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vendredi 4 août 2023

naissance sociale, mort astrale

 Tous ces chants dévastés méritent bien mon silence. Autant de bruit doit bien enfin ressortir sur un fond de néant approprié. Voici mon silence monde... Inécouté... comme le reste de cette errance musicale.

Une concession suffit à faire s'effondrer l'édifice branlant d'une vie. Me voilà donc éparpillé, sur le sol des conventions sociales, rangé dans une boîte orthogonale, pareille à des millions d'autres adjacentes. Une femme, un travail, une maison, un crédit, un enfant, un foyer donc, et tout cela qui aspire le suc de ma vie, de cette chimère qu'est mon temps.

Les fruits intemporels qui un jour sont sortis de moi, et que je hante désormais -- mi-émerveillé, mi-honteux --, n'ont plus le temps de pousser, de s'extraire du monde et de ses cycles récurrents. Je n'ai plus d'énergie pour chanter, plus d'énergie pour voir et mordre le réel pour en ramener les formes épiphaniques. Plus d'énergie pour la joie. Plus de création. Plus de verbe.

Et tout ce qui consolidait le fondement de ma vie n'est plus qu'un souvenir brumeux tapi dans l'ombre du présent étique: la sensation d'un membre fantôme. J'ai abdiqué face à la vie, j'ai fini par me fondre dans le courant des hommes -- et chaque jour je souffre de ressembler un peu plus à chacun.

Pour cela la poésie m'a désertée. Je ne suis l'élu d'aucuns vents, d'aucun souffle, d'aucune tragédie. Je vais passer mes jours à vivre pour les autres, à me fondre dans la race, dans cette continuité biologique qui réclame son dû depuis les premiers jours.

Il n'y aura plus de création. Je n'en ai plus la force. Je m'éteins à demi dans ce destin en série, désintégré pour de bon dans la matrice sociale de la convenance. La joie enfuie est remboursée sous la forme d'un salaire mensuel qui me permet d'être dans tous mes objets, dans tous les projets de vie qui saignent le présent pour irriguer l'aérien avenir.

Je n'ai plus la force d'écrire. tant pis, cela aurait fait belle histoire...

mardi 17 août 2021

Grammaturgie

Ces jours-ci je ne suis plus terre, silice producteur qui fait jaillir de lui d'infimes canopées juchées sur les épaules d'un réseau racinaire immense. Je suis un jardinier. J'arpente mes forêts, sombres ou claires, mes prairies, mes haies, je taille de-ci de-là, j'étête, oriente, compose des bouquets avec les fleurs qui poussaient en désordre; en bref j'habille le réel d'un peu d'humanité.

C'est comme s'il m'était impossible de jouer ces deux rôles en même temps, de me faire jardinier tout en demeurant alme biotope. L'élan d'écrire est presque totalement tari par les nécessités de la grammaturgie (artisanat laborieux et patient) qui m'emmène promener dans les allées de ces jardins entropiques et leur esthétique dévastation. Je vis l'hiver de ma région créatrice; je consolide et entretiens l'entrelacs de mes rimes qui abrite cette part de moi qui ne saurait exister dans le monde tel qu'il est, et surtout tel qu'on l'a fait.

J'ai bien une maison, une terre, une origine, mais nulle patrie, aucun pays et encore moins de nation. Acosmique, si tant est que la grammaire poétique ne puisse être un cosmos que l'on porte en soi autant qu'il le fait.

Ô combien la poésie est une terre d'asile pour tous les philosophes non dogmatiques.

jeudi 15 avril 2021

Soliloque

Que fais-tu?

J'écris un livre sur l'incapacité d'écrire.

mercredi 4 septembre 2019

Ni poème ni humain

Je ne sais plus commencer les phrases narrant ma débâcle. Je ne sais plus agencer les mots entre eux, et encore moins les phrases. Ecrire des poèmes est devenu pour moi une idée et je me gorge de souvenirs anciens où le verbe coulait promptement de mes mains. Je n'ai plus de patrie, même le langage semble m'avoir renié. Je suis un citoyen médiocre qui ne paie pas ses dettes. Je pille un pays, sa générosité et jamais ne rends rien, je demeure clos dans l'opaque enceinte d'une haute conscience. Je ne vais pas au travail, ne respecte aucun engagement - et pour cela n'en prend aucun. Ce n'est pas que je ne sois pas fiable, je le suis infiniment, mais bien plutôt que le poids des obligations m'est tant intolérable que je file derechef me cacher dans quelque coin obscur, dans une mansarde oubliée d'où je peux contempler le monde qui s'écoule et produit ses richesses, tandis qu'au sein de mon impasse, je taxe sans vergogne ce qui ne m'est pas dû...

Je n'ai pas de grand besoin mais tout de même... Les mots me donnaient de quoi taire l'angoisse existentielle qui cisaille aujourd'hui les ailes de ma volonté, les membres du bonheur, qui m'ont finalement peut-être toujours fait défaut... Je me suis dispersé dans l'indétermination, il semble que chaque veine du monde le moindre petit vaisseau, ne sache plus trouver ma trace dans le réseau des choses. C'est qu'à vrai dire je suis peut-être l'apostat des choses même...

Écrire... Mais pourquoi? Comme un bol d'oxygène qu'on avalerait sans trop savoir pourquoi. Pour continuer jusqu'au suivant voilà tout. Mais pour qu'une fonction soit mature et fluide encore faut-il en faire usage. Ma poésie est un membre fantôme, une terre brûlée que j'arpente en spectre errant qui regarde la terre calcinée et surimpose en image éthérée les paysages d'autrefois, les monts et les merveilles. J'ai l'indécence de me sentir abandonnée lors même que c'est bien moi qui ait tout renié, comme à mon habitude, j'ai "tout ruiné" - tu me l'as dit un jour. C'est peut-être là mon grand talent, d'éroder avant l'heure, d'effriter ce qui tient, de dénouer les liens, de couper toute attache pour faire de ma personne un îlot d'absolu perdu dans l'inatteignable néant.

Mais être cela est encore être quelque chose, et comme je ne me satisfais de rien, de cela aussi je me lasse. J'en ai ma claque d'être à l'entropie, je veux abandonner ce navire, me plonger dans la mer. C'est ainsi que me parvient le monde: en rayons diffractés par l'océan trop épais de mes songes, qui peignent sur mon âme ces images fantômes, reflets d'inexistence. Je ne veux aller vers rien, je ne veux être rien, ni vivant ni mort, ni poème ni humain.

Ni poème ni humain.

vendredi 7 juin 2019

J'aime le silence quand il est cri



Plus dans les clous, en décalé, en dehors à côté
De la musique

Plus dans mes mots, ni dans les maux, mais l'aphasie
Des euphoriques

Et ça m'écoeure d'être un sujet, clos dans l'ici, cabot docile
Je n'aime la vie

Qu'en bel objet sis dans ses formes, j'aime le silence aussi
Quand il est cri

Et si j'écris, je suis l'objet, le spectateur donnant des formes
À la durée

La vacuité, l'en-soi parfait, grand absolu
Qui me défait

Vas t'en bonheur, désincarné, amère liqueur
Qui rend muet

J'aime le silence quand il est cri
J'aime le reflet des verres sans tain
La destinée dans les écrits
Pour exister comme on s'éteint

jeudi 22 novembre 2018

L'individu de la mansarde

Je n'ose plus écrire.

Cela fait tellement longtemps que j'en caresse l'idée qu'il n'est presque plus nécessaire de le faire; voire qu'il m'apparaît comme une trahison de seulement l'envisager. Comme si l'idée s'était irrémédiablement séparée de l'acte, qu'elle était devenue une chose extérieurement réelle - comme sont les gestes qui composent l'acte d'écrire - et qu'il m'était désormais impensable d'embrasser ces deux réalités contradictoires.

Je suis peut-être définitivement l'homme du possible. Je n'ai fait que trahir l'action, seconde après seconde, comme j'ai pu étouffer dans l'oeuf chacun de mes élans pour qu'ils ne puissent grandir. Et tous ces destins avortés qui me poignardent depuis l'au-deçà ne sont qu'esquisses d'intentions à peine formulées sur le palimpseste de ma vie. Ma vie qui ne veut plus rien dire.

Je n'ai jamais rien fait d'autre que trahir. Trahir, trahir, trahir, sans égard pour ce qui est et ne peut s'abreuver que des seules pensées. Avoir à être me fatigue d'avance, je suis né fatigué d'être vivant. Et peut-être effrayé aussi... Effrayé par la simple considération de l'incalculable somme de deuils passés et à venir qu'implique la liberté, fut-elle dérisoirement mince - et peut-être apocryphe.

J'étais effaré lorsque tu m'as jeté au visage, après une énième dispute - comme qui n'a plus rien à perdre -, la spontanéité pure et désarmante d'un amour qu'aucun doute ne vient obscurcir, qu'aucune délibération n'entrave, qu'aucun calcul n'ajourne. Je me suis aussitôt réfugié dans mes idées, emmuré dans le monde familier et sans attente de mes ruminations récursives. Je n'ai pas répondu au monde qui attendait pour être, je n'ai pas pris la main aux gestes qu'il aurait fallu réaliser pour qu'il fleurisse enfin, le voeu de notre amour.

À cet instant je me dis qu'aucune montagne n'aurait jamais été gravi si chaque sommet avait été derechef analysé et traduit en une quantité définie d'énergie cinétique à fournir pour y parvenir, si même l'ivresse des sommets avait été anticipée en une longue énumération d'étapes insignifiantes et préparatoires, et qu'enfin, tout bonheur possible était disséqué en ses composants ultimes, fragmenté en sa chaîne causale. Et c'est pourtant cela que je fais avec toute chose... Mais je n'ai gravi nul sommet, moi.

Chez moi l'amour demeure lettre morte. Je n'y condescend pour ainsi dire jamais, j'oppose un refus de principe qui me rendit incapable de plonger dans le monde ineffable de ton amour en acte. Je t'ai trahi, comme toute chose que j'ai aimée, car il semble que ce ne soit jamais les choses que j'aime mais seulement l'idée qu'elles représentent... Pour les gens comme moi, s'il en est, l'amour est un concept, et il n'y a rien que l'existence réelle et en acte puisse lui adjoindre.

Et si j'ai pu te trahir alors il n'est pas étonnant que je trahisse autant l'écriture, en y allant de mes poèmes soliptiques. Mais même poétiser en dedans demande trop d'effort, les phrases sont des embryons inutiles et je retrousse alors la poésie à son noyau: la grammaire de mes sentiments sublimes. Que j'aime à les définir ainsi - sublimes - car alors il me semble être le plus grand poète de tous les temps, et que chacun de mes sentiments est un monde où s'enclore dans l'extase d'un vertige abismal.

Je n'ai jamais autant pensé à écrire qu'en ces jours où je n'écris pas. Je crois que je n'ai jamais été autant écrivain qu'en ces moments, mes romans se condensant dans le vécu passager d'un regard intérieur. Un regard qui sait tout parce qu'il s'en vient de la chaîne autoréférencée du savoir pour ne plus chercher enfin à connaître. Ces regards, ou fenêtres, diantre ces mondes que je vis dans l'ultime savoir sceptique - celui de l'ignorance - sont mes plus belles oeuvres. À chaque crépuscule je dois alors expier le fait qu'elles ne s'expliqueront jamais dans la réalisation d'une suite de gestes mondains, que je me crois, en droit, capable de réaliser, mais que, de fait, je demeure inapte à exécuter. Et j'attendrais néanmoins un geste de votre part?!

Non. Le néant doit être ignoré, car il ne saurait en être autrement. Mais nul ne vit le néant en acte, seulement sa possibilité, ce qui n'est déjà pas rien, puisque c'est presque tout...

Je me rêve donc écrivain, mieux: je m'affirme et m'auto-proclame comme tel au fond de ma mansarde. J'ai moi aussi fini dans une mansarde, et suis peut-être enfin devenu à perpétuité moi aussi l'individu de la mansarde. Ô combien de rêves abritè-je en ma nullité... Je suis l'amas de chair qui se cogne contre le toit incliné de la mansarde, paradoxalement trop petite pour mes gestes insignifiants, et infiniment trop grande pour mon âme minuscule.

Je trahis comme je respire, ai tellement trahi, dans cette juxtaposition d'anéantissements que forme mon destin, que je trahis jusqu'à la trahison même, dans la décision - en est-elle une? - de me lever du lit où je gisais tantôt, pour m'asseoir à la table qui supporte à présent le poids minime de mon bras qui écrit, ainsi que l'impondérable masse des inepties qui se logent dans la non-mansarde d'un esprit sans sommeil.

samedi 8 septembre 2018

La fin des mensonges...?


Arrivera un jour où mon stylo fera silence. Probablement l'empoignerais-je encore, suspendant la pointe juste au dessus du papier - entre deux néants de possibles - mais nulle pensée ne viendra l'agiter. Figée, la voix de l'âme; pétrifiée par la conscience que tout propos, tout jugement est mensonge.

Un jour viendra la fin, la fin de mes histoires, de ces poèmes qui, prétendant dire une vérité à mon sujet, mentent dogmatiquement, c'est à dire de la pire des manières: d'une ignorance qui ne se connaît elle-même. Si j'écris cela aujourd'hui c'est que quelque part je crois encore à mes petits mensonges, je ferme l'oeil afin de vivre un peu et taire pour quelques minutes essentielles le tourment d'exister ici et maintenant.

Peut-être gagnerais-je à faire carrière de mes mensonges, à mentir pour de vrai, en connaissance de cause. N'est-ce pas cela vivre? Parvenir à se rendre aveugle les yeux grands ouverts?

jeudi 18 janvier 2018

Le semeur de poèmes apatride

Je vais dans l'écriture comme dans un pays où je retournerais parce que j'y ai ma bien aimée, et des promesses pour moi-même. De mon vivant, je n'ai pas tenu toutes mes promesses, contrairement à d'autres pour qui la parole est indexée sur le réel même, est aussi matérielle que mille chaînes.

Chaque jour je reviens ici, dans ces parterres de fleurs fanées que sont mes rimes, têtes coupées d'hydre Mélancolie. J'y ai mes habitudes, j'y traîne dans l'attente d'un quelconque miracle, dans l'attente que quelqu'un, un jour, me tape sur l'épaule et me dise: "tu viens souvent ici? Moi j'ai découvert cet endroit il y a peu, par hasard. J'y viendrai tous les jours désormais..."
Bien sûr je ne répondrai rien, cet espace et ce temps que je file sont ma réponse à ce genre de questions. Peu importe que l'autre vienne ici dans sa bulle, tant qu'il existe une interface entre les mondes, alors il n'est de solitude réelle.

Je ne suis pas quelqu'un de difficile, voyez ce sont souvent les mêmes couleurs que l'on trouve en ces cieux, les mêmes pluies les mêmes gloires qui percent les nuages. Il faut des rives bien fermes à celui qui s'écoule plus vite que le temps - jamais ne se retrouve dans le reflet des choses. Un seul rythme vous donne tant et tant de nuances subtiles, tant de petits détails où éclosent des mondes.

À tous les jours se baigner dans la mémoire des mots, toujours vérifier que point ne change le goût de l'eau, il m'arrive, à quelques rares occasions, la surprise qu'il soit réellement autre. Je sais alors que même les poèmes ne peuvent tenir en leurs liens le vécu qui s'en va. Aux signes, il faut associer d'autres signes tel un petit Poucet, afin que la conscience soit guidée pas après pas, sans faute. Travail titanesque et impossible à la fois. Tous les jours malgré cela, je sème mes poèmes, comme on parsème de cailloux la route inempruntée.

Pourtant, dès lors que je rebrousse chemin, je n'en retrouve aucun...

Ni arrière ni avant pour les destins. Seule cette amnésie sans lendemain.

samedi 11 novembre 2017

Le sang noir



J'ai trouvé ce que je vais devenir
Ça me happe de plus en plus ça empire
À peine m'éloigné-je un peu
Cela m'attrape et m'aspire

Ils ont choisi les dieux
Mon destin c'est d'écrire
Tout ça n'est plus un jeu
Maintenant je suis vieux
Et il me faut choisir

Les mots ça vous colle à la peau
Ça vous enrubanne comme un papier cadeau
Ça vous tatoue partout
Sur la peau des vieux cahiers
Le noir de l'encre vous va bien
Vous êtes habillé

On vous en a transfusé des litres
Votre sang est désormais un philtre
Qui court le long de l'alphabet
De ces veines par Verlaine imbibées

Dans le grand huit de vos artères
Où s'introduit le cathéter
S'opère la véritable osmose
Entre le rythme de la prose
Pétale froissé comme les roses
Et coeur usé plus vraiment rose
Par toutes les métamorphoses

Les mots ça vous colle à la peau
Ça vous enrubanne comme un papier cadeau
Ça vous tatoue partout
Sur la peau des vieux cahiers
Le noir de l'encre vous va bien
Vous êtes habillé