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vendredi 24 décembre 2021

Le monde est une grammaire

Ce que je ne peux pas dire en musique, je l'écris. Et par là perd l'aspect informe et primordial de la pensée originaire, ineffable et par là sublimement singulière. Je me moque de l'avis d'Hegel. Proposition de plus qui peut trouver, comme les autres, l'axiomatique qui la rend vraie. Mais je vis dans un autre référentiel que ce qui fût le tombeau du grand dogmatique.

C'est, bien entendu, en deçà du langage que gît la vérité: celle qui est singularité absolue, et par là ne peut servir d'élément à nulle connaissance. L'absoluité de la sensation, de la qualité vécue, incapable d'adhérer à un quelconque signe sans se nier définitivement: voilà ce qui ne peut être contesté.

Cette curieuse propriété du langage, de faire exister la relation, en faisant de simples syncatégorèmes de nouvelles substances est véritablement remarquable. La relation devenue ainsi elle-même objet hypostasie dans l'immédiateté d'un signe la pure médiation sans substance.

La langue est le champ gravitationnel de la pensée: c'est elle qui lui confère une masse et fond le monde en une forme pesante et persistante, qui autrement s'évanouirait dans une différenciation perpétuelle. Elle concrétise ce qui ne peut pas tenir à l'être.

jeudi 9 septembre 2021

Ce qu'est le ciel

 Je me suis égaré dans les mots, sans savoir qu'y trouver. Je suis inconstant, jamais je ne fais que passer, j'entre avec tant d'intentions, puis aussitôt m'en vais. Je me demande à quel point je mérite le peu de mon succès...À quel point je suis inférieur à ce que les gens croient, combien ces fondations sont des sables mouvants où, quotidiennement, je m'enfonce et me noie.

Je ne sais donner à la vie les vives couleurs qu'elle mérite. Ma propre vie serait bien mieux usée par une âme nouvelle. Une âme qui en aimerait le goût, la saveur, dans son essentielle substance. À moi, je dois avouer, elle demeure indigeste. Il n'y a qu'indéfinis épices pour me la rendre heureuse, le sel m'est essentielle et la vie m'est cruelle.

Une souffrance qui se repose, en une conscience lucide, voilà tout le bien à attendre, voilà ce qu'est le ciel.

vendredi 19 mars 2021

Métaphysique pessoenne: sujet et prédicat

 Pessoa, dans un poème des fragments non assemblés, décrit le bonheur et la paix qu'il prête à un berger de la montagne avec son troupeau, en les observant, et il s'interroge alors sur le statut de cette paix:

"Toi tu n'en jouis pas, parce que tu ignores que tu en jouis.

Moi je n'en jouis pas, parce que je sais que j'en jouis."

En deux vers est résumée l'immense précision chirurgicale de Pessoa dans sa manière de ramasser de grandes théories métaphysiques. Ce qui saute aux yeux par ces deux vers c'est, d'une part la richesse d'analyse qui peut en découler, d'autre part la stricte détermination des interprétations possibles: le poète a scellé, par ces deux vers, la lecture et la compréhension comme s'il avait écrit là des dizaines de pages.

Le berger ne jouit pas de la paix: pourtant, Pessoa attribue bien le prédicat de paix au sujet berger dans les débuts de son poème. Mais celui qui prédique n'est pas le berger lui-même qui, lui, ignore qu'il en jouit. Ainsi on comprend que toute qualification d'un sujet par un état, toute détermination d'une substance par une qualité ne peut se faire que par la scission d'un sujet et d'un objet. Par cette scission pourtant, le sujet est détaché de la qualification et seul l'acte de prédication peut relier les deux entités.

Est-ce que le berger ressent cette paix que l'auteur lui attribue? Il est impossible, ou plutôt interdit, de répondre à cette question à sa place puisque ce dernier ne se la pose pas, il ne se prend par pour objet en scindant sa personne en deux entités: le sujet-objet (phénomène) qui est observé par un sujet transcendantal (condition du phénomène). Le berger est irrémédiablement hors de ces catégories logiques. Tel un pour-soi, il est plein de lui-même, sans distance à lui-même, et pour cela il demeure unique, total (c'est à dire sans analyse possible en éléments constitutifs), absolument singulier.

Mais alors, est-ce à dire que cette paix ne peut être goûtée que par celui qui opère, par l'acte de prédication, la liaison d'un sujet et d'une qualité? Ce serait précisément l'acte de distanciation (sujet-objet) par l'analyse épistémologique qui permettrait au sujet de ressentir l'état prédiqué à la substance. C'est d'ailleurs cet acte de prédication qui fait advenir cette qualité particulière nommée ici "paix". Il la détermine et la définit, par différenciation de lui-même et d'autres états possibles, il dessine un contours dans la pseudo indétermination spatio-temporelle.

Mais celui qui opère cette action ne peut non plus ressentir cette paix car, pour la ressentir, il faudrait pouvoir coïncider avec elle et non l'observer à distance, quitte à se la rattacher à soi par la suite. Dès lors que cette paix devient objet, dès lors qu'on la définit comme objet cohérent et individuel, elle est à distance du sujet, séparée de lui par un abîme ontologique. Savoir que l'on jouit c'est précisément ne pas jouir. De la même manière que jouir sans le savoir, c'est tout simplement ne pas jouir.

Hors de la dissection épistémologique opérée par la conscience, rien n'est dicible, tout est événement ineffable dont seuls les sens peuvent témoigner de manière immédiate par la sensation vécue. Même la perception, en tant qu'ensemble de sensations organisées et ordonnées, ne peut prétendre à nous donner accès à cette immédiateté des choses où seul existe une image vécue, unique et pleine, non divisible en parties. Ce n'est que rétrospectivement, par analyse consciente, que les sensations se transforment en perceptions et que la perception se détache d'elle-même pour produire le concept d'un sujet transcendantal.

Ce dernier ne ressent rien, il ne vit jamais rien puisqu'il est précisément cette indétermination sur le fond de laquelle surgissent qualités et les choses.

Les choses existent-elles, hors de la scène du sujet transcendantal et sa fiction épistémologique? Nous verrons par la suite quelle réponse apporte le poète portugais à cette question naïve.

dimanche 3 novembre 2019

Aphorismes sur la croyance

Il est si dur de croire en quelque chose, c'est là le combat de la vie.

Croire tout en restant lucide, sans dogmatisme ou fanatisme. Croire en conférant à quelque chose une valeur venu du fond de soi. Croire même lorsqu'on ne croit plus en soi.

Il faut croire sans raison, sans motivation extérieure, parce que la croyance est la seule façon de vivre.

La croyance est la force qui fait sortir du vide la substance des mondes.

dimanche 1 octobre 2017

L'illusion des substances?

Lorsque l'esprit va mal, le corps est la dernière demeure où l'on peut se réfugier. Mais peut-être est-ce précisément une perspective fausse. Si l'esprit était le corps alors précisément il nous enjoindrait de prendre soin de lui. Deux expressions apparemment différentes d'une même réalité. Corps et esprit: la même source qu'est l'énergie, étoffe de toutes choses qui fait de notre monde la substance première.