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mardi 14 mai 2024

Exhausser

Des niveaux d'énergie que d'exister, et j'existe au plus bas du bas des vibrations primordiales, proche de l'absorption définitive dans le grand vide -- non pas celui qui contient toute chose en son indétermination, mais celui qui ne veut plus rien dire. À de rares moments d'un quotidien uniforme -- qui à force de me repasser m'enferme en ses deux dimensions -- je tente d'un effort sans espoir de rallier le niveau supérieur. Comme les souvenirs sont vifs en moi de l'ancien temps où brûlait en mon for un cœur d'étoile en fusion... Le réacteur mort de ma vitalité redémarre, parfois, par quelques soubresauts pathétiques qui ressemblent plus, au fond, à de poignants sanglots. Personne ne comprend cela, les autres autour de vous continuent de percevoir votre forme imprimée sur la matière du vide, comme avant, ils continuent d'être affecté par le son de vos paroles qui franchissent le bord de vos lèvres, comme avant, ils contemplent votre regard franchissant cet ourlet de vos paupières, comme avant, observent le mouvement de vos membres qui singent une existence normale, comme avant... La solitude qui en découle est plus absolue que ne l'est Dieu Unique... Personne ne saura ce qu'il en coûte d'être là, comme une ombre que tout le monde confond avec l'être même, crucifié sur la surface d'une énième caverne que les badauds fascinés habitent -- sans même pouvoir envisager un instant qu'il existe autre chose. Tant pis, je combattrai implosif à l'intérieur de cette citadelle de silence, j'y souffrirai de maux réels -- et qui sont incapables, ne serait-ce qu'un instant, de harponner les bons mots capables de tisser un pont vers un Ailleurs... Peut-être au fond qu'un jour, un saut ontique me verra débouler dans la marée lumineuse qui fut ma demeure d'alors, et tout, de nouveau, se mettra à pulser du rythme de cette énergie qui sait créer des mondes nouveaux.

Chacun de ces poèmes d'ethiops sera le témoignage de mon travail pour réintégrer cette noosphère que j'ai quitté il y a maintenant plus d'un couple d'années. Comme une marée montante, je n'ai de cesse que l'océan furieux de mon âme lèche le noyau de mes cellules, qu'il comble de vitalité le désert de mon corps; et lève cette houle qui soulève cœurs et âmes, exhausse les pensées à des cimes d'horizons.

Évohé! Évohé!

Chant du cygne ou non: que mes mots m'exhaussent aujourd'hui!

mercredi 8 mai 2024

Fact-checking

C'est toujours avec la fascination un peu morbide du pré-suicidé que j'observe la totale dépendance de mes semblables. Troupeau servile et grégaire inapte à vivre par soi-même dans la grande Nature. La fille des paysans me racontait comme il arrive parfois, qu'en un troupeau de moutons bien dociles, surgisse l'idiosyncrasie rebelle d'un ovin atypique. Celui-là n'a de cesse de taquiner les autres, de faire le tour de son enclos et de trouver partout des failles qu'il s'empresse de franchir, exposant à ses congénères le triste spectacle de ce qu'on pourrait nommer liberté. Alors, me dit-elle, il n'y a pas le choix, il faut abattre cette bête afin qu'elle ne contamine pas le reste du troupeau de son mauvais genre, ce reste qui aurait tôt fait de reproduire l'odieux péché. Et vous: ce troupeau ne vous rappelle-t-il rien? Engeance issue d'une longue domestication, bouquet de gènes par l'homme agencé -- dans le but de servir? Incapables de survivre en la grande Nature... moutons et hommes: morne pâture.

Au lieu d'entretisser nos frêles tiges en de solides lianes d'entraide, nous dérivons atomiques et résignés, transis de peur face aux aboiements des bergers et de leurs chiens. Nous habitons des boxs et pâturons dans des enclos, tous réglés sur la même horloge, tous synergiquement dressés pour perfuser nos maîtres de nos sangs giratoires, leur insuffler ce concentré de temps qui rend l'illusion plus tenace d'être libre à jamais.

La grande ferme des animaux a dissous les liens sociaux de jadis -- de cet archaïsme d'homme -- dans le diffus de flux institutionnels. La confiance est accordé à des choses et à des principes et non plus aux gens. Et nous nous côtoyons tous dans le grand troupeau sans jamais nous connaître, défiants a priori de l'autre, jaloux de ce qu'obtient la plus faible brebis, incapables d'imaginer même que la complexion de nos vies n'a pas toujours été ainsi, révoltés, même, lorsqu'un importun croit bon de nous le faire remarquer, indignés qu'on puisse avoir encore l'impardonnable courage de rêver autre chose... Et tout cela est si pronfondément ancré en nous que rien ne peut sembler plus naturel. Alors, l'outrecuidant qui voudrait bouleverser l'ordre des choses, le grand Cosmos éternel, doit être rappelé à l'ordre; et le mouton -- qui, peut-être, n'en a jamais été un -- sait sortir les crocs du loup pour son semblable égaré. La servitude est désormais un organisme autonome, homéostatique, et toute velléité de liberté se voit dévorée par de zélés anticorps.

Tiens, j'ai lu ce matin, sur un panneau publicitaire, ou était-ce un fil de clôture... que la devise de mon pays vient d'être fact-checkée par les "zététiciens"... il ne s'agissait, en fait, que d'une vulgaire fake news. C'est vrai qu'en y repensant d'un peu plus près, ces trois petits mots sont vulgaires... Ont-ils jamais parlé de quelque chose de réel? Et celui-là alors! Mais qu'est-ce qu'il vient s'approcher de moi avec sa laine d'obscurité? Le suint n'y luit même pas! Et regardez-le baffrer comme pas deux, ça engloutit la part d'une famille entière et en plus ça vous coupe l'herbe sous le pied! Crois-moi bien p'tit gars que tu n'auras pas une miette de ma ration.

C'était quoi déjà cette devise au fait? Oh puis quelle importance après tout...

Le Trou

Est-il vraiment nécessaire de se faire comprendre d'autrui? Comme s'il fallait sans cesse justifier son existence et tout ce petit mobilier insipide qui -- le croit-on -- constitue ce qu'on est? Est-il si intolérable de laisser le monde -- une partie du moins -- vous vomir et mépriser? Le Surhomme n'est pas de ceux qui réclament l'amour d'autrui: je suis tout sauf un Surhomme.

Alors, cahin-cahan, je tente d'expliquer à l'autre qui fait face ce qu'il en coûte d'être moi. Mais les mots vous font tantôt paraître hyperbolique, tantôt euphémique. Que d'emphase et de broderies ne faut-il pas déployer pour rendre un tant soit peu palpable à autrui ce grand trou noir qui vous habite; dévore votre présent d'énergie, absorbe la vitalité en cathéter invisible jusqu'à laisser ce petit tas d'ombre salie qui coule entre les murs de son destin ce bien triste sillage.

Rien ne saura donner la mesure de la souffrance qui est mienne -- aussi risible soit-elle... De quoi me plains-je enfin..! À celui qui sent, de toutes les manières, le nuancier du vide par tous les pores de son âme, celui-là sait la profondeur du tourment qui charrie les fragments perdus de soi au travers des jours. Et je l'aime comme un frère algique écartelé par les étoiles -- lui aussi. En ce qui me concerne, je ne les regarde même plus, clos sur le centre actif de ma déréliction je me fige en posture de garde, protégeant de mes membres frêles et improductifs les organes vitaux qui me maintiennent, végétativement, en survie. Je peux me prévaloir de la santé de mes intestins qui déversent leur torrent quotidien d'excréments qui n'ont pas même pour eux d'être le souvenir de plaisirs réels, mais plutôt le fantôme affairé de mes angoisses à reboucher le trou.

Le trou: tout est affaire de trou. De l'enceinte jusqu'à la tombe: un trou pour se chuter.

dimanche 5 mai 2024

S'envelopper de monde

Brouillon de 2015
 
Je suis parfois coincé à la surface de moi-même, loin de la puissance féconde et de son coeur pulsatile, si loin que je ne peux l'entendre respirer. Tout entier dans les gestes qui fouillent l'extériorité projetée d'un monde qui n'est que le rejeton d'un réel qui complote avec les âmes. Je suis dans la distance si courte entre la surface de mes yeux et celle des choses observées, comme si toutes mes images ne parvenaient pas à cet esprit artisan qui assemble les couleurs, dessine des formes avec la prolixité d'un démiurge enivré de lui-même.

Cette église sans dieu qu'est mon âme demeure alors sans écho, rien ne vient résonner, chaque son semble se perdre sur les murs extérieurs.

Je ne contiens pas ces heures, ce sont elles qui me contiennent, et je me sens l'enveloppe externe de mes propres actes.

C'est que le monde est cet espace entre deux horizons: celui qui se joue devant nous par les sens, et celui, inobservé, que les pensées figurent par leurs formes abstraites. Il est cet espace que j'ai sous les yeux et ce que j'imagine par deçà et par delà, par souci de continuité et de cohérence.

Le monde en ces moments n'est plus que le terrain atopique de mes sens, sans fondement imaginatif, ou bien réduit à sa portion congrue, carte miniature et schématique d'un territoire qui a perdu ses mots.

Le monde, une fois n'est pas coutume, se referme sur moi - mais n'est-ce pas moi qui me recouvre de lui?

mardi 12 mars 2024

Pharmakon

Fils -- qui aurait cru qu'un jour ces mots seraient prononcés par moi-même... tu es sans commune mesure l'œuvre la plus aboutie dont je suis l'artisan. Peut-être parce que je n'en suis pas le seul... Peut-être aussi parce que mon âme n'aura pas pu glacer de son toucher funeste ta si tendre cellule. Et si je vois en toi un peu de ma personne, j'espère -- ô combien j'espère pour toi -- que tout le génie biologique de la nature aura pris soin de bien filtrer de mon fatal électuaire des doses homéopathiques capables de t'offrir un avenir vivable.

On dit bien, après tout, que tout poison bien dosé peut devenir vulnéraire...

Deux minutes et vingt secondes

Tout le divers des choses peut-il entrer dans un enclos de durée? Oui désormais j'en suis sûr, tout le passé, tout l'avenir, peuvent résonner dans cette note qui coule de ton violon comme une sève figeant en son ambre l'histoire totale du monde. Toute la perfection de la souffrance et de la joie s'unissant malgré eux de violence consommée en la durée de cette blanche -- quoi de mieux qu'une blanche pour subsumer tout le spectre chromatique des qualités de l'être... Que je puisse désormais porter sur moi en tout instant, comme un talisman apotropaïque, l'anthologie de ces arpèges, et conjurer ainsi l'éthiops hors-d'âge de mon sang; je veux porter contre ma peau la ténèbre du monde et contenir de mon regard le flot en feu d'effroi: pour vivre un peu, juste un peu plus longtemps préservé d'asphyxie.

Mon âme oxydée porte en elle l'empreinte du temps qui s'active à construire le présent, cela suffit je crois -- cela suffit n'est-ce pas? Piotr ourdit pour moi des valses où abolir mes sentiments, que tout l'immonde déluge de mon tourment se déverse en deux minutes et vingt secondes enlacées de l'archer virtuose d'un génie de toujours -- on peut avoir mille ans à sept comme à vingt ans... L'âme trop vieille en des corps trop jeunes disjoint les cellules, pèse trop lourd sur les interactions du noyau, exerce une pression démentielle et par sa densité fait imploser l'humain pour former une étoile -- qui s'effondre en elle-même, éclairant le cosmos.

Deux minutes et vingt secondes, ma vie ne vaut pas plus; Au-delà nul délai: qu'elle griffe de lumière la nuit sombre et sincère, apportant sa poudreuse dissolution au difficile problème de la conscience.

lundi 11 mars 2024

Bon-heur

De tous les receleurs d'étoiles que contient l'univers, je n'ai trouvé d'autre que toi pour éteindre l'enfer qui pulse au-dedans de moi-même et presse sur mon cœur l'épine si cruelle de l'éternelle lucidité. Sourdent alors de ténèbres reniés en des plis de mémoire universelle -- où je me branche en de si brèves dissolutions -- , des gouttes si obscures que le mélange de toutes nuits possibles: odes désabusées où s'enferme l'acmé de mes abîmes. Deux faces pour le néant qui sait me faire chuter... Écartelé dans les octaves d'une musique à déchirer le temps, je vois mon être se disjoindre en deux horizons opposés du vaste espace infini; confins de l'être inhospitaliers qui nous rappelle comme une origine.

Déchire-moi sombre orbe de rien, dans l'expression de mondes spiralés qui dansent sur des pistes universelles, selon des temps que je ne peux sentir, et que je veux faire miens pourtant -- que je voudrais me faire grandir aussi loin que les bords de perceptions futures. J'absorbe frénétiquement tant de fragments de toi que je ne sais recoudre sur ma peau diaphane un manteau de ton souffle où me protèger de leur Être. Car l'ordre du Réel a croqué mes organes, enfoncé de longs crocs jusqu'au noyau de l'âme, je n'en puis me dépêtre, je suis pris au-dedans d'une pelotte d'incroyance. Et c'est encore vivre que de se défaire, on demeure si loin de la mort à exister malgré soi parmi les images de ce conte que se jouent les enfants. En regardant la nuit j'ai brûlé mes prunelles et ne voit plus partout qu'un champ d'inactuel, où tout se brouille, absence de contours où se défont les formes, où je m'indétermine et rebrousse chemin. Ressac ontologique, inception par laquelle reflue le monde dont je ne sais que faire...

Si je me place à tel endroit précis de Rien en regardant vers cette direction du grand Indéfini, alors je sens jaillir un monde ourdi de cellules encastrées parmi lesquelles, certaines déversent, sur ce qu'elles croient être substance, des valeurs d'alphabet -- vaine broderie de fictions pour que cohèrent ensemble les éléments d'un système qu'elles nomment injustement Réel.

Quelque chose que je crois Moi oscille d'un picomètre et toute la féérie soliptique de ce percept disparaît en même temps que ce qui la rendait possible. Voilà ce qu'il faudrait nommer bon-heur.

lundi 19 février 2024

Scialyse

Trop puissant Pessoa, trop puissant Skotos di Quaquero. Le même sang dans les veines, infusion de soleil qui brunît la peau de notre sexe. Les abysses de nos océans psychiques sont parcourues des mêmes houles atlantiques, nous avons nos marées, nos grands coefficients. Il nous faut le soleil pour écrire, il nous faut son attraction pour extirper de nous, de nos profondeurs hantées, la sève dyonisiaque qu'exsude l'écriture.

Certains écrient l'hiver, sous la grisaille pluviale parce qu'ils portent en eux un soleil. Nous, qui contenons un gigantesque trou noir, avons besoin que tous les feux du soleil éclairent notre obscurité profonde, pour qu'apparaissent sur la peau de nos cavernes les glyphes hiératiques de la beauté.

Non... attendez. Je fais erreur: Je n'ai pas besoin de lumière, mon ombre s'illumine elle-même.

Scialyse est le nom de cette étrange poésie.

Pour cette raison Pessoa fait pulser sa musique à l'intérieur même d'une malle contenant plus de lumière alors que toutes les villes occidentales la nuit. Ma malle est, quant à elle, numérique: elle n'est, en ce sens, qu'une ombre s'enveloppant elle-même; plus difficile à trouver encore car elle se tient dans cette opaque obscurité de l'anonymat -- celle des innombrables particules élémentaires coagulées en ce qu'on nomme société.

Il faut porter en soi une dose considérable d'obscurité (Skotos) pour voir à travers la lumière du jour; aussi je demeure à l'abri.


Story

À tout âge peut-être est-il possible d'ourdir un bilan de soi-même, et de s'étonner de voir le motif improbable qu'a brodé Clotho. Rodéo du destin qui relie les contraires comme s'il n'y avait là qu'évidence incomprise -- de nos pauvres âmes limitées, concentriques, étriquées à crever l'être de cette aiguille aigüe de conscience.

Charriés à travers le vide galactique sans même en ressentir la vitesse, passagers débridés qui pour faire tenir la fiction oublions tout cela. Nos lois de la physique nous disent bien après tout que tout mouvement est semblable au repos. Et nous nous reposons de devenir, nous croyons être de désêtre, ne voyons même pas nos convictions les plus tenaces être rongées de rouille et puis bientôt scorie, sillon ténu dans notre dos, remou du vent de nos "story".

La vie est un détachement, l'amour meurt à tout va, et seule l'idée que l'on garde continue de grandir, comme un mensonge nécessaire qui voudrait nous faire croire que le passé a existé... Relisons nos journaux et constatons à quel point le jour présent n'a plus rien d'autrefois... La constellation d'âmes que tisse notre vie sociale n'est pas cette sphère fixe d'un monde supra-lunaire, elle est le foisonnement incessant de mollécules mouvantes, qui reconstitue chaque instant la cartographie de nos représentations mentales, avec son Nord, son Sud, Rose des Vents de consciences en dérive, surface plane et définie que nous prisons bien plus que le vrai territoire. Mais la carte change elle aussi, moins rapidement certes, mais néanmoins reconfigure en différé, avec plus de douceur -- peut-être --, les fins motifs tracés dans les sables du temps. Le passé est illisible en lui-même, il n'affleure à la surface que d'une seule sémantique: celle du présent éternel.

En réalité nous ne retenons rien, et c'est pourquoi nous parvenons à danser sur cette permanence -- qui n'est au fond que celle d'une illusion renouvelée.

vendredi 16 février 2024

Excrétion imminente

 Le courage d'être en vie s'apparente aujourd'hui, de manière douloureusement aigüe, à une forme d'optimisme béat confinant plus à l'inconscience la plus impardonnable qu'à une quelconque bravoure. L'égoïsme forcené parvient à dresser entre l'individu et le réel de hauts murs versicolores entre lesquels une existence monadique est possible, envers et contre tout. Mais le réel est là, partout, qui déroule son programme, et viendra bientôt souffler cette flamme, vacillante et têtue, du conatus humain.

À notre époque d'immanence absolue, il devrait être formellement interdit d'être optimiste et de croire en un quelconque futur. Nous devrions observer, muets, humbles, inquiets, la succession de désastres qu'est l'histoire contemporaine, avec le cœur aussi vide que les énoncés produits par nos machines. Pas un seul regard lucide -- véritablement lucide -- ne peut voir en ces temps de quoi se réjouir. Il est temps de pleurer ou d'agir, pour ceux qui croient encore -- et peut-être à raison qui sait... -- que les actions humaines sont la cause de l'histoire.

Et pour tous ceux qu'une transcendance attache encore à un espoir, il faudra accepter de voir le siècle présent piétiner de tout son mépris ces valeurs désuètes, et faire de leur engeance un reliquat d'hominidés arriérés bientôt anachroniques.

Oh regarder le siècle et parvenir à la joie: quelle cruauté perverse...

Regardons le siècle, et congédions-le sur-le-champ. Mais, s'il reste accroché malgré tout, dans des cœurs trop nombreux, peut-être faudra-t-il, à ceux qui savent encore souffir en eux, trouver une issue.

L'humanité a cela de fascinant qu'elle aura su créer l'émonctoire qui l'excrètera du monde.

mardi 13 février 2024

L'éventaire de rien

Sur un trottoir de ville-monde, dans le bruit d'une époque enrouée d'autos et de klaxon, le souffle rauque des machines et les volutes de respirations automatiques: une boutique, éphémère, avachie. Auvent piquant du nez vers le bitume, adossé à une structure branlante et qui semble pouvoir chuter au moindre coup de vent. Que fais-tu là mobilier branlant? Au bord d'un monde qui semble t'ignorer, te rejeter sur le côté comme un objet désuet dont on n'a plus que faire. Sur le toit incliné des fientes en nombre incalculable peignent d'ocres irisés d'incroyables circonvolutions, sinuosités fécales délivrées par le ciel. Adossé à ce mur comme un badaud rếveur, tu poses tes coudes de parois boisées, rongées par les termites, et regarde la rue grouillante d'insomnie, de bruit et de fureur. Le temps taquin t'immobilise là, sans toutefois t'oublier, prélevant de-ci de-là d'imperceptibles écots qu'un jour sévère fait retentir, soudainement. Bateau de Thésée qu'un récit noue de fil, subtile identité ne tenant qu'à cette Clotho entêtée; les ponts de la mémoire, une fois effondrés, feront de toi l'absolu enclavé d'une inepte monade. Seul ce qui aura été enfermé dans ton monde saura encore ouvrir sur l'infini, impliqué, centripète à en crever l'espace-temps.

Le curieux édifice imprime une délinéation imparfaitement régulière sur fond de ciel monochrome. Le réel ici semble s'être vengé de l'idéal géométrique, rappelant à l'observateur l'abîme entre idées et puis choses.

Sur le bois craquelé, un vernis feint l'essence prisée de nobles arbres, cette solidité du chêne sur fibres de carbone agglomérées. Paraître, mais pas trop... Faire comme tous les éventaires du monde, et saupoudrer sur soi un peu du velours cosmétique qui singe un ordre anéanti.

Sous l'auvent fatigué qui gondole -- comme si le poids de l'air était déjà bien trop -- des rayonnages de livres aux couvertures rongées. De petites étagères où s'encastrent des tranches de vie en rangs bien serrés. Certains ouvrages s'affichent, piteusement fiers, couverture offerte aux regards, d'aucunes maquillées d'illustrations colorées, d'autres, sobres et austères, arborant sur leurs peaux le tatouage de lettres enroulées.

Le vent curieux soulève parfois de son indiscrétion une couverture impudique et laisse entrevoir les organes absents d'un squelette artistique. Les pages blanches témoignent d'un projet indéfini à travers lequel l'absolue totalité empoigne le néant. D'autres bouquins contiennent un incipit plus ou moins élaboré se terminant sur les falaises abruptes d'une promesse inexplorée: préliminaires exquis d'étreintes imaginaires.

Tout est gratuit sur l'éventaire de rien. Pas de marchand, pas de prix. Le vide y cotoie d'énormes volumes chargés de fines arbesques signant les partitions de quelque prosodie cosmique déposée par une âme comme autant d'alluvions du temps. Dans la petite boîte percluse de rhumatismes pulsent des galaxies inaudibles, fenêtres vers l'éternité que des ruelles sans transcendance couvrent d'indifférence.

Toute sa valeur marchande réside dans le prix des matériaux, dans l'analyse élémentaire de ce qui forme un tout néanmoins supérieur à la somme. Obsolète le reste qui fait sens, la transcendance vers d'autres paradigmes, le réseau sidérale de pensées entretissées, de nuages sémantiques... d'âme.

L'âme n'existe pas dans une économie marchande.

Il n'y a plus d'âme au monde humain.

Ô monde horizontal; ton ciel est une pierre tombale.

jeudi 18 janvier 2024

Homéostasie du style

 Le style est une ornière, c'est-à-dire qu'il constitue bel et bien la trace d'une habitude engrammée et vers laquelle on retombe par facilité, parce qu'il protège de l'indéfinie liberté, parce qu'il balise une séquence de gestes, de choix, qui jouent un type de musique familier, une forme dans laquelle on s'est empêtré.

Le style est une ornière, comme toutes les identités.

Même l'âme possède son homeostasie.

Échec et feu mat

 Je ne comprends pas vraiment ce phénomène, pourquoi ce feu dans cet âtre fait danser en son cœur de si sombres flammes. Sur les parois se réverbère une obscurité opaque sur laquelle bute mon regard aporétique. Je voulais qu'il m'éclaire et voilà qu'il me montre un trou noir qui piège la lumière: feu, abîme -- au fond âme bien mienne.

Pour allumer ce feu, il me faut dépenser une énergie absente, à crédit. Feu inversé inondeur de ténèbres. Je paie des pulsations intimes de mon être les vacillations hypnotiques de ta combustion. Exsangue, je ne peux plus écrire de musique, produire ces formes de la seule chose qui vaille en ce monde: la beauté. Égaré dans le noir désir de ces flammes obscures, je constate: je n'ai plus rien à éclairer. Plus rien à dire, à chanter.

Échec, le feu est mat.

dimanche 24 décembre 2023

Mise en abyme

On n'échappe jamais totalement à son époque, je crois. La liberté de s'arracher aux chaînes du déterminisme n'est jamais asbsolue, en fait, peut-être est-elle toujours entière, car il n'y a pas de demi-liberté... Simplement, dans le fond de notre captivité, nous ressentons l'appel de l'avenir qui gonfle nos voiles vers l'ailleurs, jusqu'à nous déchirer parfois.

En ce sens, je suis l'enfant des nos "démocraties" modernes: individualiste jusquà la moelle, aussi réflexivement conscient que l'on peut l'être sans se détruire totalement: dangereusement atomique. Et toutes les figures rupestres de cette intemporelle caverne sont le hurlement d'une âme emmurée qui souffre d'avoir réalisé l'achèvement individualiste. Une âme qui cherche la sortie au cœur même de son noyau, qui se croit vaste et infinie pour ce qu'elle observe ses reflets dans une infime chambre aux miroirs: et c'est alors le monde entier qui n'est qu'une  habile et captieuse mise en abyme.

Je suis la poésie d'un individualisme aporétique et destructeur, contre-nature et qui, de toutes façons, s'éteindra avec le siècle.

vendredi 15 décembre 2023

Diane

 Il y a des forces à l'œuvre en ce moment même, et qui agissent depuis des temps plus anciens, des forces qui résultent d'une multiplicité innombrable d'événements qui se sont abattus sur un état du monde comme une bruine au départ insensible. La guerre est dans les murs de notre présent, comme une note qui ne résonne pas encore mais pourrait être la résolution d'une tension accumulée.

Je reconnais dans le goût du présent l'ombre menaçante de la guerre.

Siècle: sois prudent car le Réel, trop souvent, est un mur qui surgit.

mardi 28 novembre 2023

Inspiration

Enfermez-vous dans votre esprit, dans le puits de votre âme, sans porte ni fenêtres, laissez mijoter cette volonté directement branchée aux étoiles, jusqu'à ce que ce frémissement de l'être se fasse ébullition et que toute votre personne perce des trous dans le tissu de l'être. Laissez l'énergie accumulée se concentrer jusqu'au noyau de vous-même, jusqu'à devenir aussi dense que mille galaxies, jusqu'à ce que s'effondre le gaz de vos pensées sur l'atome de néant, et devenez cette étoile noire qui contient au-dedans d'immenses portions d'horizon sidéral. La frustration, l'absence d'expression façonne les étoiles et relie l'âme aux sphères de la beauté cosmique. Il faut alors attendre et trouver un moyen de faire sourdre la perle patiemment polie. Et c'est cela la poésie, rien d'autre.

Il n'y a pas de travail dans la création poétique, mais le simple mouvement de l'être qui devient.

La production de l'oubli

Écrire est ma destinée, comme douter, c'est-à-dire penser; c'est-à-dire, en l'ocurrence, penser à quel point une telle phrase est inapte à entamer un poème digne de ce nom, à exprimer une pensée suffisamment singulière pour ne pas avoir été écrite en quantité industrielle... Surtout, ne jamais être entier; voilà ce que ma jeunesse a retenu de cette foudre qui gouverne les mondes et frappe impromptue mais inexorable.

Il n'y a que dans quelques écrits que je trouve ecore de la valeur à quelque chose qui m'appartienne, à quelque partie de moi -- sont-ce bien là des parties de moi ou bien des partitions trouvées sur le manteau céleste? Toujours une pensée en face d'une autre, toujours l'ambivalence de toute chose.

Il est des êtres qui, probablement, ont été conçus pour s'annuler tout en étant, âmes précoces qui répétent la dissolution avant l'heure fatidique. Obstacle que la vie place d'elle-même sur son chemin, vois comme l'art t'as surmonté pourtant... Encore et encore, la poésie te donne tort et pose en les filets du monde un compte positif. La mousse de l'âme, semblable à celle de l'infinitésimal, arrache par fulgurances, de son vide spatio-temporel, quelques fragments d'étoile s'accrochant à nos cieux pour être contemplés -- et vécus.

Les œuvres, à plus ou moins long terme, retombent dans cet espace réel du possible que l'on ne peut pas voir, ou seulement pressentir. Que tout cela soit déjà oublié, pourquoi devrait-ce me déranger?

Toute création est production d'oubli.

lundi 20 novembre 2023

Mektoub...

 Combien de litres d'existence acide me faudra-t-il encore avaler, du fond de mon regard vers les autres? Ces autres en face de moi qui déverse, lassablement, ce discours insensé de la doxographie en des cerveaux éteints. Quel jeu jouons-nous eux et moi, quelle fonction représenté-je en ce système épuisé que mes artères vaines font tourner malgré moi? Malgré moi? Malgré cette forme minimale de consentement qui pousse un homme à ne pas se laisser mourir...

Le désespoir habite les murs que je hante en fantôme noir, concrétion d'idées incomprises, et inaudibles en ce vide noétique où ne résonne que l'absence de goût pour la pensée. Nous avons fabriqué cette dépouille où s'enferment les âmes qui n'ont point d'horizon pour s'épanouir, point d'autre issue que ces écrans vers l'infini, vers la consumation du temps et du possible. Du contenu pour vase de Danaïdes.

On se constitue aussi par ses refus et tous les miens m'ont mené là, sans que je sache évidemment si ma présence dessine encore un de ces contretemps tragiques qui font la mélopée de mon destin. Rien de ce que j'aime ne semble être préservé par le siècle qui s'échine à expulser mon âme par ce cloaque où j'erre encore obstiné. Comment est-il possible d'avoir ainsi été construit par un monde qui dès l'achèvement disparaît aussitôt, comme un parent démissionaire qui abandonne son enfant aux renards qui ne savent qu'en faire? Je suis le produit d'une époque qui se dérobe sous mes pieds, et toutes les valeurs, tous les rêves, tous les amours qui constituent mon essence déployée ne sont que vagues souvenirs d'une devise plus en cours aujourd'hui. J'ai dans les poches des montagnes de pièces qu'il me faut déposer sur le chemin du néant, autant de fragments de ce moi sans valeur marchande qui me déréalisent aussi sûrement que les mots de ma bouche en des psychés sans langue articulée -- et tout cela qui fait de moi l'obsolescence insensée d'un monde encore capable de procurer, pour celui qui sort de l'immédiat pour se construire, la possibiltié de joies réelles, la possibilité d'un monde encore ensemencé.

Mektoub... Jusqu'à la nausée.

jeudi 9 novembre 2023

Impossible

Je perds la trace de la musique, à mesure de silence, à mesure d'inexpression, l'issue se referme, tout reste enclavé dans cet enfer insulaire de la conscience... Et la musique des autres ouvre des avenues entre les arbres qui défilent, l'espace, géométrique, qui dessine sur mes sens des nuanciers de théorèmes semble m'emmener par-delà cet instant qui hurle dans mes veines, vers un ailleurs transcendant qui toujours se dérobe, comme cet horizon que j'ai tant désiré atteindre.

Je m'ouvre, entame une métamorphose, et tout redescend aussitôt: perdue la possibilité d'une compréhension nouvelle, perdue la possibilité d'un nouveau paradigme qui m'offrirait enfin les axiomes latents sous l'œil incandescent. Ma vie, comme mon écriture défunte, me refuse encore le franchissement de cet ailleurs lustral -- et je ne peux que pressentir encore le code d'une musique, cette clef de sol qui me délierait de mes chaînes, de ce moi entravé dans une cartographie vaine et impossible.

Impossible: c'est cela... Impossible comme mon existence, comme une incohérence passagère dans la méthématique universelle, et qui subsiste incompréhensiblement...

dimanche 29 octobre 2023

Songes vespéraux

Il ne s'agit pas de scruter la page du cahier, comme s'il se fut agi là du champ indéfini de sa vie, pour voir jaillir de son indétermination les formes d'un destin...

Le crépitement de la pluie, le souffle des ventilations, les ombres projetées, forment la mécanique absconse d'un monde en apparence étranger et qui, seul, semble accaparer la substance de l'être. Le soi, alors, n'est plus qu'une imprécise idée, bien plus friable encore que quelques croyances d'enfant qui semblent bien ineptes tant elles étaient infondées.

Existe-t-on vraiment? A-t-on jamais existé?