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dimanche 24 décembre 2023

Mise en abyme

On n'échappe jamais totalement à son époque, je crois. La liberté de s'arracher aux chaînes du déterminisme n'est jamais asbsolue, en fait, peut-être est-elle toujours entière, car il n'y a pas de demi-liberté... Simplement, dans le fond de notre captivité, nous ressentons l'appel de l'avenir qui gonfle nos voiles vers l'ailleurs, jusqu'à nous déchirer parfois.

En ce sens, je suis l'enfant des nos "démocraties" modernes: individualiste jusquà la moelle, aussi réflexivement conscient que l'on peut l'être sans se détruire totalement: dangereusement atomique. Et toutes les figures rupestres de cette intemporelle caverne sont le hurlement d'une âme emmurée qui souffre d'avoir réalisé l'achèvement individualiste. Une âme qui cherche la sortie au cœur même de son noyau, qui se croit vaste et infinie pour ce qu'elle observe ses reflets dans une infime chambre aux miroirs: et c'est alors le monde entier qui n'est qu'une  habile et captieuse mise en abyme.

Je suis la poésie d'un individualisme aporétique et destructeur, contre-nature et qui, de toutes façons, s'éteindra avec le siècle.

vendredi 10 juin 2022

Ode prométhéenne

 Je pense à ceux des forges noires, aux infirmiers du monde, à ceux aussi qui, du fond du Capital, abolissent les normes et rompent les amarres avec une nature à quai -- origine abolie. Qu'en ira-t-il de tout ce va-et-vient, ces autobus à mécanismes complexes, tubulures métalliques, explosion -- pyrotechnie du présent...

L'air vibre de toutes parts, stridences et décandences, grondement sourd des roues sur le rail, crépitement des pioches sur les os de la Terre, bruit de fond de la machine humaine en marche et sans repos.

Telle une maladie, je rêve, en un récit viral, d'éteindre le fracas, de détourner la sève de ce Pandémonium ahuri, de préparer un monde où ces futiles fins sont abandonnées sur la route, comme ces sucreries d'enfant qui ternissent l'émail.

Ma décroissance a des saveurs d'enfance, de terre sous les ongles qui grattent et s'émerveillent de la seule présence de dame Nature. Odeurs d'humus, de mycorhizes, bruissement de l'être-là des choses, arc-en-ciel chlorophyllien, treillis céleste qui se peint tout au travers des hautes frondaisons.

De tout cela mon temps s'est fait un palimpseste... Et tout empeste, relent d'égoûts et bouche d'aération qui tousse un air tout alourdi d'angoisse souterraine. Des cadrans lumineux affichent les horaires d'une agonie légale, viol effrené des consciences, haine qui s'avale au matin, par litres entiers, ô sucre du café matutinal...

Métronome en avance qui toujours rapproche l'instant du prochain geste -- celui-là qu'on achète au SMIC mensuel. Des fragments de destins vendus qui forment, rectilignes, les rails de l'humain dressé. Et gratte et creuse et frotte des moquettes en des couloirs de termitière.

Je pense au mécanisme dément de cette horlogerie quotidienne, soufflerie de magasins vomis sur les passants, arômes de pains-au-chocolat, ventilateurs retors qui rendent à l'entropie la course des données -- en de micro-circuits.

Autour de tout cela, en silence, le Chaos guette qui récolte en ses filets les miettes toujours plus nombreuses de ce laborieux requiem. La Terre, chaude, brûlante, fiévreuse, rend à l'éther étal ses vains degrés de trop. Ah douce entropie...

Tu fais de l'ignorance ton régal et couve de tes yeux éteints le coup de vent de nains qui circulent, infatigables électrons, dans les artères des villes, défilent en ordre -- minuscules --, courent ici et là de manière standardisée pour mourir sous des croix industrialisées.

Que de destructions alors... toi qui pourtant pourvoie déjà à cette tâche, bien en-deçà de toute casuistique... toi qui, parfaitement et sans conscience, applique cette loi de la thermodynamique. Vertueuse érosion de ce qui se tient là, pour que la cime enfin rejoigne la poussière, devienne le terreau fertile d'infinis lendemains...

Vois ces petits assistants faucheurs qui partout scandent un rythme décalé, ne veulent plus attendre leur fin et précipitent celle de tous. Raclement de rouille, grincement de zinc, intestincts entortillés du ventre de la ville parcourue par les rats qui agissent, en miroir inversé, comme leurs homologues des surfaces.

Froissement crépitant des emballages plastiques, aussitôt fait aussitôt chiffonés. Grondement des flammes au fond de ces décharges qui tentent d'avaler le monde excrémentiel d'humains gloutons déments.

Stridences des alarmes qui déchirent le brouhaha des villes surpeuplées, cris, pétarades des pots d'échappement, portes qui se referment et s'ouvrent sur le vide, souffle entrecoupé des pales d'un retors, immeubles propulsés à travers les silen-cieux.

Orage permanent sur la planète: vagabonde bleue, derviche banlieusarde, extrémité galactique en valse gravitationnelle.

Là-bas, au centre des révolutions, le bruit est si assourdissant qu'il fait du monde humain ce tintinnabulement attendrissant des carillons d'enfants. La foudre nucléaire rase tout sur son passage, houle magnétique, raz de marée qui projettent au sein du sombre espace des langues de feu voraces illuminant le vide. L'effondrement permanent chante un cri de flamme à rendre sourde n'importe quelle indiscrétion.

C'est le soleil lui-même que nous ramenons sur la Terre, enclos dans les centrales, disséminé par les gaines de cuivre: cheveux électriques des civilisations. Et le bourdonnement de l'énergie fait se dresser sur l'épiderme les poils glavanisés. Le bétail se meurt des maladies du temps.

Le cœur bat la chamade, le silence est un ronron citadin, le vrai silence est un concept livresque, personne n'en connaît la texture. Mais le Grand Silence lui, mes frères, est à venir. Il n'est pas un éclat de nos paroles creuses qui ne l'appelle à s'éveiller.

Dans le cliquetis des roues crantées, dans le récit prométhéen des usines se joue cette fabrication d'un monde substitué au Monde. Homo Faber, pourfendeur de cycles biologiques, chercheur d'éternité, adorateur de la mort minéral.

Des mondes sur d'autres mondes: auparavant cathodiques arrivent désormais par diodes électroluminescentes organiques, c'est toujours au fond la même paroi de la même caverne antique... Il faut se voir soi-même, en toutes choses, que tout soit un reflet de nos idiots profils.

Épais volutes de fumée nocive, ogives nucléaires, poudres alchimiques -- semence de beauté. En tout objet du monde, la marque du sujet: du sombre métal usiné des berlines aux couleurs éclatantes d'organismes génétiquement modifiés, tout partout nous, nous... toujours nous. Indigestement nous.

lundi 19 juillet 2021

La peste

 Il manque à plus de la moitié de mes compatriotes (mais qu'est-ce que la patrie française aujourd'hui?) des sens. Si bien qu'ils semblent incapables de percevoir, d'avoir l'intuition intellectuelle qui leur fournirait en l'expérience vécue d'une image la synthèse d'innombrables données conjoncturelles éparses et désassemblées qui peignent le tableau pestilentiel de notre époque. Nous ne sommes plus qu'un agrégat d'individus insulaires qui ne s'unissent plus que par le hasard fortuit d'une communauté d'intérêts personnels. Je n'ai plus rien de commun avec ces gens là. Je ne suis pas même du même univers. Nous demeurons séparés par l'abîme infrangible d'une extranéité ontique.

Je dois confesser ici que ce que je ressens pour toute une partie des français aujourd'hui s'apparente à la haine qui s'empare de nous, instinctivement, pour toute être qui cherche à contraindre notre liberté physique, à nous déposséder du socle de notre intégrité physique. J'ai beau lutter contre cette haine, elle semble implantée en ma chair par une couche de millénaires qui ont poussé chaque organisme me précédant à la survie.

vendredi 5 février 2021

Épilogue?

 Quel monde merveilleux! Quelle époque formidable...

Ne sentez-vous pas la "densité atmosphérique" incroyable qui enserre en sa gravité sans mesure la horde des petits humains dociles, petits produits manufacturés sortis des fières usines sociales.

Quelle cure de jouvence a-t-on fait prendre à l'esclavage et toutes les formes de violence qui sont désormais des systèmes multi-étagés, d'interminables chaînes itératives où chaque cause est si lointaine de ses effets qu'il en devient presque impossible d'en retisser le lien!

Quel monde! Je respire le grand air, m'y brûle les poumons d'absurdité malsaine, je m'oint de résignation, m'enduit du suint de nos âmes paissantes dans le cours de l'éternité qui engloutira, je l'espère, à tout jamais, le moindre souvenir de cette honte que nous représentons.

Frères, aux armes!

Mais ceux qui les portent réellement, ont fait interdire l'injonction, les mots, l'idée... C'est à la racine même de l'homme que la soumission est instillée, de l'âme jusqu'à la chair.

Marchons, marchons, qu'un sang d'esclave abreuve nos sillons!

N'est-il pas permis d'espérer, au cœur de l'agonie, un ultime et nécessaire sursaut?

Amis pensons à ceux qui, peut-être, un jour futur, auront à lire dans les décombres de nos vies, le bref roman humain. Il est de notre devoir de peaufiner la chute.