le temps de préparer tranquillement la rentrée comme ça.
-Super, on t'attends quand tu veux, tu nous tiens au courant un peu en avance.
-Ok je te confirme d'ici quelques jours mais je pense qu'on va faire comme ça. Par contre je vais pas te parler longtemps, je dois rejoindre des amis là.
-Ok je ne te dérange pas. Ça va? Tu as une petite voix...
-Oui oui ça va t'inquiète pas, un peu fatigué voilà tout.
-Tu veux que je te passe ton père?
-Non, pas la peine, je rappelle d'ici quelques jours pour confirmer, on se parlera à ce moment.
-Bon on t'embrasse très fort mon chéri.
-Moi aussi, bisous, à bientôt.
-À bientôt, bises!" crie mon père dans la maison.
-"Ciao ciao!"
Je m'assois sur le bord du lit pour reprendre mon souffle, comme si je venais de fournir un effort intense. Je n'aime pas mentir, mais je n'ai pas le choix. Comment expliquer ça à mes parents? Que mes études de médecine ne servent à rien... Pourquoi retarder la décomposition des corps lorsque l'occident organise le pourrissement du monde et de ses constituants avec une ingéniosité frénétique. Je vis dans un état d'urgence, celui de jouir avant de crever, celui de courir sur un rayon de soleil avant que la grande nuit qui nous encercle ne fonde sur nous. La vie ça doit être une fête, une ivresse éphémère mais totale, et puis mourir après ça. Vivre dans un monde sans espoir ça ne peut que vous presser, il n'y a pas de projets à long terme, pas d'équilibre raisonné à atteindre, on veut juste atteindre le prochain sommet et ne plus jamais redescendre, un jour après l'autre, une acmé après l'autre et se détruire en sourdine avant que les autres ne le fassent.
lundi 10 mai 2021
Aphorisme du poète en chantier
La poésie est le plus court chemin entre les mots et l'ineffable.
La poésie est le plus court chemin entre les mots et l'abîme.
Composer un poème est presque équivalent à composer de la musique: l'acte de production s'y confond quasiment avec celui de réception. L'intervalle entre la création et l'interprétation est très court. Dans le roman, ce n'est pas le cas et il faut toute la complexité de la structure narrative (et sa temporalité) pour que l'efflorescence sémantique s'y déploie. En cela, la poésie est une technique de l'être (et particulièrement de l'être langagier): elle ne produit pas l'acquisition d'un savoir-faire par lequel des artefacts reconduisent laborieusement à l'expérience; elle est une praxis, un savoir-être, par lequel l'étant s'affûte et se transforme en une modalité esthétique de l'existence.
Le poème est accessoire, il n'est que le barreau d'une échelle qu'il faut jeter après usage. L'effet de la poésie est de mener à habiter, presque immédiatement, l'espace-temps de manière esthétique: elle ourdit le regard.
Le poème n'est pas le but de la poésie.
vendredi 5 février 2021
Épilogue?
Quel monde merveilleux! Quelle époque formidable...
Ne sentez-vous pas la "densité atmosphérique" incroyable qui enserre en sa gravité sans mesure la horde des petits humains dociles, petits produits manufacturés sortis des fières usines sociales.
Quelle cure de jouvence a-t-on fait prendre à l'esclavage et toutes les formes de violence qui sont désormais des systèmes multi-étagés, d'interminables chaînes itératives où chaque cause est si lointaine de ses effets qu'il en devient presque impossible d'en retisser le lien!
Quel monde! Je respire le grand air, m'y brûle les poumons d'absurdité malsaine, je m'oint de résignation, m'enduit du suint de nos âmes paissantes dans le cours de l'éternité qui engloutira, je l'espère, à tout jamais, le moindre souvenir de cette honte que nous représentons.
Frères, aux armes!
Mais ceux qui les portent réellement, ont fait interdire l'injonction, les mots, l'idée... C'est à la racine même de l'homme que la soumission est instillée, de l'âme jusqu'à la chair.
Marchons, marchons, qu'un sang d'esclave abreuve nos sillons!
N'est-il pas permis d'espérer, au cœur de l'agonie, un ultime et nécessaire sursaut?
Amis pensons à ceux qui, peut-être, un jour futur, auront à lire dans les décombres de nos vies, le bref roman humain. Il est de notre devoir de peaufiner la chute.
mardi 9 juin 2020
Langage poétique et pluricosmicité
samedi 7 septembre 2019
Rien, du tout
Je pourrais tirer plusieurs leçons de ces expériences. D'abord je pourrais me convaincre qu'il existe, et qu'il me faut trouver, une manière d'écrire des sortes de roman qui me soit propre. Ou bien je pourrais renoncer à l'idée d'être lu et potentiellement apprécié en abandonnant la voie du roman et en poursuivant mon oeuvre sous sa forme originale, jugeant que là est la véritable expression de mon style. Dans les deux cas le choix s'apparente à celui d'abandonner ou non l'espoir d'être aimé, d'être reconnu et diffusé. Autrement dit à voir le monde conférer une quelconque valeur à toute cette production.
Mon problème avec l'époque qui me contient, c'est que je n'ai jamais cru à l'achèvement de quoi que ce soit. Je n'ai toujours vu que continuité indéfinie en toutes choses, et les jalons que posent mes semblables sur l'indéfinité du temps ne m'apparaissent que des marques factices, les coups de crayon d'une carte censée valoir pour un réel indéterminé. En cela, l'ombre des pensées est peut-être encore une manière de vouloir me plier au jeu de mes contemporains. C'est peut-être un livre qui est une partie de mon propre journal, lui-même étant peut-être une partie de mes poèmes. Je suis incapable de constituer un recueil qui forme une unité dans la continuité de ma production. Ce serait comme prélever un fragment de la queue d'un chat et l'offrir à autrui en lui intimant l'ordre d'y voir là un chat...
Peut-être que le seul livre achevé que j'aurais à offrir un jour sera la somme de tous les textes, tous genres confondus, qui constitueront l'oeuvre d'une vie. D'ici là je n'ai rien à offrir de défini. Pas d'objet à saisir, pas de début ni de fin.
Si je regarde quelqu'un, il me faut croire pour cela à la définition d'une personne, il me faut un concept qui permettrait à ma vision de circonscrire l'objet dans le fond diffus des choses qui apparaissent. Je dois pour cela définir le corps, ses contours, l'individualité, etc. Il me faut donc accepter la cohérence d'un certain nombre de concepts et de valeurs qui sont admises par le collectif à une époque donnée. Si je ne le fais pas, il me sera impossible, par exemple, de produire un portrait, ne sachant pas ce qu'un tel concept cherche à définir, ou ne voulant pas admettre qu'il corresponde à une réalité pouvant faire l'objet d'un découpage déterminé.
Voilà bien ce qui termine de m'isoler en matière littéraire. Je n'accorde aucun crédit à ces découpages usuels. Ils ne représentent à mes yeux rien du tout.
mardi 5 mars 2019
Considérations littéraires: travail, magie et scories
Il y a tout de même certains textes qui sortent du lot, qui m'étonnent même parfois tant ils semblent quasiment parfaits. À croire qu'ils ne sont pas sortis de mon âme mais de celle directement de la poésie, dont je n'aurais été qu'un locataire fugace et chanceux. On dit partout, sur les blogs d'écrivains et autres vidéos traitant du sujet "comment devenir écrivain" qu'il faut écrire, écrire tous les jours, quitte à ce qu'une majorité de ce qui est produit soit à jeter, simple matériaux d'entraînement. Je pense qu'environ 95% de mes écrits sont à jeter purement et simplement, ce ne sont que des buvards salis, des brouillons embrouillés que la moindre lecture enjoint de froisser et de rouler en boule. Tant pis, c'était certainement nécessaire.
Je suis définitivement un fainéant. On pourrait formuler cela autrement et dire que cet attrait que j'ai pour la magie est précisément celui pour la puissance de l'efficacité. Le moindre effort pour le plus de résultat possible. Voilà ce qu'est la magie: un long et interminable travail de fourmi qui finit par produire l'illusion de la spontanéité et de la facilité aux yeux du spectateur non averti. C'est ainsi que je vois l'écriture, c'est ainsi que je vois toute expression. Il faut se rendre magicien, même pour soi-même lorsqu'on a le plaisir d'oublier dans le geste expressif la somme de travail et d'erreurs qui porte le mouvement délié de la main. Loger son âme dans la main même, dans le corps, c'est à dire dans la matière qui pourtant s'y oppose, impose ses propres lois, sa propre inertie.
Il n'y a qu'ainsi que je pourrais un jour écrire un roman d'une seule traite. C'est d'ailleurs ce que j'ai fait avec l'amoureux des ruines: un mois de rédaction, en travaillant tout au plus une heure ou deux par jour. Le résultat est certes médiocre, mais ce n'est pas dû au style. Les phrases sortent assez naturellement, ma prose est propre est relativement précise, le style est fidèle à la délinéation de mon âme - du moins telle que je me la représente. Là où le bât blesse c'est précisément dans la structure narrative. Des années d'entraînement à la prose poétique n'amènent pas à se rendre romancier, ou storyteller. Non, pour cela, point de secret, il faut raconter des histoires. C'est à cela que je m’attelle en ce moment, sans savoir si c'est bien là un désir profond ou juste un petit fantasme narcissique. Il n'y a qu'en faisant que je saurai.
Je crois que la leçon qui m'anime en cette période de métamorphose littéraire est la suivante: il faut accepter la médiocrité de ses productions et écrire malgré tout. Le regard acerbe porté sur ses écrits, imperceptiblement, viendra hausser la qualité de base, comme un coureur de fond augmente sa vitesse à mesure que la course lui devient de plus en plus naturelle.
Deuxième leçon, corrélée à la précédente: il faut détester ce qu'on écrit, mais pas assez pour arrêter. Juste assez pour avoir honte et ne pas accepter cet état de fait.
mercredi 30 janvier 2019
Damnit Crocket [ ? ]
lundi 2 avril 2018
L'amoureux des ruines
Ce roman aura été un supplice tout du long. Heureusement, la réalisation aura été brève. Le seul plaisir que j'en aie tiré est celui de l'achèvement, celui que l'on tire de l'épreuve surmontée. Pour cela je m'interroge beaucoup sur mon rapport à l'écriture, et notamment à l'écriture d'histoires... L'art doit-il être une telle souffrance? Je continuerai d'examiner la question à travers mon journal, et tous les textes qui bâtissent l'oasis où vous êtes, là, maintenant, vous qui lisez cela.
Je n'aime pas ce roman. C'est un roman classique et si cela convient à ma sensibilité de lecteur, cela répugne à ma sensibilité d'écrivain (d'homme qui écrit devrais-je dire dans un souci d'humilité et d'exactitude surtout). Il n'aura eu le mérite, finalement, que d'être une échelle, un moyen de me hisser en quelque lieu d'où je puis contempler le chemin parcouru, où la hauteur me procure de nouvelles perspectives. Et tout cela me permet de mieux cartographier l'espace de cette âme en chantier. J'avance vers la connaissance de moi-même, un peu plus, grâce à ce travail. Il est donc un énième brouillon que je livre.
Je remercie Laure qui aura été responsable d'une grande part de cette impulsion d'écrire cette histoire. Ce livre est une tentative de racheter une promesse non tenue.