vendredi 19 novembre 2021

Cadavre de ma vie

 Il y a trois jours, j'ai eu en m'endormant, une idée littéraire. C'était à ce moment où la conscience se relâche enfin et laisse s'écouler de sa synthèse tous les instants de vie qu'elle contracte autrement. C'est toujours en ces moments que me viennent les plus belles phrases, les plus beaux vers, les idées les plus vraies, comme tomberaient de soi les écailles les plus intimes et sincères.

Combien de fois est-ce arrivé... Malgré la fatigue, l'idée s'empare de l'esprit, l'esprit la fait tourner, la pétrit un peu, mais point trop -- le joyau brut semble déjà poli. La phrase, musicale, résonne dans la tête entière et semble animée d'une vie qui trépigne d'être enfermée, prisonnière d'une vacuité intime qui mâche et digère dans l'oubli tout ce qui pourrait pourtant être.

Combien de fois ai-je réitéré ce choix de ne pas me lever, d'entendre cette vie en moi bruisser de tant d'ardeur, peu à peu étouffée par l'indifférence du temps qui se referme sur l'avènement d'autre chose.

À vrai dire, cela fait bien longtemps que je ne me suis plus levé pour ma vie d'écrivain... Me lèverai-je un jour? Ou faudra-t-il que je noie moi-même encore et encore, par inertie dévastatrice, ces portées de chatons dont les échos fantômes hantent mon âme aujourd'hui? Combien d'hypogées mon cœur abritera-t-il en sa crypte funèbre?

Mais surtout: est-ce qu'un jour viendra où les Muses ne chanteront plus dans mon âme, pour me punir de ne m'être pas levé pour ma vie, mon destin?

Et la nuit sera sombre et silencieuse, ô combien je pourrai dormir alors, dans le cadavre de ma vie.

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