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jeudi 16 décembre 2021

Endurer

 J'ai atteint, à un lieu de ma vie, le point d'entropie maximale. Je suis allé toucher la mort, à la lisière de l'existence; tutoyer le Néant au bout de la liberté vaine.

Et je suis revenu. Avec la même tristesse au fond de mes entrailles. Vivant, mais calciné de l'intérieur, comme une lune poussiéreuse et grise. Et j'éclaire d'ombres tout ce que je manifeste: Géhenne soliptique qui me tient lieu de monde. Ô combien il me faut -- sais-tu? -- retenir là mes feux pour ne point te brûler...

Je porte en moi le tourment des lucides, la conscience acérée de ce lien rompu, délaissement d'un quelque chose qui installe à jamais "le silence déraisonnable du monde".

Et peut-être qu'en chaque relation, que j'entretiens avec une portion de l'Être, s'interpose un silence suffisamment profond pour entailler la foi.

Il n'y a pas de foi, je ne sais croire en rien... Il n'y a pas de valeur qui ne soit ramenée à mon inconsistance, pas une transcendance qui ne puisse passer avec succès l'examen du doute.

Défendre des valeurs? Pour quoi faire...? Se rassurer? Justifier le peu de plaisir qu'un accord tacite avec le Réel sait parfois procurer? Et pourquoi ce lien serait-t-il bon pour autrui?

Laisser le monde vous écraser, les autres décorer l'indétermination aux couleurs de leurs peurs... S'ils en ont tant besoin c'est probablement qu'ils ont plus peur encore que nous. Nous qui savons aimer la souffrance dans cette étreinte enflammée qui consume en douceur la substance de nos cœurs.

Nous pouvons supporter le doute pour les autres; et endurer leurs certitudes -- exclusives.

Nous savons faire tout ça: suffoquer lentement, pour que d'autres que nous respirent à plein-poumons.

lundi 11 novembre 2019

Ce présent n'est pas à toi



Étouffe-toi souffrance aux lèvres goût de sang, tous tes baisers glacés finissent par me mordre d'un amour brûlant.

Étouffe-toi dans les braises incandescentes de ta vive inquiétude.

Pars! Éteins-toi dans l'ultime crépuscule, avec ta chevelure de feu et tes manières échevelées.

Laisse le vent passer sur moi, dans un bruissement de feuilles analphabète. Je veux voir s'agrandir mon ombre sur le sol éclairé, sentir mes muscles travailler, goûter chaque seconde en l'ayant mérité.

Étouffe-toi mélancolie de toc pendue comme breloque à mon cou éreinté.

Étouffez-vous poèmes, ombres esseulées, fragments de mélodie perdue, cœur d'ambre sous la tempête au sillon désolé.

Pars! Je veux marier l'instant, divorcer de tes chants qui font croître les fleurs amères de regrets éternels.

Un geste après l'autre et dans le rythme le plaisir perdu que je cueille ébahi de mes mains courageuses.

Je n'ai plus aucun doute, j'avance vers l'idée.

Laisse-moi femme exclusive, laisse ma coque de noix voguer pour une croisière d'un soir, une poignée de jours.

Demain, demain dès l'aube tu pourras revenir instiller ton venin dans toutes mes cellules, faire couler  bile noire dans les avenues azurées de ma vitalité.

Demain, demain dès l'aube viens faire pleuvoir ta nuit sur mon soleil atone.

Là, doucement, calme-toi maintenant... Ce présent n'est pas à toi.

mardi 1 octobre 2019

À l'abri de quoi?

Assis sur la petite terrasse, face vers l'ouest comme on attend au matin déjà la fin du jour - et peut-être de toutes choses -, je sens le vent fouetter doucement mes cheveux, m'envelopper de sa force; présage, peut-être, du jour où les éléments trouveront la force de porter le carcan de mon existence au-delà d'elle-même.

Le ciel est gris et tire par endroits vers un noir d'apocalypse. Je lis. La page s'assombrit, tout autour la luminosité décline et semble naufrager le monde en une tristesse inéluctable. Je pressens la première goutte de pluie arriver, je la sens déjà, dans une anticipation plus vraie que ce présent qui la trompe, chuter lourdement sur la page du livre, sur ma tête; mais rien n'arrive... Le ciel est une paupière qui lentement se referme sur le jour asséché qui semble trop vieux pour les larmes. J'attends pourtant qu'elles viennent, mais ce ciel est ma tristesse, fatiguée d'elle-même, incapable de pleurer, sans surprise.

Néanmoins, je me lève du siège où j'étais installé et rentre à l'abri, je rentre en moi-même pour me protéger du monde, mais le monde est en moi, sans refuge lui aussi contre la vacuité qui l'enclot... Peut-être que c'est lui qui devrait se mettre à l'abri...