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samedi 22 mai 2021

L'œuf synesthétique

 Il m'arrive encore fréquemment de souffrir de synesthésie partielle, notamment lorsque j'entends certains bruits et sons quand mes yeux sont fermés. Souvent, une forme apparaît, abstraite, ou bien un grand flash blanc accompagne l'ouïe d'un bruit brutal et soudain.

Lorsque j'étais plus jeune, les jours de la semaine avaient une couleur particulière. Je crois me souvenir que le Lundi était jaune ou vert, le Mardi rouge, le Mercredi orange, le Jeudi bleu, le Vendredi violet, le Samedi rouge et le Dimanche blanc. J'ai toujours pensé qu'il s'agissait là d'un problème honteux, de quelque chose d'anormal et qui me séparait des autres en un sens négatif d'exclusion, de bizarrerie. Je n'avais jamais imaginé alors une seconde toutes les merveilles que pouvait prodiguer la synesthésie. J'ai inébranlablement étouffé cette "tendance" de l'esprit, de manière active même, je me forçais à corriger cette association impromptue, je la gommais peu à peu par la contrainte rétrospective, je la catégorisais comme inepte et erratique. J'ai si bien lutté qu'aujourd'hui il ne me reste presque rien de ma synesthésie...

À peine me reste-t-il cette vision des concepts philosophiques, ou plus généralement noétiques, qui me permet de vivre, par mes sens, ce qui demeurent, je dois bien le constater, souvent très abstrait pour mes semblables. Ce dont ils ne parviennent pas à se saisir autrement que par le discours, en creux, je le vois en moi sous forme de figures géométriques animées, qui se métamorphosent, qui vivent, qui s'entrechoquent, se fondent les unes dans les autres ou s'excluent. La pensée rationnelle a toujours été très tangible pour moi et sensuelle.

Cela dit, je ne sais pas si ce phénomène - qui lie un signe à des images ou sensations - peut être mis sur le même plan que les précédents qui, eux, sont résolument de l'ordre de la synesthésie.

Je constate que j'ai tué la fonction synesthétique de mon âme. Je constate aussi, amèrement, que l'école y aura grandement contribuée. Je ne lui reproche pas de ne pas savoir développer cette aptitude, puisque cela relève de la particularité, néanmoins elle est véritablement coupable de culpabiliser les élèves qui en sont les sujets, et coupable aussi de ne pas accepter, d'une part, et valoriser, d'autre part, ce qui sort de l'ordinaire et pourrait, par là même, avoir des applications formidables.

Nos sociétés sont tellement normatives que je me demande combien de réalisations subtiles elles sont parvenues et parviennent à étouffer dans l'œuf.

lundi 11 novembre 2019

Ce présent n'est pas à toi



Étouffe-toi souffrance aux lèvres goût de sang, tous tes baisers glacés finissent par me mordre d'un amour brûlant.

Étouffe-toi dans les braises incandescentes de ta vive inquiétude.

Pars! Éteins-toi dans l'ultime crépuscule, avec ta chevelure de feu et tes manières échevelées.

Laisse le vent passer sur moi, dans un bruissement de feuilles analphabète. Je veux voir s'agrandir mon ombre sur le sol éclairé, sentir mes muscles travailler, goûter chaque seconde en l'ayant mérité.

Étouffe-toi mélancolie de toc pendue comme breloque à mon cou éreinté.

Étouffez-vous poèmes, ombres esseulées, fragments de mélodie perdue, cœur d'ambre sous la tempête au sillon désolé.

Pars! Je veux marier l'instant, divorcer de tes chants qui font croître les fleurs amères de regrets éternels.

Un geste après l'autre et dans le rythme le plaisir perdu que je cueille ébahi de mes mains courageuses.

Je n'ai plus aucun doute, j'avance vers l'idée.

Laisse-moi femme exclusive, laisse ma coque de noix voguer pour une croisière d'un soir, une poignée de jours.

Demain, demain dès l'aube tu pourras revenir instiller ton venin dans toutes mes cellules, faire couler  bile noire dans les avenues azurées de ma vitalité.

Demain, demain dès l'aube viens faire pleuvoir ta nuit sur mon soleil atone.

Là, doucement, calme-toi maintenant... Ce présent n'est pas à toi.