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jeudi 16 décembre 2021

Endurer

 J'ai atteint, à un lieu de ma vie, le point d'entropie maximale. Je suis allé toucher la mort, à la lisière de l'existence; tutoyer le Néant au bout de la liberté vaine.

Et je suis revenu. Avec la même tristesse au fond de mes entrailles. Vivant, mais calciné de l'intérieur, comme une lune poussiéreuse et grise. Et j'éclaire d'ombres tout ce que je manifeste: Géhenne soliptique qui me tient lieu de monde. Ô combien il me faut -- sais-tu? -- retenir là mes feux pour ne point te brûler...

Je porte en moi le tourment des lucides, la conscience acérée de ce lien rompu, délaissement d'un quelque chose qui installe à jamais "le silence déraisonnable du monde".

Et peut-être qu'en chaque relation, que j'entretiens avec une portion de l'Être, s'interpose un silence suffisamment profond pour entailler la foi.

Il n'y a pas de foi, je ne sais croire en rien... Il n'y a pas de valeur qui ne soit ramenée à mon inconsistance, pas une transcendance qui ne puisse passer avec succès l'examen du doute.

Défendre des valeurs? Pour quoi faire...? Se rassurer? Justifier le peu de plaisir qu'un accord tacite avec le Réel sait parfois procurer? Et pourquoi ce lien serait-t-il bon pour autrui?

Laisser le monde vous écraser, les autres décorer l'indétermination aux couleurs de leurs peurs... S'ils en ont tant besoin c'est probablement qu'ils ont plus peur encore que nous. Nous qui savons aimer la souffrance dans cette étreinte enflammée qui consume en douceur la substance de nos cœurs.

Nous pouvons supporter le doute pour les autres; et endurer leurs certitudes -- exclusives.

Nous savons faire tout ça: suffoquer lentement, pour que d'autres que nous respirent à plein-poumons.

vendredi 10 décembre 2021

Identité de toutes les consciences

 Étrangement l'identité n'a jamais été un problème pour moi; à peine une question. Qu'ai-je à faire de l'identité lorsque je ne me reconnais pas d'une année à l'autre? Le présent est toujours l'amendement du passé. À quoi cela peut bien rimer d'attendre de demain qu'il chante le passé...? Il n'y a pas d'identité, du moins personnelle. Le cadre immuable qui fonde le changement est celui de tout le monde: la conscience transcendantale et impersonnelle d'un monde qui s'observe lui-même. L'existence est discrète: une plage de souvenirs infimes que tout différencie. Quant au sujet transcendantal, ce grand coupable de l'illusion du moi: il n'est que l'univers lui-même, pareil pour chaque humain -- identité de toutes les consciences.

vendredi 19 novembre 2021

Cadavre de ma vie

 Il y a trois jours, j'ai eu en m'endormant, une idée littéraire. C'était à ce moment où la conscience se relâche enfin et laisse s'écouler de sa synthèse tous les instants de vie qu'elle contracte autrement. C'est toujours en ces moments que me viennent les plus belles phrases, les plus beaux vers, les idées les plus vraies, comme tomberaient de soi les écailles les plus intimes et sincères.

Combien de fois est-ce arrivé... Malgré la fatigue, l'idée s'empare de l'esprit, l'esprit la fait tourner, la pétrit un peu, mais point trop -- le joyau brut semble déjà poli. La phrase, musicale, résonne dans la tête entière et semble animée d'une vie qui trépigne d'être enfermée, prisonnière d'une vacuité intime qui mâche et digère dans l'oubli tout ce qui pourrait pourtant être.

Combien de fois ai-je réitéré ce choix de ne pas me lever, d'entendre cette vie en moi bruisser de tant d'ardeur, peu à peu étouffée par l'indifférence du temps qui se referme sur l'avènement d'autre chose.

À vrai dire, cela fait bien longtemps que je ne me suis plus levé pour ma vie d'écrivain... Me lèverai-je un jour? Ou faudra-t-il que je noie moi-même encore et encore, par inertie dévastatrice, ces portées de chatons dont les échos fantômes hantent mon âme aujourd'hui? Combien d'hypogées mon cœur abritera-t-il en sa crypte funèbre?

Mais surtout: est-ce qu'un jour viendra où les Muses ne chanteront plus dans mon âme, pour me punir de ne m'être pas levé pour ma vie, mon destin?

Et la nuit sera sombre et silencieuse, ô combien je pourrai dormir alors, dans le cadavre de ma vie.

mercredi 10 novembre 2021

Amnésie

Il est étrange comme je n'ai jamais porté d'intérêt à l'histoire; si ce n'est l'attention distraite qu'on prête à un passe-temps utile. Je n'ai jamais bien compris pourquoi la soif dévastatrice de compréhension et de connaissance que je suis a toujours fonctionné sur le mode synchronique. J'ai toujours été convaincu que le monde, que chaque chose, pouvait trouver une explication synchronique, plus satisfaisante et effective que toute enquête diachronique. L'histoire m'est un folklore, une manière de distinction, un ornement social qui donne un peu de chair à l'ossature logique du monde représenté.

Je peux cependant aujourd'hui émettre une hypothèse quant à cette étonnante inappétence. Il est un fait que ma conscience, chargée de subsumer chaque élément du chapelet mnésique, échoue à me rendre familier certains pans entiers de mon existence. À vrai dire, c'est comme si ma capacité à synthétiser en une ipséité les fragments de conscience empirique était limitée à un certain nombre d'éléments déterminés... Plus je prends de l'âge et plus de nouvelles régions semblent se détacher du wagon identitaire. Je ne me reconnais pas au-delà d'une certaine distance passée, je suis un étranger bizarrement familier à mes propres yeux: je suis cet autre que j'ai très bien connu mais qui ne peut en aucune manière être semblable à qui je suis.

Et puisque je parviens à m'expliquer, à saisir la clé de sol de mon existence à partir d'une poignée d'années, disons une grossière décennie, il me semble que c'est tout l'ensemble du monde qui se trouve affligé de cette étrange propriété. À tel point qu'au-delà d'un certain seuil, les données recueillies sur le monde me semblent obsolètes. J'en saisis bien le lien qui les relie au présent, mais ce lien semble inessentiel: l'histoire n'a pas d'unité réelle à mes yeux et c'est toujours le réseau synchronique du présent, sa note fondamentale, qui permet d'expliquer rétrospectivement le passé, d'en colorer l'image que l'on s'en fait (bien plutôt que l'inverse). Ainsi, le passé change en permanence à mesure que le présent advient. Pour cette raison le passé ne saurait avoir aucun pouvoir explicatif.

Je ne m'explique pas qui je suis à partir de qui j'étais. Je ne m'intéresse même pas à ce que je pus être il y a plus de dix ans. Il n'y a là aucun mystère, rien qu'une ombre projetée par le présent, et qui s'efface d'avoir perdu sa cause depuis longtemps.

À mon image, c'est tout le monde entier qui est anhistorique.

Mon enfance

 J'eus, contrairement à de précoces artistes, une véritable enfance. Je ne suis pas un Pessoa qui affirme que son style a toujours été formé, dès le début de sa pratique littéraire. Dieu que l'élaboration du mien fut longue: il suffit de relire mes textes d'il y a dix ans, voire moins... Tous ces textes d'une médiocrité éclatante ne seront néanmoins jamais retirés de ce palais mémoriel. Ils resteront comme les témoins muets de ce que je suis: un homme comme les autres, dont l'obstination absurde a su produire, avec la lente maturation de saisons successives, une terre quelque peu fertile, où poussent, après l'inquiétante mousson du tourment, une flore rédemptoire et colorée.

Car je suis devenu, à force de persévérance, une canopée littéraire sur sol vivant. Le réseau mycélien de mes forêts semble parfois si vif et si peuplé, qu'il relie chaque lettre à d'autres galaxies. Tout cela bouillonne d'une vie effrénée, invisible, qui parle à tout instant vécu à ce fol Inconscient, durant la moindre et infime expérience -- depuis les voyages en voiture, jusqu'à ce triste et froid ennui des soirs de solitude. Un dialogue souterrain prend place en permanence.

Voilà bien ce dont témoigne, j'espère, ce sillon singulier. Qu'il ait tracé d'insignifiants dessins sur l'étoffe du temps n'est pas un fait honteux. La vie n'est qu'un brouillon éternellement recommencé. Le non-espoir d'un idéal néanmoins poursuivi.

Je vous laisse tout, tout l'écheveau de ces tentatives, ces complaintes entropiques adressées à l'éther. Advienne que pourra de tout ce flot de vie qui bourgeonne et éclot en fleurs envenimées, nourries par le fumier fertile d'une souffrance chaude.

J'ai bel et bien une enfance. Ces bouquets de poèmes sont le produit d'un long faisceau causal qui plonge ses racines dans le néant des origines. Mais plus modestement, dans les déterminismes sociaux qui m'ont mené à ne plus pouvoir me passer d'écrire l'existence en un chant silencieux vomi sur les cahiers et les mémoires numériques. Je n'ai pas honte de n'être en aucune manière responsable de ce que je suis devenu. Je ne crois pas en la liberté. Je remercie les cieux, mes parents et tout ce réseau de brûlure que forme ce vain monde d'avoir produit, inexplicablement, ces quelques notes bleues qui font des rares moments de création poétique, les parenthèses d'une vie qui puise en elles l'énergie et le souffle gonflant encore mes voiles.

J'irai au bout de ce voyage; déversant ma musique dans le néant atone.

dimanche 31 octobre 2021

Les vrais cercles

Existe-t-il des instants irrécusables, où Le destin dont on rêve (parce qu'on n'en connaît que le fantasme) , nous a vraiment filé entre les doigts?

Et pourquoi tout accomplissement, toute réussite possède invariablement ce goût de cendre insupportable que laisse tout instant sur son sillage effréné?

Je hais les compliments, je hais l'achèvement pour ce qu'il est la fin d'un rêve qui vaut mieux que toutes les vies réelles.

Je préfère vivre dans la réalité de mes idées, abstraites, imparfaites, tronquées, schématiques et pour cela aussi précises et parfaites que les figures géométriques -- celles-là même qui sont absentes du monde...

Voilà ce que j'ai appris de ma torture: nous n'aimons pas le réel, nous haïssons son imperfection et son incomplétude, sa profonde indétermination et son indéfinité intrinsèque. Nous aspirons à être les fils de nos pensées, de pures créations de nous-mêmes, plus causes de soi que tous les Dieux transcendants...

Il n'y a que dans l'image et le concept qu'existent les vrais cercles.

mardi 5 octobre 2021

Placebo

Que fais-tu donc humain?

J'imprime la fausse monnaie d'un royaume autistique.

Entre ces murs factices, je marche halluciné contemplant des trompe-l'œil peint sur la surface même de yeux creux. Roi solitaire à la recherche d'autres: autochtones, allogènes, transpécifiques, ontico-indéterminés capables de trôner à sa place sur le siège fantôme de cette vacuité.

Autiste forcené, j'imprime mon symbole, unique et dérisoire, usant de l'espace-temps pour me torcher l'esprit -- c'est tout l'agencement atomique ingénieux du corps qui forme un émonctoire au vide. La chair est un trou noir d'où jaillissent des mondes et chaque langue un code génétique, même lorsqu'elle est prononcée à l'intérieur, dans sa citadelle dévastée, entourée de douves d'absolu. Pas une pensée qui ne soit effective, produise en quelque lieu sa froide réalité.

Réalité? Le réel est un placebo qu'on s'échange en soirée par frottement des langues: ça passe mieux avec un bon spiritueux; ça prémunit d'être spirituel. Tout ce qui sort du fond ténébreux de soi-même paraît si étranger, si autonome et si réel... À tel point qu'immédiatement nous nous mettons en charge d'intégrer l'altérité qu'on croit saisir, nous ravalons notre vomi et nous appelons ça: Réel. Je souris... À cette idée... L'idée qui sort de ma cervelle -- qui n'est que le concept que je crée -- et immédiatement se charge d'exister dans cette chaîne indéfinie de la causalité.

Un dialogue à soi-même, si vous voulez savoir. Tous les objets sont des crachats qu'on s'empresse d'avaler.

Si le réel est vraiment placebo, qu'arrivera-t-il à ceux qui n'y croient plus?

samedi 2 octobre 2021

Paquet d'atomes effrayé

Inexorablement, avec une lenteur appliquée, ceux que l'on nomme humains me tuent, arrachent de moi, un à un, les morceaux de mon amour, piétinent le cadavre putride de cet espoir qui s'est déjà, depuis longtemps, détaché de ma peau. Je ne parviens plus à faire preuve d'empathie, à ressentir ce que mon supposé congénère est censé ressentir face au monde qui l'enceint. Après avoir réduit à l'esclavage les noirs durant des décennies, après avoir colonisé ou envahi des pays arabes, j'entends certains oser m'affirmer que leur culture est en danger, que des hordes de musulmans viendraient mettre en péril la fine fleur de la civilisation occidentale, son raffinement subtil et sa généreuse élégance. J'entends gronder dans leurs bouches le nom de la haine. Des gens n'ayant jamais même songé au concept de vérité une seule seconde dans leur vie se mettent à parler au nom de la science, donnent des leçons, interprètent les données (après les avoir soigneusement sélectionnées), affirment haut et fort ce qu'ils savent, ce qui est vrai, absolu, sans aucun doute, fustigeant ainsi toute la horde des barbares et ignorants, complotistes (puisque enfin, c'est bien connu, l'histoire ne connaît aucun complot, il n'y a pas d'intérêts qui trament dans l'ombre pour asseoir leur domination, tout cela se saurait), anti-vaccins, tous ces gens sans raison qu'il s'agit d'éduquer afin qu'ils puissent voir, enfin, l'étincelante vérité en face.

Tous ces gens qui ne se sont jamais soucié de science se réfugient désormais en son temple comme en une église nouvelle, plus respectable que les anciennes religions, plus démocratique puisqu'elle a pour elle le privilège de la démonstration, et pour cela plus légitime à se montrer totalitaire. Ils ne connaissent pas la différence entre induction et déduction, entre la vérité comprise comme cohérence logique ou adéquation à la chose, mais ils savent qu'ils sont du côté de la vérité, qu'ils croient intemporelle, sans histoire, éternelle, et comme des fanatiques aveuglés par la foi sont prêt à purifier les colonies de cloportes sans âme de tous ceux qui doutent, contestent, mettent en perspective, ne posent pas genou à terre devant les arguments d'autorité de ce nouveau clergé laïque.

Il faudra bientôt que j'injecte leur fausse ambroisie dans mes veines pour mériter de vivre parmi eux, pour respirer leur air, pour être pris au sérieux, pour m'élever du mépris où je séjourne, pour avoir même le droit de demeurer esclave...

Je crois que je peux dire aujourd'hui, humanité -- certaine humanité du moins mais si tristement hégémonique --, que je n'ai plus d'amour pour toi, et que j'en perds jusqu'au respect qui devrait être acquis pourtant. Je suis maudit par le fait d'être trop rigoureusement logique, de discerner vos biais cognitifs, vos antinomies, les angles morts de vos pensées, de suivre le fil dialectique jusqu'à un point que vous semblez ne pas pouvoir imaginer. Pourtant, je ne fais qu'écouter vos propos, tirer les conclusions qui découlent de vos postulats, je ne fais que vous montrer l'absurde où mènent vos amorces de réflexion. Pour cela vous me haïssez. Certains seraient prêts, même, à me crucifier sur place s'ils en avaient l'autorité. Oh mais cela viendra humains, cela viendra. La liberté est une somme de paragraphe dactylographiés qu'une simple ordonnance émende prestement. Il y a bien des manières de se débarrasser d’ennemis, comme laisser mourir chez soi celui que l'on assiège, jusqu'à dessèchement totale de l'âme, épuisement des corps.

De plus en plus, je pense à vous laisser, avec les salvatrices piqûres de votre industrie pharmaceutique et son altruisme débordant, avec vos codes barres que vous devriez directement vous faire tatouer sur les fronts pour plus de commodité, avec vos Zemmour, votre vérité qui est le nouveau Dieu sans concept -- un simple mot dans votre bouche --, avec vos jugements binaires qui ne peuvent que découper le monde en Bien ou en Mal, avec votre amnésie pathétique, avec ces mots qui vous servent de crucifix pour conjurer des vampires inventés, avec votre égoïsme d'ignorants, votre culture supérieure, vos droits de l'homme universels -- c'est sûr que c'est pratique de définir soi-même qui entre ou non dans le champ de bataille de la grande humanité --, avec votre planète en flamme qui pleure silencieusement, sanctionne vos croyances -- quand le voyant d'alerte se met à clignoter il est plus simple de taper dessus, et de hurler qu'il dysfonctionne.

Au fond, j'aimerais que vous partiez, que ce soit vous qui débarrassiez le plancher, que vous déménagiez votre cirque plus loin, sur quelque autre bras de galaxie, mais je suis capable de reconnaître l'échec où il est: capable de voir que nous sommes une infime minorité à penser, à réfléchir, à ne pas chercher refuge dans des palais de certitude d'où l'on pourra affronter son voisin honni, à ne pas vouloir imposer ses choix aux autres, de gré ou de force, à ne pas être en permanence si effrayés... Car au fond voilà ce que vous êtes, de pathétiques paquets d'atomes rongés par la peur.

mardi 28 septembre 2021

Locataire du souffle suspendu

Il y a des vents sourds parfois, qui balayent au ras du sol une herbe tendre qui brûle au soleil. Ce soleil qui est toujours celui des autres, le grand soleil des mille obligations. Et l'herbe souffre et le vent qui la bat emporte au cieux si chaud la précieuse vapeur, la sève de cet élan.

Dans une plaine aux vents qui hurlent, la tige ploie et tient toujours, jaunie par l'astre qui assèche, inonde sous ses feux les choses alentours. Il y a des vents qui vous rossent, des astres qui vous tuent par leurs regards constamment allumés; qui referment sur vous une prison de solitude aux barreaux de lumière. Ce sont les yeux des autres qui dardent des lois vaines, et néanmoins cruelles; qui clouent le corps et l'âme en un circuit universel -- les systèmes ont des veines. Les systèmes, ont des veines...

Quand enfin l'émeraude mate des brindilles effritées n'est plus qu'un souvenir avalé par la Terre, que reste calciné dans les rets sidéraux le cadavre dressé de ce qui fut un jour naissant, alors la victoire est totale de ce qui, dans les cieux omniprésents, détache de notre être des qualités abstraites, alphabet minéral d'une langue abolie.

Entendez le silence de ces plaines, abîme entre les choses; ressentez la digestion du monde, qui brise toute altérité. C'est en ces terres désolées que je vis, tapi dans l'inétendue d'âme, anéanti durablement, fermement locataire d'un souffle suspendu.

lundi 27 septembre 2021

Électron serf

En me levant ce matin, contraint par le réveil, je sens, tout autour de mon être, l'étreinte familière de cette société que je subis depuis l'enfance. Les odeurs de cafés, le jour qui ne s'est pas encore levé, tandis que les humains s'énervent à colmater la fourmilière étincelante pour quelques rois et reines stériles. Tout ceci a un goût dont je me souviens avec une acuité étonnante. Cette contrainte inepte est incrustée dans ma chair, à tel point qu'elle suscite un ensemble de sensations et d'émotions qui se synthétisent en une sensation plus large, accord mineur de la résignation, sentiment subtile de la bête acheminée vers son lieu d'abattage.

Plus jeune (mais suffisamment pour vivre seul), il m'arrivait de ne pas me lever. Mais je vois qu'aujourd'hui, j'ai suffisamment intériorisé la contrainte pour qu'il me soit presque impossible de recommencer. Malgré tout mon élan anti-capitaliste, malgré tous mes bons sentiments, mes résolutions, je me fonds dans le circuit économique, électron borné qui file à toute vitesse sous la direction de lois implacables. Je nourris mon ennemi, jour après jour, éduque des enfants à faire de même tout en instillant, hypocritement, un semblant d'esprit critique pour me donner bonne conscience.

L'humain moderne est un être décidément pathétique.

jeudi 9 septembre 2021

Ce qu'est le ciel

 Je me suis égaré dans les mots, sans savoir qu'y trouver. Je suis inconstant, jamais je ne fais que passer, j'entre avec tant d'intentions, puis aussitôt m'en vais. Je me demande à quel point je mérite le peu de mon succès...À quel point je suis inférieur à ce que les gens croient, combien ces fondations sont des sables mouvants où, quotidiennement, je m'enfonce et me noie.

Je ne sais donner à la vie les vives couleurs qu'elle mérite. Ma propre vie serait bien mieux usée par une âme nouvelle. Une âme qui en aimerait le goût, la saveur, dans son essentielle substance. À moi, je dois avouer, elle demeure indigeste. Il n'y a qu'indéfinis épices pour me la rendre heureuse, le sel m'est essentielle et la vie m'est cruelle.

Une souffrance qui se repose, en une conscience lucide, voilà tout le bien à attendre, voilà ce qu'est le ciel.

lundi 23 août 2021

Truisme

 On aimerait bien accéder aux choses. Ne dit-on pas d'ailleurs, en matière de roman, qu'il faut laisser la description objective refléter le sentiment intérieur du personnage? Pourtant, dans chaque ligne, chaque phrase, une comparaison ou une métaphore qui semble donner âme aux pierres, aux végétaux, aux paysages entiers. Comme si tout cela, tout, devait pouvoir susciter l'empathie de l'humain, le ramener à lui et lui fournir enfin la clé de sol de ces étranges notes posées devant lui. Nous habillons le réel, sans cesse, nous dévoyons l'absolue originalité, l'inexpugnable extranéité des choses qui devraient nous laisser là, chancelants, dans l'étrangeté atone de ce qui est. Nous sommes terrifiés par le silence d'un monde qui ne serait pas fait de notre bois. Séparés de tout par un abîme infrangible, nous jetons dans le trou nos vaines pelletées de sable et nous rendons incapable de reconnaître le réel pour ce qu'il est: cette indéterminabilité à la racine de tout jugement.

Notre conscience est totalitaire, elle n'accepte rien en-dehors d'elle-même, c'est elle qui définit le monde. Ainsi deux principales conséquences possibles: soit le monde n'est que le songe exquis d'un furieux solipsisme, soit nous sommes irrémédiablement voués à vivre à côté des choses, dans l'interprétation, dans la médiation des signes qui ne renvoient jamais que vers nous-mêmes...

mardi 17 août 2021

Le rien qu'on dérange

 Je ne sais si l'on on peut peindre des formes vraiment pures, qui ne font le contours de rien, d'aucun contenu,de nulle matière pour les remplir. Je ne sais et j'essaie, pourtant, portant de mes doigts nus les sèmes qu'aussitôt je viendrai délaisser... Quel étrange morse crypte mon tempo? Quel message sous-jacent, fruit d'une intention préalable fonde le jaillissement de ma prose, un peu comme le vomissement des roses qui parlerait de graine enfouie... Je tisse, grammaire des intestins, un interstice entre les choses, une brève de silence entre de vains destins. Et que contiennent mes mélopées? Que valent ces quelques méga-octets d'ordre binaire, serrés et alignés comme des rangs de militaires? Et quelle guerre annonce l'armée de mes mots jetés sur le tapis blanc, comme un drapeau, de mes batailles immatérielles?

Toute cette mathématique ne présage-t-elle, au fond, qu'un chaos de plus inavoué. On ne peut jamais parler des choses. Le monde qu'on bâtit s'érige sur un sable de sons, dressant des murs de lois, et tout notre discours ne noue qu'un lien factice entre deux absolus d'indétermination... Qu'est-ce que peut bien vouloir unir la relativité? Que cherche donc à figer la vaine vérité?

Dans les veines bleues du monde où poudroient les étoiles de la Voie Lactée fusent les particules élémentaires de Tout, ubiques comme toute chose réelle, jamais uniques ni singulières, comme le crut l'humanité trop fière... Pas un atome ne possède identité, à la racine (connue) de toute réalité, ne gît qu'indétermination et brève écume de ces champs que notre vie vient perturber.

Et moi, élément fait d'indocile élémentarité, j'ordonne le possible, articule le vide autour de ma personne inepte; badigeonne de couleurs l'obscure monture du monde, et dans la moindre page blanche et dénuée de signes, fusionnent toutes teintes et des nuances exquises que mon âme étriquée ne sait comment penser.

Tout, je dis bien Tout, était déjà contenu dans le rien qu'on dérange.

C'est tout le nœud des formes qu'il s'agit de défaire, pour que les qualités que l'on croit distinguer, se réimpliquent enfin dans la pelote brouillée de rien, inexorablement fondues dans le néant de l'Unité.

Car sous les formes le Réel infini.

Grammaturgie

Ces jours-ci je ne suis plus terre, silice producteur qui fait jaillir de lui d'infimes canopées juchées sur les épaules d'un réseau racinaire immense. Je suis un jardinier. J'arpente mes forêts, sombres ou claires, mes prairies, mes haies, je taille de-ci de-là, j'étête, oriente, compose des bouquets avec les fleurs qui poussaient en désordre; en bref j'habille le réel d'un peu d'humanité.

C'est comme s'il m'était impossible de jouer ces deux rôles en même temps, de me faire jardinier tout en demeurant alme biotope. L'élan d'écrire est presque totalement tari par les nécessités de la grammaturgie (artisanat laborieux et patient) qui m'emmène promener dans les allées de ces jardins entropiques et leur esthétique dévastation. Je vis l'hiver de ma région créatrice; je consolide et entretiens l'entrelacs de mes rimes qui abrite cette part de moi qui ne saurait exister dans le monde tel qu'il est, et surtout tel qu'on l'a fait.

J'ai bien une maison, une terre, une origine, mais nulle patrie, aucun pays et encore moins de nation. Acosmique, si tant est que la grammaire poétique ne puisse être un cosmos que l'on porte en soi autant qu'il le fait.

Ô combien la poésie est une terre d'asile pour tous les philosophes non dogmatiques.

lundi 2 août 2021

Dictature française et institution de la violence

 Je vis dans une dictature. Ceci était le cas depuis toujours, mais cela devient plus évident aujourd'hui, plus palpable. Quelqu'un a caricaturé le président en dictateur nazi. La réaction de ce dernier a été de traduire l'auteur en justice... Ai-je besoin de gloser sur l'ironie de la situation? Ne pouvez-vous la sentir simplement?

Il ne semblait pas que les caricatures sur le prophète l'aient émues plus que cela pourtant... Est-ce à dire qu'il y aurait des caricatures légitimes et d'autres inacceptables? C'est un concept intéressant... Je n'entends pas aujourd'hui la horde des "Charlie" s'indigner. Je n'entends personne dans les médias parler de liberté d'expression.

Je n'entends qu'une propagande vaccinale abjecte, un flot vulgaire de terrorisme étatique relayé par les médias puis par des citoyens égoïstes qui se réclament, tout d'un coup, d'une générosité sans borne à l'égard des français qu'ils n'ont pourtant eu de cesse d'humilier par leurs propos, à travers le mouvement des gilets jaunes notamment. Solidarité disent-ils, afin de pouvoir reprendre leur vie de consommateur au plus vite, afin que leur petit paradis bourgeois puisse poursuivre sa prolifération métastatique. Ce sont les mêmes qui parlent de "prise d'otage" à la moindre grève de cheminots, les mêmes qui parlent de "profiteurs du système" avec une jalousie meurtrière face aux malheureux cinq cent euros d'allocations qui font éclater les salles du trésor de ces gaulois réfractaires, de ces gens qui ne sont rien et qui, à l'aide de cette fortune, pompée sur le dos des seuls actifs (car tous les autres, cela est bien connu, sont inactifs), osent nager dans le bonheur d'un luxe de richesses imméritées. On vit heureux avec cinq cent euros par mois, c'est probablement pour cela qu'eux ont besoin de plusieurs milliers pour construire en silence les sobres demeures de leur opulence.

"Le patrimoine cumulé des cinq cent plus grandes fortunes de France a augmenté de trente pourcents en un an, frôlant les mille milliards d'euros" (Francetvinfo). Il n'y a pas que l'inégalité qui augmente exponentiellement. La haine aussi enfle à mesure. Une haine dont il n'y a pas à rougir, une haine qui a pour elle la légitimité de la survie et de la décence. Car la violence n'est pas illégitime, elle n'est pas une erreur de la nature. Elle permet bien à certains de rétablir la hiérarchie verticale de ce qu'ils nomment "ordre". Mais l'ordre est un concept vide, qui ne relève que de la pure attente subjective. En mon désordre personnel, il y a de la place pour l'immensité d'une violence proportionnelle à celle que deux siècles de capitalisme ont su couvrir sous la loi de structures aujourd'hui presque naturalisées. La violence phénoménale du peuple n'est que la réponse à la totale soumission imposée par des structures coercitives si sagement conçues qu'elles sont parvenues à éloigner suffisamment les causes de leurs effets, de sorte qu'il n'est plus possible de les lier que par un effort de l'esprit que bien peu parviennent à fournir, effort qui est pourtant nécessaire afin de synthétiser en une expérience vécue la brutalité immédiate de cette institution de la violence.

Champ aperceptif

 Dans le vide qui m'enserre, et m'éloigne infiniment des autres, j'observe autour du nœud aperceptif les innombrables chemins qui développent la puissance du néant.

Tout, littéralement tout est là, offert aux caprices d'une volonté vacillante, indocile, superbe dans sa solide fragilité. Je pourrais tout écraser. Je pourrais tout détruire, annihiler jusqu'au vide pour qu'il ne reste rien. Ce rien qui est bien moins que rien, ce rien dont il n'est pas possible de parler, ce rien qui efface jusqu'à la moindre de ses traces.

Néanmoins, dans le vide, infiniment loin de tous, je regarde au devant les chemins qui ont la forme des costumes de comédiens, la texture de la peau, l'émotion vive des instants vécus, des drames et des comédies. Tragédies du destin. Volute d'humanité, barbelés d'énergie, d'efforts, constellation de choix qui forment les graphes aux théorèmes incertains.

Probable. Cette vie particulière, dont la délinéation rythmique s'offre à mon regard auditif, n'est qu'une énième probabilité de ma personne. Un texte que je pourrais lire. Un rôle, un masque, un corps, une chair.

Mais l'âme est absolue, rien ne la relie au reste. Substrat permanent de tous possibles, incolore, ourlé d'informe indétermination.

L'âme est tout, médiation immédiate, durée sans nulle instants, instant sans nulle durée.

Tout, littéralement tout est là; et à rebours de mon regard, je retrouve la source, alme, origine des mondes.

Exister n'est pas un souhait que j'aurais formulé. Je veux être œil ouvert sur le réseau des choses. Je veux rester regard porté sur le moindre fugace et singulier regard qui pourrait être moi sans la distance qui m'en sépare.

Je suis espace et temps, et non la concrétion d'une chose à l'intérieur.

dimanche 1 août 2021

Le sens de l'intelligence

 L'intelligence m'est un autre sens. Un sens dont semblent dépourvus tant de mes congénères qui, pourtant, s'en réclament et en font usage; un usage aveugle pour ainsi dire car lorsqu'ils usent de l'intelligence pour concevoir (c'est à dire percevoir de l'intérieur, par intuition purement conceptuelle), ils ne le font qu'avec les mots et leurs sens qui ne renvoient qu'à d'autres mots. Cécité intellectuelle donc.

Pour moi, concevoir est une expérience sensible, et tous mes sens (mais surtout la vision) concourent à me rendre tangibles les concepts et idées manipulées, que ce soit sous forme de rythmes ou de formes visuelles. J'intuitionne avec mon intelligence et pour cette raison je peux saisir en une image, une idée, un jugement, une chaîne logique complexe qu'une analyse ultérieure pourra décomposer indéfiniment. Ce sont tous ces fragments élémentaires (qui ne le sont pourtant jamais vraiment) qu'il s'agit de détacher du paysage conceptuel ressenti lors d'une conversation avec autrui.

Pourtant, lorsque je parle avec nombre d'entre mes 'semblables', je ne peux que demeurer perplexe et horrifié face à l'incapacité structurelle dont il font montre à intuitionner le tableau, la forme globale que peignent les éléments d'informations qui jonchent leur environnement. L'injustice d'une situation qui ne s'offrirait pas directement à leurs sens mais se ferait sentir, puissamment, par l'intermédiaire d'une synthèse d'informations éparses mais liées,de manière plus ou moins évidente, ne leur demeure qu'une vague construction langagière ou logique, un énoncé abscons qui ne prendrait jamais chair dans leur esprit pour devenir une expérience véritable. Les édifices logiques leurs semblent une suite de phonèmes qui, bien qu'appartenant à leur langue naturelle, ne semblent pas pouvoir s'articuler dans l'unité organique de l'expérience vécue, et demeurent semblables à ces pages de livres qu'on peut lire six fois de suite parce que notre être tout entier n'a pas participé à la lecture des mots, et que nous n'avons fait qu'appliquer les règles motrices de la lecture, sans que la synthèse de notre aperception n'ait pu contracter la musique en un présent qui la contient toute.

Voilà ce que je vois autour de moi et qui me fait sentir, parfois, si insupportablement seul que je ne sais si continuer à discuter avec ces gens ne revient pas à vouloir faire en sorte que la chauve-souris puisse communiquer à l'homme son expérience acoustique du monde.

lundi 19 juillet 2021

La peste

 Il manque à plus de la moitié de mes compatriotes (mais qu'est-ce que la patrie française aujourd'hui?) des sens. Si bien qu'ils semblent incapables de percevoir, d'avoir l'intuition intellectuelle qui leur fournirait en l'expérience vécue d'une image la synthèse d'innombrables données conjoncturelles éparses et désassemblées qui peignent le tableau pestilentiel de notre époque. Nous ne sommes plus qu'un agrégat d'individus insulaires qui ne s'unissent plus que par le hasard fortuit d'une communauté d'intérêts personnels. Je n'ai plus rien de commun avec ces gens là. Je ne suis pas même du même univers. Nous demeurons séparés par l'abîme infrangible d'une extranéité ontique.

Je dois confesser ici que ce que je ressens pour toute une partie des français aujourd'hui s'apparente à la haine qui s'empare de nous, instinctivement, pour toute être qui cherche à contraindre notre liberté physique, à nous déposséder du socle de notre intégrité physique. J'ai beau lutter contre cette haine, elle semble implantée en ma chair par une couche de millénaires qui ont poussé chaque organisme me précédant à la survie.

mercredi 26 mai 2021

Le repos est éternel

Depuis quelques années maintenant je n'ai plus la volonté de mourir. C'est pourtant cette même volonté qui est à l'œuvre dans une large partie des sagesses de toutes origines, de toutes les promesses d'ataraxie que les spiritualités savent fournir. Ce sage, si envié, si admiré, qui traverse la vie imperturbable, maître de ses émotions, sans désir ni volonté, ce sage qui fût un jour mon idéal, est la forme la plus pathétique de terreur face à la vie.

Aujourd'hui, je veux la passion débordante, je veux le vacillement sentimentale qui fait danser la conscience jusqu'à l'épuisement parfois. Je veux le déséquilibre et l'impermanence dans toute la plénitude de son expression vitale.

Toutes ces philosophies de la mort ne m'impressionnent plus aujourd'hui, elles représentent à mes yeux la plus grande lâcheté. Jamais je ne mépriserai cela dit cette lâcheté, pour la raison que je la comprends. La brûlure de l'existence est vive et de la même manière que l'on peut se dissoudre dans la volupté, on peut être démembré par la souffrance.

Mais n'oubliez pas amis, gurus de tous poils, sages pétrifiés, que le repos est éternel.

samedi 22 mai 2021

L'œuf synesthétique

 Il m'arrive encore fréquemment de souffrir de synesthésie partielle, notamment lorsque j'entends certains bruits et sons quand mes yeux sont fermés. Souvent, une forme apparaît, abstraite, ou bien un grand flash blanc accompagne l'ouïe d'un bruit brutal et soudain.

Lorsque j'étais plus jeune, les jours de la semaine avaient une couleur particulière. Je crois me souvenir que le Lundi était jaune ou vert, le Mardi rouge, le Mercredi orange, le Jeudi bleu, le Vendredi violet, le Samedi rouge et le Dimanche blanc. J'ai toujours pensé qu'il s'agissait là d'un problème honteux, de quelque chose d'anormal et qui me séparait des autres en un sens négatif d'exclusion, de bizarrerie. Je n'avais jamais imaginé alors une seconde toutes les merveilles que pouvait prodiguer la synesthésie. J'ai inébranlablement étouffé cette "tendance" de l'esprit, de manière active même, je me forçais à corriger cette association impromptue, je la gommais peu à peu par la contrainte rétrospective, je la catégorisais comme inepte et erratique. J'ai si bien lutté qu'aujourd'hui il ne me reste presque rien de ma synesthésie...

À peine me reste-t-il cette vision des concepts philosophiques, ou plus généralement noétiques, qui me permet de vivre, par mes sens, ce qui demeurent, je dois bien le constater, souvent très abstrait pour mes semblables. Ce dont ils ne parviennent pas à se saisir autrement que par le discours, en creux, je le vois en moi sous forme de figures géométriques animées, qui se métamorphosent, qui vivent, qui s'entrechoquent, se fondent les unes dans les autres ou s'excluent. La pensée rationnelle a toujours été très tangible pour moi et sensuelle.

Cela dit, je ne sais pas si ce phénomène - qui lie un signe à des images ou sensations - peut être mis sur le même plan que les précédents qui, eux, sont résolument de l'ordre de la synesthésie.

Je constate que j'ai tué la fonction synesthétique de mon âme. Je constate aussi, amèrement, que l'école y aura grandement contribuée. Je ne lui reproche pas de ne pas savoir développer cette aptitude, puisque cela relève de la particularité, néanmoins elle est véritablement coupable de culpabiliser les élèves qui en sont les sujets, et coupable aussi de ne pas accepter, d'une part, et valoriser, d'autre part, ce qui sort de l'ordinaire et pourrait, par là même, avoir des applications formidables.

Nos sociétés sont tellement normatives que je me demande combien de réalisations subtiles elles sont parvenues et parviennent à étouffer dans l'œuf.