lundi 23 août 2021

Truisme

 On aimerait bien accéder aux choses. Ne dit-on pas d'ailleurs, en matière de roman, qu'il faut laisser la description objective refléter le sentiment intérieur du personnage? Pourtant, dans chaque ligne, chaque phrase, une comparaison ou une métaphore qui semble donner âme aux pierres, aux végétaux, aux paysages entiers. Comme si tout cela, tout, devait pouvoir susciter l'empathie de l'humain, le ramener à lui et lui fournir enfin la clé de sol de ces étranges notes posées devant lui. Nous habillons le réel, sans cesse, nous dévoyons l'absolue originalité, l'inexpugnable extranéité des choses qui devraient nous laisser là, chancelants, dans l'étrangeté atone de ce qui est. Nous sommes terrifiés par le silence d'un monde qui ne serait pas fait de notre bois. Séparés de tout par un abîme infrangible, nous jetons dans le trou nos vaines pelletées de sable et nous rendons incapable de reconnaître le réel pour ce qu'il est: cette indéterminabilité à la racine de tout jugement.

Notre conscience est totalitaire, elle n'accepte rien en-dehors d'elle-même, c'est elle qui définit le monde. Ainsi deux principales conséquences possibles: soit le monde n'est que le songe exquis d'un furieux solipsisme, soit nous sommes irrémédiablement voués à vivre à côté des choses, dans l'interprétation, dans la médiation des signes qui ne renvoient jamais que vers nous-mêmes...

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