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dimanche 17 septembre 2023

Agonie au néant

 Le sens d'une vie tient à peu de choses: il réside parfois dans l'ineptie la plus totale et insoupçonnable pour un éventuel observateur extérieur; il gît, en ce qui me concerne, dans ce journal et ses polymorphies.

Pourtant, je n'écris plus. Écrire cela, c'est avouer que ma vie se disloque dans la souffrance physique, psychique, sociale et métaphysique. Me lever me coûte de plus en plus, va jusqu'à arracher des larmes de mes yeux qui souhaiteraient demeurer clos... éternellement clos.

S'il reste des plaisirs dans cette vie bien rangée et socialement épanouie, il n'y existe nulle joie. Le plaisir de créer se tarit peu à peu dans les obligations infinies, dans l'orchestration tonitruante du temps, dans l'hémorragie de toute liberté au sein des innombrables moules sociaux. Le travail n'a pas de sens, la parentalité non plus, d'autres feraient tout cela bien mieux que moi, à n'en pas douter.

Ce journal demeurera inconnu du monde, tout comme l'âme en chantier qui lui sert de fondement. Ce chantier, d'ailleurs, est désormais naufrage, celui d'une âme-en-crépuscule... Impossible de savoir la valeur qu'il aura dans l'histoire des hommes. Et si ma sensibilité aiguisée, qui me porte vers la littérature classique et rend mon goût sûr de son acuité, m'assure parfois que quelques joyaux littéraires se cachent en ces ruines et échaffaudages -- tels des promesses de civilisations futures --, il m'est impossible d'en avoir le cœur net. La vérité commence à deux, elle est un consensus, et l'on ne peut avoir raison contre les autres, si tous l'ignorent...

De toute façon ma vie ne me permet plus d'écrire. La maladie ronge mon corps, rouille la coque de ce bateau de Thésée presque méconnaissable. La douleur de vivre parmi les hommes enfin déchire mon âme, brûle mes sentiments, calcine mes pensées.

Une vie... cela pourrait être autre chose, n'aurais-je eu de cesse de me dire tout au long de cet étrange parcours. Tout m'est tellement étranger et inésthétique, que la seule curiosité qui me reste est pour outre-monde, pour le repos éternel et l'abolition de mon principe. Je ne crois pas qu'il existe un autre lieu pour les âmes humaines, pas d'autres existences, pas d'espoir.

J'aurais eu, tout de même, une âme intéressante, rationnellement puissante, avec une force de déduction et d'abstraction qui parfois m'étonne moi-même... Mais cette qualité aura contribué à m'éloigner sûrement de mes semblables, encore et toujours plus. Incompris, moqué, encore et toujours plus... Jusqu'en ma profession... ce qui révèle ô combien ce monde est sans âme aujourd'hui.

J'aurais pu faire quelque chose de beau, dans une autre société, lors d'une autre époque, dans d'autres civilisations. Mon endurance et mon obsession pour la vérité aurait pu alimenter tant de découvertes. Mon amour pour la beauté, et ma compassion pour tout ce qui souffre, auait pu sublimer tant de laideur, créer tant d'oasis fécondes pour d'autres âmes assoifées...

Tant pis, tout cela ne fut pas. Peut-être aurais-je le privilège absurde de relater encore un peu la dissolution de mon être, dans de rares sursauts d'énergie vitale; continuant de faire ce que j'ai presque toujours fait: m'adresser au néant.

samedi 8 octobre 2022

Phlégéthon

 Maintenant je vais m'écouler, tout au-dedans d'un autre... de lui: l'Avenir de mon échec totalitaire. De monde en expansion, je deviendrai trou noir, implosion au bout du refroidissement général. Une fois n'est pas coutume tout n'aura été que brouillon... Brouillon de moi-même, brouillon de conscience, brouillon d'humain, moment d'existence -- et tout cela n'aura mené à rien.

Ou peut-être que non, la preuve ces pas me mènent à toi... Tu continueras le néant qui nous déchire tous; tu continueras mon fils à souffrir pour les autres, à recueillir en toi le brasier lucide... Ou peut-être que non: peut-être seras-tu épargné, par un curieux atavisme qui verra échapper de toi le fardeau de ton père. Et tu vivras heureux, de ce bonheur dont jouissent les animaux; de tout ce qui a été bien conçu: équilibré, sans faiblesse abyssale ni puissance extatique.

Puissé-je ne rien brûler dans mon trépas, supernovae incandescente, dévoreuse d'espace-temps. Il faudra me garder au loin, comme on regarde les étoiles. Il faudra vivre à mes côtés de toute la distance des cieux.

Je prie qu'on ne se touche... Car alors, si nos deux âmes enfin s'abouchent, je saurais ce qui couve en ton chantier de flammes, je connaitrais les méandre de tes veines, Phlégéthon infernal... Je saurais dans ma chair l'absolue solitude qui te sert de royaume... Sans porte de secours.

samedi 28 mai 2022

Prise de terre

 Je traverse le monde à travers un voile ivre

Et mes vains vers -- bouteilles

Choient dans la mer -- Veille,

 

Indécence de toujours regarder

Leur abîme en les choses...

Souffle prose! Et coule sur les mots

Ta glaise imperméable

Habille le Réel et souffle un monde

Au cœur du vieux Néant.

 

Mon âme impie dément

Sa propre peau

Cousue de style que des Moires

Inlassables mémoirent.

 

Et il fait froid quand cesse cette brise

Et que la vil(l)e humaine

M'enceint et m'électrise.

samedi 12 mars 2022

Les vains étendards

Siècle qu'as-tu fais de tes enfants infects?

Tu as rempli de couleurs les yeux de nos ancêtres

Assombrissant ensuite l'âme de descendants

Vivant entre deux mondes


( Qui jamais ne se croisent )


Humains, voyez les signes de la fin

Récits eschatologiques

Enfants qui fanent au bord de nos chemins

Et personne n'écoute

 

( Le siècle agonisant... )


Entre les deux néants

Réside ma génération

N'engeandrant que des songes

Putréfiés par avance


( Recherchant la grand Rive aux sables d'univers )


Aux cieux sont accrochés tous nos échecs

Et les nuages sont lourds

Au-dessus de nos têtes

L'avenir à jamais sans métaphysique


( Et l'horizon couvre un monde identique )


Sillage de dérive

Positif comme la science

Qui fait la religion

Des âmes anéanties

 

( C'est le Lethé lui-même que nous embouteillons! )


Bois, ivrogne des trottoirs

Deux litres au moins par jour

Avale ta Révolution

Virus, poison, remède, semblables vulnéraires

 

( Que même le bonheur soit notre placebo... )


Il ne faut pas toucher

Au chaînon qui nous lie

Inexorables sont nos destinées

Néanmoins près, tout près du lit


( Vous veillez en tuteurs zélés )


L'ancien esclave devient le maître résigné

Le cercle de l'Histoire: un court-circuit fermé

Tandis que chaque pas résonne

Entre des murs interstellaires


( L'angoisse est le seul hymne de l'humanité )


Y a-t-il quelque chose encore?

Quelque part attendant?

Une poudre magique

Capable d'allumer


( Des mondes pour demain? )


Poudre blanche, immaculée

Duale perce les cloisons des nez

Nos enfants sont idiots avant que d'être nés

Ils ont le suint des moutons bien dociles


( Génie de l'espèce: réconfort du troupeau )


Tout est clair

Distinct, pas même un vieux mystère

Dame Nature dévoilée

Couchée sur un papier vulgaire


( Tandis que tout humain est un Dieu qui s'espère )


Je viens de l'inespoir

Comme une solution que nulle n'entendra

Un accord dissonant

Effacé par le siècle


( Une bouture de Tout plantée dans le silence )


Ô règne sans partage

Qui livre ses enfants

À des douleurs fractales

Existe-t-il encore des valeurs qui ne soient:


( Des mots luminescents sur nos vains étendards )

vendredi 14 janvier 2022

Se tenir compagnie

 Sur le chemin d'Hadès, il est parfois quelques haltes propices à se donner de l'élan. Non parce qu'on serait investi d'un savoir soudain, capable de nous rassurer a priori sur les routes à choisir, l'issue de nos combats, mais une simple absence de peur, vaincue par la nécessité.

Il faut être salamandrin aujourd'hui pour construire sa galère tout au milieu des flammes. Le siècle brûle, les temps se précipitent vers la grandiose chute. Tout ne sera pas détruit et puis... Détruire est nécessaire à la vie, nous n'existons, nous individus, comme nos cellules, que par le tout que forme l'organisme, la société, la vie.

Voilà bien qui nous dépasse et qui peut regonfler le cœur malgré la tragédie.

Et si ce n'est pas le cas, au fond, qu'est-ce que cela changera?

--

J'ai tout oublié. Une amnésie lustrale s'est emparé de moi et me fait regarder les êtres, les choses, et toute la fiction cinématographique de mon destin comme un projectionniste face à la bobine inconnue, qui déroule sur l'écran d'une autre dimension les images d'une autre vie.

J'ai du courage parce que je peux nier, allègrement, ce qui je fus autrefois. C'est toute la passion d'une foi aveugle qui est nécessaire pour remplir les abîmes qui séparent les instantanés de ma conscience empirique, les jours qui séparent les réveils, à tels points sans cohérence qu'ils forment des naissances successives. Il faut bien de la foi, et je n'ai foi en rien. Ni en moi-même, ni en la liberté, encore moins au déterminisme. Je n'ai pas même foi en mon propre doute qui s'effrite dès qu'on le gratte et laisse place, enfin, à l'ignorance atone, ineffable vérité, anti-proposition qui soigne tous les dogmes.

Il faut quelque courage pour fendre le Néant, sans nulle carte pour guide, nageur de l'infini ouvert. Je comprends ceux qui souhaitent plus que tout confondre carte et territoire. Qu'il est rassurant de vivre en sa propre demeure, qu'on a construite, presque, de ses mains. Mais si l'on y trouve un réconfort, c'est au prix de feindre, à tout instant, que cette carte est un réel qui se découvre nouveau à nos yeux, et non une représentation achevée que l'on tient dans sa poche. Voir cela et le réaliser, c'est devenir fou, c'est devenir lucide. Et préférer alors la grande errance à tanguer sur les flots de rien, qu'on ne peut même appeler flots...

Qu'il faut être capable d'être bien des choses pour devenir un monde. Et devenir à soi-même cette autre inaccessible.

Dieu n'est jamais qu'une ombre de nous-même -- et qui parvient à nous surprendre.

mercredi 10 novembre 2021

Mon enfance

 J'eus, contrairement à de précoces artistes, une véritable enfance. Je ne suis pas un Pessoa qui affirme que son style a toujours été formé, dès le début de sa pratique littéraire. Dieu que l'élaboration du mien fut longue: il suffit de relire mes textes d'il y a dix ans, voire moins... Tous ces textes d'une médiocrité éclatante ne seront néanmoins jamais retirés de ce palais mémoriel. Ils resteront comme les témoins muets de ce que je suis: un homme comme les autres, dont l'obstination absurde a su produire, avec la lente maturation de saisons successives, une terre quelque peu fertile, où poussent, après l'inquiétante mousson du tourment, une flore rédemptoire et colorée.

Car je suis devenu, à force de persévérance, une canopée littéraire sur sol vivant. Le réseau mycélien de mes forêts semble parfois si vif et si peuplé, qu'il relie chaque lettre à d'autres galaxies. Tout cela bouillonne d'une vie effrénée, invisible, qui parle à tout instant vécu à ce fol Inconscient, durant la moindre et infime expérience -- depuis les voyages en voiture, jusqu'à ce triste et froid ennui des soirs de solitude. Un dialogue souterrain prend place en permanence.

Voilà bien ce dont témoigne, j'espère, ce sillon singulier. Qu'il ait tracé d'insignifiants dessins sur l'étoffe du temps n'est pas un fait honteux. La vie n'est qu'un brouillon éternellement recommencé. Le non-espoir d'un idéal néanmoins poursuivi.

Je vous laisse tout, tout l'écheveau de ces tentatives, ces complaintes entropiques adressées à l'éther. Advienne que pourra de tout ce flot de vie qui bourgeonne et éclot en fleurs envenimées, nourries par le fumier fertile d'une souffrance chaude.

J'ai bel et bien une enfance. Ces bouquets de poèmes sont le produit d'un long faisceau causal qui plonge ses racines dans le néant des origines. Mais plus modestement, dans les déterminismes sociaux qui m'ont mené à ne plus pouvoir me passer d'écrire l'existence en un chant silencieux vomi sur les cahiers et les mémoires numériques. Je n'ai pas honte de n'être en aucune manière responsable de ce que je suis devenu. Je ne crois pas en la liberté. Je remercie les cieux, mes parents et tout ce réseau de brûlure que forme ce vain monde d'avoir produit, inexplicablement, ces quelques notes bleues qui font des rares moments de création poétique, les parenthèses d'une vie qui puise en elles l'énergie et le souffle gonflant encore mes voiles.

J'irai au bout de ce voyage; déversant ma musique dans le néant atone.

mardi 17 août 2021

Le rien qu'on dérange

 Je ne sais si l'on on peut peindre des formes vraiment pures, qui ne font le contours de rien, d'aucun contenu,de nulle matière pour les remplir. Je ne sais et j'essaie, pourtant, portant de mes doigts nus les sèmes qu'aussitôt je viendrai délaisser... Quel étrange morse crypte mon tempo? Quel message sous-jacent, fruit d'une intention préalable fonde le jaillissement de ma prose, un peu comme le vomissement des roses qui parlerait de graine enfouie... Je tisse, grammaire des intestins, un interstice entre les choses, une brève de silence entre de vains destins. Et que contiennent mes mélopées? Que valent ces quelques méga-octets d'ordre binaire, serrés et alignés comme des rangs de militaires? Et quelle guerre annonce l'armée de mes mots jetés sur le tapis blanc, comme un drapeau, de mes batailles immatérielles?

Toute cette mathématique ne présage-t-elle, au fond, qu'un chaos de plus inavoué. On ne peut jamais parler des choses. Le monde qu'on bâtit s'érige sur un sable de sons, dressant des murs de lois, et tout notre discours ne noue qu'un lien factice entre deux absolus d'indétermination... Qu'est-ce que peut bien vouloir unir la relativité? Que cherche donc à figer la vaine vérité?

Dans les veines bleues du monde où poudroient les étoiles de la Voie Lactée fusent les particules élémentaires de Tout, ubiques comme toute chose réelle, jamais uniques ni singulières, comme le crut l'humanité trop fière... Pas un atome ne possède identité, à la racine (connue) de toute réalité, ne gît qu'indétermination et brève écume de ces champs que notre vie vient perturber.

Et moi, élément fait d'indocile élémentarité, j'ordonne le possible, articule le vide autour de ma personne inepte; badigeonne de couleurs l'obscure monture du monde, et dans la moindre page blanche et dénuée de signes, fusionnent toutes teintes et des nuances exquises que mon âme étriquée ne sait comment penser.

Tout, je dis bien Tout, était déjà contenu dans le rien qu'on dérange.

C'est tout le nœud des formes qu'il s'agit de défaire, pour que les qualités que l'on croit distinguer, se réimpliquent enfin dans la pelote brouillée de rien, inexorablement fondues dans le néant de l'Unité.

Car sous les formes le Réel infini.

lundi 22 février 2021

Origine néant

Exercice de sécurité, brouillon d'ennui, tentative de digestion... C'est un texte comme les autres: un simple assaut technique, avant le vrai combat

 

Crevure

Éraflure d'elfe des cités / cicatrice orbe / empaquetée de chair

Vitupère insigne / Barbelés molotov / Cage aux barreaux durs / déglingue

Épars / démarre pour un futur

 

Étoile cassée / souillée / givrée / de larmes insipides

Radicelles limpides / Ancrée au champ du ciel

Terrain de jeu / de rut / de rêves écrasés / D'amours / en reconditionné


Flèche tendu de temps / impétrant qui recule / les choix ça soigne

De trop de liberté / racoler un destin / partir avec rien

Pas grave / le pire que soi existe / on continue / on continue

 

Battre le pavé / suite royale / pas maintenant / brelan / pourquoi pas

C'est mieux que rien / mieux qu'un soi se branlant

Mieux qu'un vieux lit d'hôtel / en la gare inconnue


Toute nue / de force / aveugle et transparente / violence exquise

Esquisse et trop latente / j'attends / le haut / en bas

J'attends / le vieux Godot / j'attends le vieux Godot


Dans des godasses / concrétion de pétrole / mains fines

Jeunesse d'usine / c'est beau la Chine / ça fait des vocations


Kafka dans les menottes / Départ / radeau / pour nuitée en cascades

Corde / nœud / et coule la rivière / du sang / artère

Du sang / mais sens inverse / perverse / essence


Frondaison chevelue / point de départ / origine / néant

dimanche 7 février 2021

Enseigne du néant

Tentative peu-heureuse (peureuse?) d'écrire pour tuer le temps et de combler la médiocrité poétique par une mise en forme novice probablement inapte à remplir sa fonction de cache-misère... Pourquoi publier alors? Mais pourquoi diable ne pas publier un énième brouillon, un énième exercice d'entraînement? Tout ici n'est que brouillon appelant l'apothéose d'une défection totale de l'être dans l'entité de lettres...

 

 Sonne le glas sous la grêle

Demain nouvelle tentative pour mieux s'annihiler

Depuis les six fenêtres,

Ombre et lumière

      Emplissent

                        tout

                                mon

                                        vide ( . )


Il est terrible ce vide neuf

Car il n'est plus de toi

Mais bien plutôt de moi,

De lui-même et de TOUT ( ... )


Sonne le glas sous la grêle

Éclate les fenêtres

Ouvre au vent voltigeur

L'espace ici vacant ( | .|. | )

 

Ci-gît: le désir, l'absent

Qu'est la présence honnie

De ce qui se dérobe

Et peut-être déborde ( )


Quelque gouttes d'encre

En sanie du présent

Lentement je m'échancre

                                            

     Enseigne du ant (  )    

                                            

jeudi 27 août 2020

Heures creuses

Étaient-ils heureux, les sages de toutes cultures, recherchant le dépouillement toujours plus accompli, la dissolution de l'égo, des désirs et de toute volonté? Étaient-ils dépouillés de tout? Comme moi, ou bien leur restait-il la quête d'un but hégémonique et absolu: la réalisation du néant dans la conscience pure...?

Peut-être est-ce là la clef de leur entreprise: ils s'étaient dédiés corps et âme à un seul et unique but: l'anéantissement du désir. Et il faut pour cela un grand désir transmué en une volonté constante pour effeuiller ainsi la nature même du vivant.

Tandis que moi, que me reste-il... Abandonné à l'absolue instantanéité de mes désirs, rassis dans cette marmite frémissante où chaque promesse éclate aussitôt préformée et tombe derechef dans le ragoût primordial informe. Moi je n'ai rien: ballotté par le constant brassage des désirs cycliques, je ne tends vers rien.

Qui pourrait bien suivre la forme de mon destin, le contours de ces heures creuses que je me plais à vider de toute substance...?

Si seulement ma vie était un néant, elle aurait au moins pour elle la valeur de laisser place à tous les possibles. Mais elle est ce quelque chose persistant, suffisamment quelque chose pour n'être qu'un quasi-néant infect et disgracieux, la forme floue de trajectoires spectrales parce qu'à peine esquissées.

Ma pensée va trop loin pour moi, j'ai simulé tant de vies, et si rapidement, qu'il n'y a plus un chemin pour m'étonner encore et me donner envie...

Ma vie n'est que cette ombre des pensées fougueuses: un petit tas de ténèbres projetées qui singe unidimensionnellement la forme des vivants...

vendredi 7 août 2020

Le métier d'Homme

Remonter l'horlogerie de l'âme.
Rapiécer l'étoffe élimée.
Lutter contre sa propre entropie.
Repeindre les couleurs délavées.
Avancer contre un trop lourd courant.
Maintenir une croyance minimale

     Pour que tout ne soit pas néant instantané.

Tenir en bride les doutes laniaires.
Boucher la coque qui prend l'eau.
Tenir haut les voiles attaquées par les vents.
Rester à flot sous les lames acérées.
Élaguer,
Soigner,
Croître,
Protéger,
Enrichir,
Prier, silencieusement,
Pour que la terre asséchée, infertile
Qui ne laisse nulle chance
Aux quelques graines plantées
Ne s'effrite pas en un sable létale.

Comment rester en vie.
Comment exister.
Comment empêcher
Les flammes si vives
Qui mettent l'âme en feu,
Dévastent le chantier...

Puiser la force
En des sources improbables.
Absorber,
L'énergie des étoiles.

Pourtant...
La déréalisation,
Le désunivers,
Le désamour,
L'inertie,
La pétrification,
La stase,

Sont les lois de mon être.

Voué à l'échec,
Au naufrage.

Je dope ma volonté,
Injecte le sérum,
Dans le spectacle en ruines
D'un monde disloqué.

samedi 23 mai 2020

Regarde tomber les mondes

 

Observe en silence et regarde tomber les mondes un à un. Des mondes sans homme, des hommes sans bêtes, des mondes surpeuplés, des mondes inventés, des monts des merveilles, des abysses, des abîmes, des trous sans fonds où perdre sa raison dans le train des idées.

Regarde tomber l'existence à terre et regarde s'effriter la terre. Regarde sous tes pieds le ténu fil qui maintient la conscience d'exister à flot, regarde le, ce fil, s'élimer sous tes pas et regarde en arrière, ose le voir se défaire. Peut-être n'a-t-il jamais existé, ce fil que tu arpentes comme un chemin certain?

Regard panoramique, constellations d'étoiles trop lointaines, les cartes se mélangent et le désunivers te prend, il se régale de ton angoisse, de ta carcasse, de tes doutes, de tes croyances absurdes. Où es-tu maintenant?

Au néant! Au néant des destinées rêvées, au bout des choses indéfinies. Le bout sans bout de Tout.

Cours, cours petite bête angoissée, cours depuis le départ fantasmé jusqu'à l'arrivée de poussière qui sera le linceul glacé d'où tu contempleras les fantômes de victoires, de défaites, les fantômes de ta tête...

Gratte-toi la tête et voit tomber les mondes comme pellicules de photographies jaunies et consumées avant de toucher terre.

Et si la terre était un mensonge de plus que tu te fais en silence, par illusion consentie?

Tout cela est nécessaire, tout cela doit arriver. Oublie la raison suffisante, les fils incroyablement emmêlés de l'écheveau causal sont trop nombreux pour que tu les dénombres. Ton petit système cartographique, ta clôture insensée, la forme où tu te meus n'est rien, ou pas grand chose, une facétie de destin; tout comme l'air que tu conçois juste avant de le respirer, parce qu'il faut bien respirer après tout, sinon de quoi pourrions-nous vivre...?

Tu peux bien te figer dans d'infinies variations de positions du lotus. Tu peux méditer, imaginer l'union réalisée entre toi et ce mot que tu brandis comme étendard. Le réel n'est rien pour toi et l'Être encore moins.

Avance sur les courbes de ta petite image, reconnais face au miroir une forme qui te définis, et l'éclair d'un instant de vérité, vois tout cela se défaire d'un seul coup dans les tréfonds d'un doute étincelant, d'un vertige ravalé.

Non ce n'est pas la peste qui te mange, c'est la vérité petit homme, la vérité d'un cri que tu choisis pour signe de tout ce qui t'échappe.

Où tu te trouves n'est pas vraiment ici. Ce n'est jamais vraiment maintenant ou tout de suite. C'est toujours à côté. Dans l'innommé, l'ignoble relativité qui t'écartèle dès l'origine car tu n'es pas un point... L'atome n'existe pas autrement qu'en des contes de laborantins. Tu ne l'as jamais vu, tu ne vois jamais le fil primordial qui ourdit les complots de vie, tu ne vois jamais la chose ni la base de ce qui est.



Est-ce si douloureux? D'être dépourvu de centre, de fondement pour se dresser? Mais s'il n'y a rien sous le rythme ténu des songes, qu'est-ce donc qui te maintient conscient?

Regarde ton esprit siphonner les étoiles et plonge dans leur coeur. Jusqu'à la singularité, celle qui ne rentre pas dans ton puzzle car elle est la pièce informe qui l'entoure et le rend possible.

Possible, tout au plus un possible, une histoire sur le papier d'un tout, constitué par toi. Tu ne sauras jamais s'il s'est réalisé.

Va serein, va. Meurs pour un Dieu, tu ne sais pas même ce que sont tes idées. Meurs pour ce que tu auras choisi en ignorant ce qu'est la mort. Y a-t-il seulement un pont, une porte mythique que les âmes traversent au bout de leur récit? Y a-t-il seulement un voyage? Et si tout s’arrêtait ainsi, dans le néant qui annule même jusqu'à ce qui a existé?

Serait-ce intolérable que tu sois passé par ici sans jamais pourtant l'avoir fait? Serait-ce intolérable qu'une gomme nihiliste efface après ce court trajet le sillon de ta flamme?

Autant rester immobile, d'une illusion d'immobilité cependant, car tu n'es pas la cause de tes actes et même en ne faisant rien, tu es fait par ton corps, par ton âme, par tous les pores de l'existence qui t'excède et te porte en son giron mystérieux.

Médite, toi qui aime te donner du pouvoir, t'inventer des responsabilités futiles, médite sur ce coffre qui n'a pas de clé.

Moi aussi je suis comme toi. Suspendu dans l'instant d'une vacuité monotone qui ne cesse pourtant de m'étonner. Suspendu et agité par le remous de mes propres images, artisan de mon propre souffle.

Et si quelque chose, quelque part, cessait de relater cette histoire, si ce rien là demeurait insignifiant, rétif à dessiner la main qui se dessine elle-même pour se rendre possible... Et si tout s'arrêtait, comme cela, comme si tout ça n'avait jamais eu de début, pas la moindre once d'actualité...

Et si nous n'étions pas qu'un concept, une distance, un vide, la condition de choses qui sont; que serions-nous de plus...?



Source musicale:

mercredi 20 mai 2020

Ce rien n'est pas à craindre

Il y a des choses qui doivent s'étouffer dans la vaste étendue de rien.

Des allées vides où plus rien ne résonne.

Les champs fertiles du néant sont terre de tous les possibles. Goûtez-en chaque fleur, butinez leurs pistils amorphes et forgez-vous les formes de vos enchantements.

L'amour est un doux rêve qu'on se fait à soi-même, nulle chose ne peut vous le reprendre.

Il est des dissolutions qui ne retirent rien, des effeuillages nécessaires aux indéfinies floraisons.

Depuis quand le silence du vide est négation de Tout? Depuis quand le silence n'est plus la possibilité des chants?

Il y a des choses qui doivent se transformer dans l'annihilation des dogmes. La forme retourner à cette origine, absolue, d'images révolues. C'est toujours sur une feuille vierge que jaillissent traits de Volupté.

Faites place aux lacunes, au Rien qui vous écoute et bruisse silencieux de tous les pleurs et rires de l'Histoire des choses.

Ecoutez en vous, il n'y a rien, depuis toujours il n'y a jamais rien eu.

Ce rien n'est pas à craindre.



Source musicale:


mardi 28 janvier 2020

Je n'ai jamais trouvé tout ça très juste



Tu sais je n'ai jamais trouvé tout ça très juste
Que chacun vive sa vie comme si nous étions éternels
Quand c'est la mort au bout de chaque destin
Et qu'une à une les étoiles s'éteignent.

Il n'est pas juste non plus qu'une des deux extrémités d'un amour
Reste seule allumée
Quand c'est la seule chose que nous devrions pouvoir vivre
Sans concevoir de fin.

Que tes épaules droites et ton dos bien cambré
Aient tourné les talons à mon puits solitaire
Que toute ta chaleur se soit trop dissipée.

Ce n'est pas juste qu'un verre de vin t'ait remplacé
Que seules des images de toi me fassent danser
La valse des échoués là
Sur une piste déchirée des cieux.

Tu sais au fond rien de tout ça n'est juste:
Que mon destin demeure parallèle et jamais ne me croise
Que tout ce monde existe avec des yeux fermés
Quand les miens sont fixés sur un néant d'illimité.

Je suis sûr que tu es belle
Dans tes voluptés insouciantes
Avec ton coeur rebelle
Qui méprise le silence.

Il n'y a ni bonheur ni idéal
Alors à quoi bon vivre en croyant qu'un mensonge
Peut combler tout le vide entre deux absolus...

vendredi 7 décembre 2018

Sphère des pleurs

Que j'en finisse avec l'aurore
Moi? jamais!
J'irai me consumer dans les matins
Qui glissent dans l'horreur

Je suis du grand Ailleurs
Du coeur des bleues étoiles
Même un trou dans mes voiles
Se gonfle des rumeurs

Où lune et puis soleil
Se butinent en abeilles
Tandis que les cruelles lames
Déchirent d'autres âmes

J'ai bu l'eau du grand ciel
Siphonné chaque goutte
Dans ton calice en miel
Sillonné ma grand-route

Je ne suis pas bien loin
Dans l'ombre ou l'odeur du matin
Au creux sableux de tes doux rêves
Où orbite ma sève

Un jour, quand tout sera fini
Lorsque s'achève l'infini
Ma volonté perdurera immense
Comme une salle où déployer ta danse

Je suis venu des confins
D'un monde qui se meurt
Et dans le cercle de tes pleurs
Je viens chercher la fin

Et l'au-delà qui la succède
Où tout peut-être recommence
Dans le néant qui cède
Au son de sa romance

mardi 7 novembre 2017

L'amoureux des ruines (prose)

Ce poème est censé constituer les dernières lignes d'un roman éponyme dont j'ai terminé le premier jet. Peut-être que je ne l'incorporerai pas, we'll see... Il peut paraître quelque peu mystérieux et abscons en l'état, mais la lecture du roman qui le précède est censée lui donner le sens qu'il recèle. J'espère tout de même qu'il pourra être agréable, lu par vous-même ou par moi.

J'ai pris la liberté par moments de tricher avec la langue française, mais je me le suis permis parce que la poésie n'hésite pas à tricher (du moins historiquement) parfois, en modifiant l'orthographe de certains mots ou autres artifices du même acabit. Vous noterez donc qu'il m'arrive de prononcer un 'e' à la fin d'un mot qui n'en a pas (comme 'sol' par exemple). Les règles d'une langue sont arbitraires et malléables, et s'il faut j'écrirai ma poésie à coups de marteau :-)





Les cieux savent-ils à qui appartiennent ces doux cheveux ces longs cils, qui sous leur derme versatile abritent un grand tourment? Quel est la couleur des nuages celés sous le prénom d'Anis, quel est l'ardeur de ces orages qui sous son crânent glissent? Et si les cieux l'ignorent qui donc le saura? Et si personne ne sait qui est cet hôte élu de la souffrance, qui donc le sauvera? Je jette ici des mots, comme des cordes sur le pont d'un bateau, comme des mains qui raclent tout au fond des eaux, pour déterrer les os du souffrant silencieux. C'est mon ami, peut-être le vôtre aussi, celui dont les maux soufflent comme vent, tempêtes déferlantes, crêtes émoussées, écumes qui dansent au-dedans. Nous existons quand son furieux océan rugit, dans cette mer étale de nos vies, où s'étalent dérisoires nos  vains soucis.

Mais que sais-je moi, matelot des grands lacs, que sais-je du courage qu'il faut, pour affronter les flots. Des mers de colère je n'ai connu que quelques mots, échappés en sourdine de son corps agité, découpés en comptine qui pourraient le bercer. L'humain n'a jamais vu d'atomes mais connait ses effets, agence les fantômes pour s'en faire des images. Ainsi le monde intranquille où lutte un sans repos est devenu pour moi plus net qu'un tableau.

Le cataclysme, j'ai bien du mal à me le figurer. Mais c'est une belle ombre que je vois s'avancer, baguenauder fureter, sur chaque pierre où la folle est passée. C'est un mouvement vif et trop léger pour être capturé, je n'en ai que contours: flammèche mutine affûtée par les airs, qui joue silencieusement une musique de gestes sur des routes inempruntées. Sur chaque ruine où son pied s'est posé, partout lumière et vive légèreté. Tu es la silhouette qui orne les ruines de ta lueur secrète. Héraut du renouveau, la tornade est passée, partout tu chantes ton message en de possibles graines qui pourront germer: orbe-opales plus vastes que notre univers, puisqu'en un seul monde s'écoulent les cosmos comme d'indénombrables sphères.

Tu es l'être vivant logé dans ce pays, au creux des végétaux eux-mêmes qui ont enseveli, les pierres brisés, la poussière du passé qui sur le sol gît. Ils disent - vois entend leur naïveté - que détruire est moindre que bâtir, ils disent que nier n'est rien et pensent te séduire. Mais tu sais mieux que bien, que ton pays nouveau n'est rien, pas même une cendre glacée, sans les griffures du temps, sans le sombre néant, que porte l'ouragan, comme un enfant à naître; progéniture cruelle crucifiant ses parents mais bâtissant le ciel, où luira le soleil des prochaines moissons.

Tu panses les ruines de toutes tes pensées, du sol tu fais pousser les si vertes forêts, des châteaux écroulés tu peins des mélopées aux couleurs de ton sang qu'on aura fait couler. Ce sang où tu trempes la mine de ton âme, sans faire mine qu'il y eût là un drame. C'est bien le tien pourtant, fleuve de l'ancien temps abreuvant du jour nouveau les champs.

Tu n'avais pas de nom hier, tu l'oublieras demain. La tempête divise éparpille au loin, ce qui formait jadis une brève unité. Tu es l'écume phosphorescente qui succède au fracas, le clair soulagement d'un musicale éclat. Pour moi, pour eux, et pour les choses sans nom, tu es à jamais l'amoureux des ruines, s'ébattant sous la bruine de ton défunt parent.

Je ne sais si les cieux savent lire, mais ceux qui savent sauront désormais ce qui se cache sous les cheveux aux vent d'Anis. Peut-être verront-ils enfin - et toi la verras-tu ici? - la fertile élégance des lieux anéantis...